Clampages aortiques prolongés Ahmed Aziz KHALIFA service de chirurgie cardiaque, thoracique et vasculaire CHU BREST INTRODUCTION De nombreux travaux fondamentaux ont permis de comprendre les lésions tissulaires dues à l’ischémie et à la reperfusion et ainsi, de développer les bases biochimiques théoriques de la protection du myocarde. Cependant, aujourd’hui, personne ne peut répondre à cette question : “ quelle est la meilleure protection myocardique ? ”. Jusqu’à présent, une longue durée de clampage aortique était considérée comme un facteur de risque prédictif de la mortalité et de la morbidité opératoires L’efficacité d’une technique de protection myocardique n’est pas toujours facile à évaluer d’autant que les études cliniques prospectives randomisées ne sont pas toujours ni réalisables ni réalisées. La fin des années 90 a vu augmenter l’incidence de l’athérome coronaire extensif diffus dans notre recrutement développement de la reconstruction coronaire Leur nombre, la longueur de l'artériotomie nécessaire, la difficulté de l'éventuelle endartériectomie et le contrôle de la paroi résiduelle ont demandé du temps. TECHNIQUE DE PROTECTION MYOCARDIQUE PROTECTION MYOCARDIQUE 1 CEC normothermie active. Arrêt cardiaque injection antérograde sous clampage aortique partiel d’une solution sanguine chaude (2 g de KCl +100 mg de Xylocaïne® dilués dans 100 ml de sang chaud) PROTECTION MYOCARDIQUE 2 Cardioplégie Rétrograde continue pression dans le sinus coronaire (25 à 40 mmHg) La solution de Cardioplégie est constituée de sang artériel non dilué refroidi à 20°C +20 ml d'une solution citrate phosphate dextrose +3 g de KCl +20 ml de bicarbonate de soude à 4,2%, par litre de sang Reperfusion par voie rétrograde sur 5 min La solution de reperfusion est constituée de 750 ml de sang artériel non dilué à 37 °C +1 à 3 g de KCl +10 ml de mannitol à 10% +10 ml de bicarbonate de sodium à 4,2% +20 ml de glutamate +1 g de sulfate de magnésium +50 mg de Xylocaïne POURQUOI UN ARRET CARDIAQUE ANTEROGRADE SOUS CLAMPAGE PARTIEL? L'induction de l'arrêt cardiaque par l'injection antérograde d'une solution de cardioplégie au sang chaud la récupération des réserves énergétiques d'un cœur jusque-là non ischémique, suivant le principe du cœur perfusé non battant POURQUOI RETROGRADE? L'efficacité de l'injection de la cardioplégie par voie rétrograde a été démontrée plus particulièrement en cas d'insuffisance aortique ou de sténoses coronaires POURQUOI CARDIOPLEGIE SANGUINE? La supériorité de la cardioplégie sanguine sur les cardioplégies cristalloïdes a été démontrée. -Bonne oxygénation du myocarde aorte clampée -Lutte contre l’œdème myocardique -un meilleur système tampon lié à la présence de l’hémoglobine POURQUOI A 20°C ?? La température de la cardioplégie sanguine reste débattue 20°C nous semblait être un bon compromis l’hypothermie augmente la viscosité du sang et modifie la courbe de dissociation de l’hémoglobine La normothermie semblerait mal protéger le ventricule droit en cas d’injection rétrograde NOTRE ETUDE Entre 1996 et 2002, tout patient ayant eu un clampage aortique dépassant 150 min, a été inclus prospectivement dans cette étude, soit 168 opérés avec CEC par le même chirurgien au cours de cette période La durée de 150 min a été choisie afin d’inclure un nombre suffisant de patients et après lecture des rares articles qui traite des longues durées de clampage aortique La cardioplégie continue rétrograde au sang froid (20°C) étant le fruit d’une évolution régulière dans le service, faire une étude comparative avec une autre technique de protection myocardique (cardioplégie cristalloïde, cardioplégie antérograde) nous semblait effectuer “ marche arrière ” L’utilisation de l’Euroscore a permis de prédire un risque opératoire servant de base de comparaison avec les résultats observés, en tenant compte de la gravité des cas 80 70 60 50 40 PATIENTS 30 20 10 0 Euroscore<2 Euroscore 3- Euroscore>6 5 (44%) TABLEAU I – LES FACTEURS DE RISQUE OPERATOIRE Patient n (%) Le terrain Age inférieur à 60 ans Age de 60 à 65 ans Age de 65 à 70 ans Age de 70 à 75 ans Age de 75 à 80 ans Age de 80 à 85 ans 41 (24) 31 (18) 37 (22) 32 (19) 23 (14) 4 (2) Sexe féminin 46 (27) Insuffisance respiratoire chronique traitée par broncho-dilatateur ou corticoïde 15 (9) Artériopathie périphérique 39 (23) Pathologie neurologique invalidante affectant la vie courante 8 (5) Ré-intervention cardiaque 5 (3) Créatininémie supérieure à 200 µmol/l ou dialyse chronique Angor de repos traité par dérivés nitrés intraveineux jusqu’à l’intervention 8 (5) Patient n (%) 15 (9) Infarctus du myocarde récent datant de moins de 90 jours 45 (27) Endocardite active toujours sous antibiothérapie au moment de l’intervention 5 (3) Fraction d’éjection du ventricule gauche comprise entre 30 et 50 % 35 (21) Fraction d’éjection du ventricule gauche inférieure à 30% 6 (4) Hypertension artérielle pulmonaire supérieure à 60 mm de Hg 7 (4) Etat critique pré-opératoire Urgence chirurgicale réalisée avant le lendemain 11 (7) Patient n (%) 11 (7) Intervention autre que des pontages coronaires isolés. 73 (43) Chirurgie de l’aorte thoracique 5 (3) Rupture septale post infarctus 1 (1) Statut cardiaque pré-opératoire Type d’intervention Les interventions pratiquées Revascularisation myocardique isolée 95 patients (56,6%) Reconstruction coronaire (56%) RC+Endartériectomie coronaire (31%) Remplacement valvulaire isolé 29 patients (17,3%) 16 de la valve aortique et 13 de la valve mitrale RVA + pontages coronaires 21 patients. RVM + pontages coronaires 2 patients. double remplacement valvulaire mitral et aortique 9 patients. Intervention de Dor +pontages coronaires 6 patients Une intervention sur l’aorte thoracique 5 patients (3%). Rupture septale post infarctus + pontage coronaire 1 patient (0,6%). RESULTATS Le déroulement opératoire La défibrillation du cœur spontanée 163 patients (97%) après un choc électrique 5 patients (3%) Le sevrage de la CEC simple 156 patients (92,9%) difficile 12 patients (7,1%) BIACPD Reprise CEC 4 patients 2 patients. La durée moyenne de CEC était de 239 ± 58 min (168 à 523 min). morbidité & mortalité post-opératoire La mortalité opératoire observée est comparable à celle publiée dans les études traitant des durées prolongées de clampage aortique, de 3 à 10% La comparaison de la mortalité opératoire observée à celle prédite par l’Euroscore montre que l’allongement de la durée de clampage aortique ne semble pas majorer la mortalité opératoire (p>0,05). 14 12 10 motlaité prédite % mortalité observée % 8 6 4 2 0 risque faible risque intermediare risque élévé population totale TABLEAU II - LA MORBIDITE ET LA MORTALITE POST-OPERATOIRES Complications postopératoires Patient Cause des décès n (%) n (%) Infarctus du myocarde 6 (4) 1 (17) Bas débit cardiaque 14 (8) Fibrillation ventriculaire 1 (1) Arythmie complète par fibrillation auriculaire 46 (27) Transfusion 40 (24) Reprise pour hémorragie 0 Insuffisance rénale 3 (2) Choc septique 1 (1) 1 (100) Syndrome de détresse respiratoire aiguë 7 (4) 4 (57) Broncho-pneumopathie 21 (12) Accident vasculaire cérébral 3 (2) Troubles psychiques 23 (14) Infarctus mésentérique 1 (1) Sternite 5 (3) 1 (100) 2 (67) 1 (100) Conclusion la protection myocardique associant CEC en normothermie, arrêt cardiaque par cardioplégie sanguine chaude antérograde cardioplégie continue rétrograde au sang à 20°C reperfusion sanguine chaude pré-déclampage permet de prolonger le clampage aortique si nécessaire sans majorer la mortalité et la morbidité opératoires Le taux d’infarctus du myocarde MAIS??? Durée de CA prolongée = Durée de CEC prolongée Dans notre pratique Normothermie active Cell saver Mini CEC ou circuits clos Assistance prolongée après CA long Hémofiltration si besoin Maintenir l’hématocrite >25% Surveillance CEC Bilans biologiques répétés Néanmoins les conséquences de CEC prolongée restent un vrai défit Les poumons SDRA 57% Le tube digestif Infarctus méséntrique