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La consommation en oxygène du coeur (mVO2) se contractant à son rythme de base est de 10-15
mL/100 gm/min; lorsqu’il fibrille, elle descend à 8 mL/100 gm/min (75% de la consommation de
base); lorsqu’il bat sans produire de travail éjectionnel pendant la CEC, le coeur ne consomme que le
50% de ce qu’il utilise normalement [189]. L’arrêt en diastole par le potassium réduit la
consommation d’O2 à environ 1 mL/100gm/min en normothermie, et à 0.3 mL/100gm/min en
hypothermie. Il persiste donc un faible besoin en oxygène dans le coeur arrêté. Comme l’apport est
nul, le métabolisme devient anaérobique, mais ce dernier ne peut pas utiliser les acides gras libres et
ne peut compter que sur la glycolyse et les acides aminés. Un oedème s’installe dans le myocarde
arrêté par cardioplégie parce que la cessation de toute activité rythmique interrompt le drainage
lymphatique du coeur, alors que la perfusion liquidienne continue [152].
La solution de cardioplégie doit permettre d’arrêter le coeur, de le protéger, et de lui fournir les
éléments de sa survie jusqu’à la reprise de son activité. Elle doit préserver ses réserves d’ATP et ses
enzymes intracellulaires, minimiser le métabolisme anaérobique, et prévenir la formation de
radicaux libres et de surcharge calcique à la reperfusion. L’augmentation de la concentration de
potassium extracellulaire diminue le potentiel de repos de la cellule et finit par la dépolariser. Ce
phénomène inactive les canaux sodiques et stoppe la formation d’un potentiel d’action
membranaire. Le coeur reste en diastole, dépolarisé jusqu’à ce que la concentration en K+ soit
suffisamment diminuée pour permettre la naissance d’un nouveau potentiel d’action. Les
concentrations en K+ utilisées dans les solutions de cardioplégie varient entre 18-20 mmol/L et 20-25
mmol/L pour les solutions froides et chaudes, respectivement [95]. Pour diminuer la charge nocive
en Ca2+, on ajoute du magnésium qui a pour effet d’orienter l’activité des mitochondries vers la
synthèse d’ATP plutôt que vers le repompage de Ca2+ [9]. Une certaine concentration de calcium est
nécessaire dans la cardioplégie, mais elle doit rester basse: 0.5-0.6 mmol/L dans les solutions
cristalloïdes et 0.2 mmol/l dans la cardioplégie au sang.
L’hypothermie est un élément majeur dans la protection myocardique, mais il n’y a pas de consensus
sur la température optimale; il semble qu’on gagne peu à descendre au-dessous de 12°, quoique la
plupart des centres choisit une température de 5-10° pour les solutions de cardioplégie [187].
Lorsque le coeur est en contact avec une solution glacée, le relargage massif de Ca2+par le réticulum
sarcoplasmique peut entraîner une contracture myocardique.
Malgré l’arrêt mécanique et le refroidissement, le coeur continue à consommer de l’énergie par
glycolyse anaérobe, ce qui produit une acidose intracellulaire; la récupération fonctionnelle est
inversement proportionnelle à la gravité de cette acidose. C’est la raison pour laquelle les solutions
de cardioplégie sont tamponnées avec du bicarbonate de Na+, du trometamol (Tris ou THAM), ou
d’autres agents (histidine, acétate, phosphate). L’adjonction de bicarbonate à des solutions froides
est un non-sens puisque ce dernier perd son pouvoir tampon à froid; seule la fonction imidazole de
l’histidine des protéines conserve le même degré de dissociation quelle que soit la température
(variation du pKa identique à celui de l’eau), donc conserve son pouvoir tampon en hypothermie
profonde. C’est un des avantages de la cardioplégie au sang. La solution choisie doit encore atteindre
sa cible. En cas de sténose coronarienne proximale serrée, le débit distal du perfusat est compromis.
De même, la perfusion sous-endocardique est réduite lorsque le ventricule fibrille. Lors d’insuffisance
aortique, la solution administrée à la racine de l’aorte fuit dans le ventricule qui se dilate, et ne
perfuse pas correctement les coronaires. Plusieurs voies d’administration sont possibles.
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Canule dans la racine aortique; c’est la voie classique; elle n’assure pas une perfusion
adéquate en cas d’insuffisance aortique (IA); même minime, une IA peut entraîner une
dilatation aiguë du VG. Pression de perfusion: 70-150 mmHg.
Canulation coronarienne directe par des canules de Spencer; technique utilisée en cas d’IA
majeure, elle présente le risque d’embolisation distale de plaques athéromateuses lorsque la
canule pénètre l’ostium coronarien. Pression de perfusion: 70-150 mmHg.
Cardioplégie rétrograde par le sinus coronaire; elle a l’avantage d’atteindre les territoires
distaux en cas de sténoses proximales serrées peu collatéralisées et d’éviter la fuite aortique,
mais elle ne protège pas le ventricule droit dont le drainage se fait par les veines de
Thébésius et non par le sinus coronaire. La canule est mise en place par une ponction de
l’OD; elle possède un ballonnet semi-occlusif. La pression de perfusion doit rester située
entre 30 et 40 mmHg; elle est mesurée par un capteur de pression séparé. Le débit est de
100-200 mL/min.
Perfusion des greffons veineux dès que l’anastomose distale est réalisée.
Une approche combinée est donc souvent nécessaire. Lors de réopération après une
revascularisation par pontage mammaire, le débit de CEC par cette dernière contrecarre le flux de la
cardioplégie et réchauffe constamment le coeur. L’artère mammaire systémique doit donc être
clampée au préalable; si sa dissection pose problème, l’arrêt peut être réalisé par un grand froid de
tout l’organisme (18-20°C), ou l’opération conduite en fibrillation ventriculaire.
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