cas clinique Cas Clinique Un cas donné, une méthode à adopter ou à discuter Se méfier des syndromes post-ponction lombaire qui durent T. Delangre, J. Augustin*, S. Sangla, T. De Brouker** Observation 1 C matologie s’estompe progressivement, la sortie est possible à J26. Elle reprend son travail au bout de deux mois. Une IRM de contrôle (J6O) retrouva l’hydrome sousdural bilatéral en bonne voie de résorption et sans œdème. Elle confirme en revanche une malformation d’Arnold-Chiari de type I (figure 3). ompliquant au moins 10 % des ponctions lombaires (PL), le syndrome post-PL est bénin, sauf lorsqu’il dure trop longtemps… Ces deux observations en apportent l’illustration. Une femme de 33 ans, sans antécédent, consulte pour des céphalées installées progressivement sur 24 heures, en période menstruelle. Elles sont pulsatiles, postérieures, accompagnées de nausées. Elles persistent sous bonne dose de paracétamol. L’hospitalisation paraît d’autant plus légitime qu’il existe, à l’examen, un syndrome méningé clinique avec raideur de nuque. La tomodensitométrie cérébrale (TDM) est normale, la ponction lombaire (PL) ramène un liquide céphalorachidien (LCR) clair, enrichi de quelques cellules (7 éléments, 45 hématies) et de quelques protéines (0,66 g/l). Glycorachie et chlorurorachie sont normales. On s’en tient au diagnostic de méningite virale malgré la négativité d’un bilan virologique non exhaustif mais honorable (Epstein Barr, cytomégalovirus, herpès simplex, rubivirus, varicelle, zona, virus). On ne s’étonne guère de quelques céphalées posturales qui vont en s’améliorant grâce aux bonnes paroles, à l’hydratation et à l’amitriptyline (15 gouttes par jour). À J7, la patiente modérément céphalalgique, apyrétique est donc renvoyée dans ses foyers sans trop d’états d’âme… Quatre jours plus tard, elle se présente à nouveau aux urgences. Les céphalées n’ont fait que croître et embellir, rendant l’orthostatisme et, par conséquent, toute activité ménagère impossible. Elle signale des acouphènes, des nausées et quelques cervicalgies, tandis que l’examen neurologique reste normal, de même que la courbe thermique. Son retour est prestement sanctionné par un blood-patch dont l’effet rappelle au mieux celui du fameux cautère sur la non moins fameuse jambe de bois… On reprend donc la neuro-imagerie, si succincte et si discrète lors de la première hospitalisation. Elle s’avérera bien plus productive. En effet, la TDM (figure 1) et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) (figure 2 et 3) retrouvent un hydrome sous-dural bilatéral, plus important à gauche, avec un œdème cérébral, une dilatation des plexus veineux et un engagement des amygdales cérébelleuses dans le foramen magnum. Sous corticoïdes (méthylprednisolone 32 mg par jour pendant 5 jours, puis diminution progressive sur 10 jours), la sympto- Figure 2. * Département de neurologie, CHU Charles-Nicolle, Rouen. ** Service de neurologie, hôpital Delafontaine, Saint-Denis. Act. Méd. Int. - Neurologie (1) n° 1, avril 2000 Figure 1. Figure 3. 28 cas clinique Cas Clinique Observation 2 Lorsque ce jeune homme de 28 ans fut hospitalisé en neurologie début mai pour l’installation progressive d’une hémiparésie droite, le diagnostic de sclérose en plaques fut d’autant plus facilement suspecté, qu’il signalait un antécédent inexploré et régressif de troubles de l’équilibre quelques années auparavant. Il bénéficia donc d’une première ponction lombaire (PL) suivie de 6 jours de céphalées permanentes, accentuées en position debout. À la suite de l’omission coupable du prélèvement pour l’électrophorèse des protides, il fallut retourner à l’ouvrage au 7e jour, bafouant ainsi les commandements du créateur, alors même que les maux de tête venaient péniblement de rétrocéder… Paradoxalement, cette seconde ponction lombaire fut mieux tolérée que la première, dans l’immédiat du moins, car il ne se plaignit pas de céphalées. Dans l’intervalle, l’IRM montrait des hypersignaux en T2, on ne peut plus caractéristiques. Grâce à une corticothérapie pulsée, sanctionnée par une amélioration substantielle, une victoire thérapeutique venait donc couronner le succès diagnostique. Tout allait pour le mieux lorsqu’un mois plus tard, après la reprise du travail, le jeune homme commença de nouveau à se plaindre de céphalées, d’orthostatisme, qui allaient empirer. Puis, un trouble de la vigilance s’installa motivant l’hospitalisation début août. À l’examen clinique, il n’y avait aucun signe de localisation. Le patient n’avait eu aucun traumatisme, il ne souffrait d’aucune tare, ni d’aucun trouble de l’hémostase. Le scanner cérébral mit cependant en évidence un hématome sous-dural bilatéral (figure 4). Opéré rapidement, le patient vit ses céphalées rétrocéder et put reprendre son activité professionnelle quelques semaines plus Figure 4. tard, tandis que le scanner cérébral pratiqué à 6 mois attestait d’une guérison anatomique aussi satisfaisante que l’évolution clinique. Commentaires Dans un minimum de 10 % des cas, car sur ce point les neurologues sont souvent plus optimistes que leurs patients, un syndrome post-PL suit la rachicentèse. On admet que ce syndrome résulte d’hypotension intracrânienne due à la fuite de LCR dans l’espace péridural, suite à la brèche dure-mérienne (1). Il a pour signe clinique essentiel une céphalée posturale disparaissant au décubitus (Tableau). Parfois accompagnée de nausées ou d’acouphènes, elle s’estompe usuellement en quelques jours ou réagit spectaculairement au blood patch efficace dans 90 à 98 % des cas (5, 6). Il est cependant inhabituel d’observer : – une aggravation secondaire de cet état céphalalgique ; – a fortiori la réapparition de céphalées après un intervalle libre ! – l’inefficacité du blood patch. Une nouvelle imagerie devient alors incontournable. Elle peut révéler des hydromes ou des hématomes sousduraux bilatéraux (1, 2). Dans ces observations, la normalité de l’imagerie initia- 29 le ne laisse guère de doute sur la relation de cause à effet. Ces complications de la PL entrent dans la logique du syndrome d’hypotension intracrânienne. La formation d’un hydrome sous-dural serait dû à une rupture de granulations arachnoïdiennes parasagittales (3, 4) qui peut se compliquer d’un véritable hématome sous-dural (2). L’engagement transitoire des amygdales cérébelleuses dans le foramen magnum a été déjà rapporté après une PL (7). Dans notre première observation, il persiste à distance, réalisant une malformation de Chiari de type I dont il est difficile de préciser le rôle dans la survenue de l’hydrome… Même si l’incidence de telles complications n’a jamais été évaluée, des cas régulièrement publiés nous en rappellent l’existence. Elles peuvent survenir dans toutes les circonstances de la PL volontaire (diagnostic, rachianesthésie, myélographie, chimiothérapies intrathécales…) ou fortuite (ponction durale accidentelle lors d’une analgésie péridurale…). En dépit de leur rareté, elles incitent à l’économie de PL et à une information préalable au patient. Tableau. Céphalées post-PL, critères diagnostiques selon l’IHS. céphalées bilatérales, apparaissant moins de 10 jours après une ponction lombaire ; " la céphalée apparaît ou s’aggrave moins de 15 minutes après un passage en orthostatisme. Elle disparaît ou s’améliore dans les 30 minutes qui suivent le retour en décubitus ; " la céphalée disparaît dans les 14 jours suivant la PL. Une persistance au-delà de ce délai doit faire discuter une fuite persistante de LCR et envisager son traitement éventuel par blood patch. " cas clinique Cas Clinique Références 1. Simon O., Cohen L., Pierrot-Deseilligny C. Syndrome post-ponction lombaire. Causes, prévention, traitements. Rev. Neurol. 1997 ; 153 (10) : 605-8. 2. Lavie F., Hervé D., De Broucker T. et coll. 5th International Congress of Neurological Surgery. Tokyo, Amsterdam ; Extra Medica Press, 1973. 4. Miyazaki S., Fukushima H., Ishii S. et coll. Chronic subdural hematoma after lumbar-subarachnoide analgesia for a cesarian section. Surgical Neurol. 1983 ; 19 : 459-60. Hématome sous-dural intracrânien bilatéral après ponction lombaire : un cas. Rev. Neurol. 1998 ; 154 (10) : 703-5. 5. Olsen K.S. Epidural blood patch in the treatement of post-lumbar puncture headache. Pain 1987 ; 30 : 293-303. 3. 6. Araki C. Pathology of chronic subdural hematoma and hygroma. Proceeding of the post dural puncture headache : a double blind study. Headache 1989 ; 29 : 630-2. 7. Sathi S., Stieg P.E. “Acquired” Chiari I malformation after multiple lumbar punctures : case report. Neurosurgery 1993 ; 32 (2) : 306-9. 8. Barton J.J., Sharpe J.A. Oscillopsia and horizontal nystagmus with accelerating slow phases following lumbar puncture in the Arnold-Chiari malformation. Ann Neurol 1993 ; 33(4) : 418-21. Seebacher J., Ribeiro V., Bousser M.G. Epidural blood patch in the treatement of Nos lettres écrivent le présent et l’avenir Act. Méd. Int. - Neurologie (1) n° 1, avril 2000 30