Observation 1
Une femme de 33 ans,
sans antécédent, consulte
pour des céphalées ins-
tallées progressivement
sur 24 heures, en période
menstruelle. Elles sont
pulsatiles, postérieures, accompagnées
de nausées. Elles persistent sous bonne
dose de paracétamol. L’hospitalisation
paraît d’autant plus légitime qu’il existe,
à l’examen, un syndrome méningé cli-
nique avec raideur de nuque. La tomo-
densitométrie cérébrale (TDM) est nor-
male, la ponction lombaire (PL) ramène
un liquide céphalorachidien (LCR) clair,
enrichi de quelques cellules (7 éléments,
45 hématies) et de quelques protéines
(0,66 g/l). Glycorachie et chlorurorachie
sont normales. On s’en tient au diagnos-
tic de méningite virale malgré la négati-
vité d’un bilan virologique non exhaustif
mais honorable (Epstein Barr, cytoméga-
lovirus, herpès simplex, rubivirus, vari-
celle, zona, virus).
On ne s’étonne guère de quelques cépha-
lées posturales qui vont en s’améliorant
grâce aux bonnes paroles, à l’hydratation
et à l’amitriptyline (15 gouttes par
jour). À J7, la patiente modérément
céphalalgique, apyrétique est donc renvoyée
dans ses foyers sans trop d’états d’âme…
Quatre jours plus tard, elle se présente à
nouveau aux urgences. Les céphalées n’ont
fait que croître et embellir, rendant l’ortho-
statisme et, par conséquent, toute activité
ménagère impossible. Elle signale des
acouphènes, des nausées et quelques cervi-
calgies, tandis que l’examen neurologique
reste normal, de même que la courbe ther-
mique. Son retour est prestement sanction-
né par un blood-patch dont l’effet rappelle
au mieux celui du fameux cautère sur la
non moins fameuse jambe de bois… On
reprend donc la neuro-imagerie, si succincte
et si discrète lors de la première hospitali-
sation. Elle s’avérera bien plus productive.
En effet, la TDM (figure 1) et l’imagerie
par résonance magnétique (IRM) (figure 2
et 3) retrouvent un hydrome sous-dural
bilatéral, plus important à gauche, avec un
œdème cérébral, une dilatation des plexus
veineux et un engagement des amygdales
cérébelleuses dans le foramen magnum.
Sous corticoïdes (méthylprednisolone
32 mg par jour pendant 5 jours, puis dimi-
nution progressive sur 10 jours), la sympto-
matologie s’estompe pro-
gressivement, la sortie est
possible à J26.
Elle reprend son travail au
bout de deux mois. Une
IRM de contrôle (J6O)
retrouva l’hydrome sous-
dural bilatéral en bonne
voie de résorption et sans œdème. Elle
confirme en revanche une malformation
d’Arnold-Chiari de type I (figure 3).
28
Act. Méd. Int. - Neurologie (1) n° 1, avril 2000
cas clinique
Compliquant au moins 10 % des ponctions
lombaires (PL), le syndrome post-PL est bénin,
sauf lorsqu’il dure trop longtemps…
Ces deux observations en apportent l’illustration.
* Département de neurologie,
CHU Charles-Nicolle, Rouen.
** Service de neurologie,
hôpital Delafontaine, Saint-Denis. Figure 1. Figure 3.
Figure 2.
Cas Clinique
Se méfier des syndromes
post-ponction lombaire qui durent
T. Delangre, J. Augustin*, S. Sangla, T. De Brouker**
Un cas donné,
une méthode
à adopter
ou à discuter
29
Observation 2
Lorsque ce jeune homme de 28 ans fut
hospitalisé en neurologie début mai
pour l’installation progressive d’une
hémiparésie droite, le diagnostic de
sclérose en plaques fut d’autant plus
facilement suspecté, qu’il signalait un
antécédent inexploré et régressif de
troubles de l’équilibre quelques années
auparavant. Il bénéficia donc d’une pre-
mière ponction lombaire (PL) suivie de
6 jours de céphalées permanentes,
accentuées en position debout. À la
suite de l’omission coupable du prélève-
ment pour l’électrophorèse des protides,
il fallut retourner à l’ouvrage au 7ejour,
bafouant ainsi les commandements du
créateur, alors même que les maux de
tête venaient péniblement de rétrocé-
der… Paradoxalement, cette seconde
ponction lombaire fut mieux tolérée que
la première, dans l’immédiat du moins,
car il ne se plaignit pas de céphalées.
Dans l’intervalle, l’IRM montrait des
hypersignaux en T2, on ne peut plus
caractéristiques. Grâce à une corticothé-
rapie pulsée, sanctionnée par une amé-
lioration substantielle, une victoire thé-
rapeutique venait donc couronner le
succès diagnostique.
Tout allait pour le mieux lorsqu’un mois
plus tard, après la reprise du travail, le
jeune homme commença de nouveau à
se plaindre de céphalées, d’orthostatis-
me, qui allaient empirer. Puis, un
trouble de la vigilance s’installa moti-
vant l’hospitalisation début août. À
l’examen clinique, il n’y avait aucun
signe de localisation. Le patient n’avait
eu aucun traumatisme, il ne souffrait
d’aucune tare, ni d’aucun trouble de
l’hémostase. Le scanner cérébral mit
cependant en évidence un hématome
sous-dural bilatéral (figure 4). Opéré
rapidement, le patient vit ses céphalées
rétrocéder et put reprendre son activité
professionnelle quelques semaines plus
tard, tandis que le scanner cérébral pra-
tiqué à 6 mois attestait d’une guérison
anatomique aussi satisfaisante que
l’évolution clinique.
Commentaires
Dans un minimum de 10 % des cas, car
sur ce point les neurologues sont souvent
plus optimistes que leurs patients, un
syndrome post-PL suit la rachicentèse.
On admet que ce syndrome résulte d’hy-
potension intracrânienne due à la fuite de
LCR dans l’espace péridural, suite à la
brèche dure-mérienne (1). Il a pour signe
clinique essentiel une céphalée posturale
disparaissant au décubitus (Tableau).
Parfois accompagnée de nausées ou
d’acouphènes, elle s’estompe usuelle-
ment en quelques jours ou réagit specta-
culairement au blood patch efficace dans
90 à 98 % des cas (5, 6).
Il est cependant inhabituel d’observer :
– une aggravation secondaire de cet état
céphalalgique ;
– a fortiori la réapparition de céphalées
après un intervalle libre !
– l’inefficacité du blood patch.
Une nouvelle imagerie devient alors
incontournable. Elle peut révéler des
hydromes ou des hématomes sous-
duraux bilatéraux (1, 2). Dans ces obser-
vations, la normalité de l’imagerie initia-
le ne laisse guère de doute sur la relation
de cause à effet. Ces complications de la
PL entrent dans la logique du syndrome
d’hypotension intracrânienne. La forma-
tion d’un hydrome sous-dural serait dû à
une rupture de granulations arachnoï-
diennes parasagittales (3, 4) qui peut se
compliquer d’un véritable hématome
sous-dural (2).
L’engagement transitoire des amygdales
cérébelleuses dans le foramen magnum a
été déjà rapporté après une PL (7). Dans
notre première observation, il persiste à
distance, réalisant une malformation de
Chiari de type I dont il est difficile de
préciser le rôle dans la survenue de l’hy-
drome…
Même si l’incidence de telles complica-
tions n’a jamais été évaluée, des cas
régulièrement publiés nous en rappellent
l’existence. Elles peuvent survenir dans
toutes les circonstances de la PL volon-
taire (diagnostic, rachianesthésie, myélo-
graphie, chimiothérapies intrathé-
cales…) ou fortuite (ponction durale
accidentelle lors d’une analgésie péridu-
rale…). En dépit de leur rareté, elles
incitent à l’économie de PL et à une
information préalable au patient.
Tableau. Céphalées post-PL, critères dia-
gnostiques selon l’IHS.
"céphalées bilatérales, apparaissant
moins de 10 jours après une ponction
lombaire ;
"la céphalée apparaît ou s’aggrave
moins de 15 minutes après un passage
en orthostatisme. Elle disparaît ou
s’améliore dans les 30 minutes qui sui-
vent le retour en décubitus ;
"la céphalée disparaît dans les 14 jours
suivant la PL. Une persistance au-delà
de ce délai doit faire discuter une fuite
persistante de LCR et envisager son
traitement éventuel par blood patch.
Figure 4.
cas clinique
Cas Clinique
30
Act. Méd. Int. - Neurologie (1) n° 1, avril 2000
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phases following lumbar puncture in the
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1993 ; 33(4) : 418-21.
cas clinique
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