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Le Courrier de l’algologie (2), no4, octobre/novembre/décembre 2003
Mise au point
Mise au point
Céphalées positionnelles
Céphalées par hypotension intracrânienne idiopathique
Une cause méconnue de céphalées
Alice Le Bayon*, Jacques Ripart**, Pierre Labauge*
Elles doivent survenir ou se majorer
moins de 15 minutes après la mise en
orthostatisme, et disparaître ou di-
minuer moins de 30 minutes après
la reprise du décubitus (1). Le délai
moyen de survenue de la céphalée
lors du passage à l’orthostatisme
est estimé à 20 secondes (extrêmes :
0-15 minutes). L’intensité en est in-
versement proportionnelle à la
latence d’installation. Les céphalées
sont le plus souvent diffuses, mais
elles peuvent cependant être locali-
sées au niveau des régions frontales
ou occipitales (2). Elles sont aggra-
vées par certaines circonstances
(changements de position de la tête,
effort de toux, éternuement, com-
pression des veines jugulaires).
D’autres symptômes fonctionnels
peuvent être associés : nausées, vo-
missements, photophobie, douleurs
interscapulaires, cervicalgies, ma-
laises mal expliqués, amputation du
champ visuel (3), surdité ou vertiges
(atteintes du VII), atteinte de l’ocu-
lomotricité (parésie du VI). Une dis-
crète raideur méningée ou une bra-
dycardie ont été plus rarement rap-
portées. L’examen clinique est gé-
néralement normal.
La fréquence des céphalées par hy-
potension intracrânienne est incon-
nue, mais elles sont cependant de plus
en plus fréquemment rapportées dans
la littérature (4, 5). Leur diagnostic,
qui repose essentiellement sur l’in-
terrogatoire, n’est probablement pas
porté dans un certain nombre de cas.
Certains examens complémentaires
peuvent y aider. La pression d’ou-
verture du LCR est diminuée
(< 70 mm H2O), voire nulle. Elle peut
être normale si la ponction lombaire
est réalisée après une période pro-
longée de décubitus. Celle-ci ne doit
pas être systématiquement réalisée et
doit être réservée aux cas douteux ou,
le cas échéant, effectuée lors de la
réalisation de la gamma-cisternogra-
phie. La composition du liquide cé-
phalorachidien est le plus souvent
normale, tandis qu’une hyperprotéi-
norachie et une léiocytose modérées
sont rarement rencontrées. Les exa-
mens neuroradiologiques (scanner
cérébral et IRM) ont pour objec-
tif d’éliminer une lésion expansive
intracrânienne et une thrombophlé-
bite cérébrale. Certains aspects ra-
diologiques sont de plus en plus sou-
vent reconnus et aident à confirmer
le diagnostic : diminution de la taille
des ventricules cérébraux, descente
des amygdales cérébelleuses dans
le trou occipital, diminution de la
taille des citernes de la base et des ci-
ternes prépontique et périchiasma-
tique, rehaussement des espaces
sous-arachnoïdiens par l’injection
de gadolinium (6-9), rehaussement
de l’hypophyse par le produit de
contraste, ce dernier aspect pouvant
parfois simuler une tumeur (10, 11).
Classiquement, l’espace épidural est
respecté. L’aspect de rehaussement
des espaces sous-arachnoïdiens n’est
pas spécifique et, en dehors d’un
contexte clinique évocateur, doit faire
rechercher une méningite, cancéreuse
ou infectieuse.
Une cause évidente est le plus
souvent retrouvée à l’interrogatoire
(antécédent de ponction lombaire ou
de rachianesthésie, incident lors de la
pose d’une anesthésie péridurale,
chirurgie rachidienne, traumatismes
crâniens ou rachidiens, valves de dé-
rivation, tumeur pituitaire entraînant
une fuite de LCR dans le pharynx).
Une exploration de la moelle cer-
vico-dorsale par IRM est nécessaire,
à la recherche d’une brèche dure-mé-
rienne. Exceptionnellement, des af-
fections générales peuvent entraîner
une hypotension intracrânienne
(déshydratation, insuffisance rénale,
perfusion de soluté hypertonique,
etc.). En l’absence d’étiologie, le dia-
gnostic d’hypotension intracrâ-
nienne idiopathique est retenu, af-
fection dont la physiopathologie
reste mal connue. La cinétique du
* Service de neurologie et ** Département
d’anesthésie-douleur, CHU de Montpellier-Nîmes,
groupe hospitalo-universitaire Caremeau, Nîmes.
L
es céphalées, classées en 1988 suivant les critères de l’Interna-
tional Headache Society
(1)
, constituent un motif fréquent de
consultation neurologique. Les céphalées par hypotension intracrânienne
sont définies par l’apparition ou par l’aggravation de céphalées lors de
l’orthostatisme.
Mots-clés : Céphalées - Hypotension - Blood patch.
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Le Courrier de l’algologie (2), no4, octobre/novembre/décembre 2003
LCR est habituellement incriminée :
diminution de production, augmen-
tation de résorption, fuite de LCR
par le biais de brèches dure-mé-
riennes microscopiques. Une élimi-
nation excessive du LCR a pu être
mise en évidence au niveau rénal par
traceur radioactif (gamma-cisterno-
graphie) (12, 13). Il a été également
mis en évidence une dilatation des
veines épidurales cervicales (14). La
symptomatologie douloureuse est
expliquée par la traction des vais-
seaux cérébraux et de la dure-mère
lors du passage en orthostatisme.
Une vasodilatation veineuse secon-
daire pourrait également contribuer
à l’aggravation des céphalées.
Le traitement symptomatique, sou-
vent peu ou non efficace, fait classi-
quement appel au décubitus, à la
prescription d’antalgiques, voire à
une corticothérapie de brève durée.
En fait, seul un traitement par caféine
à fortes doses, par voie orale ou in-
jectable (15, 16), a démontré une ef-
ficacité transitoire. Le traitement re-
pose en fait sur le blood patch dural,
qui doit être réalisé précocement : il
consiste en une injection épidurale
de 10 à 20 mL de sang autologue,
parfois plus, dans des conditions
d’asepsie stricte (anesthésiste en-
traîné, bloc opératoire). L’efficacité
en est complète et rapide dans plus de
75 % des cas (17), parfois immédiate,
avec disparition des céphalées en
quelques minutes ou quelques
heures (18). Une efficacité impar-
faite, une récidive, voire un échec
peuvent nécessiter la réalisation d’un
deuxième, voire d’un troisième blood
patch. L’efficacité clinique du traite-
ment par blood patch peut être confir-
mée par la normalisation de
l’IRM (19). Le taux d’efficacité du
blood patch est évalué à 61 % à court
terme et à 87 % à long terme. Des ré-
cidives à distance peuvent toutefois
être notées, qui peuvent représenter
une indication de blood patch de la
même façon que les céphalées per-
sistantes non traitées jusqu’à deux
ans après la brèche durale.
Conclusion
Les céphalées par hypotension intra-
crânienne ont des caractéristiques cli-
niques et radiologiques homogènes.
Leur dénominateur commun est l’ap-
parition de la symptomatologie lors
de la position debout. Lorsque aucune
cause favorisante n’est retrouvée, elles
sont qualifiées d’“idiopathiques”.
Leur connaissance est importante,
car elles répondent généralement à un
traitement par blood patch.
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Mise au point
Mise au point
Céphalées par hypotension intracrânienne idiopathique
Une cause méconnue de céphalées
Les céphalées ont été classées en 1988 dans la classification internationale des
céphalées (IHS, 1988). Leur apparition lors de l’orthostatisme est le plus souvent en
rapport avec une hypotension intracrânienne, généralement secondaire à une
brèche durale (ponction lombaire, accident de ponction lors d’une anesthésie ou
d’une analgésie péridurale). L’absence d’étiologie retrouvée conduit au diagnostic
d’hypotension intracrânienne idiopathique. La persistance des symptômes oriente
vers un traitement par
blood patch
péridural, particulièrement efficace.
Spontaneous intracranial hypotension
An unknown cause of postural headaches
According to the International Headache Society (IHS) classification from 1988,
secondary postural headaches are usually due to dural puncture (lumbar puncture,
inadvertent puncture during epidural anesthesia), otherwise known as Post Dural
Puncture Headache (PDPH). When an etiology cannot be determined the diagnosis of
Idiopathic Spontaneous Intracranial Hypotension is posed. Blood patches remain an
efficacious treatment when symptoms persist.
Keywords: Headache - Hypotension - Blood patch.
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