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La Lettre du Sénologue - n° 25 - juillet/août/septembre 2004
considéré que, pour une femme n’ayant aucun facteur de risque
de cancer du sein ou de pathologie vasculaire (et, a fortiori, aucun
antécédent de cancer du sein ou de maladie vasculaire), l’aug-
mentation de risque liée au THS ne justifiait pas, au niveau indi-
viduel, de ne pas prescrire de THS, sous réserve que celui-ci soit
prescrit dans les conditions indiquées précédemment et que les
sur-risques soient acceptés par la femme.
Les antécédents de cancer du sein constituent une contre-
indication absolue et définitive au THS. Les utilisatrices de
THS, plus fortement encore que les autres, doivent être inci-
tées à participer régulièrement au dépistage organisé du
cancer du sein par mammographie. Les femmes prenant un
THS ont un peu plus fréquemment que les autres des seins
denses, ce qui peut rendre difficile l’interprétation de la mam-
mographie. Les stratégies susceptibles de pallier cette difficulté
(échographie complémentaire, réduction de l’intervalle entre
deux mammographies) n’ont cependant pas été évaluées.
Chez une femme sans antécédent de pathologie cardiovascu-
laire, les facteurs de risque vasculaire peuvent ne constituer
qu’une contre-indication transitoire, s’ils sont correctement pris
en charge. Dans le domaine vasculaire, il existe des critères
internationalement reconnus définissant des niveaux de risque.
Il est important d’estimer ce risque avant de prescrire un THS.
Beaucoup de cliniciens le faisaient déjà, mais le THS étant sup-
posé réduire le risque cardiovasculaire – les risques throm-
boemboliques veineux du THS sont connus depuis plusieurs
a n n é e s –, l’existence de facteurs de risque ne constituait pas une
contre-indication au traitement. En ce qui concerne le risque
vasculaire, la commission n’a pas fait siens les arguments invo-
qués pour considérer que les résultats de l’essai WHI n’étaient
pas applicables à la population française. Ces arguments concer-
naient surtout les événements cardio- et cérébrovasculaires car
– et il n’est pas inutile de le rappeler – les autres risques retrou-
vés dans l’étude WHI étaient déjà connus. À l’exception de
l’indice de corpulence, la distribution des facteurs de risque vas-
culaire des femmes incluses dans la WHI est proche de celle des
femmes françaises de même âge. L’incidence des événements
coronaires dans le groupe placebo est faible, si l’on se réfère aux
critères internationaux évoqués précédemment ; celle des acci-
dents vasculaires cérébraux est, en revanche, plus élevée que
celle observée dans l’étude Monica.
D’un point de vue scientifique, il est strictement vrai que les
résultats d’une étude ne sont transposables qu’à une population
identique à celle incluse dans cette étude. En pratique, l’appli-
cation générale de cette règle reviendrait à invalider les résultats
de la plupart des grands essais internationaux. Plus générale-
ment, qu’il s’agisse de malades ou de personnes en bonne santé,
les personnes acceptant de participer à une recherche (essai thé-
rapeutique, étude de cohorte, etc.) ne sont pas représentatives de
l’ensemble de la population. L’attitude vis-à-vis des résultats de
la WHI n’a aucune raison de se distinguer de celle que l’on
adopterait pour une autre étude.
La commission d’audition n’a pas jugé non plus qu’elle dispo-
sait de données scientifiques suffisamment solides pour diffé-
rencier les effets du THS en fonction de sa nature ou de son
mode d’administration. Si des études suggèrent que les risques
de cancer du sein ou de maladie vasculaire pourraient être plus
faibles respectivement dans le cas d’utilisation de progestérone
micronisée ou pour les estrogènes administrés par voie extradi-
gestive, ces résultats doivent être confirmés.
Second point – tout aussi fondamental et naturellement de règle
dans la profession – avant toute prescription d’un THS, la femme
doit être préalablement correctement et objectivement informée
des bénéfices et des risques de ce traitement. Les recommanda-
tions et messages, relayés par médecins et médias, devraient per-
mettre aux femmes utilisatrices et ex-utilisatrices de mieux éva-
luer les risques encourus et donc, vraisemblablement, apaiser
leurs inquiétudes vis-à-vis du THS. Les femmes arrivant à l’âge
de la ménopause prendront, avec leur médecin, une décision
éclairée relativisant les bénéfices et les risques encourus avec ou
sans THS. Il apparaît en filigrane qu’il ne faudrait pas pour
autant que les femmes qui décident de ne pas prendre de THS ou
l’arrêtent se considèrent à l’abri de tout risque de cancer ou de
maladie vasculaire. Les messages insistent donc fortement sur
leur survenue possible, même après arrêt ou en l’absence de trai-
tement et rappellent que la ménopause marque l’entrée dans une
période de la vie des femmes caractérisée par une forte augmen-
tation de l’incidence du cancer du sein et des maladies vascu-
laires, que les femmes soient ou non sous THS.
CONCLUSION
Au final, les THS illustrent à nouveau la complexité d’un sujet
sur lequel beaucoup a déjà été dit et écrit, et pas seulement en
médecine : décision individuelle versus décision collective. Il
est vraisemblable que beaucoup de femmes correctement infor-
mées sur les risques du THS pourront juger les sur-risques
faibles et acceptables, sur une échelle subjective individuelle, et
donc considérer que les effets positifs du traitement sont supé-
rieurs à ces effets négatifs. Pourtant, si un nombre non négli-
geable des femmes de 50 à 60 ans adoptait cette même attitude
de non-aversion au risque, il en résulterait sur l’ensemble de la
population plusieurs centaines de cas supplémentaires de cancer
ou de maladie vasculaire – dont une part mortels – que les béné-
fices attendus en termes d’amélioration des troubles du clima-
t è r e : prévention des fractures voire prévention des cancers colo-
rectaux ne semblent pas à même de contrebalancer. La
commission d’audition publique, sur la base des modestes
chiffres dont elle disposait, a fait une première estimation, som-
maire, du bilan des bénéfices et des risques à l’échelle de la
population. En complément de leur intérêt informatif pour les
professionnels et les femmes concernées, ces chiffres, qui n’ont
de valeur qu’indicative, peuvent alimenter la réflexion des res-
ponsables de santé publique. Ils soulignent la nécessité d’un
débat profond, dépassant le cadre des seuls THS, entre l’accep-
tabilité d’un risque au niveau individuel et l’évaluation collec-
tive de ce risque, entre les attentes individuelles et l’utilité col-
lective d’une action médicale, qu’elle soit thérapeutique ou
diagnostique. Cette réflexion ne saurait concerner seulement les
responsables de santé. Elle ne peut aboutir que si professionnels
et patients s’y engagent aussi activement.
É
D I T O R I A L