É D I T O R I A L Le THS garde-t-il une place privilégiée dans la prévention des pathologies postménopausiques ? Is HRT still considered as the recommended treatment in the prevention of postmenopausal diseases ? ! C. L a position dominante, sinon exclusive, occupée par le THS pendant près de vingt-cinq ans dans la prévention des pathologies postménopausiques fait désormais partie du passé. Depuis quelques années, une intense recherche pharmaceutique a permis de mettre à la disposition du corps médical de nouvelles molécules, comme les SERM ou les bisphosphonates, dont l’efficacité antifracturaire a été bien établie. Une meilleure compréhension de leur mécanisme d’action nous laisse d’ailleurs espérer que leur bénéfice ne se limitera pas à la prévention de l’ostéoporose, et pourra peut-être s’étendre à la prévention des pathologies cardiovasculaires et carcinologiques des femmes ménopausées. C’est le cas du raloxifène pour le cancer du sein (1), mais ce pourrait être aussi celui des bisphosphonates, dont les effets sur les métastases osseuses (2) ou le risque cardiovasculaire, via leur impact sur la paroi vasculaire et le métabolisme des lipoprotéines (3), commencent à être documentés. Ribot* mal que de bien, car le nombre d’événements pathologiques provoqués (accidents cardiovasculaires, cancers du sein) serait supérieur à celui des pathologies évitées (fractures ostéoporotiques, cancer colorectal). Rappelons que la WHI (Women’s Health Initiative Study) est la plus grande étude de prévention jamais réalisée, puisqu’elle intéresse une cohorte de plus de 150 000 femmes nord-américaines ménopausées, sur lesquelles sera évalué sur dix ans l’impact de différentes stratégies de prévention. Le bilan, négatif au bout de cinq ans de surveillance, d’un schéma de prévention hormonale associant estrogènes et progestatifs en continu a donc conduit les responsables de ce travail à interrompre prématurément cette partie de l’étude. Ces résultats, s’ajoutant à ceux de la méta-analyse d’Oxford sur le risque de cancer du sein et la démonstration de l’absence d’effet protecteur du THS dans la prévention secondaire des pathologies cardiovasculaires (HERS, ERA...) ont eu un tel impact que nos confrères du Royaume-Uni se sont empressés de mettre un terme à leur étude WISDOM, étude de prévention assez comparable à la WHI, jugeant que la messe était dite et que le jeu n’en valait plus la chandelle. LES RÉSULTATS DE LA WHI Par ailleurs, depuis quelques mois, une avalanche de données issues de travaux méthodologiquement corrects et publiés dans des revues renommées incitent à revoir à la baisse les bénéfices escomptés de l’utilisation du traitement hormonal. Les résultats les plus récents, ceux de la WHI (4), suggèrent très fortement qu’une stratégie de prévention fondée sur l’utilisation d’un traitement hormonal ferait globalement, c’est-à-dire à l’échelle d’une population, plus de * Unité de ménopause et maladies osseuses métaboliques, hôpital de Rangueil, Toulouse. La Lettre du Rhumatologue - n° 289 - février 2003 LE RISQUE CARDIOVASCULAIRE En fait, l’élément nouveau apporté par l’étude WHI concerne l’effet nocif du THS sur le risque cardiovasculaire, notamment artériel. L’effet sur le risque thromboembolique veineux, qui était déjà documenté, n’est pas une surprise. Quant au surrisque de cancer du sein induit par un traitement hormonal prolongé de plus de cinq ans, il semble se confirmer, mais avec toujours les mêmes interrogations sur sa réalité en raison de sa faiblesse numérique (un cancer supplémentaire par an pour 1 000 femmes traitées). Ainsi le véritable problème reste celui du risque car3 É D I T O R I A L diovasculaire induit par le THS. Il n’était pas attendu, car tous les travaux fondamentaux, les études animales, les études cliniques d’observation démontrent un effet protecteur des estrogènes sur les composantes métaboliques et vasculaires de l’athérosclérose. Il n’est pas expliqué. Les variations du cholestérol et des lipoprotéines, jusqu’ici considérées comme des marqueurs de référence du risque cardiovasculaire, sont comparables sous THS aux modifications induites par les statines. Mais ces molécules possèdent aussi un rôle anti-inflammatoire qui est peut-être la clé de leur supériorité. Enfin, cet effet nocif du THS a d’autant plus “choqué” et entraîné l’arrêt de cette partie de l’étude que la prévention des accidents cardiovasculaires, problème de santé majeur aux États-Unis, constituait l’objectif principal de l’étude WHI. Remarquons cependant que la population étudiée avait déjà des facteurs de risque cardiovasculaires, dont l’obésité, que la moyenne d’âge était de 63 ans et que la question essentielle, celle du rôle du THS dans la prévention primaire du risque d’athérosclérose dans notre population, n’est pas résolue. Ces données “négatives” condamnent-elles pour autant le THS à ne plus jouer qu’un rôle d’appoint dans le traitement des pathologies postménopausiques ? (Voir aussi l’article de T. Thomas dans ce numéro). deux “demandes” (qualité de vie, prévention de l’ostéoporose) constituent les préoccupations essentielles des femmes à la période de la ménopause. Enfin, son effet sur la diminution de l’incidence du cancer colorectal, deuxième cause de mortalité par cancer chez les femmes, est loin d’être négligeable. CONCLUSION Que conclure de la place du THS et de toutes ces données nouvelles, parfois surmédiatisées ? " Ces données existent et nous devons en informer nos patientes. " Elles traduisent un progrès thérapeutique : l’alternative “traitement hormonal ou rien”, que nous avons tous connue, n’est plus aujourd’hui de mise. Nous avons à notre disposition un arsenal thérapeutique plus fourni, nous permettant de répondre plus efficacement à des situations cliniques considérées, dans un passé encore proche, comme “intraitables”. " Elles démontrent que le traitement hormonal, plus que jamais, doit être prescrit à bon escient, après une évaluation consciencieuse et bilatérale (patiente/médecin) de ses risques et de ses avantages. # LES ASPECTS POSITIFS Certainement pas, car ce traitement garde des cartes maîtresses dans son jeu. Tout d’abord, par ses effets généraux sur les troubles fonctionnels, l’état cutanéo-muqueux, les troubles sexologiques, il concourt à apporter une amélioration de la qualité de vie, demande principale de nombreuses femmes qui, par ailleurs, abordent leur ménopause en excellente santé. Son efficacité antiostéoporotique ne peut plus être remise en question après l’étude WHI, qui, il est important de le souligner, n’était pas ciblée sur les femmes à risque d’ostéoporose. Et n’oublions pas que ces 4 Bibliographie 1. Cummings SR, Ecket S, Krueger KA et al. The effect of raloxifene on risk of breast cancer in postmenopausal women. JAMA 1999 ; 281 : 2189-97. 2. Clezardin P, Gligorov J, Delmas P. Mechanisms of action of bisphosphonates on tumor cells and prospects for use in the treatment of malignant osteolysis. Joint Bone Spine 2000 ; 67 : 22-9. 3. Adami S, Braga V, Guidi G et al. Chronic intravenous aminobisphosphonate therapy incresases high-density lipoprotein cholesterol and decreases low densitylipoprotein cholesterol. J Bone Miner Res 2000 ; 15 : 599-604. 4. Writing group for the Women’s Health Initiative Investigators. Risks and benefits of estrogen plus progestin in healthy postmenopausal women. JAMA 2002 ; 288 : 321-33. La Lettre du Rhumatologue - n° 289 - février 2003