n 1941, Albright démontrait la relation entre méno-
pause et ostéoporose et mettait en évidence l’effet
préventif d’une estrogénothérapie sur le risque frac-
turaire. Depuis 60 ans, les travaux sur la prise en charge hor-
monale des conséquences de la ménopause se succèdent à un
rythme qui ne fléchit pas. Malgré cette débauche de publica-
tions, de très grandes incertitudes demeurent sur l’efficacité et
l’innocuité de ces traitements. Un certain nombre de points
semblent cependant acquis.
Le traitement hormonal substitutif traite comme nul autre les
bouffées de chaleur, améliore l’atrophie génito-urinaire et pré-
vient la perte osseuse postménopausique. Néanmoins, s’il ne
fait guère de doute que le THS diminue le risque fracturaire,
l’étude irréprochable basée sur des évidences manque pour
être totalement affirmatif. Au plan cardiovasculaire, nombreux
sont les arguments désignant la carence estrogénique comme
facteur de risque important de la coronaropathie. Après une
phase d’euphorie quant aux effets bénéfiques, sur cette corona-
ropathie, de la substitution hormonale, deux études récentes de
prévention secondaire négative viennent d’apporter de l’eau au
moulin des plus sceptiques. Curieusement, si la hache de
guerre semblait enterrée dans le conflit concernant les voies
d’administration de l’estradiol, ces deux études négatives font
relever la tête aux partisans des voies parentérales. L’adminis-
tration orale des estrogènes perturbe chez la femme les deux
marqueurs du risque coronarien les plus fiables : la protéine
Créactive et la fonction de la lipase hépatique, qui régule le
retour inverse du cholestérol, matérialisé par une élévation
concomitante et antiphysiologique du HDL-cholestérol et des
triglycérides. De plus, l’estrogénothérapie orale perturbe aussi
l’équilibre de la coagulation, comme en témoigne l’élévation
du taux circulant des fragments 1 + 2 de la prothrombine. Une
autre inconnue de taille pourrait également être décisive dans
le rapport bénéfice-risque du THS dans les années à venir : ce
traitement prévient-il ou non la maladie d’Alzheimer et le can-
cer du côlon ?
Des progestatifs doivent impérativement être associés aux
estrogènes dans le THS pour prévenir le développement d’une
hyperplasie de l’endomètre et, subséquemment, d’un cancer de
l’endomètre. Or, certains progestatifs comme le MPA s’oppo-
sent aux effets bénéfiques des estrogènes sur deux grandes
composantes de leur efficacité : l’effet antiathérogène et l’effet
vasodilatateur. Il est quasiment prouvé que la progestérone
naturelle mais aussi d’autres produits comme le nomégestrol
acétate et le NETA n’ont pas tous les effets délétères vascu-
laires du MPA. Ainsi, l’innocuité des progestatifs n’est pas
extrapolable de l’un à l’autre à l’intérieur d’une même classe,
et ce n’est pas l’effet androgénique qui peut être rendu respon-
sable de cet effet néfaste. Chaque produit devra donc être testé.
Reste le problème du cancer du sein : une multitude d’études
imparfaites (plus de 60) ont étudié les rapports entre estrogé-
nothérapie et découverte d’un cancer du sein. Les résultats
sont discordants. Pour améliorer le pouvoir statistique de ces
études, elles ont été additionnées (méta-analyse). Ainsi, le
résultat devient significatif (RR = 1,2). Cependant, la tech-
nique statistique de la méta-analyse ne peut être appliquée à
des études non randomisées. La significativité statistique
n’apporte donc pas plus de certitude que les études prises indi-
viduellement pour un RR aussi faible. Le risque de découvrir
un cancer du sein augmente avec la durée du traitement, certes,
mais qui dit traitement long dit âge plus élevé. Une femme qui
a pris un THS pendant 10 ans a en moyenne 60 ans, âge auquel
l’incidence du cancer du sein est maximale. Si le risque de
développer un cancer du sein est plus élevé au départ chez les
femmes traitées (biais d’inclusion), il est logique que le sur-
croît d’incidence se manifeste davantage avec l’âge, et donc
avec la durée du traitement. Par ailleurs, toutes les études
confirment que les femmes traitées sont mieux suivies que les
femmes non traitées : à quoi servirait le dépistage clinique et
mammographique s’il ne permettait pas de créer un risque
relatif de découverte de 1,2 ?
Enfin, les traitements estroprogestatifs augmenteraient davan-
tage ce RR que les traitements estrogéniques seuls. Dans ces
études, c’est parfois le traitement séquentiel qui est accusé ;
dans d’autres, c’est le traitement continu. Les progestatifs déri-
vés de la testostérone font parfois figure d’accusés, parfois de
protecteurs. Les RR avec les estrogènes seuls et avec les estro-
progestatifs ne sont jamais comparés statistiquement, et les
populations qui prennent tel ou tel type de traitement ne sont
pas analysées en termes de facteurs de risque. En tout état de
cause, rien n’est clair, mais, surtout, rien n’est inquiétant.
Ainsi le THS est-il loin d’avoir atteint l’âge de la maturité mal-
gré ses 50 ans. Nous ne sommes pas à la veille d’avoir des
réponses claires à ces innombrables questions capitales, et ce
pour une raison simple : les produits utilisés dans le THS ont
des coûts faibles et sont pour la plupart non brevetables, ou
tombés dans le domaine public. Quelle firme investira les
sommes faramineuses nécessaires à ces recherches ? Aucune,
sans doute…
En revanche, nous aurons les réponses concernant les nou-
veaux venus : SERM (raloxifène) et SAS (tibolone), car les
firmes investissent et investiront. Nous avons déjà des
réponses définitives pour le risque fracturaire et le raloxifène,
et les travaux promis nous font saliver d’impatience.
ÉDITORIAL
3
La Lettre du Gynécologue - n° 256 - novembre 2000
Traitement hormonal de la ménopause : entre bénéfices
et risques, entre certitudes et suppositions ?
C. Jamin*
* 169, bd Haussmann, 75008 Paris et service de gynécologie-obstétrique,
CHU Bichat-Claude-Bernard, 170, bd Ney, 75018 Paris.
E
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