R U M E U R S Revue de presse grand public “ Traiter son prochain de con n’est pas un outrage, c’est un diagnostic ” ● M. Escoute* t je vous fiche mon billet que, certainement, c’est le plus fréquemment posé ; curieusement, le moins souvent erroné et malheureusement le plus incurable ! Certes, quelquefois, il peut nécessiter quelques finesses sémiologiques mais nul besoin de longues veillées à la chandelle sur quelques grimoires obscurs emplis d’écorchés rosâtres ou de fastidieuses et austères études, pour en saisir toutes les infinies nuances. C’est un diagnostic aisé, rond, bien en bouche, parfois gouleyant ou capiteux, âpre ou madérisé, parfois susurré ou marmonné, vociféré ou claquant, tour à tour éblouissant de simplicité et atterrant de pronostic… mais fâcheusement moins efficace qu’une balle dum-dum. Bien compensé, fort heureusement, par cette délicieuse dilatation interne, ce petit rire argentin et apaisant du diagnostic pertinent devant un ensemble de signes finalement fort éloquents. Mais quel est ce raptus ? Quelle origine à ce doux délire ? Étant sensée écrire une revue de presse et non un plaidoyer pour un diagnostic. Les vagabondages d’un esprit, face à une presse catastrophiste pléthorique, sont parfois surprenants. Très curieuse association d’idées. Car à peu près aussi sempiternels et ennuyeux que les emplois fictifs et les financements occultes des partis politiques, on retrouve les Garcia-Marquez de la typographie et leur “chronique d’une mort annoncée” avec : “Traitement hormonal substitutif : attention danger” (Marie Claire) ; “Ménopause : le traitement hormonal recadré” (Ouest France) ; “Ménopause : les traitements substitutifs tuent” (Santé Pratique) ; “Traitement hormonal : un risque confirmé” (Prima) ; “Baisse énorme des prescriptions aux États-Unis” (Le Moniteur des pharmacies) ; “Traitement de la ménopause : prudence” (Le Progrès, l’Est Éclair, l’Union, Nice Matin, la Provence, la Dépêche du Midi) etc. Et chacun d’y aller de ses chiffres : “41 % d’accidents vasculaires cérébraux, 29 % de crises cardiaques, 50 % de phlébites… 6 cas de cancer du sein pour 1 000 femmes sous THS… 8 cas pour 10 000… 20 000 cancers du sein supplémentaires liés aux THS en Angleterre… 30 occurrences supplémentaires pour 10 000… 19 pour 1 000 après 10 ans… si les 2 millions de françaises avaient pris leur THS pendant 10 ans c’est 32 000 nouveaux cas…” Que disait Churchill déjà ? Ah oui : “Ne croyez aucune statistique que vous n’ayez falsifiée vous-même”. Parce que lorsque l’on voit cette avalanche de chiffres abscons, on peut se demander si les experts, en tapant sur leurs petites calculettes, n’étaient pas en pleine poussée d’arthrite digitale ! Alors imaginez la sémillante quinquagénaire face à ces chiffres terroristes ! De quoi se mettre à psalmodier le De Profundis ou déclamer dans un sursaut beaudelairien “et de longs corbillards sans tambours E * Clinique Sainte-Catherine, Avignon. 28 F. Dard ni musique défilent lentement dans mon âme ; l’espoir, vaincu, pleure, et l’angoisse, atroce, despotique, sur mon crâne incliné plante son drapeau noir”. Et si, en plus, on a à faire à une comptable, il ne lui faudra pas 10 ans pour chausser ses demi-lunes, poser 2 et retenir 3, et en arriver à la somme effarante de 15 à 20 000 cancers du sein supplémentaires, si l’on se tient à 6/1 000 et 2,5 millions de femmes sous THS ! Franchement quand on sait que seulement 19 % des femmes ont arrêté leur traitement à cette annonce (enquête Sofres AFEM 2003) (Elle, Marie Claire, Top Santé, 60 millions de consommateurs), Jacques Chirac peut être fier de ses françaises, on ne les effarouche pas comme ça ! (ou alors un c… – cf. plus haut – a encore faussé les statistiques concernant l’illettrisme et les malentendantes). Seul L’Est Républicain, aussi sonore qu’un couac dans un solo de clarinette, titre “Cancer du sein et THS : moindre mortalité”, où il est rapporté que l’on retrouve plus facilement des carcinomes lobulaires sous THS et que le pronostic serait meilleur. Mais le mot, ou plutôt le dessin, de la fin est donné par le Monde où l’humoriste Pessin fait dire à un médecin face à une patiente : “Si cela peut vous rassurer, avec ce médicament, le risque de procès est plus grand que le risque de cancer”. Mais basta du traitement hormonal substitutif ! La pile d’articles journalistiques d’épaisseur similaire, si ce n’est supérieure, concerne, je vous le donne en mille… la mise en route du dépistage organisé des cancers du sein ! Au secours, assez ! me direzvous... Je sais, je sais... Je vous ferais grâce de la charge de la cavalerie légère (d’autant que c’est le Bucéphale de notre cher J.F.M. adoré, Aaaaah, je défaille...) mais je ne peux m’empêcher de vous rapporter le titre étincelant et iconoclaste de Science et Vie paru le 1er janvier 2004 : “Cancer : le dépistage précoce est-il si utile ?” Dans cet article sont exposés tous les doutes bien connus sur l’efficacité réelle des dépistages (surtraitement ou décès inévitable d’un petit cancer dépisté avec années-maladie supplémentaires) et leurs effets délétères (faux positif et ses examens inutiles ou faux négatif et retard au diagnostic). Il fallait oser, surtout un lendemain de réveillon après divers excès tabagiques, gastronomiques, alcooliques-z-et sexuels, expliquer que le dépistage n’absolvait en rien les conduites orgiaques et les bacchanales frénétiques ! Dans l’Alsace, Métro, le Progrès, l’Écho républicain, on apprend qu’avec “une simple prise de sang pour détecter le cancer du sein”, la PME Diagénic (Oslo) a trouvé une méthode de détection des cancers du sein avant leur apparition radiographique grâce à la présence d’un “jeu” de gènes présent chez les femmes atteintes (vous venez d’investir dans un mammographe numérique ? Dommage…). Mais, comme il est précisé, il leur reste encore à vérifier si ce jeu de gènes est spécifique aux cancers La Lettre du Sénologue - n° 23 - janvier/février/mars 2004 du sein... C’est pas ce que l’on appelle vendre les poils de l’ursidé avant d’armer la pétoire ? manière, je ne vois qu’une hypothèse : les radiologues de l’hôpital de Thonon sont des escort boys déguisés en imageurs. (C’est où Thonon ?). Vous connaissiez les skis en fibre de carbone, les vélos, les raquettes de tennis, mais le carbone n’est pas seulement dédié aux sportifs, il existe maintenant des bombes à ions carbone et, aux dires du Pèlerin, elles vont remplacer nos bons vieux photons par leur précision et leurs effets trois fois supérieurs aux traitements classiques. Pour faire chic et branché dans les dîners mondains, sachez que cela s’appelle “l’hadronthérapie”. Incroyable, mais vrai ! Dans l’Écho des savanes : à la suite d’un canular lancé sur internet sous la fausse bannière de CNN, l’un des quatre grands quotidiens belges, la Dernière Heure, a publié les résultats d’une étude américaine de la très sérieuse université de Caroline du Sud portant sur 15 000 femmes et concluant que… “la fellation diminuerait le risque de cancer du sein de 40 %” ! Inutile de dire qu’il y eut une avalanche de mails enthousiastes dont la palme revient à “ma femme semble sortie d’affaire, mais je préfère continuer le traitement” ! Mais le clou est indiscutablement l’appel téléphonique de la Ligue contre le cancer demandant de lui transmettre le compte-rendu et les résultats de l’étude ! ■ Curieux ! À l’hôpital de Thonon, selon Marianne, les délais pour des mammographies de dépistage sont moins longs quand les consultations sont payantes que lorsqu’elles rentrent dans le cadre du dépistage organisé. Quand on sait que cet examen identique dans les deux cas est payé aux radiologues de la même ✂ À découper ou à photocopier OUI, JE M’ABONNE AU TRIMESTRIEL La Lettre du Sénologue Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules ❏ Collectivité ................................................................................. à l’attention de .............................................................................. 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