plusieurs ordres juridiques, particulièrement en Europe. Le point de
vue, relevant de la sociologie du droit ou de l’histoire contemporaine
du droit (pour des faits remontant à une période située entre 13 et
23 ans derrière nous), est celui de l’étude du « droit en action » à
propos d’une controverse provoquée par les mêmes faits, en l’occur-
rence une campagne publicitaire développée dans plusieurs pays.
Voir comment cette affaire a été traitée en Allemagne et en France,
c’est d’abord rendre compte des réactions suscitées à chaud, par le
déclenchement d’actions judiciaires mais aussi à travers des articles
de presse ou des interviews, par les affiches « HIV Positive » de
Benetton. Puis, une deuxième partie envisage comment ont été
invoqués des « grands principes » ou des droits fondamentaux, la
liberté d’expression et la dignité humaine, qui présentent des confi-
gurations et des histoires distinctes en Allemagne et en France. La
question est alors de déterminer dans quelle mesure des normes
anciennes, ou de prétendues traditions nationales, peuvent suffire à
régler des cas liés à de nouvelles questions, en l’occurrence la pandé-
mie du sida et l’usage de publicités provocantes. Une troisième par-
tie présente les acteurs de ces procès, en insistant sur le fait que l’ac-
tion a été portée en Allemagne par une association d’entrepreneurs
luttant contre la concurrence déloyale et en France par des malades
du sida. Des entretiens avec les avocats des parties, comme l’analyse
de la presse, ont permis de compléter les points de vue livrés par les
jugements eux-mêmes. L’argumentaire utilisé par les différents
juges dans cette affaire fait l’objet de la quatrième partie : à qui
s’adressent ces juges et avec quels types de justifications ? La cin-
quième partie se pose enfin la question de la portée de ces « cas dif-
ficiles » (hard cases) dont l’affaire Benetton serait un exemple.
À travers ces cinq perspectives sur l’« affaire Benetton », mêlant
événements factuels, technique juridique, examen de la presse,
réflexion historique et analyse contextuelle dans deux pays voisins,
le lecteur est invité à s’interroger sur la portée de ce que les théori-
ciens du droit appellent une « norme individuelle ». Une norme
individuelle ne s’impose qu’aux parties concernées, en l’occurrence
la société Benetton et les demandeurs qui l’ont attaquée en justice.
À propos d’une décision judiciaire ou d’une série de décisions qui a
« fait du bruit », on peut se demander si elle a donné naissance à
L’affaire Benetton ou une querelle d’affichage entre la France et l’Allemagne
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