Éthique: la publicité est-elle morale?
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SEXE ET NUDITÉ: DU SHOCKVERTISING
AU PORNO CHIC
L’une des accusations les plus courantes à l’encontre de la publicité
est liée à son exploitation du sexe, plus particulièrement lorsqu’il
s’agit de produits aux propriétés libidinales non intrinsèques. De ce
point de vue, il est indéniable que des abus flagrants ont existé et
existent encore aujourd’hui. Nécessité de se faire remarquer, recher-
che délibérée d’impact, le sexe et la nudité soutiennent clairement
une stratégie de provocation. S’agit-il d’une stratégie valable et
efficace? Rien n’est moins sûr, mais les marques qui décident de
l’employer le font en toute connaissance de cause et sont donc prêtes
à en assumer les conséquences, pour autant qu’elles ne les souhai-
tent tout simplement pas.
L’affaire ne date pas d’aujourd’hui. Dès les années soixante, les
bien-pensants se sont bruyamment chargés de dénoncer l’exploita-
tion du statut – mais aussi déjà du corps – de la femme dans la
publicité. La fameuse «libération sexuelle» de 1968 n’a aucunement
mis un terme aux revendications des femmes pour mettre fin à ces
abus. Émancipation: oui, exploitation: non. Ce faisant, les publici-
taires ont allègrement continué à se servir de la nudité féminine
pour vendre tout et n’importe quoi. Mais c’est surtout à la fin des
années quatre-vingt-dix que la provocation sexuelle s’est institu-
tionnalisée dans la publicité avec l’émergence du shockvertising, du
glam trash et du porno chic.
Stratégie créative exploitant la provocation dans le seul but de créer
la polémique, le shockvertising se nourrit de violence, de sexe, de
mort et de racisme. Pour sa part, avec des poses volontairement
suggestives, le porno chic puise son inspiration dans les codes de
soumission, renvoyant à des situations de viols ou de violences con-
jugales. On remarquera que le porno chic est presque exclusive-
ment utilisé dans le cadre de la communication pour les produits de
luxe, estampillés haut de gamme (Dior, Dolce & Gabbana, Gucci,
Sisley, Yves Saint Laurent, Versace…). Quant au glam trash, avec
ses colliers en or, pendentifs trafiqués, voitures de prestige et quin-
caillerie de rappeurs, il provient de la culture américaine hip hop.
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