Benetton : un exemple d’entreprise en réseau « La structure de Benetton est flexible, quoique contrôlée, souple comme les lainages avec lesquels on nous compare souvent ». Luciano BENETTON Thierry Pénard Université de Rennes 1 Le secteur du Textile-habillement • Une industrie mondiale, très concurrentielle • plus de 170 pays producteurs – délocalisation de la production vers les PVD • Rôle central de la demande • demande stagnante – coefficient budgétaire dans les ménages français de 7,2% en 1980 à 6,2% en 1993 • demande cyclique et volatile, sensible à la mode • importance de la distribution (autour de 50% du prix de détail) – rôle des soldes : 1/3 du CA Page 1 Le textile habillement • Une industrie traditionnellement de main d’œuvre (peu qualifié) • Mais évolution vers une industrie de plus en plus capitalistique – rôle clé de l’innovation, des TIC (CAO, PAO...) – compétitivité coût, mais aussi «hors coût»: • qualité, positionnement/image, réactivité, délais de livraison Comment expliquer la réussite de Benetton dans le secteur très concurrentiel du textile ? • par les qualités d'entrepreneur de la famille Benetton ? • par le positionnement des produits Benetton ? • par une organisation et une coordination efficace de la production et de la distribution ? Sans aucun doute, les trois à la fois mais c'est le dernier élément qui est le principal facteur du succès Page 2 Plan de la séance 1 Description de la structure organisationnelle de Benetton la production la distribution le système d'information 2 Explications théoriques par la théorie des coûts de transaction par la théorie des contrats incomplets La structure de Benetton : la principale clé du succès • une production largement externalisée • mais une intégration des activités de R&D (stylisme, création), d'achats de la matière première (laine et couleur), de teinture, d'emballage et de publicité • un réseau de magasins indépendants et exclusifs, avec des agents intermédiaires entre les magasins et Benetton • un système d'information reliant les magasins, les agents, les usines et le siège de Benetton Page 3 Benetton et les sous traitants (I) Etape de production Degré d’externalisation Nombre de soustraitants Tissage Assemblage Apprêtage Teinture Finition 70 à 80 100 3 0 20 99 % 100 % 70 à 75 % 0% 95 % 450 sous-traitants dont 85% proche du siège (en Vénétie) 95% des sous-traitants travaillent exclusivement pour Benetton contrôle de qualité des sous-traitants Benetton et les sous traitants (II) • Typologie de la sous traitance : – relation traditionnelle: court terme => – relation logistique (Juste à temps, TQM : innovations managériales et techniques) => – partenariat: développement technologique commun, innovation de produit • Benetton se rapproche de ce modèle de partenariat – mais évolution vers un organisation pyramidale comme dans l’automobile Page 4 Benetton et ses distributeurs : un système de quasi-franchise • Benetton contrôle: • la situation du magasin, l’image de marque, la fourniture exclusive, le prix de vente final (conseillé), l’agencement du magasin. • les tailles et couleurs sont spécifiées par Benetton • Le distributeur choisit: • 8 mois à l’avance, les modèles (assortiments) => stock à la charge du franchisé • le prix et les promotions durant les soldes (40% des revenus du commerçant), deux fois par an. Le système d'information de Benetton • Réseau de fibre optique entre le siège et les usines proches – 1/2 journée pour réaliser un nouveau modèle • Entrepôt entièrement robotisé/automatisé – 30 000 colis par jour - gain de 5 jours sur l’acheminement des commandes • Les agents reliés au siège et aux usines (EDI) – centralisent les commandes des magasins et les transmettent aux usines Page 5 Principe de Benetton : contrôler un maximum avec un minimum d'investissement • Peu d'immobilisations financières • Souci de flexibilité et de qualité • Contrôle indirect des fournisseurs et des distributeurs • Contrôle direct (intégration) des achats de matières premières, de la création de la teinture et emballage Explications par les coûts de transaction (Coase et Williamson) Rôle central des transactions : – Une transaction est un transfert de biens ou services entre deux unités technologiquement séparables – Une firme est une structure de gouvernance des transactions, alternative au marché Existence de coûts de transaction en interne, mais aussi sur le marché : ex ante : négociation et rédaction des contrats ex post: exécution et surveillance Page 6 Coûts de transaction (II) Trois raisons à ces coûts : – incertitude – rationalité limitée – opportunisme contrat incomplet Objectif de la firme : minimiser les coûts de transaction, ainsi que les coûts de production Critères de choix entre l'intégration (faire) et le marché (faire faire) – spécificité des actifs en jeu dans la transaction – fréquence – incertitude Coûts de transaction (III) • Un actif est spécifique s’il est peu redéployable (sa valeur d’usage est supérieure à sa valeur de revente) – spécificité géographique (site) – spécificité matérielle – spécificité humaine • Implique une relation continue ou durable entre les parties – pour réduire les risques de hold-up, d’opportunisme Page 7 Le choix de la structure de gouvernance de la transaction Faible Spéficité Spécificité moyenne Forte spécificité Faible fréquence contrat classique / court terme contrat de long terme Fréquence élevée contrat classique / court terme contrat de long terme hiérarchisée intégration ou contrat de long terme intégration Explication par la théorie des contrats incomplets (Hart, Moore) Dans le prolongement de la théorie microéconomique standard (Nouvelle microéconomie) – rationalité parfaite des agents – information symétrique entre les agents – mais incomplétude du contrat en raison de l’impossibilité pour un tiers de vérifier certaines dimensions du contrat – firme définie par l’ensemble des actifs non humains sur lesquels la firme a un droit de propriété Page 8 Application aux relations de distribution Un producteur A et un distributeur B ont la possibilité de mener des investissements spécifiques qui augmentent la valeur de leur relation Coût de l'investissement : Ia=8 et Ib=12 Valeur de la relation – 30 – 10 – 0 si investissement de A et B si investissement seulement de A ou de B si aucun investissement Les modes de gestion de la relation – – – – – gestion unifiée (intégration) contrat bilatéral de long terme (coopération) contrat de court terme contrat avec autorité pour A contrat avec autorité pour B Les deux premières solutions : les plus efficaces pour gérer cette relation spécifique mais peuvent être trop coûteuses ou impossibles à mettre en œuvre (problème de la vérification des investissements) Page 9 Contrat de court terme (partage moitié-moitié des gains) Investissement de B Investissement de A Aucun investissement de A Aucun investissement de B (7 ; 3) ( -3 ; 5 ) ( 5 ; -7 ) (0;0) Autorité à la firme A (A capture l’intégralité des gains) Investissement de B Investissement de A Aucun investissement de A Aucun investissement de B ( 22 ; -12 ) (2;0) ( 10 ; -12 ) (0;0) Page 10 Autorité à la firme B (B capture l’intégralité des gains) Investissement de B Investissement de A Aucun investissement de A Aucun investissement de B ( -8 ; -18 ) ( -8 ; 10 ) ( 0 ; -2 ) (0;0) Enseignements de la TCI • L'autorité doit toujours être confiée à la partie dont le rendement des investissements spécifiques est le plus élevé • Application au cas Benetton • contrat avec autorité de Benetton sur ses distributeurs • contrat avec autorité de Benetton sur ses fournisseurs • Pourquoi ? Car Benetton plus efficace pour les investissements en R&D (désign, création), en publicité, en système d’information Page 11