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L
A RELATION FRANCO
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BULGARE A PARTIR DE LA LUTTE POUR L
’
INDEPENDANCE
Une convergence d’intérêts dans la période entourant la restauration de l’Etat bulgare.
La diplomatie de la IIIe République s’efforce de lutter contre l’influence allemande en
Europe, pour effacer la défaite de 1870, trouve des convergences d’intérêts avec la Bulgarie
et, de fait, s’allie avec tous les alliés potentiels de la cause bulgare. Ainsi, elle soutient la
Russie, qui voit dans la libération des principautés danubiennes puis de la Bulgarie le chemin
le plus court vers Constantinople et les Détroits. La France ménage aussi l’Autriche-Hongrie,
humiliée par sa défaite face à la Prusse à Sadowa (1866), et cherche à s’en faire une alliée tout
en modérant ses ambitions de progression vers le sud-est européen (Bosnie).
C’est dans ce contexte que la France soutient le mouvement de libération bulgare, qui se
ressource à un passé glorieux souvent mythique (Païssiï de Hilendar, Histoire des Slaves
bulgares, 1762). La lutte se déroule en deux phases.
Tout d’abord, les comités révolutionnaires, dont les leaders sont acquis aux idées françaises,
déclenchent une insurrection générale en avril 1876, qui est violemment écrasée. Peu après
l’assassinat du consul de France à Thessalonique, le 6 mai 1876, Victor Hugo, alors sénateur
de la IIIème République, dénonce avec force les massacres de Batak dans le journal
républicain Le Rappel du 30 août 1876, où il plaide pour la fin des « empires meurtriers » et
la constitution d’« Etats-Unis d’Europe ».
La libération de la Bulgarie est réalisée grâce à l’intervention de l’armée russe au cours de la
guerre russo-turque de 1877-1878. Quand le commandement turc envisage d’incendier Sofia,
en vue d’empêcher l’offensive fulgurante des Russes au sud de la Stara Planina, le vice-consul
de France à Sofia, Léandre Legay, intervient sans relâche auprès des autorités ottomanes pour
empêcher l’incendie. Le nom de Legay sera donné en 1879 à une rue commençant
aujourd’hui devant l’entrée officielle de la Présidence de la République.
Avec le traité de San Stefano (3 mars 1878), l’Etat bulgare renaît. Un an plus tard, les
relations diplomatiques sont officiellement établies entre la France et la Bulgarie : Eugène
Schefer remet ses lettres de créances au prince Alexandre Battenberg et est accrédité agent
diplomatique et consul général de France en Bulgarie. La France – dont la monnaie est
utilisée par la principauté jusqu’à la création du lev (1880) – joue un rôle important pour la
construction de l’Etat bulgare moderne. Les universités françaises constituent à partir de ce
moment des lieux privilégiés de formation de l’élite politique, culturelle et économique
bulgare, permettant ainsi à plusieurs futurs Premiers ministres de la Bulgarie libre de faire une
partie de leurs études supérieures en France (Andreï Liaptchev, Nikola Mouchanov, Stoïan
Danev, Guéorgui Kiosséivanov, Todor Ivantchev). Les investissements français dans le
domaine de l’économie et le secteur bancaire suivent bientôt. Ils représentent une autre
contribution française d’importance cruciale. Grâce aux capitaux français est donné un vif
élan de mise en place d’infrastructures modernes, notamment la construction de chemins de
fer et de routes et l’aménagement de plusieurs villes bulgares. Des entrepreneurs français
créent des fabriques et posent les fondements de nouveaux secteurs économiques. C’est ainsi
qu’à la fin du XIXème siècle, à Pantcharévo, une entreprise française et des spécialistes
français construisent la première centrale électrique de Bulgarie.
L’accession à l’indépendance se fait par étapes, les Bulgares obtenant en 1885 la réunification
entre la principauté de Bulgarie et la province de Roumélie orientale, puis la pleine
souveraineté le 5 octobre 1908. Traumatisée par la sanglante répression des insurgés bulgares
et macédoniens par les autorités ottomanes lors de l’insurrection d’Ilinden (1903), à laquelle
elle n’a pu prêter assistance, la Bulgarie fait le choix du réarmement, soutenue par la France.