12 07 11 Relations franco-bulgares

publicité
HISTOIRE DES RELATIONS BILATERALES FRANCO-BULGARES
Les premiers contacts entre les Bulgares et les Francs remontent à l’époque du Haut MoyenAge. Un siècle et demi à peine après Clovis, premier roi chrétien du royaume des Francs qui
allait devenir la France, le khan bulgare Koubrat, à l’autre bout du continent, décidait en 632
de fonder, dans les terres situées au nord du mont Caucase et de la mer Noire, un Etat que les
sources historiques appellent Vieille Grande Bulgarie. C’est après l’effondrement de cet Etat
qu’une partie des Bulgares, conduits par le fils de Koubrat, Altsek, s’établirent pendant une
courte période sur les terres du roi franc Dagobert, avant de se diriger vers le diocèse de
Ravenne en Italie. Un autre groupe de Bulgares, conduits par Asparouh, se dirigea vers les
Balkans et fonda un Etat dans les terres situées au sud du Danube.
Peu après, au début du VIIIème siècle, surgit en Europe une grave menace liée la montée en
puissance du califat arabe. C’est de cette époque qu’on attribue aux Bulgares et aux Francs le
mérite d’avoir joué un rôle important dans la défense du continent européen face à
l’expansion du califat à partir de l’est à travers l’Asie mineure et les Balkans, mais aussi de
l’ouest à travers la Péninsule ibérique et les Pyrénées. Byzance et la Bulgarie écrasèrent les
Arabes en 718 face à Constantinople, un peu avant que les Francs de Charles Martel ne
remportent la victoire de Poitiers en 732.
Au début du IXème siècle, l’empire franc de Charlemagne et l’Etat du khan Kroum connurent
une sorte d’apogée et d’expansion territoriale importante. A la suite de deux guerres
consécutives en Europe centrale, menées d’abord par les Francs, puis par les Bulgares, le
Khaganat des Avars disparut, tandis que s’établit une frontière commune franco-bulgare dans
la région du Danube moyen. En 831 fut conclu le premier traité officiel entre l’empereur
Louis le Pieux et le khan Malamir. La division de l’Empire carolingien en 843 n’empêcha pas
la Bulgarie de continuer à entretenir des relations avec les Francs, en particulier avec la
Francie orientale de Louis le Germanique.
Les contacts, pas toujours amicaux, entre Francs et Bulgares s’intensifièrent à l’époque des
Croisades. Le point culminant, restitué dans la Chronique de Villehardouin, est sans doute la
terrible bataille d’Andrinople de 1205 à l’issue de laquelle Baudouin Ier de Flandre, empereur
de Constantinople, fut vaincu par l’armée bulgare du tsar Kaloïan. La première inscription en
cyrillique du mot « franc » en langue bulgare a été retrouvée sur la colonne érigée à Véliko
Tarnovo en 1230.
Les contingents franco-bourguignons firent une nouvelle apparition sur ces terres, à la faveur
d’une trêve durant la guerre de Cent Ans, au sein des troupes conduites par Sigismond de
Hongrie contre l’Empire ottoman. Elles furent défaites à Nicopolis (Nikopol) en 1396,
scellant le sort d’une Bulgarie qui entra pour cinq siècles sous occupation ottomane.
Durant cette période, les liens entre la France et la Bulgarie se développèrent à l’ombre du
système des Capitulations entre le roi de France et le sultan. Les consuls de France
favorisèrent les échanges entre littérateurs, intellectuels mais aussi négociants et marchands.
La cathédrale de Reims acquit en 1554 son célèbre évangéliaire en cyrillique et en
glagolitique. Le traité des Capitulations de 1569 permit un grand essor des relations
commerciales entre la France et la Bulgarie, par l’inauguration d’une liaison Marseille-Enos
avec un routage à partir de Plovdiv. La mention, dans les archives de la famille du poète
Pierre de Ronsard, de ses origines bulgares renvoie à ces échanges.
1
Nonobstant ce passé d’échanges, la Bulgarie demeure mal connue en France. Son image reste
liée aux héros thraces de la mythologie ou à la figure controversée du gladiateur thrace
Spartacus (peut-être issu de la tribu des Maïdes, installée le long du fleuve Strouma), ou
encore aux disciples du pope Bogomil que d’aucuns présentent comme les précurseurs des
fameux Cathares de la France méridionale. Il y a aussi, au début du XXème siècle, le yaourt
bulgare – dont la bactérie, le lactobacillus bulgaricus, fut identifié par un chercheur bulgare
travaillant auprès d’un bactériologue français. En 1978, les attentats « au parapluie bulgare »
perpétrés contre des dissidents (Vladimir Kostov, Guéorgui Markov) diffusent une image
désastreuse du régime communiste bulgare, même si se poursuivent les contacts et
partenariats entre scientifiques et intellectuels français et bulgares.
De leur côté, les Bulgares conservent une représentation de la France et des Français placée
sous le signe de trois événements majeurs à leurs yeux : la déclaration de Victor Hugo en
faveur des populations massacrées à Batak lors de l’insurrection de 1876 ; la visite effectuée
en Bulgarie en janvier 1989 par le président Mitterrand, encourageant les aspirations à la
liberté quelques mois avant la chute du régime Jivkov ; enfin, l’intervention décisive du
président Sarkozy en faveur des infirmières bulgares retenues en otages et condamnées à mort
par la Libye du colonel Kadhafi.
*
1. LA RELATION FRANCO-BULGARE SOUS L’OCCUPATION OTTOMANE
Dans un système de relations internationales marqué par l’équilibre des grandes
puissances, la diplomatie française a cherché à exploiter, à plusieurs reprises, des brèches
en faveur du peuple bulgare.
La diplomatie française est active en Bulgarie depuis la mise en œuvre du premier traité des
Capitulations signé par François Ier et Soliman le Magnifique (1535). Cette alliance entre un
royaume chrétien et la « Sublime Porte » trouvait pour les Valois sa nécessité dans
l’encerclement imposé par la monarchie des Habsbourg d’Autriche et d’Espagne. Le système
juridique des Capitulations, renouvelé à l’avènement d’un nouveau sultan, confiait aux
consuls de France la responsabilité de protéger les nationaux français, mais aussi les
populations chrétiennes unies à Rome. C’est ainsi que se développa, encouragé par les
missionnaires protégés par la France, le mouvement uniate de Bulgarie, faisant progresser du
même coup l’idée d’un ralliement à la chrétienté latine afin de se libérer de la domination
ottomane. Ce mouvement fut interrompu après l’écrasement du soulèvement des catholiques
de Tchiprovtsi (1688). Quelques années plus tard, au début du XVIIIème siècle, nous
disposons de la relation de voyage du docteur Paul Lucas, envoyé par Louis XIV dans
l’Empire ottoman, narrant notamment dans le détail son séjour dans les Rhodopes
(Assénovgrad, monastère de Batchkovo, Stoïkité, Smolian…).
La diplomatie napoléonienne appréhende par la suite la situation de la Bulgarie en tant
qu’entité participant à la « Question d’Orient ». Après les victoires sur la Coalition, les armées
françaises sont parvenues aux frontières de l’Empire ottoman, grâce à leurs conquêtes des
régions vénitiennes et autrichiennes de la façade adriatique, instituant les Provinces. Napoléon
choisit de ne pas porter la guerre dans la péninsule balkanique, dont il lie la valeur stratégique
à celle de l’Egypte. Comme il le précise dans le Mémorial de Las Cases (1823), il refuse la
2
partition de l’Empire ottoman afin de ne pas offrir l’espace sud-est de l’Europe à la
pénétration russe.
La diplomatie de la Restauration et de la Monarchie de Juillet va se placer dans le cadre du
respect de l’ordre européen fixé à Vienne en 1815, fondé sur la Sainte-Alliance des
monarchies qui se méfient de l’éveil des peuples. Ainsi, les peuples d’expression slave
demeurent sous l’autorité de l’Empire autrichien ou ottoman. Ce dernier, très fragilisé par son
incapacité à se réformer, comme l’atteste l’échec du Tanzimat ou celui de la réorganisation de
l’armée, est maintenu en l’état par la volonté des grandes puissances qui veulent empêcher
l’Empire russe d’accéder aux « mers chaudes ». Ainsi, la France et l’Angleterre uniront leurs
forces à celle de l’Empire ottoman lors de la guerre de Crimée (1856), lors de laquelle, les
ports bulgares sont utilisés comme points d’appui logistique décisifs pour les armées alliées,
notamment pour le repos des blessés. C’est de cette époque que datent les cimetières
militaires français de la région de Varna.
En jouant un rôle majeur dans la formation des élites bulgares à partir des années 1830, la
France contribue au développement des dynamiques de la « Renaissance nationale ».
L’action culturelle française s’est développée directement au bénéfice du peuple bulgare.
Cette action est le fait des congrégations religieuses françaises et de l’Alliance française. Les
écoles françaises se développent rapidement dans les territoires sous juridiction ottomane,
allant jusqu’à constituer ce qu’Etienne Lamy appelait « la France du Levant ». Le premier
étudiant bulgare entre en 1858 à l’école de médecine d’Istanbul fondée par les Français. De
même, les élites bulgares sont nombreuses sur les bancs des lycées de Bebek et de
Galatasaray. Certaines iront achever leur formation à Paris et en province française (Gavril
Krastevitch, Alexandar Ekzarh Beyoglu, Marko Balabanov…), où elles sensibilisent la
communauté étudiante à la cause nationale bulgare. Le progrès du français en Bulgarie est
sensible au cours du XIXème siècle (19 écoles françaises sont établies sur le territoire bulgare
en 1870). Un tel essor peur s’expliquer par le rejet, au moins par une partie de l’élite, du
système éducatif traditionnel tourné vers l’étude du grec (langue concurrente dans le
commerce comme à l’éparchie) et la théologie. Il peut aussi s’appuyer sur une riche culture
nationale traditionnelle faite de récits de résistance à l’occupant et de révoltes matées
(mouvement des Haïdouks, chansons populaires, histoires de Pétar le malin). Dès lors, les
auteurs français classiques sont étudiés (Ronsard, Rabelais, Montaigne, Molière,
Montesquieu, Voltaire).
Le goût du livre se traduit par la constitution de nombreux lieux de lecture où sont reçus les
journaux publiés à Istanbul (interdiction ottomane d’imprimer en Bulgarie). La progression en
terre bulgare de cette « communauté imaginaire » (Benedict Anderson) pose les fondements
de la francophilie du peuple bulgare, encore visible aujourd’hui. Elle facilite aussi la
circulation des idées libérales de la France des Lumières. Deux intellectuels et hommes
politiques de premier plan vont porter dans l’opinion publique française la cause du peuple
bulgare, Victor Hugo et Alphonse de Lamartine. Ce dernier, ministre des affaires étrangères
de la IIe République en 1848, n’a pas oublié les leçons du Voyage en Orient (1832-1833)
lorsqu’il écrivait de Plovdiv que « Les Bulgares sont complètement mûrs pour
l'indépendance... Le pays qu'ils habitent serait bientôt un jardin délicieux si l'oppression
aveugle et stupide les laisse cultiver avec un peu plus de sécurité ».
*
3
2. LA RELATION FRANCO-BULGARE A PARTIR DE LA LUTTE POUR L’INDEPENDANCE
Une convergence d’intérêts dans la période entourant la restauration de l’Etat bulgare.
La diplomatie de la IIIe République s’efforce de lutter contre l’influence allemande en
Europe, pour effacer la défaite de 1870, trouve des convergences d’intérêts avec la Bulgarie
et, de fait, s’allie avec tous les alliés potentiels de la cause bulgare. Ainsi, elle soutient la
Russie, qui voit dans la libération des principautés danubiennes puis de la Bulgarie le chemin
le plus court vers Constantinople et les Détroits. La France ménage aussi l’Autriche-Hongrie,
humiliée par sa défaite face à la Prusse à Sadowa (1866), et cherche à s’en faire une alliée tout
en modérant ses ambitions de progression vers le sud-est européen (Bosnie).
C’est dans ce contexte que la France soutient le mouvement de libération bulgare, qui se
ressource à un passé glorieux souvent mythique (Païssiï de Hilendar, Histoire des Slaves
bulgares, 1762). La lutte se déroule en deux phases.
Tout d’abord, les comités révolutionnaires, dont les leaders sont acquis aux idées françaises,
déclenchent une insurrection générale en avril 1876, qui est violemment écrasée. Peu après
l’assassinat du consul de France à Thessalonique, le 6 mai 1876, Victor Hugo, alors sénateur
de la IIIème République, dénonce avec force les massacres de Batak dans le journal
républicain Le Rappel du 30 août 1876, où il plaide pour la fin des « empires meurtriers » et
la constitution d’« Etats-Unis d’Europe ».
La libération de la Bulgarie est réalisée grâce à l’intervention de l’armée russe au cours de la
guerre russo-turque de 1877-1878. Quand le commandement turc envisage d’incendier Sofia,
en vue d’empêcher l’offensive fulgurante des Russes au sud de la Stara Planina, le vice-consul
de France à Sofia, Léandre Legay, intervient sans relâche auprès des autorités ottomanes pour
empêcher l’incendie. Le nom de Legay sera donné en 1879 à une rue commençant
aujourd’hui devant l’entrée officielle de la Présidence de la République.
Avec le traité de San Stefano (3 mars 1878), l’Etat bulgare renaît. Un an plus tard, les
relations diplomatiques sont officiellement établies entre la France et la Bulgarie : Eugène
Schefer remet ses lettres de créances au prince Alexandre Battenberg et est accrédité agent
diplomatique et consul général de France en Bulgarie. La France – dont la monnaie est
utilisée par la principauté jusqu’à la création du lev (1880) – joue un rôle important pour la
construction de l’Etat bulgare moderne. Les universités françaises constituent à partir de ce
moment des lieux privilégiés de formation de l’élite politique, culturelle et économique
bulgare, permettant ainsi à plusieurs futurs Premiers ministres de la Bulgarie libre de faire une
partie de leurs études supérieures en France (Andreï Liaptchev, Nikola Mouchanov, Stoïan
Danev, Guéorgui Kiosséivanov, Todor Ivantchev). Les investissements français dans le
domaine de l’économie et le secteur bancaire suivent bientôt. Ils représentent une autre
contribution française d’importance cruciale. Grâce aux capitaux français est donné un vif
élan de mise en place d’infrastructures modernes, notamment la construction de chemins de
fer et de routes et l’aménagement de plusieurs villes bulgares. Des entrepreneurs français
créent des fabriques et posent les fondements de nouveaux secteurs économiques. C’est ainsi
qu’à la fin du XIXème siècle, à Pantcharévo, une entreprise française et des spécialistes
français construisent la première centrale électrique de Bulgarie.
L’accession à l’indépendance se fait par étapes, les Bulgares obtenant en 1885 la réunification
entre la principauté de Bulgarie et la province de Roumélie orientale, puis la pleine
souveraineté le 5 octobre 1908. Traumatisée par la sanglante répression des insurgés bulgares
et macédoniens par les autorités ottomanes lors de l’insurrection d’Ilinden (1903), à laquelle
elle n’a pu prêter assistance, la Bulgarie fait le choix du réarmement, soutenue par la France.
4
Le capitaine Pichon œuvre pour créer une marine bulgare (achat d’un croiseur Nadejda et de
six torpilleurs), tandis que la France équipe l’artillerie de la jeune armée bulgare. A cette
époque, la Bulgarie accueille un grand nombre d’expatriés français, y compris à la cour de
Ferdinand de Bulgarie, petit-fils du roi Louis-Philippe.
De leur côté, le grand slavisant Louis Léger et le consul Léon Lamouche contribuent à faire
connaître la Bulgarie en France.
En dépit de ces facteurs de rapprochement, la France et la Bulgarie vont se situer dans des
camps opposés lors des deux grands conflits mondiaux du XXème siècle.
Le soutien affiché de la France, du Royaume-Uni et de la Russie à la Grèce et à la Serbie lors
des guerres balkaniques jette la Bulgarie dans le camp de la Triple Alliance. Lors de la
Première Guerre mondiale, les troupes françaises de l’Armée d’Orient débarquent à
Salonique, après l’échec du débarquement à Gallipoli (Gelibolu), et, selon les plans du
général Franchet d’Espèrey, percent bientôt le front bulgare dans la région de Dobro Polé,
libérant la Serbie et menaçant directement la Hongrie et la Bulgarie. Les clauses du traité de
Neuilly (1919) sont sévères pour la Bulgarie (occupation notamment par les troupes
françaises de son territoire, lourdes indemnités, perte de l’accès à la mer Egée au profit de la
Grèce, attribution de la Macédoine au Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, suppression
des forces navales aériennes, réduction du format de l’armée de terre).
Entre les deux guerres, les relations franco-bulgares sont marquées par le fait que les deux
pays ont fait partie de deux camps opposés lors de la Première Guerre mondiale. Malgré ce
lourd héritage, les différents gouvernements bulgares consentent d’importants efforts pour se
rapprocher de la France, considérant que la Troisième République française, avec son image
de protectrice des peuples, pourra accorder son soutien aux revendications bulgares de
modification des traités de paix.
Néanmoins, le soutien français accordé à la Petite Entente (Yougoslavie, Roumanie,
Tchécoslovaquie) rend tout espoir de rapprochement franco-bulgare irréaliste. Cette période
donne malgré tout lieu au renforcement des liens de coopération culturelle (reconnaissance du
baccalauréat délivré par des lycées bulgares de langue française, rayonnement de l’Alliance
française). Les peintres Georges Papazoff et Jules Pascin sont alors célèbres en France.
Sommée par l’Allemagne nazie de signer, peu avant l’invasion de l’URSS, le Pacte Tripartite
le 1er mars 1941 ; la Bulgarie réussit à limiter sa contribution à l’effort de guerre sur le front
de l’Est et fait obstacle à la « solution finale » (hormis dans les territoires macédoniens et
thraces qu’elle contrôle). Durant cette période les relations bilatérales entre Sofia et Vichy
sont réduites. Des Bulgares participent pourtant activement en France à la Résistance contre
l’occupation nazie.
Les échanges culturels ne s’interrompent pas totalement malgré la dictature communiste et
son hostilité déclarée aux influences occidentales.
Le 5 septembre 1944, l’URSS déclare la guerre à Bulgarie et deux jours plus tard l’Armée
rouge traverse les frontières bulgares. Le 9 septembre 1944, la « révolution socialiste » est en
marche, les armées bulgares se battant contre les troupes allemandes dans les Balkans. Après
le succès d’une stratégie de Front de la Patrie et l’élimination de la majeure partie des élites
politiques, économiques et intellectuelles, la Bulgarie entre dans le camp socialiste. La
dictature communiste bulgare, l’un des plus sûrs alliés de l’URSS, ferme les alliances
françaises et les écoles religieuses et nationalise leurs biens. Romain Gary racontera plus tard
ses souvenirs de Sofia où, jeune attaché de presse à l’Ambassade de France, il fut expulsé en
5
raison de ses contacts avec l’opposition anticommuniste. Le dirigeant agrarien Guéorgui
Mihov Dimitrov installe à Paris un gouvernement provisoire, républicain et anti-communiste.
Toutefois, un socle administratif favorable à l’enseignement du français (dispositif éducatif,
volonté des autorités) subsiste et contribue à faire du français la deuxième langue étrangère
enseignée après le russe. De plus, l’image valorisante de la langue et de la culture françaises
entretenue au cours des décennies précédentes par de nombreux écrivains (notamment Pétar
Beron, Petko Todorov, Stoïan Mihaïlovski, Konstantin Konstantinov, Dimtcho Débelianov,
Nikolaï Liliev, le grand diplomate et critique littéraire Siméon Radev) demeure très ancrée.
A partir de la mort de Staline et l’avènement de la détente, les échanges culturels et
commerciaux reprennent progressivement. Avec la Vème République, un processus de
rapprochement et d’ouverture est tenté. Les représentations diplomatiques des deux pays sont
élevées au rang d’ambassades en 1963. En octobre 1966, Todor Jivkov effectue une visite
officielle en France et est reçu par le Président Charles de Gaulle. Un accord instituant une
commission franco-bulgare destinée à élaborer un programme concret de coopération
culturelle est conclu. Il se traduit par des tournées de troupes d’opéra et de formations
musicales bulgares en France, par la participation de peintres bulgares au Salon d’automne à
compter de 1979, et par des expositions remarquées au Petit Palais (1974 « L’or des Thraces
», 1976 « Icônes bulgares »). Les traductions d’œuvres bulgares en français se multiplient
(1963 Sans feu ni lieu et 1976 Sous le joug d’Ivan Vazov ; 1962 Le voleur de pêches
d’Emilian Stanev ; 1963 Sous la treille du monastère d’Eline Péline, 1965 Les légendes de la
Stara Planina de Yordan Yovkov).
Pendant cette période, plusieurs dissidents bulgares victimes de la répression communiste
(tels qu’Anton Machev, Pétar Boïadjiev, Dimitar Pentchev) trouvent refuge en France. De
brillants scientifiques et intellectuels bulgares intègrent les effectifs de l’Université et du
CNRS (Minko Balkanski, Tzvétan Todorov, Julia Kristéva, Pierre Christophorov, Dora
Vallier…), tandis que Sylvie Vartan (dont le père était attaché de presse à l’ambassade de
France) et Christo enrichissent le patrimoine artistique français.
*
3. LA
RELATION FRANCO-BULGARE A LA FIN DU COMMUNISME ET AU SEIN DE L’UNION
EUROPEENNE
Le processus de transition démocratique en Bulgarie est précédé de quelques mois par la
visite, restée dans les mémoires des Bulgares, du président Mitterrand les 18 et 19 janvier
1989, année de célébration du bicentenaire de la Révolution française. Acceptée par Todor
Jivkov, qui la considère comme de nature à conforter sa légitimité internationale, cette visite
donne lieu à un petit-déjeuner célèbre à la résidence de France à Sofia avec une douzaine
d’intellectuels et de contestataires, dont le futur premier président de la Bulgarie démocratique
Jéliou Jélév, et à des échanges relativement audacieux avec les étudiants de l’Université de
Sofia. Le président Mitterrand contribue ainsi à donner confiance aux mouvements
démocratiques.
Sous l’impulsion du Président Jélev, la Bulgarie devient en 1993 membre à part entière de
l’Organisation internationale de la Francophonie. La relation franco-bulgare est ensuite l’un
des leviers pour l’intégration dans l’espace euro-atlantique, consacrée par l’adhésion à
6
l’OTAN le 2 avril 2004, et pour la préparation de l’adhésion à l’Union européenne,
concrétisée le 1er janvier 2007.
La relation bilatérale est rehaussée le 4 juillet 2008 par un accord de partenariat stratégique
couvrant les questions politiques, l’économie, la défense, la justice et les affaires intérieures,
la coopération culturelle et éducative… Son origine remonte à la visite du Président Nicolas
Sarkozy en Bulgarie en octobre 2007, moins de trois mois après le retour des personnels
médicaux bulgares de Libye dans l’avion présidentiel français.
Depuis lors, la visite à Paris du Premier ministre bulgare, Boïko Borissov, en octobre 2009,
puis le déplacement à Sofia du ministre français de l’intérieur, Claude Guéant, en avril 2011,
ont illustré la vitalité de la relation entre les deux pays, dans le cadre de l’Union européenne.
Cette présentation de l’histoire des relations franco-bulgares a été élaborée par Sébastien
Delmas, stagiaire de l’ENA à l’ambassade (2011), avec la contribution des professeurs
Daniel Vatchkov et Vessélina Vatchkova et de la direction de la prospective du ministère
français des affaires étrangères et européennes (P.V.).
Liens :
Evangéliaire de Reims, XIe siècle
http://fr.wikipedia.org/wiki/Évangéliaire_de_Reims
Chronique, de Geoffroi de Villehardouin, 1207/13
http://fr.wikipedia.org/wiki/Geoffroi_de_Villehardouin
Le Voyage d'Outremer, de Bertrandon de la Brocquière, 1432/33
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bertrandon_de_la_Broquière
Ghillebert de Lannoy, 1386/1462
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k102047r
Voyage du Sieur Paul Lucas fait par ordre du Roy dans la Grèce, l'Asie Mineure, la Macédoine et
l'Afrique, 1704/12
http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Lucas_%28voyageur%29
Voyage en Orient, de Lamartine, 1832/33
http://fr.wikipedia.org/wiki/Voyage_en_Orient_(Lamartine)
Voyage en Bulgarie pendant l'année 1841, par Adolphe Blanqui (1843)
http://books.google.fr/books?id=yuoOAAAAQAAJ&printsec=frontcover#v=onepage&q&f=false
Voyage à Constantinople par l’Italie, la Sicile et la Grèce, retour par la Mer Noire, la Roumélie, la
Bessarabie russe, les provinces danubiennes, en 1855, par Jacques Boucher de Perthes
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Boucher_de_Perthes
Le Balkan et l’Adriatique, par Albert Dumont, 1873
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bch_0007-4217_1976_num_100_1_2031
La Bulgarie, de Louis Léger, 1885
http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Léger
7
La Bulgarie dans le passé et le présent, étude historique, ethnographique, statistique et militaire, par
Léon Lamouche, 1892
http://data.bnf.fr/12932391/leon_lamouche/
Rapport sur les fouilles exécutées par M. Degrand, consul de France à Philippopoli, dans la vallée de
la Toundja, en Bulgarie, 1901
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1903_num_47_1_19285
Note sur les fouilles exécutées à Apollonie du Pont par M. Degrand, consul de France à Philippopoli,
1904
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1905_num_49_3_71613
Chars thraces, par George Seure, 1925
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bch_0007-4217_1925_num_49_1_2984
Romain Gary
http://fr.wikipedia.org/wiki/Romain_Gary
L’archéologie française en Thrace, de Jean-Yves Marc, 1977
http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/11/51/32/PDF/JYM.Etudesthracienne_125F2F.pdf
Le français en Bulgarie dans le contexte de la politique culturelle de la France aux XIXe et XXe
siècles, par Raïa Zaïmova, 2007
http://dhfles.revues.org/286
8
Téléchargement