
Mais si le problème posé est de doubler la taille d'une économie : territoire, richesses
et hommes, de passer par exemple d'un pays France à un pays Europe, alors on est amené à
conclure que les rendements d'échelle sont croissants, car certaines économies d'échelle sont
réalisées, par la spécialisation, par la mise en commun de certain biens publics, des travaux de
recherche (les idées découvertes peuvent être partagées).
Enfin, si l’on pose le problème de doubler la taille d'une usine sans doubler les réseaux
routiers d'accès, alors on est amené à conclure que les rendements d'échelle sont décroissants,
puisqu’il y a des goulets d'étranglements.
On voit que tout dépend de ce que l'on entend par "tous" les facteurs, et de l'existence
de facteurs cachés, qu'admet ou non la théorie c’est à dire la façon dont on pose le problème.4
Sur le problème de la croissance, les hypothèses différentes sur les rendements
d'échelle dépendent de ce que la théorie entend par "tous" les facteurs. La théorie économique
propose trois types d'explications qui ont chacune leurs mérites et leurs inconvénients.
a) La théorie classique (19ème )
Dans la théorie classique les rendements d'échelle sont décroissants, le capital et le
travail sont endogènes, il n’y a pas de facteur connaissances.
Pour les économistes pessimistes du 19ème siècle (Ricardo, Malthus, Marx) la
croissance de la population résulte de la demande de travail qui dépend de la croissance du
revenu qui dépend elle même de l’accumulation du capital. L’accumulation du capital
physique est expliquée par les revenus attendus de l'investissement.
Ce rendement de l'investissement est la productivité marginale du capital, qui est
décroissante quand le capital augmente. Quand il y a peu de capital dans l'économie,
l'investissement permet d'accroître fortement la production, le rendement est élevé, ce qui
incite à accumuler davantage. Quand il y a beaucoup de capital dans l'économie, sa
productivité marginale est faible, le rendement est faible, l'incitation à accumuler est faible.
A la limite, à très long terme, la productivité marginale du capital devient nulle,
l'incitation à accumuler disparaît et la croissance aussi. Puisqu’il n’y a plus de croissance du
revenu, d'après la loi de Malthus, la population s’arrête elle aussi de croître. C'est l'état
stationnaire. Il en découle une explication et une prédiction du taux de croissance à long terme
: = 0.
Cette explication et cette prédiction d'un taux de croissance nul est manifestement fausse,
puisque depuis 200 ans, il y a croissance à un taux positif et supérieur à n.
b) La théorie de Solow (1956)
La seconde théorie suppose que les rendements d'échelle sont constants, le capital
s’accumule de façon endogène, le travail et la connaissance (progrès technique) sont
exogènes.
Laissons de côté pour l'instant le progrès technique. Puisque les rendements sont
constants, si on double la quantité des facteurs travail et capital, alors on double la production.
Si au cours du temps, le facteur travail croît au taux (n) et si le facteur capital croît lui aussi au
taux (n), alors la production croît, comme les deux facteurs, au taux (n).
4 Empiriquement, les trois solutions sont possibles. L'expérience, c'est à dire le seul critère auquel on devrait se
référer, ne permet pas de trancher clairement. Les faits sont contradictoires sur la nature réelle des rendements
d'échelle parce que les mesures des rendements d'échelle dépendent étroitement des théories utilisées pour faire
ces mesures. Le choix se fait pour des raisons théoriques ; les trois solutions correspondent à trois théories
différentes.