X - LOI DE COMPOSITION INTERNE INDUITE PAR UNE RELATION D’ORDRE Proposition 1 Soit E un ensemble muni d’une relation d’ordre large notée ≺, vérifiant la propriété (I) pour tout couple (x, y) de E × E, l’ensemble {x, y} possède une borne supérieure. Cet élément nécessairement unique est noté x⊤y. On définit ainsi sur E une loi de composition interne ⊤, associative, commutative, vérifiant la propriété (i) pour tout élément x de E, x⊤x = x . De plus, on a l’équivalence (x ≺ y) ⇐⇒ (x⊤y = y) . • La commutativité est évidente. • Par définition de ⊤, et en utilisant la transitivité de la relation d’ordre, on obtient z ≺ (x⊤y)⊤z x ≺ x⊤y ≺ (x⊤y)⊤z y ≺ x⊤y ≺ (x⊤y)⊤z donc (x⊤y)⊤z est un majorant de l’ensemble {x, y, z}. Le même raisonnement, montre que x⊤(y⊤z) est aussi un majorant de cet ensemble. Soit u un majorant de {x, y, z}. Cet élément majore {x, y} et {y, z}, donc majore x⊤y et y⊤z. Alors il majore les ensembles {x⊤y, z} et {x, y⊤z}. Il s’en suit que u majore à la fois (x⊤y)⊤z et x⊤(y⊤z). En prenant successivement pour u un de ces éléments, on obtient (x⊤y)⊤z ≺ x⊤(y⊤z) et x⊤(y⊤z) ≺ (x⊤y)⊤z d’où l’égalité (x⊤y)⊤z = x⊤(y⊤z) . La loi ⊤ est bien associative. • Comme x est la borne supérieure de l’ensemble {x}, on a bien x⊤x = x . • Enfin la relation x ≺ y, se traduit par le fait que y est la borne supérieure de l’ensemble {x, y}, donc par l’égalité x⊤y = y . X 2 Proposition 2 Soit E un ensemble muni d’une loi de composition interne notée ⊤, commutative, associative et vérifiant (i). On définit sur E une relation binaire notée ≺ par (x ≺ y) ⇐⇒ (x⊤y = y) . Alors, la relation ⊤ est une relation d’ordre sur E et x⊤y est la borne supérieure de l’ensemble {x, y}. • La réflexivité provient de (i). • Si l’on a à la fois x≺y et y ≺ x on obtient x⊤y = y et y⊤x = x , mais, en raison de la commutativité de ⊤, x = y⊤x = x⊤y = y . La relation ≺ est donc antisymétrique. • Si l’on a x≺y et y ≺ z alors x⊤y = y et y⊤z = z , donc x⊤z = x⊤(y⊤z) = (x⊤y)⊤z = y⊤z = z c’est-à-dire x≺z et la relation ≺ est transitive. C’est donc une relation d’ordre. • D’autre part x⊤(x⊤y) = (x⊤x)⊤y = x⊤y ce qui montre que x ≺ x⊤y , et y⊤(x⊤y) = y⊤(y⊤x) = (y⊤y)⊤x = y⊤x = x⊤y ce qui montre que y ≺ x⊤y . X 3 Donc x⊤y est un majorant de l’ensemble {x, y}. Soit maintenant u un majorant de cet ensemble. Donc x≺u et y ≺ u , donc x⊤u = u et y⊤u = u . Alors (x⊤y)⊤u = x⊤(y⊤u) = x⊤u = u et donc x⊤y ≺ u ce qui montre que x⊤y est le plus petit majorant de {x, y}. Une relation d’ordre vérifiant les propriétés de la proposition 1 et une loi interne vérifiant celles de la proposition 2 sont donc liées canoniquement par l’équivalence (x ≺ y) ⇐⇒ (x⊤y = y) . Proposition 3 La relation d’ordre ≺ est compatible avec la loi ⊤, et, si pour tout z de E, on a x⊤z ≺ y⊤z alors x et y sont égaux. • Si l’on a x≺y c’est-à-dire x⊤y = y alors, pour tout z de E, (x⊤z)⊤(y⊤z) = (x⊤y)⊤(z⊤z) = y⊤z donc x⊤z ≺ y⊤z , ce qui montre la compatibilité de la loi ⊤ par rapport à la relation ≺. • Si pour tout z de E on a x⊤z ≺ y⊤z en prenant z = y, on obtient x ≺ x⊤y ≺ y⊤y = y donc x ≺ y. X 4 Proposition 4 La relation d’ordre ≺ est totale, si et seulement si, pour tout couple (x, y) de E × E, l’élément x⊤y appartient à {x, y}. Dire que la relation d’ordre ≺ est totale équivaut à dire que pour tout couple (x, y) de E × E, on a, soit x ≺ y, soit y ≺ x, c’est-à-dire , soit x⊤y = y, soit y⊤x = x. Cela revient bien à dire que x⊤y appartient à {x, y}. Proposition 5 L’ensemble E possède un plus petit élément pour la relation d’ordre ≺, si et seulement si E possède un élément neutre e pour la loi ⊤. Le plus petit élément de E est alors e. Dire que pour tout x de E on a e ≺ x revient à dire que, pour tout x de E, on a e⊤x = x, c’est-àdire que e est l’élément neutre de E pour la loi ⊤. Exemples 1) Soit A un ensemble quelconque et E = P(A). – A la relation d’ordre définie par (a ≺ b) ⇐⇒ (a ⊂ b) est associée la loi ⊤ définie par a⊤b = a ∪ b . – A la relation d’ordre définie par (a ≺ b) ⇐⇒ (a ⊃ b) est associée la loi ⊤ définie par a⊤b = a ∩ b . 2) Soit E = N∗ . – A la relation d’ordre définie par (a ≺ b) ⇐⇒ (a | b) est associée la loi ⊤ définie par a⊤b = PPCM(a, b) . – A la relation d’ordre définie par (a ≺ b) ⇐⇒ (b | a) est associée la loi ⊤ définie par a⊤b = PGCD(a, b) . 3) Soit E un intervalle non vide de R. – A la relation d’ordre totale définie par (a ≺ b) ⇐⇒ (a ≤ b) est associée la loi ⊤ définie par a⊤b = max(a, b) . X 5 – A la relation d’ordre définie par (a ≺ b) ⇐⇒ (a ≥ b) est associée la loi ⊤ définie par a⊤b = min(a, b) . Proposition 6 x de E on ait Soit E un anneau commutatif pour les lois notées “+” et “·”, tel que, pour tout x2 = x . Il existe une relation d’ordre ≺ unique sur E telle que inf(x, y) = x · y sup(x, y) = x + y − x · y . et Cette relation est compatible avec la multiplication. De plus inf E = 0 et, si E est unitaire sup E = 1 . Comme x·x=x la relation ≺1 définie par x·y =y est la seule relation d’ordre définie sur E telle que sup(x, y) = x · y . 1 cette relation est de plus compatible avec la loi “·”, et puisque 1 est le neutre pour cette loi, on a inf E = 1 . 1 Posons x⋆y = x+y−x·y. La loi ⋆ est une loi de composition interne commutative sur E. On a x ⋆ (y ⋆ z) = x + y + z − x · y − x · z − y · z + x · y · z = (x ⋆ y) ⋆ z , et la loi est associative. De plus, pour tout x de E, x ⋆ x = x. X 6 Il existe donc une relation d’ordre ≺2 définie sur E telle que (x ≺2 y) ⇐⇒ (x ⋆ y = y) , et sup(x, y) = x ⋆ y , 2 et puisque 0 est le neutre pour cette loi, on a inf E = 0 . 2 Mais alors, puisque x ⋆ y = y + (x − y · x) , on a donc (x ⋆ y = y) ⇐⇒ y · x = x , donc x ≺2 y équivaut à y ≺1 x. Il suffit donc de prendre pour ≺ la relation ≺2 pour avoir le résultat annoncé. Exemple Si E est l’ensemble des applications d’un ensemble A dans Z/2Z avec la structure d’anneau commutatif induite par celle de Z/2Z, la relation d’ordre que l’on obtient est la relation induite par celle définie sur Z/2Z de la manière suivante 0 ≤ 0 ≤ 1 ≤ 1. Si l’on prend pour E l’ensemble des parties d’un ensemble A avec la structure d’anneau commutatif donnée par les lois ∆ et ∩, la relation d’ordre est alors l’inclusion. Dans ce cas ∅ est l’élément neutre pour ∆, et l’on a U ∆ U = ∅, donc U est son propres symétrique. Alors sup(U, V ) = U ∆ V ∆ (U ∩ V ) = U ∪ V . Ces deux exemples sont d’ailleurs les mêmes à un isomorphisme près. On passe du second au premier par l’application qui à une partie A associe sa fonction caractéristique. Cette application est un isomorphisme d’anneaux et conserve la relation d’ordre.