Alg`ebre
(par Andr´e Joyal )
Ces notes ont ´et´e pr´epar´ees `a l’intention des jeunes stagiaires en math´ematiques `a l’UQAM en juin-juillet
2003.
Synopsis:
§1 Formule de Cardan
§2 Nombres complexes
§3 Arithm´etique des polynˆomes
§4 Polynˆomes cyclotomiques et racines primitives
1. Formule de Cardan
Avant de discuter de l’´equation du troisi`eme degr´e, il est bon de faire un bref rappel sur l’´equation du
second degr´e:
x2+ax +b= 0.
Cette ´equation se simplifie grandement si on effectue un changement de variable x=y+tavec un choix
convenable de t. En effet, si on remplace xpar y+tdans le polynˆome x2+ax +bon obtient
x2+ax +b= (y+t)2+a(y+t) + b=y2+ (2t+a)y+t2+at +b.
Le coefficient de y2dans cette derni`ere expression est 2t+a. Si on donne `a tla valeur a
2ce coefficient
s’annule et on a
x2+ax +b=y2q
avec q= (a/2)2b. L’´equation initiale devient ´equivalente `a l’´equation
y2=q
avec x=ya/2. Par suite,
x=a
2±ra
22b
L’observation suivante attribu´ee `a Al-Khwarizmi (circa 840) est importante pour ce qui suit. Si x1et x2
sont les deux solutions de l’´equation x2+ax +b= 0 alors on a
x2+ax +b= (xx1)(xx2) = x2(x1+x2)x+x1x2
Autrement dit,
x1+x2=a
x1x2=b.
Cela montre que si on connait la somme set le produit pde deux quantit´es inconnues x1et x2, on peut
obtenir ces quantit´es en esolvant l’´equation du second degr´e x2sx +p= 0.Un esultat semblable est vrai
si on connait la diff´erence et le produit de deux quantit´es inconnues.
1
L’´equation du 3-i`eme degr´e apparait naturellement dans certains probl`emes de eom´etrie comme celui
de la division d’un angle en trois. Si q= sin θalors x= sin(θ/3) satisfait l’´equation
4x3+q= 3x.
L’astronome math´ematicien Claude Ptol´em´ee (150 apr`es JC) publia les premi`eres tables de trigonom´etrie.
Il obtint la valeur de sin(3o) avec des constructions g´eom´etrique par r`egle et compas. Mais ces constructions
ne peuvent donner la valeur de sin(1o). Il dut se esoudre `a utiliser l’approximation
sin(1o)'1
3sin(3o).
Le math´ematicien Al-Kashi (1429) obtint une valeur plus pr´ecise en calculant num´eriquement une solution
de l’´equation du troisi`eme degr´e
4x3+ sin(3o) = 3x.
Au 16esi`ecle plusieurs math´ematiciens italiens s’efforc`erent de r´esoudre des ´equations du troisi`eme degr´e en
utilisant des racines cubiques. La solution aurait ´et´e ecouverte ind´ependamment par Scippione del Ferro
(1456-1526) et Niccolo Tartaglia (1500-1557). Les d´ecouvreurs n’ont pas publi´e leur solution. Mais Tartaglia
confie cette solution `a J´erome Cardan, un compatriote m´edecin et math´ematicien. Celui-ci la publie dans
son Ars Magna en 1545. Nous allons d´ecrire cette solution en utilisant les notations alg´ebriques introduites
plus tard par Francois Vi`ete (1540-1603).
On peut commencer par simplifier l’´equation
x3+ax2+bx +c= 0
en effectuant un changement de variable x=y+tpour un choix convenable de t. En effet,
(y+t)3+a(y+t)2+b(y+t) + c=y3+y2(3t+a) + y(3t2+ 2at +b) + (t3+at2+bt +c).
Le coefficient de y2dans cette derni`ere expression est 3t+a. Si on donne `a tla valeur a
3ce coefficient
s’annule et on obtient que
x3+ax2+bx +c=y3+py q
avec
p=ba2
3et q=ba
32a3
27 c.
L’´equation initiale est alors ´equivalente `a l’´equation
y3+py =q.
Nous allons voir que cette derni`ere admet une solution donn´ee par la formule de Cardan:
y=3rD+q
23rDq
2.
o`u l’on a pos´e D=p
33+q
22. Pour obtenir cette formule on suppose que l’on a y=uvo`u uet vsont
des variables auxiliaires dont les valeurs seront `a d´eterminer. Si on remplace ypar uvdans le polynˆome
y3+py on obtient
y3+py = (uv)3+p(uv) = u3v3+ (p3uv)(uv).
Cette expression se simplifie si on suppose que 3uv =p. Faisons une pause pour dire que cette hypoth`ese
n’est pas eraisonnable car les conditions uv=yet uv =p/3 signifient que
(Uu)(U+v) = U2yU p
3.
2
Si y´etait connu il suffirait de trouver les racines de ce polynˆome pour obtenir uet v. Ce point ´etant ´eclaircit,
reprenons nos calculs en supposant que y=uvet 3uv =p. L’´equation y3+py =qdevient alors u3v3=q.
Comme 3uv =p, on a aussi 27u3v3=p3. Cela donne un syst`eme de deux ´equations `a r´esoudre pour u3et
v3:
u3v3=qet u3v3=p3
27
Pour esoudre ce syst`eme il suffit de caculer les racines du polynˆome du second degr´e
(Zu3)(Z+v3) = Z2Zq p3
27.
On obtient que
u3=q
2+rq
22+p3
27 et v3=q
2rq
22+p3
27.
Autrement dit,
u3=D+q
2et v3=Dq
2.
Ce qui donne la formule de Cardan:
y=uv=3rD+q
23rDq
2.
La formule de Cardan a un comportement curieux. Elle peut faire apparaitre des nombres irrationnels
dans les calculs bien que la solution soit rationnelle. Par exemple, appliquons la formule `a l’´equation x3+3x=
4. On obtient une expression irrationelle compliqu´ee:
x=3q5+23q52.
Mais le calcul num´erique donne
x= 1.618033989... .618033989... = 1.000000000...
On v´erifie que x= 1 est effectivement une solution. Mais il y a plus ´etrange encore. L’´equation x3= 15x+ 4
admet x= 4 pour solution. La formule de Cardan donne
x=3q2 + 121 + 3q2121.
Il est impossible de poursuivre le calcul. Pour cela, il faudrait prendre la racine carr´e d’un nombre n´egatif
D=121. La formule de Cardan est en difficult´e si D < 0 l Cardan qualifie ce cas d’irr´eductible. Il tente
de poursuivre malgr´e tout le calcul avec des nombres qu’il qualifie d’absurdes et d’impossibles. Mais il n’y
parvient pas vraiment. Il appartiendra `a Bombelli d’introduire les nombres complexes a+bi avec i2=1.
Remarquant que (2 ±i)3= 2 ±11i, il obtient que
x=32 + 11i+3211i= (2 + i) + (2 i) = 4.
En effet, on peut montrer que l’´equation x3+px =qa trois solutions eelles distinctes ssi D < 0. Les
nombres complexes ont ´et´e introduit pour calculer des solutions eelles.
Exercices
L’´equation du quatri`eme degr´e a ´et´e r´esolue par Ferrari, un ´etudiant de Cardan. La premi`ere ´etape
consiste `a remplacer l’´equation g´en´erale
x4+ax3+bx2+cx +d= 0
par une ´equation plus simple
y4+py2+qy +r= 0.
Pour cela il suffit de poser y=xa/4.
3
Exercice 1: erifier cette derni`ere affirmation.
Pour la seconde ´etape nous aurons besoin de l’observation suivante: un polynome du second degr´e
Ax2+Bx +Cposs`ede une racine double ssi son discriminant B24AC est nul; dans ce cas, on a
Ax2+Bx +C=A(x+B/2A)2.
Retournons maintenant `a l’´equation y4+py2+qy +r= 0. Si yest solution de cette ´equation alors on a
y4=py2qy r
et par suite
(y2+t)2=y4+ 2y2t+t2= 2y2t+t2py2qy r= (2tp)y2qy + (t2r)
o`u test une variable quelconque. L’id´ee de Ferrari est de donner `a tune valeur t0pour que le polynˆome du
second degr´e
(2tp)y2qy + (t2r) = Ay2+By +C
ait une racine double. Pour cela il faut que son discriminant
B24AC =q24(2tp)(t2r)
soit nul. Cette expression est un polynˆome du troisi`eme degr´e dans la variable t. On peut lui trouver une
racine t0par la formule de Cardan. Si t=t0, on obtient que
(y2+t0)2= (2t0p)y2qy + (t2
0r) = Ay+B
2A2= (2t0p)y+t2
0r
2(2t0p)2
Si on prend ensuite la racine carr´e de chaque membre de cette ´egalit´e, on obtient que
y2+t0=p2t0py+t2
0r
2(2t0p).
Cela donne une ´equation de second degr´e en y. Il suffit de la r´esoudre pour obtenir la solution de l’´equation
initiale.
Exercise 2: erifier les calculs de Ferrari.
Exercise 3: erifier que si x=y+talors on a
xn+a1xn1+a2xn2+···+a1x+a0=yn+p1yn1+p2yn2+···+p1y+p0
avec p1=nt +a1. En particulier, on a p1= 0 si on prend t=a1/n.
2. Nombres complexes
Les nombres complexes ont ´et´e invenes par Rafa¨e l Bombelli suite aux travaux de Cardan sur l’´equation
du troisi`eme degr´e.
Dans ce qui suit nous d´enoterons par Rl’ensemble des nombres r´eels, positifs, egatifs ou nuls. Formelle-
ment, un nombre complexe z=a+bi est un couple (a, b) de nombres r´eels; on dit que aest la partie r´eelle de
zet que best sa partie imaginaire. On peut voir (a, b) comme les coordonn´ees d’un point du plan cart´esien
4
ou bien comme les composantes d’un vecteur du plan; on dit que c’est le plan complexe. Nous d´enoterons
par Cl’ensemble des nombres complexes:
C={a+bi :a, b R}.
La somme z+wde deux nombres complexes z=a+bi et w=c+di est la somme vectorielle: (a, b)+(c, d) =
(a+c, b +d). Autrement dit,
z+w= (a+c) + (b+d)i.
Le produit zw est donn´e par la formule (a, b)(c, d) = (ac bd, ac +bd). Autrement dit,
zw = (ac bd) + (ad +bc)i.
Cette d´efinition implique que ii =1; par suite, i=1. On dit que le nombre ¯z=abi est le conjugu´e
de z=a+bi. On erifie facilement les identit´es
z+w= ¯z+ ¯w
zw = ¯z¯w.
Si z=a+bi alors z¯z=a2+b2=|z|2. Le nombre |z|=a2+b2est la longeur de zconsid´er´e comme
vecteur du plan. On dit que c’est le module de z. On montre que |z+w|≤| z|+|w|et |zw |=|z|·|w|.
Tout nombre complexe non nul z=a+bi poss`ede un inverse
z1=¯z
z¯z=abi
a2+b2=a
a2+b2b
a2+b2i.
Tout nombre complexe non nul z=a+bi poss`ede deux racines carr´ees distinctes w=±z1
2. On peut
les obtenir en r´esolvant l’´equation w2=zpour un nombre complexe inconnu w=u+iv. On a
w2= (u+iv)(u+iv) = (u2v2) + 2uvi.
L’´equation w2=zest donc ´equivalente au syst`eme de deux ´equations
u2v2=aet 2uv =b
qu’il faut esoudre pour des quantit´es eelles inconnues uet v. L’´equation w2=zentraˆıne que |w|2=|z|.
Par suite, u2+v2=|z|. Ainsi donc,
u2=u2+v2
2+u2v2
2=|z|+a
2
v2=u2+v2
2u2v2
2=|z| −a
2.
La condition b= 2uv montre que uet vsont de mˆeme signe si b > 0, et de signes oppos´es si b < 0. Si b0
on obtient que
u=±r|z|+a
2et v=±r|z| −a
2
et si b0 on obtient que
u=±r|z|+a
2et v=r|z| −a
2.
Par exemple, on a i=±2
2+2
2iet i=±2
22
2i.
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