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THS
Recadrer les inquiétudes
L’étude américaine WHI a semé le doute chez les femmes qui
prennent un traitement hormonal substitutif (THS). Pourtant,
celui mis en avant par cette étude n’est pas le même en France.
En outre, la population étudiée aux États-Unis était déjà “à
risque”. Mais cette étude a eu le mérite de lancer le débat.
D
ans l’étude américaine WHI (Women’s
Health Initiative) réalisée par l’équipe du
Dr James Lacey de l’Institut national du cancer
(NCI), à Bethesda (Maryland), l’âge moyen des
femmes était de 63 ans ; 69 % d’entre elles présentaient un surpoids et 35 % étaient déjà traitées pour hypertension. Celles-ci utilisaient des
produits différents de ceux prescrits en France
où les posologies également sont inférieures.
Cette étude, publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA), montrait que les
femmes sous THS aux seuls œstrogènes voient
leur risque de développer un cancer des ovaires
augmenter de 60 % par rapport à celles qui ne
suivent aucun traitement. Ce risque est en revanche insignifiant quand les femmes prennent
un traitement combinant œstrogènes et progestérone. Une autre étude prospective, HERS, avait
tenté d’apporter une réponse – partielle – à des
inquiétudes somme toute légitimes eu égard à la
grande popularité de ce type de traitement. Elle
avait un temps laissé entendre que, même chez
les femmes coronariennes, un THS combiné
(proche de ceux disponibles en France) pouvait,
à terme, avoir un effet cardioprotecteur, sans incidence significative sur la survenue de cancers
du sein invasifs. Cependant, l’an dernier, l’American Heart Association rappelait que rien ne
justifiait encore de prescrire un THS pour la
seule prévention secondaire de la maladie coronaire. HERS II, la poursuite en ouvert de cet
essai, n’a fait que confirmer le bien-fondé de ces
mesures de prudence. Au final, la prolongation
jusqu’à un suivi total de presque 7 ans sur plus
de 2 700 femmes à risque a éliminé toute réduction tangible du risque cardiovasculaire. Pis, le
risque thromboembolique semblait quant à lui
doublé et le recours à la chirurgie pour troubles
de la vésicule biliaire augmentait de 48 %. Avant
de statuer définitivement sur le sort de la THS,
d’autres études seront nécessaires. Car, que ce
soit pour HERS ou pour WHI, le problème est
que ces résultats ne concernent finalement
qu’un régime bien précis de substitution hormo-
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 44 - mars 2003
nale. Rien ne permet d’affirmer avec certitude
que les résultats eussent été similaires avec
d’autres produits ou d’autres dosages. N’empêche que ces deux publications coup sur coup
dans le JAMA et la forte médiatisation qui les a
accompagnées soulève une question importante : comment rassurer les patientes ? D’autant
que le volet de l’étude WHI dont les résultats finaux ne sont pas attendus avant 2005 a dû être
interrompu prématurément et si brutalement
qu’il a entretenu la confusion. Portant sur
quelque 162 000 femmes (âgées de 50 à 79 ans
à l’inclusion, en bonne santé, postménopausées
et à l’utérus intact), il s’agissait en fait du regroupement d’un grand nombre d’essais cliniques
évaluant tant l’impact des régimes alimentaires
que les THS en passant par les supplémentations vitaminiques. D’autres études contredisent
d’ailleurs les conclusions de la WHI, telle celle
réalisée en Finlande, qui ne retrouve pas d’incidence plus élevée sur les problèmes cardiovasculaires d’un THS après un suivi de sept années.
Elle montre même une baisse des accidents vasculaires cérébraux, toujours sous traitement, en
rapport avec la population témoin. Sur l’éventuelle incidence cancérogène, il semble que le
THS ne fasse que révéler ou “réveiller” des cancers préexistants.
Au final, le THS n’est qu’une thérapie comme les
autres, dont les bénéfices attendus sont à mettre
en balance avec des risques de mieux en mieux
documentés, avec, pour appui, les réserves édictées par l’OMS et les recommandations de
l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).
Les recommandations de l’AFSSAPS
Dès avant la sortie dans le JAMA, l’AFSSAPS
avait indiqué qu’elle allait examiner les risques
liés aux traitements hormonaux de remplacement. L’Agence avait toutefois souligné que cette
association d’hormones est “rarement prescrite
en France”. Cependant, elle a émis des réserves,
concernant notamment la durée de prescription,
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qui n’ont pas été appréciées par le Dr Henri Rosenbaum et par les quatre autres experts du
groupe disciplinaire réuni par l’AFSSAPS qui se
sont désolidarisés des recommandations présentées. Tout en reconnaissant le bien-fondé de ces
recommandations, le Dr H. Rosenbaum juge inadmissible le “couperet” des cinq ans. D’autant
que, selon lui, les arguments paraissent faibles.
Et de citer, entre autres, le risque de cancer du
sein de l’étude WHI prise en exemple qui augmente (légèrement) seulement chez les femmes
déjà sous THS au début de l’étude ou encore le
fait que cinq ans ne sont pas suffisants pour préserver un capital osseux en prévention de l’ostéoporose. D’un autre côté, il souligne un
contre-sens quand l’AFSSAPS admet qu’au-delà
de cinq ans les bénéfices des alternatives au THS
sont mal évalués.
Deux millions de Françaises
Selon l’AFEM (Association française pour l’étude
de la ménopause), deux millions de Françaises
prennent un traitement hormonal, et neuf gynécologues sur dix ainsi qu’un généraliste sur
deux prescrivent régulièrement ces traitements.
Dans le monde occidental, près de 20 millions
de femmes – soit entre 20 et 30 % de celles qui
sont âgées de 45 à 64 ans – prennent une forme
ou une autre de THS pour contrecarrer les effets
de la ménopause, notamment les bouffées de
chaleur et l’ostéoporose.
Les risques liés à l’utilisation d’une thérapie hormonosubstitutive ont longtemps été considérés
comme minimes en dehors du risque de tumorisation ovarienne ou endométriale dans le cas
d’une supplémentation en œstrogènes seuls.
Jusqu’à ces derniers jours, concernant le risque
cardiovasculaire ou de cancer du sein, il faut
bien reconnaître que la confusion était la plus
totale. Est-ce à dire que le glas du THS a sonné ?
Pas encore. Avant de statuer définitivement sur
son sort, d’autres études seront nécessaires. La
charge revient maintenant aux praticiens de
faire le bilan complet de chaque patiente individuellement, d’informer chacune au mieux sur
les risques connus, de choisir la posologie optimale. Libres à elles par la suite d’opter ou non
pour un THS en fonction des bénéfices qu’elles
en attendent. Car il ne faut pas oublier le handicap et le coût de l’ostéoporose, principale
conséquence de la ménopause. Quarante pour
cent des femmes de plus de 50 ans seraient ainsi
amenées à avoir une fracture ostéoporotique.
Une incidence qui a tendance à augmenter de
manière exponentielle avec l’âge.
Pour éviter cette complication principale de la
chute hormonale, le THS est-il la solution ?
Peut-être plus tout à fait aujourd’hui mais, pour
les bouffées de chaleur et la sécheresse de la
peau, certainement encore. Autre conséquence
indirecte induite : un meilleur suivi des femmes
sous THS permet de découvrir les tumeurs à
un stade moins évolué que pour le reste de la
population.
Quand traiter ? « En fait, dès que les règles ont disparu, affirme le Dr C. Jamin, gynécologue à Paris,
et que des symptômes sont présents : que ce soit des
bouffées de chaleur, une sécheresse cutanée et vaginale, des troubles importants de l’humeur. Il convient
de traiter surtout si des facteurs de risque de fracture
ostéoporotique, personnels ou familiaux existent ».
Comment traiter ? Avec une association œstroprogestative, selon un mode discontinu avec
règles ou alors continu sans saignement.
En l’absence de contre-indications (antécédents
personnels ou familiaux de cancer du sein, de
l’utérus, de l’ovaire, accidents thromboemboliques anciens ou en évolution, obésité, diabète
compliqué, insuffisance hépatique), il importe
donc, pour éviter les complications de la ménopause, de mettre en route un THS.
Quelle est la bonne attitude ou, en tout cas, la
moins mauvaise ? Un THS doit toujours être
prescrit après un bilan gynécologique soigneux.
Il doit comprendre un interrogatoire familial et
personnel, une mammographie, une échographie, un frottis de dépistage cervicovaginal.
Il comprend également un bilan biologique du
métabolisme glucidique et une EAL (Évaluation
des anomalies lipidiques). « Si l’on doit prolonger
ce THS sur plusieurs années, il peut être bon alors
de préférer aux hormones des produits non hormonaux. Ces derniers vont en effet jouer un rôle protecteur sur l’os sans avoir les inconvénients des préparations hormonales sur les seins et l’utérus. Ces
préparations doivent ou devraient être prescrites
plus fréquemment par le corps médical », poursuit
le Dr C. Jamin. Pour le Dr H. Rosenbaum : « la
décision doit être prise en fonction de la persistance
d’une symptomatologie – qui inclut la qualité de vie
– et d’une perte osseuse persistante. L’assentiment
de la patiente, bien informée, est de rigueur ».
La réévaluation régulière est nécessaire et la
confiance entre le gynécologue et la femme
primordiale.
A.-L.P./J.B.
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 44 - mars 2003
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