Un traitement adjuvant doit-il être proposé

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Cancérologie
Un traitement adjuvant doit-il être proposé
aux patients opérés d’un cancer de l’estomac ?
Ce qu’il faut retenir
Les méta!analyses portant sur l’intérêt
d’une chimiothérapie adjuvante ne sont pas
concordantes et le niveau de preuve de l’ef!
fet de la radio!chimiothérapie adjuvante est
insuffisant pour que ce traitement soit
aujourd’hui recommandé hors essai ; en
Niveau de preuve
_
3
e traitement curatif du cancer gastrique repose essentiellement sur la chirurgie et comprend la résection
chirurgicale complète de la tumeur primitive et le curage des territoires de drainage lymphatique. Les deux facteurs pronostiques
les plus importants sont le type de résection chirurgicale et l’existence d’un envahissement ganglionnaire. Une étude regroupant
1 654 patients atteints d’un cancer de l’estomac a montré que chez
les patients ayant bénéficié d’une résection R0, le facteur pronostique le plus important était l’existence d’un envahissement
ganglionnaire. La survie à 5 ans était de 60 à 80 % en l’absence
d’envahissement ganglionnaire et seulement de 20 à 30 % en cas
d’atteinte ganglionnaire (1). Le curage ganglionnaire a une valeur
diagnostique, pronostique et thérapeutique unanimement reconnue. Le type de curage à réaliser a fait l’objet de multiples débats :
il est actuellement recommandé de faire l’exérèse des ganglions
des deux premiers relais tout en conservant la rate. Ces recommandations doivent être modulées en fonction des circonstances,
et un curage plus limité peut se justifier en cas de cancer superficiel ou au contraire très avancé ou chez les patients très âgés.
revanche" en cas de curage insuffisant
(# D$) ou d’envahissement loco!régional
important" une radio!chimiothérapie com!
plémentaire peut être discutée selon l’état
général du patient%
Cependant, la chirurgie est souvent insuffisante : en effet, dans
une revue américaine récente portant sur 50 169 patients ayant
bénéficié d’une gastrectomie entre 1985 et 1996, la survie à 10
ans était de 65 % parmi les patients présentant une tumeur superficielle (stade IA) mais seulement de 3 à 42 % pour les autres
stades (2). C’est pourquoi, de nombreuses études ont testé l’intérêt d’une chimiothérapie systémique après gastrectomie. Une
compilation de l’ensemble de ces études portant sur un total de
12 367 malades a été récemment publiée (3). Celle-ci a permis
de retrouver globalement un bénéfice de survie dans le bras chimiothérapie par rapport au bras contrôle (OR : 0,84, IC 95 % :
0,74-0,96). Ce bénéfice était essentiellement lié aux résultats des
études asiatiques (OR : 0,58, IC 95 % : 0,44-0,76) mais n’était
pas significatif si on ne considérait que les patients traités en Occident (OR : 0,96, IC 95 % : 0,83-1,12). Dans les 10 dernières
années, quatre méta-analyses ont évalué l’intérêt d’une chimiothérapie adjuvante après traitement curatif d’un cancer gastrique.
Les trois plus anciennes retrouvant un bénéfice à la limite de la
significativité n’apportent pas de conclusion définitive. L’étude
la plus récente (4), analysant les données de 3 118 patients provenant de 17 études, a permis de retrouver un avantage significatif en faveur du traitement adjuvant par chimiothérapie (OR :
0,72, IC 95 % : 0,62-0,84).
La majorité des malades opérés d’un cancer gastrique en Europe
présente une tumeur classée T3 et/ou N+. Dans ce groupe de
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Xä | w x Ç v x @ u t á x w
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Tableau. Résultats du traitement adjuvant par radio-chimiothérapie après chirurgie des adénocarcinomes gastriques par rapport à la chirurgie
seule (5).
Chirurgie + radiochimiothérapie
n = 275
Chirurgie seule
n = 281
50 %
41 %
Médiane de survie
globale
36 mois
27 mois
Survie sans récidive
à 3 ans
48 %
31 %
Médiane de survie
sans récidive
30 mois
19 mois
Survie globale
à 3 ans
malades, les récidives sont essentiellement loco-régionales (66 %
des cas pour les tumeurs T3 et plus de 30 % des cas pour les
tumeurs N1-N2) plaidant en faveur d’un traitement par radiochimiothérapie. Récemment, une étude ayant inclus 556 patients
a évalué le bénéfice d’une radio-chimiothérapie postopératoire
chez les patients présentant une tumeur de stade au moins IB (5).
À trois ans, la survie globale et la survie sans récidive étaient respectivement de 41 % et de 31 % dans le bras chirurgie versus 50 %
et 48 % dans le bras traitement complémentaire. Ainsi, le risque
de décès était significativement plus élevé dans le groupe chirurgie seule que dans le groupe traitement complémentaire (OR :
1,35, IC 95 % : 1,09-1,66, p = 0,005) ; de même, le risque de
rechute était significativement plus important dans le bras chirurgie seule (OR : 1,52, IC 95 % : 1,23-1,86, p < 0,001). Cependant, de nombreuses réserves doivent être apportées aux résultats
de cette étude : en effet, bien que les auteurs précisent qu’il n’a
pas été mis en évidence de différence d’efficacité du traitement
adjuvant en fonction du type de procédure chirurgicale utilisé
(p = 0,80), seulement 10 % des patients avaient bénéficié d’un
curage ganglionnaire de type D2, 36 % d’un curage de type D1
et surtout 54 % d’un curage < D1. De plus, la toxicité avait été
relativement sévère avec une toxicité de grade 3 dans 41 % des
cas et une toxicité de grade 4 dans 32 %. C’est pourquoi de nouvelles études sont encore nécessaires avant de conclure définitivement quant à l’efficacité de ce traitement.
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R
p
0,005
< 0,001
É F É R E N C E S
1. Roder JD, Bottcher K, Siewert JR et al. Pronostic factors in gastric carcinoma. Results of the german gastric carcinoma study 1992. Cancer 1993 ; 72 :
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