HGE-EBM maq. 13/01/03 13:18 Page 297 Cancérologie Un traitement adjuvant doit-il être proposé aux patients opérés d’un cancer de l’estomac ? Ce qu’il faut retenir Les méta!analyses portant sur l’intérêt d’une chimiothérapie adjuvante ne sont pas concordantes et le niveau de preuve de l’ef! fet de la radio!chimiothérapie adjuvante est insuffisant pour que ce traitement soit aujourd’hui recommandé hors essai ; en Niveau de preuve _ 3 e traitement curatif du cancer gastrique repose essentiellement sur la chirurgie et comprend la résection chirurgicale complète de la tumeur primitive et le curage des territoires de drainage lymphatique. Les deux facteurs pronostiques les plus importants sont le type de résection chirurgicale et l’existence d’un envahissement ganglionnaire. Une étude regroupant 1 654 patients atteints d’un cancer de l’estomac a montré que chez les patients ayant bénéficié d’une résection R0, le facteur pronostique le plus important était l’existence d’un envahissement ganglionnaire. La survie à 5 ans était de 60 à 80 % en l’absence d’envahissement ganglionnaire et seulement de 20 à 30 % en cas d’atteinte ganglionnaire (1). Le curage ganglionnaire a une valeur diagnostique, pronostique et thérapeutique unanimement reconnue. Le type de curage à réaliser a fait l’objet de multiples débats : il est actuellement recommandé de faire l’exérèse des ganglions des deux premiers relais tout en conservant la rate. Ces recommandations doivent être modulées en fonction des circonstances, et un curage plus limité peut se justifier en cas de cancer superficiel ou au contraire très avancé ou chez les patients très âgés. revanche" en cas de curage insuffisant (# D$) ou d’envahissement loco!régional important" une radio!chimiothérapie com! plémentaire peut être discutée selon l’état général du patient% Cependant, la chirurgie est souvent insuffisante : en effet, dans une revue américaine récente portant sur 50 169 patients ayant bénéficié d’une gastrectomie entre 1985 et 1996, la survie à 10 ans était de 65 % parmi les patients présentant une tumeur superficielle (stade IA) mais seulement de 3 à 42 % pour les autres stades (2). C’est pourquoi, de nombreuses études ont testé l’intérêt d’une chimiothérapie systémique après gastrectomie. Une compilation de l’ensemble de ces études portant sur un total de 12 367 malades a été récemment publiée (3). Celle-ci a permis de retrouver globalement un bénéfice de survie dans le bras chimiothérapie par rapport au bras contrôle (OR : 0,84, IC 95 % : 0,74-0,96). Ce bénéfice était essentiellement lié aux résultats des études asiatiques (OR : 0,58, IC 95 % : 0,44-0,76) mais n’était pas significatif si on ne considérait que les patients traités en Occident (OR : 0,96, IC 95 % : 0,83-1,12). Dans les 10 dernières années, quatre méta-analyses ont évalué l’intérêt d’une chimiothérapie adjuvante après traitement curatif d’un cancer gastrique. Les trois plus anciennes retrouvant un bénéfice à la limite de la significativité n’apportent pas de conclusion définitive. L’étude la plus récente (4), analysant les données de 3 118 patients provenant de 17 études, a permis de retrouver un avantage significatif en faveur du traitement adjuvant par chimiothérapie (OR : 0,72, IC 95 % : 0,62-0,84). La majorité des malades opérés d’un cancer gastrique en Europe présente une tumeur classée T3 et/ou N+. Dans ce groupe de La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. V - novembre-décembre 2002 297 HGE-EBM maq. 13/01/03 13:18 Page 298 Xä | w x Ç v x @ u t á x w Å x w | v | Ç x Tableau. Résultats du traitement adjuvant par radio-chimiothérapie après chirurgie des adénocarcinomes gastriques par rapport à la chirurgie seule (5). Chirurgie + radiochimiothérapie n = 275 Chirurgie seule n = 281 50 % 41 % Médiane de survie globale 36 mois 27 mois Survie sans récidive à 3 ans 48 % 31 % Médiane de survie sans récidive 30 mois 19 mois Survie globale à 3 ans malades, les récidives sont essentiellement loco-régionales (66 % des cas pour les tumeurs T3 et plus de 30 % des cas pour les tumeurs N1-N2) plaidant en faveur d’un traitement par radiochimiothérapie. Récemment, une étude ayant inclus 556 patients a évalué le bénéfice d’une radio-chimiothérapie postopératoire chez les patients présentant une tumeur de stade au moins IB (5). À trois ans, la survie globale et la survie sans récidive étaient respectivement de 41 % et de 31 % dans le bras chirurgie versus 50 % et 48 % dans le bras traitement complémentaire. Ainsi, le risque de décès était significativement plus élevé dans le groupe chirurgie seule que dans le groupe traitement complémentaire (OR : 1,35, IC 95 % : 1,09-1,66, p = 0,005) ; de même, le risque de rechute était significativement plus important dans le bras chirurgie seule (OR : 1,52, IC 95 % : 1,23-1,86, p < 0,001). Cependant, de nombreuses réserves doivent être apportées aux résultats de cette étude : en effet, bien que les auteurs précisent qu’il n’a pas été mis en évidence de différence d’efficacité du traitement adjuvant en fonction du type de procédure chirurgicale utilisé (p = 0,80), seulement 10 % des patients avaient bénéficié d’un curage ganglionnaire de type D2, 36 % d’un curage de type D1 et surtout 54 % d’un curage < D1. De plus, la toxicité avait été relativement sévère avec une toxicité de grade 3 dans 41 % des cas et une toxicité de grade 4 dans 32 %. C’est pourquoi de nouvelles études sont encore nécessaires avant de conclure définitivement quant à l’efficacité de ce traitement. 298 R p 0,005 < 0,001 É F É R E N C E S 1. Roder JD, Bottcher K, Siewert JR et al. Pronostic factors in gastric carcinoma. Results of the german gastric carcinoma study 1992. Cancer 1993 ; 72 : 2089-97. 2. Hundahl SA, Phillips JL, Menck HR. The national cancer data base report on poor survival of U.S. gastric carcinoma patients treated with gastrectomy : fifth edition american joint committee on cancer staging, proximal disease and the “different disease” hypothesis. Cancer 2000 ; 88 : 921-32. 3. Janunger KG, Hafstrom L, Nygren P et al. A systemic overview of chemotherapy effects in gastric cancer. Acta Oncol 2001 ; 40 : 309-26. 4. Panzini I, Gianni L, Fattori PP et al. Adjuvant chemotherapy in gastric cancer : a meta-analysis of randomized trials and a comparison with previous metaanalyses. Tumori 2002 ; 88 : 21-7. 5. Mac Donald JS, Smalley SR, Benedetti J et al. Chemoradiotherapy after surgery compared with surgery alone for adenocarcinoma of the stomach or gastroesophageal junction. N Engl J Med 2001 ; 345 : 725-30. La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. V - novembre-décembre 2002