Evidence-based medicine La chimiothérapie adjuvante des cancers colo-rectaux est-elle utile chez les sujets âgés ? ce qu’il faut retenir Les sujets âgés, bien que majoritairement atteints par le cancer colo-rectal, restent actuellement sous-traités. La chimiothérapie adjuvante est peu pratiquée dans cette population pour des raisons qui associent principalement le taux élevé de comorbidité, les convictions du médecin ou encore les préférences du malade. Cependant, dans la Niveau de preuve E 1 ntre 1950 et 2000, la population française s’est accrue de 18 millions de personnes, avec un doublement de la population de plus de 60 ans (la population de plus de 75 ans ayant pratiquement triplée). Actuellement, 7,7 % de la population a plus de 75 ans, ce qui représente plus de 4 350 000 personnes (1). À 60 ans, l’espérance de vie pour les femmes et les hommes est respectivement de 25,7 ans et de 20,6 ans et reste de 12,8 et 10 ans à 75 ans (2). Par ailleurs, le cancer colo-rectal (CCR), dont l’incidence générale est en augmentation (36 600 nouveaux cas en 2000), est un cancer du sujet âgé, avec un âge moyen au diagnostic de 69,5 ans pour les hommes et de 72,8 ans pour les femmes. Il existe une importante variabilité dans la prise en charge du CCR en fonction de l’âge des patients. En effet, de 1976 à 1998, l’étude du registre des cancers coliques de la Côte d’Or regroupant 3 389 patients dont 1 520 patients de 75 ans et plus, a révélé que, par rapport aux patients plus jeunes, les patients de plus de 75 ans bénéficiaient moins souvent d’une résection à visée curative (OR : 3,18 ; IC 95% : 2,52-4,00, p < 0,001), d’une chimiothérapie adjuvante (OR : 10,80 ; IC 95 % : 6,34-18,30, p < 0,001), et d’une chimiothérapie palliative (3). 24 mesure où les patients ont été sélectionnés grâce à une évaluation adaptée, plusieurs études ont montré un bénéfice à la chimiothérapie adjuvante identique dans cette population par rapport aux patients plus jeunes, en termes de survie globale et de survie sans récidive au prix d’une toxicité modérée et contrôlable. De la même façon, l’étude d’une cohorte de 6 262 patients ayant bénéficié d’une résection à visée curative d’un CCR de stade III a révélé qu’une chimiothérapie adjuvante était réalisée dans 78 % des cas chez les patients de 65-69 ans, dans 74 % des cas de 70-74 ans, 58 % des cas de 75-79 ans, dans 34 % de 80-84 ans et dans 11 % des cas chez les patients de 85-89 ans. Après ajustement sur le sexe, la race et le nombre de ganglions envahis, la pratique de la chimiothérapie adjuvante restait significativement corrélée à l’âge (p < 0,001). Par ailleurs, dans cette étude, si l’on considérait les patients de 75 à 84 ans, la survie globale et la survie spécifique suivaient des courbes globalement parallèles démontrant que, même dans cette tranche d’âge, le cancer initial restait la principale cause de décès. La survie globale approchait les 50 % à 5 ans, renforçant encore l’intérêt des traitements adjuvants chez ces patients (4). Ces résultats sont tout à fait concordants avec ceux rapportés par Sargent et al. qui, dans une métaanalyse de sept études randomisées de phase III rassemblant 3 351 patients, ont retrouvé un bénéfice à la chimiothérapie adjuvante en termes de survie globale (OR : 0,76 ; IC 95 % : 0,680,85) et de survie sans récidive (OR : 0,68 ; IC 95 % : 0,60-0,76) quel que soit l’âge des patients (5). Là encore, les courbes de survie globale à 5 ans et de survie sans récidive comparant les patients ayant ou n’ayant pas reçu de chimiothérapie adjuvante étaient similaires pour les patients de plus ou de moins de 70 ans. La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. VII - janvier-février 2004 cancérologie Au-delà de 5 ans de suivi, le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante apparaissait moins clairement dans le groupe des patients de plus de 70 ans, probablement en raison des décès liés à d’autres causes. L’analyse des toxicités liées à la chimiothérapie ne faisait pas apparaître d’augmentation des nausées, vomissements, stomatites ou diarrhées chez les patients de plus de 70 ans. Les leucopénies étaient plus fréquentes chez les patients âgés ayant reçu une association 5FU+ lévamisole (p < 0,001). En revanche, ce léger excès de toxicité hématologique lié à l’âge n’était qu’à la limite de la significativité pour les patients traités par 5FU + acide folinique (p = 0,05) (5). R É F É R E N C E S 1. INSEE. Recensement de la population 1999. Exploitation principale. 2. Doisneau L. Bilan démographique 2002. INSEE Janvier 2003. N° 882. 3. Faivre-Finn C, Bouvier-Benhamiche AM, Phelip JM et al. Colon cancer in France : evidence for improvement in management and survival. Gut 2002 ; 51 : 60-4. 4. Schrag D, Cramer LD, Bach PB, Begg CB. Age and adjuvant therapy use after surgery for stage III colon cancer. J Natl Cancer Inst 2001 ; 93 : 850-7. 5. Sargent DJ, Goldberg RM, Jacobson SD et al. A pooled analysis of adjuvant chemotherapy for resected colon cancer in elderly patients. N Engl J Med 2001 ; 345 : 1091-7. ✂ UI, JE M’ABONNE à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue, à ses actualités et à tous ses suppléments Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules ❏ Collectivité .................................................................................. 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