D2R1 ou quel curage ganglionnaire pour les cancers de l estomac ?

Le mot du mois
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (13), n° 6, juin 1999 142
D2R2 ?
Certes cette dénomination
pourrait faire croire à un
droïde.
Pourtant c’est de chirur-
gie dont il s’agit. De chi-
rurgie du 3emillénaire
alors ?
C’est ce qu’ont cru nos col-
lègues japonais, lorsque,
confrontés à une prévalen-
ce du cancer de l’estomac
bien supérieure à celle des
pays occidentaux, ils ont
voulu en codifier le traite-
ment. Il faut toutefois leur
reconnaître une cohérence
complète en ce qui concer-
ne l’approche de ce can-
cer, puisqu’ils ont com-
mencé par modifier la
nomenclature anatomique,
qui régit le drainage lym-
phatique de l’estomac, dès
1981. Ils ont numéroté les
relais ganglionnaires de
l’estomac de 1 à 16. Ces
groupes ganglionnaires
ont ensuite été réunis en
trois régions, qui permet-
tent de définir trois
niveaux de dissection gan-
glionnaires, appelées ini-
tialement R1, R2 et R3.
Cette appellation a ensuite
été supprimée, afin d’évi-
ter une confusion avec la
classification de l’Union
internationale contre le
cancer, dans laquelle la
dénomination “R” est
réservée à la présence ou
non d’un résidu tumoral
postopératoire (R0, R1,
R2). Cette confusion a
donc conduit à changer
cette dénomination en D
(pour “dissection”), donc
D1, D2, et D3.
Quel curage ganglion-
naire se cache derrière cette
terminologie et pourquoi ?
• Quel curage ganglion-
naire ?
Dans le curage D1, les
ganglions allant du grou-
pe 1 au groupe 6 (péri-
gastriques = N1) sont
habituellement réséqués.
Dans le curage D2, outre
les ganglions N1, les
ganglions des groupes 7
à 11 (N2) sont emportés
de manière complémen-
taire. Enfin, dans le cura-
ge D3, les ganglions N1
et N2 sont réséqués ainsi
que les ganglions des
groupes 12 à 16 (N3).
Point important, l’exérèse
des groupes 10, 11 et 14
nécessite, pour être com-
plète, une splénopancréa-
tectomie gauche. Enfin,
on admet qu’un curage
ganglionnaire D2 est
fiable si au moins 26
ment présent à l’état muté dans le rétrovi-
rus de Harvey), ces degènes n’étant
que rarement altérés dans les tumeurs
digestives. L’oncogène Ki-ras est égale-
ment présent à l’état muté dans le rétrovir
ment présent à l’état muté dans le rétrovi-
rus de Harvey), ces degènes n’étant
que rarement altérés dans les tumeurs
D2R2
ou quel curage ganglionnaire
pour les cancers de l’estomac ?
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ganglions par pièce sont
retrouvés et analysés.
• Pourquoi proposer un
curage ganglionnaire D2,
c’est-à-dire extensif ?
La nécessité d’obtenir un
“staging” ganglionnaire
précis a été l’un des
arguments mis en avant
pour étendre la lympha-
dénectomie, dans le but
d’obtenir un nombre
important de ganglions.
Mais l’argument principal
a été celui d’un bénéfice
attendu sur la survie.
Depuis 1962, sur plus de
5000 résections gas-
triques, la survie à cinq
ans des cancers de l’esto-
mac, répertoriée par le
National Cancer Center
Hospital de Tokyo, s’est
régulièrement améliorée.
Cette amélioration a été
mise sur le compte de
l’extension, au fil des
années, du curage gan-
glionnaire. Plusieurs études
rétrospectives japonaises
ont étayé cet argument.
Mais cette argumentation
n’a pas paru suffisante
aux chirurgiens occiden-
taux pour justifier un
curage ganglionnaire
extensif. C’est pourquoi
quatre études contrôlées
ont été conduites sur le
sujet (les études contrô-
lées n’étant pas licites au
Japon) (1, 4). Ces études
n’ont pas abouti aux
mêmes résultats que les
études japonaises. La
morbidité et la mortalité
des curages D2 sont rela-
tivement élevées, dues
surtout à la splénopan-
créatectomie gauche. Les
résultats de la plus impor-
tante de ces études, en
nombre de malades et
d’un point de vue métho-
dologique, viennent d’être
publiées (5). Ils ne confir-
ment pas l’hypothèse
d’un bénéfice sur la sur-
vie d’un curage extensif,
de type D2, dans la chi-
rurgie d’exérèse à visée
curative pour les cancers
de l’estomac*.
Références
1. Bonenkamp J.J., Songun I.,
Hermans J. et coll. Randomized com-
parison of morbidity after D1 and D2
dissection for gastric cancer in 996
Dutch patients. Lancet 1995 ; 345 :
745-8.
2. Dent D.M., Madden M.V., Price
S.K. Randomized comparison of R1
and R2 gastrectomy for gastric carci-
noma. Br J Surg 1988 ; 75 : 110-2.
3. Robertson C.S., Chung S.C.S.,
Woods S.D.S. et coll. A prospective
randomized trial comparing R1, sub-
total gastrectomy with R3 total gas-
trectomy for antral cancer. Ann Surg
1994 ; 220 : 176-82.
4. Cushieri A., Fayers P., Fielding J. et
coll. for the Surgical Cooperative
Group. Postoperative morbidity and
mortality after D1 and D2 resections
for gastric cancer : preliminary results
of the MRC randomized controlled
surgical trial. Lancet 1996 ; 347 :
995-9.
5. Bonenkamp J.J., Hermans J.,
Sasako M., Van de Velde C.J.H.
Extended lymph-node dissection for
gastric cancer. N Engl J Med 1999 ;
340 : 908-14.
* Voir à ce sujet dans la revue de
presse “Ça y est, les résultats de l’étu-
de contrôlée hollandaise sur le curage
D2 dans les cancers de l’estomac
sont disponibles. Ce curage n’est
pas justifié !”
F. Lacaine, hôpital Tenon, Paris
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