C A N C E R S D I G E S T I F S Cancers digestifs T. André* e congrès de l'ASCO 2004 a été marqué essentiellement dans le domaine des tumeurs digestives par les présentations d’études de phase III de chimiothérapie adjuvante dans le cancer du côlon et de chimiothérapie palliative dans le cancer du pancréas avancé. Pour la première fois, une étude avec un large effectif a démontré l’intérêt d’une chimiothérapie par 5-FU et acide folinique (AF) dans les cancers du côlon de stade II. Le schéma IFL pour les stades III (irinotécan, 5-FU bolus hebdomadaire et AF) n’améliore pas la survie sans rechute et la survie globale par rapport au schéma de la Mayo Clinic. L’abandon définitif du schéma de la Mayo Clinic a été entériné par deux études qui l’ont comparé en situation adjuvante aux fluoropyrimidines orales (capécitabine et UFT). Dans le cancer du pancréas avancé, quatre études de phase III ont été présentées, le standard restant la gemcitabine. Le GEMOX (gemcitabine + oxaliplatine) est le seul challenger de la gemcitabine à avoir obtenu un meilleur taux de réponse, une meilleure survie sans progression (PFS) et une amélioration du bénéfice clinique, mais sans amélioration statistiquement significative de la survie globale. Parmi les 775 abstracts soumis dans le domaine digestif, 200 ont été présentés sous forme de poster, 36 sous forme de poster- discussion et 20 en communication orale. L PRÉVENTION DU CANCER COLORECTAL Les inhibiteurs de l’HMG-CoA réductase (3-hydroxy-2-méthylglutaryl coenzyme A) sont des agents hypolipémiants, qui, dans une étude randomisée chez des patients avec un infarctus du myocarde, diminuaient le risque de développer un cancer colorectal. CANCERS COLORECTAUX : TRAITEMENT ADJUVANT L’étude QUASAR a comparé du 5-FU + AF (schéma Roswell Park : 5-FU bolus + AF hebdomadaire pendant 30 semaines ou schéma de la Mayo Clinic pendant 24 semaines) versus observation (abstract 3501). Dans cette étude pragmatique, les patients pouvaient être inclus si leur médecin considérait que l’indication d’une chimiothérapie adjuvante était incertaine. Trois mille deux cent trente-neuf patients ont été randomisés, 1 617 dans le bras observation et 1 622 dans le bras chimiothérapie. Les caractéristiques des patients étaient parfaitement réparties entre les deux bras avec 92 % de stades I et II, 8 % de stade III, 71 % de cancers du côlon et 29 % de cancers du rectum ou des deux, un âge médian de 63 ans, 51 % de schéma de la Mayo Clinic, 6 % de radiothérapie préopératoire et 8 % de radiothérapie postopératoire. Le suivi médian était de 4,6 ans. Le nombre de décès pendant le traitement était similaire dans les deux bras : 4 et 4,2 %. La survie sans récidive (RFS) à 5 ans pour tous les patients inclus était de 77,8 % dans le bras chimiothérapie versus 73,8 % dans le bras observation (p = 0,001 ; HR à 0,78 ; IC95 : 0,67-0,91). La survie globale à 5 ans (OS) était de 80,3 % dans le bras chimiothérapie versus 77,4 % dans le bras observation (p = 0,02 ; HR à 0,83 ; IC95 : 0,71-0,97). Tous les sous-groupes tiraient bénéfice du traitement. Concernant les stades II, 224 décès sont survenus dans le bras chimiothérapie et 262 dans le bras observation (p = 0,04), ce qui correspond à un gain de survie globale de 3 %. Les auteurs concluent à un bénéfice faible, mais significatif en termes de survie globale (3 %) pour les patients avec un stade II traités par chimiothérapie (5-FU + AF ± lévamisole) (figure 1). Une étude cas témoin a été présentée en séance plénière ( a b stract 1). Mille six cent huit cas de cancer du côlon ont été diagnostiqués en Israël entre 1998 et 2002. Une population de 1 734 cas contrôle y a été appariée. La prise d’inhibiteur de l’HMG-CoA réductase était associée à un effet protecteur avec un odds-ratio de 0,46 (IC95 : 0,35-0,60). Cette association persistait après ajustement avec les autres facteurs de risque connus (âge, hypercholestérolémie, race, aspirine, AINS et faible pénétrance de l’allèle de prédisposition APC I1307K). La prise d’inhibiteur de l’HMG-CoA réductase est associée à une diminution de 51 % du risque de cancer colorectal. Des études prospectives sont nécessaires pour confirmer cette donnée. * Service d’oncologie médicale, hôpital Tenon, Paris. La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - no 3 - mai-juin 2004 Figure 1. Courbe de survie globale des stades B (stade II) de l’étude QUASAR. 107 C A N C E R S L’étude C06 du NSABP (abstract 3508) a comparé un schéma de 5-FU et AF (schéma Roswell Park) à de l’UFT + AF (24 semaines de traitement dans les deux bras). Les caractéristiques des patients étaient parfaitement réparties dans les deux bras, avec respectivement 46 % et 47 % de stades II et 54 % et 53 % de stades III. Le profil de tolérance était similaire, avec 37 % de toxicité de grade 3-4 et 1 % de décès (durant le traitement) dans les deux bras. Mille deux cent soixante-quatre patients ont été randomisés, et le suivi médian était de 62 mois. Les résultats des deux traitements étaient identiques en termes de survie globale (OS) (p = 0,88) et de survie sans maladie (DFS) (p = 0,79). Les auteurs concluaient à l’équivalence de ces deux schémas en termes de toxicité, de survie globale et de survie sans maladie. L’étude X-ACT (abstract 3509) a comparé le schéma Mayo Clinic (FUFOL mensuel pendant 24 semaines) à la capécitabine (1 250 mg/m2 x 2/j, 14 jours sur 21 pendant 24 semaines). L’objectif principal de l’étude était de montrer une équivalence de 3 ans entre les deux bras (puissance de 80 % pour montrer au moins une équivalence si la limite supérieure de l’intervalle de confiance à 95 % pour le HR était inférieure à 1,25). Entre 1998 et 2001, 1 987 patients ont été inclus. Le profil de tolérance était meilleur pour le bras capécitabine avec moins de neutropénies, de mucites et de diarrhées, mais plus de syndromes mains-pieds (Ann Oncol 2003;14:1735-43). Les patients inclus étaient tous atteints de tumeur de stade III. Les caractéristiques des patients étaient les suivantes : 14 % de T4 et 30 % de N2 dans les deux bras, respectivement 17 % et 20 % des tumeurs étaient peu ou pas indifférenciées (capécitabine versus Mayo Clinic), et l’ACE était supérieur à la normale chez 20 % des patients dans le bras capécitabine versus 16 % dans le bras Mayo Clinic. La DFS à 3 ans était de 64,2 % dans le bras capécitabine et de 60,6 % dans le bras Mayo Clinic (p = 0,0528 ; HR à 0,87 ; IC95 : 0,75-1). La RFS à 3 ans était de 65,5 % dans le bras capécitabine et de 61,9 % dans le bras Mayo Clinic (p = 0,0407 ; HR à 0,86 ; IC95 : 0,74-0,99). L’OS à 3 ans était de 81,3 % dans le bras capécitabine et de 77,6 % dans le bras Mayo Clinic (p = 0,0706). Dans l’analyse multivariée, les facteurs pronostiques étaient la capécitabine (p = 0,01), le sexe féminin (p = 0,0008), le statut ganglionnaire N2 (< 0,001) et l’ACE supérieur à la normale (< 0,001). Dans le bras capécitabine, 42 % des patients ont eu une diminution de dose et 57 % ont été concernés par une réduction de dose ou un report ou une interruption de traitement. L’objectif principal de cette étude a été atteint. La capécitabine s’est montrée comparable au schéma Mayo Clinic en termes de survie globale à 3 ans, associée à une moindre toxicité, avec une tendance à l’amélioration de la DFS et de l’OS, en faveur de la capécitabine. La conclusion des auteurs est que la capécitabine doit remplacer le schéma de la Mayo Clinic dans les cancers du côlon de stade III (figure 2). L’étude de l’intergroupe CALGB C89803 (abstract 3500) comparait l'IFL (FU bolus + AF hebdomadaire + irinotécan) à une association de 5-FU et d'AF selon le schéma de la Mayo Clinic. Les patients inclus ont tous été opérés d’une tumeur de stade III. Avec un suivi médian de 2,6 ans, le schéma IFL n’a pas montré d’amélioration par rapport au bras 5-FU/AF en termes d’OS (p = 0,81) ou de DFS (p = 0,84). Le nombre de décès toxiques a 108 D I G E S T I F S Figure 2. Courbe de survie sans maladie (DFS) de l’étude X-ACT. été plus élevé dans le bras IFL que dans le bras FUFOL (18 versus 6 ; p = 0,80). Le nombre de décès pendant le traitement a été de 2,8 % dans le bras IFL et de 1 % dans le bras Mayo Clinic (p = 0,008). Le schéma IFL est plus toxique que le FUFOL de la Mayo Clinic, sans diminution du taux de rechute, et ne doit pas être utilisé dans le traitement des cancers du côlon de stade III. Une analyse des patients avec un stade II, inclus dans l’étude MOSAIC (LV5FU2 versus FOLFOX4), a été présentée avec des données actualisées (abstract 3619). Le risque de rechute pour les stades II et III était respectivement de 20 et 24 %. Dans l’étude MOSAIC, si on considère les stades II à haut risque (T4, ou occlusion, ou perforation, ou tumeur peu différenciée, ou invasion veineuse, ou nombre de ganglions inférieur à dix), la diminution du risque de rechute est alors de 28 %. L’étude MOSAIC ne permet pas de conclure à l’intérêt d’une chimiothérapie pour les stades II. Cependant, si la décision de faire une chimiothérapie est prise en prenant en compte l’évaluation individuelle de leur risque potentiel de rechute, le schéma FOLFOX4 peut être considéré comme une option thérapeutique pour les stades II à risque. Une analyse avec des données individuelles de quinze études randomisées de traitement adjuvant dans le cancer du côlon ( a b stract 3502), a montré qu’il existe une étroite corrélation entre la DFS à 3 ans et l’OS à 5 ans. Cette étude regroupait des données individuelles de 17 367 patients. Les caractéristiques des patients étaient 1 % de stade I, 34 % de stade II et 65 % de stade III. Les taux de rechute de 1 à 5 ans étaient de 11, 13, 7, 4 et 3 %, et le délai moyen entre la rechute et le décès était de 1,1 an ; 74 % des rechutes sont survenues dans les trois premières années ; 95 % des patients sans rechute de leur maladie à 3 ans étaient en vie à 5 ans ; 86 % des patients ayant rechuté à 3 ans étaient morts à 5 ans. Sur les vingt-deux études analysées, dix-neuf avaient les mêmes conclusions concernant DFS et OS (14 sans différence, 5 avec une différence significative). Seules trois études présentaient des résultats discordants (différence significative pour DFS, mais pas pour OS). Ces trois études avaient un p 0,025. Cette analyse montre une étroite corrélation entre la DFS à 3 ans et l’OS à 5 ans, avec un petit facteur d’atténuation. La DFS à 3 ans permet de prédire la survie à 5 ans ; elle est un objectif principal approprié pour les essais évaluant le traitement adjuvant des La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - no 3 - mai-juin 2004 C A N C E R S cancers du côlon par une chimiothérapie à base de 5-FU. L’adoption de la DFS comme critère principal des essais thérapeutiques évaluant des traitements en situation adjuvante dans le cancer du côlon devrait permettre un accès plus rapide aux thérapeutiques prometteuses. L’étude anglaise déjà publiée avec des résultats à 3 ans (Br J Cancer 2003;88:1959-1965) a été présentée avec des résultats actualisés à 5 ans (abstract 3523). Dans cette étude, 801 patients ont été randomisés entre 6 mois de FUFOL de la Mayo Clinic versus perfusion continue de 5-FU à la posologie de 300 mg/m2/j pendant 12 semaines. Ont été inclus dans cette étude les patients avec cancers du côlon (60 %) ou du rectum (40 %), de stade II (45 %) ou III (55 %). La perfusion continue de 5-FU pendant 3 mois versus 6 mois de Mayo Clinic était associée avec une tendance à une meilleure RFS à 5 ans (73,3 % versus 66,7 % ; p = 0,10) et à une meilleure survie globale (OS) (75,7 % versus 71,5 % ; p = 0,0833), et cela avec une toxicité moindre. Les auteurs concluaient à une probabilité extrêmement faible (p < 0,005) que 12 semaines de 5-FU en perfusion continue soient inférieures à 6 mois de 5-FU/AF selon le schéma de la Mayo Clinic. Ils concluaient également à la nécessité d’explorer des durées de chimiothérapie inférieures à 6 mois dans le traitement adjuvant du cancer du côlon. Une analyse du sous-groupe a été effectuée dans cette étude concernant les cancers du rectum. Les résultats étaient une amélioration de la RFS pour le bras 5-FU continu (p = 0,0246) avec une tendance à l’amélioration de l’OS (p = 0,070). Une analyse de qualité de vie concernant cette même étude a fait l’objet d’un autre poster (abstract 3625). Les conclusions des auteurs concernant cette présentation étaient que la perfusion continue de 5-FU pendant 3 mois est associée à une meilleure qualité de vie. Une étude du CALGB a montré l’intérêt du ganglion sentinelle dans le cancer du côlon (abstract 3506). La conclusion des auteurs était que la localisation du ganglion sentinelle ne modifie pas la nécessité d’élargir la lymphadénectomie chez des patients ayant des cancers du côlon résécables. L’identification du ganglion sentinelle par injection de bleu d’isofulfan avec des techniques classiques d’histopathologie ne permet pas d’augmenter l’incidence de l’envahissement ganglionnaire. Les résultats de l’étude EORTC 40911-FFCD 9204 ont été présentés. Il s’agissait d’une étude de phase III chez de patients ayant des cancers du côlon de stades II et III (abstract 3620). Mille huit cent cinquante-sept patients ont été randomisés pendant la chirurgie et 1 501 avaient les critères d’éligibilité (stade II ou III). Cet essai posait deux questions : La question d’une chimiothérapie régionale intrapéritonéale ou intraportale versus pas de chimiothérapie intrapéritonéale ou intraportale. Une deuxième question qui comparait une chimiothérapie systémique par 5-FU et AF selon le schéma de la Mayo Clinic à une association de 5-FU et de lévamisole. Il n’existait aucune différence entre les quatre bras, et la conclusion des auteurs était que la combinaison de chimiothérapie régionale et systémique n’améliore pas l’efficacité de la chimiothérapie systémique. La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - no 3 - mai-juin 2004 D I G E S T I F S CANCER DU RECTUM ADJUVANT Une étude japonaise de chimiothérapie adjuvante des cancers du rectum de stade III par l’UFT (uracil et tégafur) a été présentée (abstract 3524). Deux cent soixante-quatorze patients ont été randomisés entre UFT + AF pendant un an versus chirurgie seule. La RFS à 3 ans était de 78 % dans le bras UFT et de 60 % dans le bras chirurgie seule (p = 0,0014). Concernant l’OS à 3 ans, elle était de 91 % pour l’UFT et de 81 % pour la chirurgie seule (p = 0,0048). Deux études de phase III ont comparé une radiothérapie préopératoire à une radiochimiothérapie (RT-CT) préopératoire (45 Gy versus 45 Gy+ à la première et à la cinquième semaines, avec chimiothérapie par 5-FU 350 mg/m2 et AF pendant 5 jours). Les résultats préliminaires de ces deux études montraient une augmentation du taux de réponse complète histologique dans le bras RT-CT (abstracts 3504 et 3626). Ces résultats sont en faveur de l’association RT-CT (tableau I). Tableau I. J.F. Bosset T. Conroy (abstract 3504) (abstract 3626) Nombre de patients 1 011 762 Réponse complète histologique (pRC) – RT préopératoire (45 Gy) 5,3 % – RTCT préopératoire 14 % p < 0,001 3% 10 % p = 0,00001 Conservation sphinctérienne – RT préopératoire – RT-CT préopératoire 52,4 % 55,6 % p = 0,05 51 % 51 % 37,7 % 54,3 % p < 0,005 2% 14 % p = 0,00001 Toxicité de grade 2-4 et 3-4 – RT préopératoire – RT-CT préopératoire M.S. Roth (abstract 3505) a présenté les résultats de l’étude R03 du NSABP comparant une RT-CT pré- versus postopératoire. La RT-CT préopératoire versus la RT-CT postopératoire améliorait de façon non significative la RFS (p = 0,08) et l’OS (p = 0,14). Le taux de réponse complète histologique était corrélé de façon statistiquement significative avec une augmentation de la RFS et de l’OS (p < 0,05). Cinq études de phase II d’association RT-CT avec capécitabine ± oxaliplatine ont été présentées en poster (abstracts 3538, 3552, 3559, 3575 et 3607). Les résultats préliminaires de ces quatre études sont encourageants. L’étude du GERCOR a montré la faisabilité de l’association 45 Gy en 5 semaines avec de la capécitabine à la dose de 825 mg/m2 x 2/j durant toute la durée de la radiothérapie (abstract 3538). La tolérance de cette association était bonne, avec l’absence de grade 3-4 hématologique et 3 % de diarrhée grade 3-4. Sur les 51 patients inclus, 50 ont pu avoir l’exérèse de leur tumeur avec un taux de réponse complète histologique de 24 % ; 29 patients ont eu une chirurgie conservatrice. Sur ces 29 patients, 3 ont pu avoir une chirurgie conservatrice, alors qu’une amputation était initialement prévue. Cette association radiochimiothérapie simple, qui ne nécessite pas la pose d’un site implantable, est donc bien tolérée, avec un taux 109 C A N C E R S D I G E S T I F S Tableau II. Capécitabine-RT J. Dunst (abstract 3559) Capécitabine-RT B. Dupuis (abstract 3538) XELOX-RT R. Glynne-Jones (abstract 3575) XELOX-RT L.R. Duck (abstract 3552) Cancer du rectum (localement avancé) T2 à T4 en écho-endoscopie 79 51 62 31 Dose de radiothérapie 50,4 Gy 45 Gy 45 Gy 45 Gy Dose de capécitabine 825 mg/m2 x 2/j 825 mg/m2 x 2/j 650 mg/m2 x 2/j 825 mg/m2 x 2/j Dose d’oxaliplatine 0 0 130 mg/m J1-J29 50 mg/m2/sem. Diarrhée grade 3-4 7% 3% ND 22 % Neutropénie grade 3-4 10 % 0% ND 1% CR histologique ND 24 % (12 patients sur 50) ND 1 patient sur 17 Maladie résiduelle faible (microfoci) ND 12 % ND 5 patients sur 17 2 ND : non déterminé de réponse complète histologique comparable à celui obtenu avec une association de 45 Gy avec du 5-FU en perfusion continue et supérieur à la radiothérapie seule. Des études de phase III sont nécessaires (tableau II). Une étude de phase II a testé l’association oxaliplatine et 5-FU en perfusion continue durant une radiothérapie (50,4 Gy) chez des patients ayant un cancer du rectum avancé (43 patients ayant un stade T3 et 10 un stade T4). Le taux de réponse complète histologique était de 22,7 %, et 36 % des patients qui avaient une tumeur à moins de 5 cm de la marge anale ont pu avoir une conservation sphinctérienne. La tolérance de l’association a été acceptable, avec 7 % de diarrhée de grade 3 (abstract 3607). Les résultats de tolérance de l’étude 98 de l’AERO, devenue un essai intergroupe, ont été présentés en poster par P. Piedbois (abstract 3549). Cette étude randomisée pour des cancers du rectum de stade II ou III après chirurgie (radiothérapie néoadjuvante recommandée) comparait une chimiothérapie à base de 5-FU et AF (FUFOL de la Mayo Clinic ou LV5FU2) à LV5FU2 + irinotécan. Il existe une augmentation des toxicités de grade 3-4 quand on compare le LV5FU2 + irinotécan au LV5FU2, avec cependant une tolérance acceptable de l’association LV5FU2 + irinotécan. La toxicité du FUFOL de la Mayo Clinic est tout à fait similaire à celle de l’association LV5FU2 + irinotécan. La radiothérapie préopératoire n’augmente pas le risque de diarrhée de grade 3-4, notamment chez les patients traités par irinotécan. L’inclusion dans cette étude continue. CANCERS COLORECTAUX MÉTASTASTIQUES Chimiothérapie Une analyse de plusieurs études randomisées (abstract 3504), dans le cancer colorectal métastatique, de chimiothérapie à base de 5-FU, AF et/ou irinotécan, a montré qu’il existait une étroite corrélation entre le temps de progression tumorale (TTP) et l’OS. Ces résultats renforcent l’hypothèse que le TTP pourrait être pris pour objectif principal des essais thérapeutiques de phase III dans le cancer colorectal métastatique. L’étude OPTIMOX 1, présentée en poster/discussion, comparait deux stratégies thérapeutiques : soit du FOLFOX4 jusqu’à progression, soit une alternance de 6 cycles de FOLFOX7 avec 110 maintenance par du LV5FU2 simplifié avec réintroduction du FOLFOX7(abstract 3525) en cas de progression sous LV5FU2 simplifié ou après 12 cycles de LV5FU2 simplifié. Les résultats définitifs de cette étude montrent que les deux bras thérapeutiques sont identiques en termes de taux de réponse, de survie sans progression, de durée de contrôle de la maladie et de survie globale. La dose intensité d’oxaliplatine (130 mg/m2 versus 85 mg/m2) n’est donc pas essentielle en première ligne de chimiothérapie chez les patients métastatiques. Du point de vue de la tolérance, il y avait moins de neutropénie et de neuropathie de grade 3-4, mais plus de thrombopénie avec le FOLFOX7. Quand on rentre dans le détail de cette étude, le taux de réintroduction est de 56 % dans le bras FOLFOX7, de 46 % dans le cadre du protocole et de 10 % après (21 % de violation de protocole : investigateurs qui n’ont pas réintroduit l’oxaliplatine, alors qu’ils auraient dû le faire). Ce fait peut expliquer l’absence de différence entre les deux bras, probablement amplifiée par le fait que, chez 27 % des patients traités dans le cadre du bras FOLFOX4, l’oxaliplatine a été réintroduit après une période d’arrêt. La réintroduction de l’oxaliplatine n’augmente pas l’incidence des neuropathies. Cette étude valide le concept d’arrêter l’oxaliplatine après 6 cycles pour se donner la possibilité d’une réintroduction plus tardive. Dans cette étude OPTIMOX 1, deux sous-groupes de patients ont été étudiés. Le premier groupe concerne les patients âgés de plus de 75 ans (abstract 3571). Il n’y avait pas de différence de tolérance des FOLFOX, qu’ils soient 4 ou 7, entre les patients de plus ou moins de 75 ans. Le taux de réponse et la médiane de survie obtenus chez ces patients âgés étaient tout à fait comparables à ceux des patients plus jeunes (âge < 76 ans). Le deuxième sousgroupe de patients analysé était celui des patients de mauvais pronostic, défini par des phosphatases alcalines supérieures à trois fois la normale (abstract 3565). Il est intéressant de noter que, dans cette population, le taux de réponse et la tolérance étaient identiques aux patients de meilleur pronostic (phosphatases alcalines inférieures à trois fois la normale), avec une médiane de survie globale de 12 mois. L’étude OPTIMOX 2/célécoxib (phase II) étudiait l’association FOLFOX7 + célécoxib (6 cycles) avec poursuite du célécoxib pendant une période de pause avec reprise de la chimiothérapie à progression (abstract 3554). Le taux de réponse objective dans La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - no 3 - mai-juin 2004 C A N C E R S cette étude était de 47 %. Le célécoxib ne semble pas augmenter le taux de réponse du schéma FOLFOX7. De plus, la survie sans progression obtenue était de 6 mois, le célécoxib n’apparaissant pas aussi actif que le schéma LV5FU2 simplifié dans la chimiothérapie de maintenance après 6 cycles de FOLFOX7 (comparaison avec les résultats de l’étude OPTIMOX 1, où la survie sans progression du bras FOLFOX7-LV5FU2 simplifié était de 9 mois). La toxicité de l’association FOLFOX7/célécoxib est modérée, avec, en toxicité de grade 3-4, 7,1 % de neutropénie, 21,4 % de thrombopénie et 9,5 % de neuropathie périphérique. Dans la mesure où la majorité des patients étaient en progression (critère RECIST) après 2 mois d’arrêt de la chimiothérapie, les auteurs concluaient à la nécessité de nouveaux critères pour définir après une pause thérapeutique le moment de réintroduction de la chimiothérapie. Les résultats de l’étude EORTC 05963 (abstract 3526) comparant le schéma FOLFOX2 à 4 jours de chimiothérapie chronomodulée associant 5-FU, AF et oxaliplatine dans des cancers colorectaux en première ligne métastatique, ont été présentés. Cinq cent cinquante-quatre patients ont été inclus dans cette étude randomisée, et la conclusion des auteurs était qu’il n’existait pas de différence en termes d’OS et de PFS entre les deux bras. La médiane de survie était de 18,7 mois dans le bras FOLFOX2 et de 19,6 mois dans le bras chronomodulé, avec un profil de toxicité différent, mais bas pour les deux bras. Les toxicités de grade 3-4 étaient respectivement pour FOLFOX2 versus chronomodulé : 25 % versus 7 % pour la neutropénie (p < 0,001), 10,8 % versus 28,3 % pour la diarrhée (p < 0,001) et 6,8 % versus 13,8 % (p < 0,001) pour la mucite. A. Grothey (abstract 3534) a présenté les résultats en deuxième ligne d’une étude de phase II randomisée dont le design ressemblait à l’étude de Tournigand et qui randomisait CAPOX (capécitabine + oxaliplatine) versus CAPIRI (capécitabine + irinotécan) en première ligne avec crossover en deuxième ligne. Le taux de réponse en deuxième ligne était pour le CAPOX de 13 % et pour le CAPIRI de 21 %, avec une PFS de respectivement 4,3 et 5,1 mois et une OS de respectivement 10,6 et 9,6 mois. Une étude de phase II randomisée a étudié en première ligne l’association UFT + AF + oxaliplatine (TEGAFOX) ou irinotécan (TEGAFIRI) (abstract 3545). Soixante-quatre patients ont été traités avec le schéma TEGAFOX et 56 avec le schéma TEGAFIRI. Le taux de réponse de survie sans progression et d’OS était, dans le bras TEGAFOX, de respectivement 31%, 5,88 mois et 18,2 mois, versus 30 %, 5,75 mois et 15,4 mois dans le bras TEGAFIRI. La tolérance des deux schémas était acceptable avec, en ce qui concerne les toxicités de grade 3-4, 10 % de neutropénie dans le TEGAFOX et 36 % dans le TEGAFIRI avec 11 % de diarrhée dans le bras TEGAFOX et 22 % dans le bras TEGAFIRI. Une analyse (abstract 3576) a comparé la tolérance et l’efficacité du schéma FOLFIRI (LV5FU2 simplifié + irinotécan) au schéma LV5FU2 + irinotécan à partir des 254 patients inclus dans deux études randomisées (Lancet 2000;355:1041-7 et J Clin Oncol 2004;22:229-37). Le taux de réponse objective et la La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - no 3 - mai-juin 2004 D I G E S T I F S médiane de survie sans progression étaient respectivement de 33,1 % et 5,7 mois pour les patients traités par LV5FU2 + irinotécan et de 56 % et de 8,7 mois pour ceux traités par FOLFIRI. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une étude randomisée, la comparaison statistique a été faite avec une différence significative sur les taux de réponse (p < 0,01), sans différence significative sur la PFS (p = 0,12) en faveur du FOLFIRI. L’analyse de la tolérance a montré que les nausées et les vomissements étaient plus fréquents dans le bras FOLFIRI, et que les neutropénies étaient plus fréquentes dans le bras LV5FU2 + CPT11. Une étude de phase II randomisée (abstract 3599) a comparé le FOLFOX4 au TOMOX (Tomudex® + oxaliplatine) en première ligne de cancers colorectaux métastatiques (51 patients dans le bras FOLFOX4 et 57 dans le bras TOMOX). Le taux de réponse objective et de PFS était respectivement de 42 % et 6 mois pour le bras FOLFOX4 et de 49 % et 3,9 mois pour le bras TOMOX. La médiane de survie était de 15,5 mois pour le TOMOX, mais n’était pas encore atteinte pour le bras FOLFOX4. Une étude de phase II (cancers colorectaux métastatiques) a montré la faisabilité de l’association du schéma LV5FU2 simplifié avec 260 mg/m2 d’irinotécan (abstract 3601). Ce schéma a pu être administré à 80 % des patients avec un bon contrôle de la maladie (50 % de réponse objective et 31 % de stabilisation). L’équipe de Paul-Brousse a présenté une série de patients ayant des métastases hépatiques initialement non résécables, rendues résécables par une chimiothérapie avec analyse des facteurs pronostiques et résultats à long terme (abstract 3550). La chimiothérapie a permis de pratiquer l’exérèse de métastases hépatiques chez 13 % des patients qui avaient initialement des métastases non résécables, avec un espoir de rémission à long terme (36 % de survie à 5 ans). Une analyse multivariée a trouvé quatre facteurs pronostiques indépendants associés à une survie péjorative : primitif rectal, nombre de métastases 3, CA 19,9 > 100 UI/l et existence d’une carcinose péritonéale et d’adénopathies métastatiques. La survie à 5 ans en fonction de la présence de 0, 1, 2, 3 ou 4 de ces facteurs était respectivement de 60, 30 à 40, 10 à 18 et 0 à 3 %. Une étude prospective de phase II (abstract 3613) a étudié l’association oxaliplatine + irinotécan + LV5FU2 simplifié chez des patients avec métastases hépatiques non résécables de cancer colorectal (abstract 3613). Il s’agissait de patients qui ne pouvaient pas initialement avoir une résection optimale de leur(s) lésion(s), mais qui étaient susceptibles de devenir résécables en cas d’une bonne diminution après chimiothérapie. Sur les 34 patients inclus, 25 ont été considérés comme éligibles par un comité d’experts indépendants. Le taux de réponse objective était de 72 %. Dans cette population qui ne pouvait pas être considérée initialement comme optimale pour une résection, 37,5 % ont eu une résection R0 et 91,7 % ont pu recevoir la totalité de leur traitement avec une résection et/ou d’autres procédures d’ablation (radiofréquence ou cryothérapie). Bévacizumab Les résultats de l’impact des traitements de deuxième ligne des patients inclus dans l’étude AVF2107 (IFL + bévacizumab versus IFL + placebo [Hurwitz H et al. N Engl J Med 350;23:2335-42]) ont été présentés (abstract 3517). Un total de 231 (56,2 %) et ... /... 111 C A N C E R S D I G E S T I F S ... /... 222 (56,2 %) patients ont reçu une chimiothérapie de deuxième ligne avec ou sans oxaliplatine (tableau III). Tableau III. Bras 1 IFL/placebo Bras 2 IFL/bévacizumab Pas d’oxaliplatine Oxaliplatine Pas d’oxaliplatine Oxaliplatine en 2e ligne en 2e ligne en 2e ligne en 2e ligne (n = 122) (n = 109) (n = 125) (n = 97) PS 0/1 57/43 64/36 63/37 55/45 OS (mois) 15,8 22,2 19,6 25,1 p < 0,0001 < 0,0011 Dans cette étude, dans laquelle le schéma IFL (± bévacizumab) a été administré en première ligne, l’administration d’une chimiothérapie de deuxième ligne avec de l’oxaliplatine était associée à une amélioration de la survie globale. Le sous-groupe de patients ayant reçu de l’IFL + bévacizumab en première ligne, suivis d’une chimiothérapie avec de l’oxaliplatine en deuxième ligne, avait une médiane de survie de 25,1 mois. Cela suggère qu’une première ligne avec bévacizumab et deux agents de chimiothérapie, suivie en deuxième ligne par une troisième chimiothérapie active, est une stratégie de prise en charge optimale du cancer colorectal métastatique. Le bévacizumab a fait l’objet d’une étude randomisée ( a b stract 3516) : FUFOL (Roswell Park) + bévacizumab versus FUFOL (Roswell Park) + placebo pour les patients qui n’étaient pas susceptibles de recevoir de l’irinotécan en première ligne (âge > 65 ans et/ou PS 1 ou 2 et/ou albumine sérique 3,5 g/dl et/ou antécédent de radiothérapie sur l’abdomen ou le pelvis). Deux cent neuf patients présentant un cancer colorectal métastatique ont été randomisés entre un traitement par FUFOL (5-FU bolus 500 mg/m2, AF 500 mg/m2, schéma hebdomadaire 6 semaines/8) + placebo, et un traitement par FUFOL + bévacizumab (5 mg/kg tous les 15 jours). L’aveugle était levé à la progression, et les patients sous bévacizumab pouvaient continuer à recevoir cet anti-VEGF en combinaison avec un traitement de seconde ligne. L’objectif principal de l’étude était l’OS. Les patients randomisés dans le bras IFL + bévacizumab ont eu significativement plus de réponse que les patients du bras FUFOL + placebo (26 % versus 15,2 % ; p = 0,055) ; la survie sans progression a été significativement améliorée (9,2 mois versus 5,5 mois ; p = 0,0002), et il existait une amélioration non statistiquement significative de l’OS (16,6 mois versus 12,9 mois ; p = 0,16). Un traitement de deuxième ligne a été administré à 50 % des patients des deux bras. Au total, 87 % des patients du bras bévacizumab et 71 % des patients du bras placebo ont présenté une toxicité de grade 3-4. Le pourcentage de décès dans les 60 premiers jours était identique entre les deux bras (4 %). Les toxicités principales (grade 3-4) ont été la diarrhée (40 % versus 39 %) et la leucopénie (7 % versus 5 %). Une attention toute particulière a été portée aux événements vasculaires (grade 3-4) : une hypertension artérielle a été plus fréquemment observée sous bévacizumab (16 % des patients versus 3 %), mais les phéno114 mènes thromboemboliques (18 % dans les deux bras) ou hémorragiques (3 % versus 5 %) n’ont pas été différents entre les deux bras. Deux patients (1,9 %) du bras bévacizumab ont présenté une perforation digestive. Anti-EGFR Les résultats de trois études de phase II : FOLFOX4 + cetuximab, FOLFIRI + cetuximab, et FOLFOX4 + gefitinib, ont été présentés (abstracts 3512, 3513 et 3514). Les patients inclus sur-exprimaient l’EGFR dans les deux premières études et n’étaient pas évalués dans la dernière (81 % des patients screenés étaient EGFR+ dans l’étude avec FOLFOX4 et 85 % dans l’étude avec FOLFIRI). Dans l’étude avec le FOLFIRI, deux paliers de dose ont été étudiés. La tolérance du premier palier étant acceptable, l’augmentation des doses à un deuxième palier a permis de traiter 40 patients avec 400 mg/m2 d’AF, un bolus de 400 mg/m2 de 5-FU, 180 mg/m2 d’irinotécan et 2 400 mg/m2 de 5-FU en perfusion continue. Ces résultats encourageants sont préliminaires et devront être actualisés avec, notamment, la DFS qui n’a pas été communiquée pendant ce congrès. Dans l’étude avec FOLFOX4 + gefitinib, 45 patients avait été prétraités (26 avec irinotécan) en supplément des 30 patients traités en première ligne. Pour les patients prétraités par irinotécan, le taux de réponse partiel était de 33 % (tableau IV). Tableau IV. FOLFOX4 + cetuximab (abstract 3512) Nombre de patients (EGFR +) Taux de réponse Taux de réponse confirmée FOLFIRI FOLFOX4 + cetuximab + gefitinib (abstract (abstract 3513) 3514) 42 40 30 81 % (5 % de CR) – 77% 64,3 % 43 % 53 % Stable 17 % 45 % 20 % Maladie progressive 2% 12 % 3% Diarrhée grade 3-4 26 % 14,3 % 55 % Neutropénie grade 3-4 14 % 11,9 % 50 % Syndrome acnéiforme ade 3-4 21 % 4,8 % 8% Une étude de phase II (abstract 3580) a étudié chez les patients ayant un cancer colorectal métastatique et ayant reçu une seule ligne de chimiothérapie (74 % à base d’irinotécan et 26 % sans irinotécan) l’association de capécitabine + oxaliplatine et Tarceva®. La dose de Tarceva® était de 150 mg/j ; 27 patients ont à ce jour été inclus, et le taux de réponse confirmé est de 24 %. La médiane de PFS était de 5,3 mois. La tolérance de cette association a été marquée essentiellement, en dehors des toxicités habituelles, par une toxicité cutanée. L’étude de phase I avec escalade des doses de Tarceva® a permis d’établir que le schéma à évaluer en phase II était une association de capécitabine 1 650 mg/m2 J1-J14 avec 130 mg/m2 d’oxaliplatine à J1 (J1 = J21) associé à du Tarceva® à la posologie de 100 mg/j La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - no 3 - mai-juin 2004 C A N C E R S (abstract 3585). Les résultats de deux études de phase II, l’une avec le cetuximab et l’autre avec le panitumumab (ABX-EGF) ont été présentés ( a b stracts 3510, 3511). Les patients inclus surexprimaient l’EGFR dans les deux études (positif 1+, 2+, ou 3+ dans l’étude avec le cetuximab avec 9 patients ne surexprimant pas et 2 ou 3+ sur de 10 % des cellules évaluées ou 1, 2 ou 3+ à 10 %, mais 2 ou 3+ sur moins de 10 % des cellules évaluées dans l’étude avec le panitumumab). Dans ces deux études, il n’existait pas de corrélation entre le taux de réponse et l’intensité d’expression de EGFR en immunohistochimie. Dans l’étude avec le cetuximab, sur 9 patients dont la tumeur ne surexprimait pas l’EGFR, 8 ont présenté un rash acnéiforme, Tableau V. Cetuximab Panitumumab ABX-EGF 400 mg/m2 puis 250 mg/m2/sem. 2,5 mg/m2/sem. Nombre de patients (EGFR+) 336 148 Nombre de patients 340 148 Traitement antérieur – 5-FU – irinotécan – oxaliplatine 100 % 100 % 100 % 100 % 96 % 42 % Taux de réponse 11,6 % 10 % Stable 31,8 % 38 % 81 jours (5 % de CR) 5,2 mois Dose Durée de réponse médiane Survie sans progression (PFS) – 2 mois Survie globale (OS) 6,7 mois 7,9 mois Réaction allergique 19 patients 1 patient 6% 3% Syndrome acnéiforme grade 3-4 1 a présenté une réponse et 3 une stabilisation (tableau V). Des études de phase II ont étudié l’association capécitabine + irinotécan (XELIRI) ou capécitabine + oxaliplatine (XELOX) en première ligne dans le cancer du côlon métastatique avec rien de très nouveau, puisque des résultats ont déjà été publiés sur ce sujet. Le XELIRI a été évalué chez 52 patients en première ligne (abstract 3602). Le taux de réponse était de 57 %, avec une PFS à 7,8 mois et une OS de 16,8 mois. Les toxicités de grade 3-4 étaient : neutropénie 26 %, diarrhée 20 %, vomissements 12 %, syndrome mains-pieds 6 %. D I G E S T I F S fréquents (< 10 %) en dehors des alopécies de grade 3 (trois bras), la diarrhée (15 % dans le TCF) et les nausées (18 % dans TC et Tableau VI. Nombre de patients TC TCF ECF 38 41 40 Réponse objective (%) 42 55 46 PFS (mois) 4,3 7,3 5 Survie globale (OS en mois) 11 10,4 8 TCF) (tableau VI). Une étude de phase II a testé l’association épirubicine-adriamycine/docétaxel en première ligne dans des cancers de l’estomac avancés (abstract 4062). La tolérance de ce schéma a été marquée par 39 % de neutropénie de grade 3-4 sans décès toxique. Le taux de réponse est de 19,4 %, avec une PFS et une OS médiane de respectivement 18 et 52 semaines. Soixante et un pour cent des patients ont pu recevoir une chimiothérapie de deuxième ligne, le plus souvent avec sel de platine. Le taux de réponse obtenu démontre une activité modérée de cette association, équivalente à ce qui avait été obtenu en deuxième ligne. Cependant, l’OS de 12 mois peut être considérée comme encourageante et peut être expliquée en partie par l’activité des deuxièmes lignes et l’absence de résistance croisée avec les deuxièmes lignes. Une autre étude de phase II, coréenne (abstract 4074), a testé l’association capécitabine + épirubine + cisplatine. Le taux de réponse était de 59 %, avec une médiane de survie globale de 9,6 mois ; 5 % des patients ont présenté une neutropénie de grade 4 et 19 % une neutropénie fébrile. La dose recommandée de capécitabine est de 1 000 mg/m2 x 2/j de J1 à J14, associée à 50 mg/m2 d’épirubicine et 60 mg/m2 de cisplatine tous les 21 jours. Dans le cancer de l’estomac avancé, une étude de phase II a testé l’association LV5FU2 + 180 mg/m2 d’irinotécan chez les patients progressifs après une première ligne de chimiothérapie pour maladie avancée (85 % une ligne et 15,4 % deux lignes de chimiothérapie). Le taux de réponse était de 10,3 %, avec une médiane de survie sans progression de 3,3 mois. Les auteurs concluaient à l’activité de cette association chez des patients prétraités pour un cancer de l’estomac avancé. Une analyse du devenir des patients âgés de plus de 70 ans inclus dans trois études randomisées successives a montré que le bénéfice engendré en termes de réponse, de survie sans progression et de survie globale était le même que chez les patients de moins de 70 ans, sans augmentation de la toxicité (abstract 4018). CANCER DE L’ESTOMAC Métastatique (aucune phase III n’a été présentée dans le cancer de l’estomac) Une étude randomisée de phase II a évalué l’association docétaxel 85 mg/m2 + cisplatine 75 mg/m2 (TC) versus docétaxel 85 mg/m2 + cisplatine 75 mg/m2 + 5-FU 300 mg/m2/sem. (TCF) versus ECF (abstract 4020). Des neutropénies fébriles sont survenues sur 10 des 21 premiers patients traités avec du docétaxel, et les doses de ce cytotoxique ont par la suite été diminuées à 75 mg/m2. Les grades 3-4 non hématologiques étaient peu La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - no 3 - mai-juin 2004 CANCER DU PANCRÉAS Adjuvant Une étude de phase II du GERCOR (abstract 4111) a étudié une association radiochimiothérapie associant du 5-FU en perfusion continue à la dose de 250 mg/m2 avec une radiothérapie délivrant 45 Gy en 5 semaines avec un supplément de 10 Gy dans un petit volume correspondant au siège de la tumeur, en situation adjuvante après exérèse d’un adénocarcinome du pancréas. La tolérance de cette association était bonne, avec un taux de 10 % 115 C A N C E R S de toxicité de grade 3-4. Sur les 80 patients inclus, 66 ont rechuté, 51 % sous forme métastatique unique, 20 % sous forme de rechute locale et 29 % associant rechute métastatique et rechute locale. La médiane de survie sans rechute était de 9,7 mois, avec une médiane de survie globale de 20,3 mois. Les auteurs concluaient à la faisabilité de cette association et à sa bonne tolérance. Cette étude démontre qu’il est possible d’augmenter les doses par rapport aux 45 Gy classiquement effectués. Le contrôle local relativement bon de la maladie et la bonne tolérance de ce schéma rendent possible son association avec les programmes de chimiothérapie pour essayer de diminuer le risque de rechute locale des patients ayant eu une résection d’un adénocarcinome du pancréas. Localement avancé ou métastatique Quatre études randomisées dans le cancer du pancréas ont été présentées en communication orale, témoignant de l’intérêt porté à cette pathologie antérieurement “délaissée” ; ces quatre études ont en commun le bras contrôle par gemcitabine seule, et ont testé comme bras expérimental l’exatécan (DX-8951F, inhibiteur de la topo-isomérase-1, hydrosoluble et hexacyclique), la gemcitabine + l’exatécan (DX-8951F), la gemcitabine + le pemetrexed et la gemcitabine + l’oxaliplatine (abstracts 4005, 4006, 4007 et 4008). Les trois premières études sont négatives en ce qui concerne la survie sans progression et la survie globale. Les résultats définitifs de l’étude GEM-GEMOX ont été présentés par C. Louvet (abstract 4008). La gemcitabine était administrée selon le schéma classique de Burris (1 000 mg/m2 en 30 mn x 1/sem.). Dans le bras GEMOX, la gemcitabine était administrée à la dose de 1 000 mg/m2 en perfusion de 10 mg/m2/mn à J1 et l’oxaliplatine à la dose de 100 mg/m2 en perfusion de deux heures à J2 ; le traitement était administré toutes les deux semaines. Trois cent treize patients étaient éligibles et ont été traités dans le cadre du protocole : 156 dans le bras gemcitabine et 157 dans le bras GEMOX. Le GEMOX a engendré significativement plus de thrombopénies de grade 3-4 (14 % versus 3,2 %), de vomissements de grade 3-4 (8,9 % versus 3,2 %) et, comme cela était attendu, de neuropathies de grade 3 (19,1 % versus 0 %). Cependant, la tolérance globale n’était pas différente entre les deux bras (39,7 % de toxicité maximale de grade 3-4 pour le bras GEM versus 52,2 % pour le GEMOX ; p = 0,03). Le taux de réponse (26,8 % versus 17,3 % ; p = 0,04), le taux de bénéfice clinique (38,2 % versus 26,9 % ; p = 0,03) et la survie sans progression étaient en faveur du bras GEMOX (5,8 mois versus 3,7 mois ; p = 0,038). L’OS était de 9 mois dans le bras GEMOX versus 7,1 mois dans le bras gemcitabine (p = 0,13). En faisant l’analyse de l’OS à 8 mois (objectif principal de l’essai), le nombre de patients survivants était de 56,5 % pour le bras GEMOX et de 45,3 % pour le bras gemcitabine (p = 0,048, mais log-rank = 0,064). Cinquante-deux pour cent des patients ont reçu une chimiothérapie de deuxième ligne dans le bras GEMOX et 53,1 % dans le bras gemcitabine ; 32,8 % de ces deuxièmes lignes comportaient un sel de platine dans le bras GEMOX et 71,8 % dans le bras gemcitabine. Les résultats de cette étude confirment la bonne tolérance et la bonne efficacité du GEMOX en termes de taux de réponse, de survie sans progression et de 116 D I G E S T I F S bénéfice clinique. La survie globale (2 mois de différence) n’est pas statistiquement significative (les résultats sont meilleurs dans les deux bras par rapport aux hypothèses : 7,1 mois versus 9 mois au lieu de 6 mois versus 8 mois. Cela soulève la question du manque de puissance statistique et/ou de l’impact des deuxièmes lignes (crossover). De plus, il n’est pas possible de déterminer si c’est l’oxaliplatine, l’infusion de la gemcitabine en 100 minutes ou la combinaison des deux qui est responsable des meilleurs résultats du bras GEMOX (figure 3). Figure 3. Courbe de survie globale de l’étude gemcitabine-GEMOX. Une étude de phase II a évalué l’association GEMOX chez des patients ayant un cancer du pancréas avancé en deuxième ligne après progression sous gemcitabine en monothérapie. Trentetrois patients ont été inclus (abstract 4119). Le taux de réponse objective obtenu est de 25 %, avec 4,2 % de survie sans progression et 6 mois de survie globale, avec un bénéfice clinique obtenu chez 50,8 % des patients. Les auteurs concluaient à l’efficacité de cette association en deuxième ligne de chimiothérapie. Une étude de phase II randomisée a évalué chez 259 patients ayant un cancer du pancréas métastatique (abstract 4011), la gemcitabine à 10 mg/m2/mn versus gemcitabine + cisplatine versus gemcitabine + docétaxel versus gemcitabine + irinotécan. Les auteurs concluaient au fait que la gemcitabine en monothérapie à 10 mg/m2/mn donnait des résultats similaires à ceux des associations évaluées (tableau VII). Tableau VII. GemciGemciGemciGemcitabine tabinetabinetabine2 10 mg/m /mn cisplatine docétaxel irinotécan Nombre de patients 45 45 49 44 Réponse objective 10,2 % 10 % 11,5 % 7,5 % Patients survivants à 6 mois 53 % 51% 45% 48 % PFS (mois) 3,19 4,5 3,52 3,98 Neutropénie grade 3-4 46 % 47 % 29 % 20 % La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - no 3 - mai-juin 2004 C A N C E R S Une étude de phase II randomisée a évalué chez des patients ayant des cancers du pancréas avancés (abstract 4064), l’association gemcitabine + cisplatine versus gemcitabine monothérapie. Le taux de réponse était similaire dans les deux bras, 5 % dans le bras gemcitabine et 7 % dans le bras gemcitabine + cisplatine, avec une OS qui était respectivement de 201 et de 241 jours et une qualité de vie comparable dans les deux bras. Les auteurs concluaient au fait que l’addition de cisplatine à la gemcitabine ne semblait pas améliorer le pronostic des patients ayant un cancer du pancréas avancé. Une étude de phase II randomisée (abstract 4108) a étudié l’association capécitabine-oxaliplatine versus capécitabine-gemcitabine versus gemcitabine-oxaliplatine en première ligne de traitement dans les cancers du pancréas avancés avec un taux de réponse qui était respectivement de 13 %, 21 % et 14 %, avec un taux quasi dentique des maladies progressives à la première évaluation dans les trois bras. On citera également une actualisation des résultats de l’étude de phase II d’association de la gemcitabine avec le bévacizumab, qui avaient déjà été présentés l’année dernière (abstract 4009). Cette association chez 52 patients avec cancer du pancréas métastatique donnait un taux de réponse de 19 % avec 48 % de patients stables et une médiane de survie sans progression de 5,8 mois (75 % de patients vivants à 6 mois), avec une médiane de survie globale de 8,7 mois. Le CALGB commence une étude de phase III : gemcitabine versus gemcitabine + bévacizumab. GIST J.Y. Blay a présenté les résultats préliminaires de l’étude BFR14 dans les GIST avancés, qui consistait à randomiser imatinib jusqu’à progression versus imatinib pendant un an, puis arrêt avec reprise à progression (abstract 9006). Cent cinquante-neuf patients NOUVELLES DE D I G E S T I F S ont été inclus et, à 6 mois, les taux de réponse étaient les suivants : CR 10 %, PR 42 %, SD 36 %, PD 6 %. En décembre 2003, 46 des 74 patients (62 %) ayant effectué un an de traitement ont été randomisés (23 dans chaque bras). La courbe de survie sans progression montre qu’il ne faut pas arrêter l’imatinib après un an de traitement, la majorité des patients présentant une progression à l’arrêt de l’imatinib. Certains patients n’ont pas répondu ou n’ont pas été stabilisés après la réintroduction de l’imatinib (figure 4). Figure 4. Courbe de survie sans progression (PFS) de l’étude BFR14. En cas de progression (abstracts 9004 et 9005) sous 400 mg/j d’imatinib, l’augmentation des doses à 800 mg permet d’obtenir des taux de réponse objective de respectivement 2,5 % et 7 % et des stabilités de respectivement 33 % et 30/143. La conclusion des auteurs était qu’en cas de progression sous 400 mg d’imatinib, il faut augmenter les doses à 800 mg avant d’envisager d’autres alternatives thérapeutiques. L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE C ommun iqué s des co nfére nces d e pre sse, sympo siums, manife station s o rga nisés p ar l’in dustr ie p ha rma ceu tiq ue Sanofi-Synthelabo reçoit le prix Galien 2004 pour Eloxatine® Le prix Galien 2004, décerné à Eloxatine ® , récompense le fruit de la longue collaboration entre les cancérologues cliniciens français et Sanofi-Synthelabo. Paris, ministère de la Recherche. Jeudi 3 juin 2004 – Sanofi-Synthelabo reçoit le prix Galien 2004 pour Eloxatine® (oxaliplatine). Cette molécule est devenue en quelques années la pierre angulaire du traitement du cancer colorectal à tous les stades de la pathologie. Le développement, souhaité et mis en place à l’origine par des médecins cancérologues français, a pu être poursuivi grâce au soutien sans faille de Sanofi-Synthelabo, qui leur a témoigné sa confiance et a mis à leur disposition les ressources matérielles et humaines nécessaires. L’oxaliplatine est un dérivé du platine découvert en 1976 par le professeur Y. Kidani, de l’université de Nagoya, au Japon. Par la suite, le développement clinique a entièrement reposé sur des initiatives d’équipes médicales françaises. L’oxaliplatine a reçu le soutien de Sanofi-Synthelabo en 1994, apportant aux cliniciens les moyens financiers, logistiques et humains et le savoir-faire industriel pour mener à bien le programme de développement approprié. Deux ans plus tard, Eloxatine ® obtenait en France sa première autorisation de mise sur le marché (AMM), et sa dynamique n’a pas cessé jusqu’à ce jour. Cette collaboration a contribué à renforcer la crédibilité des équipes françaises, notamment dans le domaine de l’oncologie. Elle a également conduit à la reconnaissance par la communauté scientifique internationale de l’impact majeur de cette nouvelle molécule dans la prise en charge des patients atteints de cancer colorectal. La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - no 3 - mai-juin 2004 Aujourd’hui, Eloxatine ® est enregistré aux États-Unis et dans plus de 60 pays à travers le monde. En très peu de temps, la place essentielle de l’oxaliplatine dans le traitement du cancer colorectal métastatique a été unanimement reconnue, d’abord en seconde ligne, puis en première ligne. L’histoire de l’oxaliplatine ne s’arrête pourtant pas là. Plusieurs études sont terminées ou en cours dans les cancers localisés, notamment l’essai MOSAIC, portant sur 2 246 malades inclus dans 20 pays et ayant une tumeur de stade II ou III. Les premiers résultats ont été présentés à l’ASCO en 2003. Compte tenu des résultats, le dossier pour l’indication en traitement adjuvant est en cours d’évaluation auprès de la FDA et de l’EMEA. En parallèle, une étude est menée aux États-Unis sur plus de deux mille patients en traitement adjuvant ; ses résultats devraient être disponibles dans un an. 117