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Professions Santé Infirmier Infirmière - No38 - juin-juillet 2002
soins. Nourrir ces patients, c’est essayer de main-
tenir chez eux, le plus longtemps possible, le
plaisir de manger ; c’est, pour les soignants, re-
pérer immédiatement une perte de poids révéla-
trice d’une dénutrition débutante ; c’est aussi, en
fin de vie, ne pas s’obstiner devant quelqu’un qui
n’a pas faim. Souvent sous-estimée, la dénutri-
tion est un élément évolutif dont il faut tenir
compte dans le suivi thérapeutique. Elle débute
par une perte de poids progressive qui, pour être
appréciée au mieux, doit être chiffrée par l’indice
de masse corporelle IMC ou BMI : poids en ki-
logrammes divisé par la taille en mètres au carré.
Inférieur à 18, il signe une dénutrition.
Cependant, il faut veiller à la présence éventuelle
d’œdèmes susceptibles de fausser le résultat. Les
bilans sanguins permettent alors de déterminer
les taux de protidémie et d’albuminémie (argu-
ments en faveur d’un déficit protidique).
Circonstances d’apparition
Certains types de cancers, par leurs caractéris-
tiques propres, augmentent le risque de voir ap-
paraître une dénutrition (occlusion intestinale
des cancers de l’ovaire et du côlon).
Leur évolution spécifique fait que, dans les car-
cinoses péritonéales, par exemple, les épanche-
ments pleuraux provoquent une fuite protidique
importante.
Il faut aussi rechercher les causes de la dénutri-
tion dans les conséquences thérapeutiques, qu’il
s’agisse d’une dysphagie postradique, de vomis-
sements et de diarrhées postchimiothérapie,
d’une fistule œsotrachéale ou d’une stomatite.
Mise en route de la rénutrition
L’interrogatoire préalable permet de faire le bilan
et de préciser le comportement alimentaire.
Comment les repas sont-ils pris ? A quelle fré-
quence ? Quelle est la nature de leur contenu ?
Il existe fréquemment un dégoût des viandes, or,
les besoins protidiques sont de 1,5 à 2 g/kg/j. Les
résultats au questionnaire alimentaire vont gui-
der la rééquilibration qui peut se traduire par de
simples conseils diététiques sur le contenu ou la
quantité de chaque repas.
Le principe est de conserver la répartition idéale,
à savoir 15 % de protéines, 30 % de lipides, 55 %
de glucides. Il faut savoir que les aliments riches
en protéines sont ceux que le malade cancéreux
récuse en premier et que les protéines peuvent
être trouvées ailleurs que dans la viande. Il est
plus facile, et mieux toléré, de fractionner les
repas, en insistant sur les préparations liquides
riches en protéines. On peut s’aider, au besoin,
de compléments ou suppléments alimentaires
oraux énergétiques, du type de ceux utilisés par
les sportifs. Si les apports sont inférieurs à
1500 Kcal/j, il y a déficit vitaminique, et on doit
supplémenter la ration en vitamines ou oligo-
éléments à défaut de pouvoir augmenter le total
journalier ingéré.
Quelques astuces et régimes
La présence de purines donne un goût amer à la
viande comme au chocolat. Il faut donc préférer
les aliments sans purines : les œufs, les viandes
blanches, mais aussi les poissons cuisinés de pré-
férence en quenelles, en mousse ou en quiche.
En dehors du goût amer, l’odeur coupe souvent
l’appétit. Dans ce cas, les aliments froids neutres
et peu odorants sont indiqués.
S’il existe une asialie, il faut supplémenter les ali-
ments avec des sauces, de la crème fraîche, du
gras, en évitant de faire trop mastiquer. Car plus
on mastique, plus l’aliment se dessèche et plus il
colle aux muqueuses. En cas de mycose buccale,
on conseille l’ananas frais, aux enzymes protéo-
lytiques, et, en cas d’aphtose, une alimentation
surtout lactée et froide.
Il peut être nécessaire parfois de passer à une ali-
mentation entérale par sonde.
En cas de gastrectomie
Trois à quatre repas seront répartis sur la jour-
née : ils devront être mastiqués longuement.
Pour commencer, des préparations mixées se-
ront données, puis, progressivement, des prépa-
rations plus solides. ●●●
Dénutrition
Un élément souvent sous-estimé
La dénutrition est fréquente au cours du cancer, provoquée par les traitements et le
manque d’appétit. Or, si bien se nourrir est important pour des personnes en bonne
santé, cela devient essentiel pour un malade du cancer.
L’
alimentation des malades atteints d’un cancer
doit être inscrite dans une perspective de