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Dénutrition
Un élément souvent sous-estimé
La dénutrition est fréquente au cours du cancer, provoquée par les traitements et le
manque d’appétit. Or, si bien se nourrir est important pour des personnes en bonne
santé, cela devient essentiel pour un malade du cancer.
alimentation des malades atteints d’un cancer
doit être inscrite dans une perspective de
soins. Nourrir ces patients, c’est essayer de maintenir chez eux, le plus longtemps possible, le
plaisir de manger ; c’est, pour les soignants, repérer immédiatement une perte de poids révélatrice d’une dénutrition débutante ; c’est aussi, en
fin de vie, ne pas s’obstiner devant quelqu’un qui
n’a pas faim. Souvent sous-estimée, la dénutrition est un élément évolutif dont il faut tenir
compte dans le suivi thérapeutique. Elle débute
par une perte de poids progressive qui, pour être
appréciée au mieux, doit être chiffrée par l’indice
de masse corporelle IMC ou BMI : poids en kilogrammes divisé par la taille en mètres au carré.
Inférieur à 18, il signe une dénutrition.
Cependant, il faut veiller à la présence éventuelle
d’œdèmes susceptibles de fausser le résultat. Les
bilans sanguins permettent alors de déterminer
les taux de protidémie et d’albuminémie (arguments en faveur d’un déficit protidique).
L’
Circonstances d’apparition
Certains types de cancers, par leurs caractéristiques propres, augmentent le risque de voir apparaître une dénutrition (occlusion intestinale
des cancers de l’ovaire et du côlon).
Leur évolution spécifique fait que, dans les carcinoses péritonéales, par exemple, les épanchements pleuraux provoquent une fuite protidique
importante.
Il faut aussi rechercher les causes de la dénutrition dans les conséquences thérapeutiques, qu’il
s’agisse d’une dysphagie postradique, de vomissements et de diarrhées postchimiothérapie,
d’une fistule œsotrachéale ou d’une stomatite.
Mise en route de la rénutrition
L’interrogatoire préalable permet de faire le bilan
et de préciser le comportement alimentaire.
Comment les repas sont-ils pris ? A quelle fréquence ? Quelle est la nature de leur contenu ?
Il existe fréquemment un dégoût des viandes, or,
les besoins protidiques sont de 1,5 à 2 g/kg/j. Les
résultats au questionnaire alimentaire vont gui-
der la rééquilibration qui peut se traduire par de
simples conseils diététiques sur le contenu ou la
quantité de chaque repas.
Le principe est de conserver la répartition idéale,
à savoir 15 % de protéines, 30 % de lipides, 55 %
de glucides. Il faut savoir que les aliments riches
en protéines sont ceux que le malade cancéreux
récuse en premier et que les protéines peuvent
être trouvées ailleurs que dans la viande. Il est
plus facile, et mieux toléré, de fractionner les
repas, en insistant sur les préparations liquides
riches en protéines. On peut s’aider, au besoin,
de compléments ou suppléments alimentaires
oraux énergétiques, du type de ceux utilisés par
les sportifs. Si les apports sont inférieurs à
1 500 Kcal/j, il y a déficit vitaminique, et on doit
supplémenter la ration en vitamines ou oligoéléments à défaut de pouvoir augmenter le total
journalier ingéré.
Quelques astuces et régimes
La présence de purines donne un goût amer à la
viande comme au chocolat. Il faut donc préférer
les aliments sans purines : les œufs, les viandes
blanches, mais aussi les poissons cuisinés de préférence en quenelles, en mousse ou en quiche.
En dehors du goût amer, l’odeur coupe souvent
l’appétit. Dans ce cas, les aliments froids neutres
et peu odorants sont indiqués.
S’il existe une asialie, il faut supplémenter les aliments avec des sauces, de la crème fraîche, du
gras, en évitant de faire trop mastiquer. Car plus
on mastique, plus l’aliment se dessèche et plus il
colle aux muqueuses. En cas de mycose buccale,
on conseille l’ananas frais, aux enzymes protéolytiques, et, en cas d’aphtose, une alimentation
surtout lactée et froide.
Il peut être nécessaire parfois de passer à une alimentation entérale par sonde.
En cas de gastrectomie
Trois à quatre repas seront répartis sur la journée : ils devront être mastiqués longuement.
Pour commencer, des préparations mixées seront données, puis, progressivement, des préparations plus solides.
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 38 - juin-juillet 2002
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Cancer
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• Sont interdits :
– les crudités (fruits comme légumes) ;
– les légumes et fruits secs ;
– les légumes cuits sauf carottes, haricots verts,
asperges, salade cuite, pommes de terre ;
– les fruits oléagineux ;
– les graisses cuites, les préparations riches en
graisses, crème ou beurre ;
– les épices et condiments ;
– les aliments riches en sel et en sucre.
• Sont autorisés :
– le lait demi écrémé et les fromages à pâte cuite ;
– les viandes de bonne qualité ;
– les poissons cuits à la vapeur ou au courtbouillon ;
– les œufs ;
– les pâtes, le riz, la semoule, le tapioca ;
– les fruits cuits en sirop ou conserves.
En cas de résection intestinale
Appliquer un régime sans résidu, à savoir supprimer :
– les fruits et légumes ;
– les matières grasses cuites ;
– les épices et condiments ;
– le lactose.
• Sont autorisés :
– les fromages à pâte cuite ;
– les viandes et le jambon ;
– les poissons ;
– les céréales, pâtes, riz, tapioca.
Il convient de boire beaucoup d’eau, des bouillons de légumes salés, des infusions. Les quatre
collations journalières sont réparties ainsi : petit
déjeuner, déjeuner, goûter et dîner.
J.B.
La douleur
Prendre le temps d’écouter
Élément subjectif dans la plupart des maladies, la douleur est un élément constant de
la maladie cancéreuse, qu’il convient d’évaluer en permanence pour mieux la traiter.
a difficulté constatée chez certains patients
d’exprimer leur douleur provient, hélas assez
souvent, d’un défaut qualitatif ou quantitatif
d’écoute du personnel soignant.
Plusieurs types de douleur peuvent coexister.
Plus d’un patient cancéreux sur trois souffre dès
la phase initiale et encore davantage (plus des
deux tiers) au cours de l’évolution de la maladie.
Pour quantifier la douleur, il existe des réglettes
munies d’un curseur qui sera déplacé par le patient selon l’intensité de la douleur qu’il ressent.
Il ne s’agit pas d’obtenir une réponse binaire sur
la douleur, mais de faire suite à un questionne-
L
ment qui évoque les caractéristiques de la douleur. C’est-à-dire sa topographie, son mode évolutif, son caractère continu ou intermittent.
La douleur se manifeste-t-elle de façon spontanée, nécessitant une adaptation des doses d’antalgiques morphiniques ou une possibilité de
prise adjuvante ponctuellement ? Les crises
sont-elles déclenchées ou prévisibles avec, dans
ce cas, une nécessité de les prévenir en augmentant les doses ou en ajoutant un morphinique à libération immédiate ? Parallèlement,
l’état du patient selon un indice de performance
OMS doit être évalué.
Indice de performance OMS
Degré
État du patient
Degré 0 : Capable d’activité normale sans restriction.
Degré 1 : Restreint dans les activités éprouvantes, mais ambulatoire capable d’un travail léger.
Degré 2 : Ambulatoire et capable de se prendre en charge, mais incapable de travailler. Debout et actif
plus de 50 % du temps d’éveil.
Degré 3 : Prise en charge réduite. Au lit ou sur une chaise plus de 50 % du temps d’éveil.
Degré 4 : Totalement dépendant, confiné au lit ou sur une chaise.
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Traitement
Un arsenal thérapeutique vaste ne doit pas masquer une nécessaire humilité de la part du personnel soignant. La douleur est le signal subjectif d’un mal-être souvent exprimé, en son début,
par une fatigue. Qu’une anxiété ou une dépression soient présentes ou sous-jacentes, le ressenti
de la douleur s’en trouve modifié, et donc la douleur elle-même.
La psycho-oncologie, les groupes de paroles de
patients (expérience développée par la Ligue nationale contre le cancer), les groupes de paroles
entre soignants, qui associent écoute et information, permettent de contrôler une souffrance.
Le cancer peut causer une douleur par deux mécanismes possiblement intriqués.
D’une part, les douleurs nociceptives : la sensation douloureuse provient de la stimulation
des récepteurs nocicepteurs dans la peau, les
muscles, les tendons, les organes. Ce signal,
relayé par la corne médullaire postérieure, gagne
les régions hypothalamiques. La douleur est décrite par le patient comme un coup de couteau, une déchirure. Elle est sensible aux dérivés morphiniques.
D’autre part, les autres douleurs dites par désafférentation, qui sont dues à des atteintes des
voies nerveuses : elles réalisent un tableau de
brûlure, ou encore de paresthésie.
Identifier le type de douleur est important : une
douleur aiguë peut être un signe d’alerte de développement métastatique de la tumeur (localisation osseuse, par exemple). Une douleur
chronique entraîne une souffrance transformant un symptôme en véritable maladie à elle
seule. L’intérêt du bilan clinique après l’évaluation est de définir l’origine de la douleur : estelle liée à une atteinte ostéoarticulaire, une atteinte viscérale, une atteinte de la peau, à des
muscles avec contractures douloureuses, aux
traitements post-chimiothérapie, postradique,
postchirurgical ?
Les principes de base sont ceux de la préférence
orale, de l’emploi des médications de manière
préventive avec renforcement à la demande, si
nécessaire, au cours de la journée.
Un des buts du traitement est de chercher à
maintenir au patient une autonomie de mouvements correcte. Rarement isolée, symptôme secondaire, la douleur peut être améliorée par le
traitement de la cause comme la ponction d’un
épanchement, par exemple.
L’OMS classe trois niveaux d’antalgie. Les dérivés
du paracétamol, de l’acide acétylsalicylique, les
AINS, les corticoïdes, les anticonvulsivants, les
antidépresseurs, les diphosphonates sont classés au premier niveau. Les morphiniques sont
classés au troisième rang et peuvent être employés sans crainte sous seule réserve d’en bien
surveiller les effets secondaires comme la constipation ou la rétention d’urine chez la personne
âgée, par exemple.
Parmi les traitements non médicamenteux, on
peut utiliser :
– la radiothérapie à visée antalgique, notamment
sur des métastases osseuses ;
– la neurochirurgie avec section des voies nociceptives ;
– les techniques d’anesthésies locorégionales,
avec blocages périphériques réservés aux nerfs
sensitifs, blocs sympathiques pour les voies
afférentes viscérales, blocs périduraux ou intrathécaux ;
– les techniques de relaxation, de kinésithérapie, de stimulation électrique transcutanée, voire
certaines médecines parallèles qui ne doivent pas
être négligées en accompagnement du traitement
antidouleur. Et la prise en charge psychologique
des patients et de son entourage est essentielle.
Test ADN
et dépistage précoce
Cancer du sein et puces à ADN
Un test ADN mis au point à Strasbourg serait
parvenu à détecter des cancers de l’appareil urinaire au tout premier stade de leur évolution. Ce
test peu coûteux serait fiable à 95 %, l’ADN des
globules blancs et celui des cellules de la vessie
étant déposés sur des microplaques afin d’être
comparés. Des essais sont programmés au niveau
européen et pourraient concerner d’autres types
de cancer.
J.B.
Comment prédire les capacités d’une tumeur à
générer des métastases ? Pour entraver l’apparition de métastases, l’ablation d’une tumeur mammaire est souvent suivie de traitements complémentaires lourds. Or, l’usage de puces à ADN
semble aujourd’hui permettre de faire la distinction entre les tumeurs qui donneront des métastases et celles qui n’en donneront pas. Si tout
cela se révèle convaincant, c’est une avancée vers
des traitements ultrapersonnalisés.
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Cancer
ASCO
Des axes de recherche
© TDR
Stand de La Lettre
du cancérologue.
Le “Rendez-vous
français” à l’ASCO
(Orlando,
18-20 mai 2002).
La 36e édition de l’ASCO (American Society of Clinical
Oncology) a permis de dégager quelques pistes biologiques et de réflexion quant à la façon de soigner le
cancer. Des comptes-rendus de ce congrès américain
font état de l’avancement de la recherche. Certains
traitements pourront être mis en pratique bientôt,
notamment quand ils auront prouvé leur efficacité
à plus grande échelle. D’autres, à plus long terme.
l’attention :
– l’apparition d’une nouvelle classe thérapeutique, les épothilones, dans le cancer du sein ;
– la chimiothérapie du cancer de la prostate.
Les traitements dits ciblés font également une
poussée dans le traitement des cancers bronchiques. Deux grandes études présentées à ce
congrès, IDEAL 1 et 2, montrent l’apport de l’inhibiteur de la thyrosine kinase bloquant la voie
de l’EGF. Cet agent apporte un bénéfice qui va audelà de la survie (médiane d’environ 7-8 mois
chez des patients lourdement prétraités) avec, en
particulier, un effet symptomatique rapide.
es dernières années, les soins en cancérologie
se sont orientés vers une personnalisation des
traitements par rapport à des individus dont les
caractérisques propres feront partie des chances
à exploiter dans la stratégie thérapeutique. Les
études présentées à l’ASCO tendent à suivre cette
voie. Ainsi, qu’est-ce que la pharmacogénomique ? La pharmacogénomique est un outil qui
devrait permettre, par son approche génomique,
d’identifier des biomarqueurs conduisant à “stratifier” les patients en fonction de leur sensibilité
à un médicament donné : c’est le “matching patients with the right drug”. Cette technique devrait
s’appliquer davantage au “profiling” des médicaments ciblés de nouvelle génération qu’à la chimiothérapie conventionnelle.
C
© TDR
Les thérapeutiques ciblées
Les thérapeutiques ciblées (blocage des récepteurs à l’EGF et STI571) ont fait l’objet de travaux originaux. Parmi les avancées plus classiques, deux études ont particulièrement retenu
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Carte d’identité de la tumeur
Plusieurs travaux présentés ont démontré le fort
potentiel des traitements ciblés du cancer et de
techniques permettant de dresser la carte d’identité ADN de la tumeur.
Parmi les résultats les plus marquants figure une
étude montrant la forte réponse des malades atteints d’une forme rare de cancer digestif (GIST),
au Glivec® (imatinib mésilate), un médicament
lancé il y a un an et jusqu’à présent utilisé pour
traiter les formes aiguës de leucémie. Après un
an, une rémission a été constatée chez 60 % des
147 malades ayant pris part à l’étude. Et les
tumeurs étaient réduites de moitié au moins
chez 60 % des patients, selon le Dr Margaret von
Mehren, du Fox Cancer Center à Philadelphie.
Ces réponses ont été durables et en net contraste
avec la chimiothérapie classique, dont le taux de
réponse est de 5 %. La substance avait été bien
tolérée par 80 % des patients. Ce médicament,
issu des biotechnologies, est considéré comme la
première vraie thérapie moléculaire du cancer, la
molécule étant capable de bloquer certaines enzymes qui favorisent la croissance et la division
des cellules anormales.
Sarcomes
Le Dr Robert Maki (Memorial Sloan-Kettering
Cancer Center, New York) a présenté ses travaux qui permettent d’établir la carte d’identité
génétique de sarcomes (tumeurs malignes) et de
différencier plus de 50 sous-types, alors que ces
sarcomes sont quasiment identiques sous un microscope. « Établir la carte d’identité génétique des
sarcomes adultes se montrera utile pour aider les
médecins dans leur diagnostic ou quand l’apparence
d’une tumeur ne permet pas de déterminer à quel
sous-type elle appartient », a-t-il expliqué. Il estime en outre que la technologie pourra permettre d’évaluer la réponse des gènes de cellules
cancéreuses à certains traitements.
tration convaincante que les agents antiangiogenèses
peuvent inhiber la croissance les tumeurs chez les
malades », a estimé le professeur Yang au sujet de
ses travaux impliquant 110 malades qui ont reçu
différents dosages d’anticorps anti-VEGF. La substance agit sur la prolifération des vaisseaux sanguins nécessaires à la survie d’une tumeur.
Cancers bronchiques
Des progrès ont été réalisés en matière de prise
en charge des cancers bronchiques, démontrés
par de nombreuses études internationales réalisées dans le cancer bronchique non à petites cellules à des stades avancés. Toutes confirment
qu’il existe un réel bénéfice de survie quand la
chimiothérapie associe deux agents par rapport
à une monothérapie. Cela est vrai pour tous les
doublets étudiés avec des agents comme la gemcitabine, les taxanes, les sels de platine. Pour le
Pr A Bunn, du Colorado Cancer Center (Denver,
États-Unis) : « Ce qui est le plus remarquable, c’est
que ce bénéfice persiste chez les patients âgés et en
mauvais état général (PS > 2). Contrairement à ce
que l’on aurait pu croire, les sujets âgés ou en condition générale précaire, non seulement supportent
la chimiothérapie, mais ont une survie améliorée,
comme les patients plus jeunes. Ceci est important
pour notre pratique quotidienne ; en effet, bon
nombre de nos patients ont plus de 65 ans et ne doivent plus désormais être “exclus” d’un traitement par
chimiothérapie ».
Leucémie myéloïde
Une étude montre les résultats encourageants du
traitement précoce de la leucémie myéloïde (avec
troubles de la moelle osseuse) en combinant la
chimiothérapie et l’administration d’un anticorps
monoclonal, le HuM195. Parmi les 94 patients
ayant reçu ce traitement combiné, une rémission
complète a été constatée chez 27 malades, et une
rémission partielle chez 13, avec un taux de réponse de 43 %. Ces chiffres permettent aux auteurs de l’étude d’affirmer que la méthode devrait
devenir le traitement standard pour les patients
qui ne répondent pas au traitement initial. Les
anticorps monoclonaux sont des protéines modifiées génétiquement pour cibler certains antigènes portés par les cellules de certains cancers.
Dans le cas présenté, l’anticorps HuM195 vise
l’antigène CD33 qui se trouve sur les cellules de
la leucémie myéloïde.
Cancer de l’amiante
La plus vaste étude jamais menée au niveau
mondial sur des malades atteints de mésothéliome (ou cancer de la plèvre) montre qu’une
nouvelle chimiothérapie, le pemetrexed disodium (Alimta®), est deux fois plus efficace sur la
tumeur que le traitement habituel. En France,
environ 1 000 personnes sont annuellement atteintes d’un mésothéliome et meurent au bout de
douze mois, car la tumeur est en effet souvent
inopérable et peu sensible à la chimiothérapie.
© TDR
Cancer du rein
Un autre anticorps monoclonal administré à
des patients affectés d’un cancer du rein avec métastases a réussi à retarder la progression des tumeurs pendant une durée supérieure lorsqu’il a
été administré à haute dose. « C’est une démons-
Métastases hépatiques opérées
Une étude (la première) a apporté une réponse
au problème posé sur l’intérêt de la chimiothérapie adjuvante après résection des métastases
hépatiques. Une population de 160 patients a
été randomisée entre un traitement adjuvant
par acide folinique (200 mg/m2/j) suivi de 5-FU
(400 mg/m2/j) de J1 à J5, toutes les 4 semaines
x 6 cycles versus pas de traitement adjuvant (bras
contrôle). Les résultats montrent une tendance à
l’allongement de la survie, sans rechute à 5 ans,
en faveur du groupe traité par chimiothérapie :
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Cancer
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conseils de précaution à appliquer en cas de survenue de fièvre pendant la période à risque de
neutropénie profonde. En dehors de cela, le protocole TAC est bien toléré, notamment sur le
plan digestif. Il n’y a pas eu de neurotoxicité, ni
d’événements graves de rétention hydrique ou de
troubles des phanères.
Il semble donc acquis que le docétaxel est un des
agents majeurs de la chimiothérapie adjuvante
du cancer du sein N+. Le Taxotere®, connu depuis longtemps, est administré à des femmes
souffrant d’un cancer du sein à un stade précoce.
Il a permis de diminuer d’un tiers les récidives
par rapport au protocole classique et a même obtenu une diminution de plus de 50 % dans les
sous-groupes de femmes ayant moins de quatre
ganglions atteints. Pour l’instant, le Taxotere®
n’est commercialisé que pour les formes avancées
de cancer du sein. L’extension de son AMM prendra environ neuf mois.
33 % versus 24 %. La même tendance est observée en termes de survie globale (51 % versus
44 %). La tolérance de la chimiothérapie est
bonne, avec seulement 25 % des patients présentant un effet secondaire de grades 3-4.
Cancer du sein
Pour la première fois, un taxane, en l’occurrence
le docétaxel, apporte la preuve de son rôle en adjuvant chez les patientes atteintes d’un cancer du
sein N+. Lors de la mise en place de cette étude
pivot pour le développement et l’enregistrement
du docétaxel, plusieurs options concernant le
bras contrôle étaient possibles. Le FAC (5-FU,
doxorubicine, cyclophosphamide) est un protocole, sans docétaxel, qui a été choisi dans le bras
contrôle parce que largement étudié, en situation
aussi bien adjuvante que métastatique. Globalement, la réduction du risque de rechute est de
32 % sous TAC (docétaxel, doxorubicine, cyclophosphamide). Le bénéfice du protocole TAC est
plus important dans la population des patientes
ayant un à trois ganglions envahis et ce, sur le
risque de rechute et de décès. Cependant, des
études précédentes avaient montré que le TAC
présente une hématotoxicité importante, notamment sur les polynucléaires neutrophiles
(troubles sanguins et fatigue). Dans l’étude
concernée, il n’y a pas eu d’administration systématique de facteurs de croissance hématopoïétique en raison de la non-disponibilité totale de
ces médicaments au niveau de tous les centres.
Seule une antibiothérapie par ciprofloxacine
(500 mg x 2/j) a été autorisée. Il faut signaler les
© TDR
Cancer des ovaires
Dix pour cent des cancers du sein et de l’ovaire
sont d’origine génétique. Les femmes à risque
génétique de cancer du sein ou de l’ovaire présentent un risque de survenue réduit de ces
tumeurs, lorsqu’il y a ablation des ovaires. Les
femmes porteuses de cette mutation génétique
se voient jusqu’à présent proposer simplement
une surveillance accrue (mammographie). En
France, l’ablation des ovaires est très rare. Pourtant, celle-ci réduirait de 75 % la survenue des
tumeurs de l’ovaire qui sont de mauvais pronostic car difficilement dépistables.
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Cancer colorectal
Une des études rapportées est la première à
démontrer qu’en cas de carcinose péritonéale
une chirurgie suivie d’une chimiothérapie intrapéritonéale + hyperthermie améliore significativement la survie (21 mois versus 10 mois,
p = 0,0014) par rapport au traitement standard
à base de 5-FU et d’acide folinique IV. La survie
à 5 ans atteint 30 %. Un autre point intéressant
a été relaté : le suivi régulier des patients atteints
de cancer colorectal montre qu’un tiers des patients en rechute peut bénéficier d’une résection
des lésions métastatiques hépatiques ou pulmonaires avec une survie à 5 ans de l’ordre de 2025 %. Quant au protocole français FOLFOX, il
semble désormais supplanter le régime de Saltz
aux États-Unis. Il est également à souligner que
le protocole FOLFIRI est bien toléré grâce à l’administration du 5-FU en perfusion continue, ce
qui fait toute la différence par rapport au bolus
de 5-FU utilisé dans les protocoles américains.
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En deuxième ligne, le FOLFOX a démontré sa supériorité sur le protocole de la Mayo Clinic. Dans
le cancer colorectal, trois agents efficaces sont à
disposition. La stratégie doit être affinée afin de
donner à chaque patient le meilleur protocole en
fonction de ses spécificités propres. En ce qui
concerne les biothérapies, plusieurs travaux sont
à noter : celui sur les inhibiteurs de COX-2, l’étude
en adjuvant de l’anticorps anti-17-1 A (edrecolomab) et l’apport du cétuximab. La capécitabine est
de plus en plus utilisée (en substitution du 5-FU)
avec l’oxaliplatine ou l’irinotécan, ou même la
gemcitabine. Enfin, en ce qui concerne le traitement néoadjuvant, les travaux de M. Ychou montrent que l’association 5-FU + oxaliplatine + irinotécan donne 64 % de réponses et permet une
résection dans 69 % des cas.
Une autre étude française est également importante : l’essai en première ligne métastatique du
FOLFIRI avec des hautes doses d’irinotécan
donne des résultats très prometteurs.
Cancer de l’œsophage
Dans le cancer de l’œsophage, deux études ont
évalué l’apport de l’association RT-CT. La séquence RT-CT suivie de chirurgie ne semble pas
augmenter la survie. Dans les tumeurs avancées
(T3N0N1), une association RT-CT a permis de
randomiser les patients répondeurs entre poursuite de ce traitement ou chirurgie. Il n’existe pas
de bénéfice de survie (environ 20-25 % de survie globale), le groupe chirurgie présentant un
taux de décès précoce important (9 %) et les patients du bras RT-CT ayant des complications locales de type dysphagie, nécessitant soit des dilatations soit la pose de prothèse.
Cancer de l’estomac
Dans le cancer de l’estomac, l’étude adjuvante de
l’EORTC est négative. Le Pet-scan pourrait permettre de sélectionner précocement les patients non répondeurs pour lesquels l’arrêt de
la chimiothérapie est justifié. Enfin, la mutation de p53 et la surexpression du VEGF seraient des facteurs pronostiques indépendants et
permettraient de prédire la chimiosensibilité des
tumeurs.
Tumeurs du pancréas
Dans les tumeurs du pancréas, la place de la gemcitabine est bien confirmée avec des agents associés comme le docétaxel, l’oxaliplatine, le raltitrexed ou le pemetrexed disodium. L’association
RT-CT à base de gemcitabine est faisable et donne
un taux élevé de réponses histologiques. En revanche, déception du côté de l’inhibiteur de la
farnésyle transférase L115777 en association avec
la gemcitabine.
Carcinomes hépato-cellulaires
Dans les carcinomes hépato-cellulaires, la chimioembolisation apporte un net bénéfice de survie
à 2 ans (63 % contre 27 % dans le bras contrôle).
L’essai de la Fédération des Centres est négatif en
ce qui concerne l’efficacité de Tomudex®, sauf
dans le sous-groupe de patients sans extension
tumorale importante. De même, le FUFOL adjuvant ne semble pas améliorer la survie.
Conclusion : l’espoir côtoie l’inquiétude
Le taux de mortalité due au cancer a baissé aux
États-Unis entre 1993 et 1999, mais le nombre
total de cas risque d’augmenter avec l’accroissement et le vieillissement de la population, et il
pourrait même doubler d’ici 2050, affirme un
rapport de l’American Cancer Society. Cependant, la chute continue du taux de mortalité due
au cancer s’est élevée à un peu plus de 1 % par
an entre 1993 et 1999. Le nombre de personnes
diagnostiquées chaque année avec un cancer est
resté stable au cours de cette période. Le déclin
de la mortalité a été notamment enregistré pour
les quatre types de cancer les plus courants (poumon, côlon-rectum, sein et prostate), qui sont
responsables à eux seuls de la moitié des décès
dus au cancer aux États-Unis. Mais, parce que la
population continue d’augmenter et de vieillir, le
nombre de nouveaux cas de cancer pourrait en
réalité exploser, avertit l’American Cancer Society, qui a préparé ce rapport avec l’Institut national contre le cancer. Le vieillissement est en effet l’un des premiers facteurs de risque du cancer.
Si ces tendances démographiques continuent, le
nombre de personnes diagnostiquées avec un cancer chaque année pourrait ainsi doubler d’ici 2050
pour atteindre 2,6 millions, selon ce rapport annuel. Ce doublement serait en grande partie attribuable à un quasi-triplement des cas de cancer au
sein de la population âgée de 75 ans et plus. D’ici
2050, le nombre de malades du cancer âgés de
plus de 85 ans devrait au moins quadrupler. Le
cancer du poumon reste le type de cancer le plus
mortel, puisqu’il représente un tiers des décès dus
au cancer chez les hommes et un quart chez les
femmes. Le cancer colorectal vient en deuxième,
devant le cancer du sein et celui de la prostate.
Andrée-Lucie Pissondes
D’après le journal en ligne réalisé
sous la direction du Pr Jean-François Morère (Bobigny),
par la rédaction de La Lettre du cancérologue,
revue de notre groupe de presse
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