Les cancers digestifs au congrès de l’ASCO 2004 Juin 2004, La Nouvelle-Orléans B. Landi, Th. Lecomte* n grand nombre de travaux intéU ressants ayant été présentés à l’ASCO 2004, ce résumé ne sera en rien exhaustif. Une fois n’est pas coutume, le cancer colorectal est à l’honneur, avec de grands essais de chimiothérapie adjuvante, et de nouvelles données sur les thérapies ciblées. Des essais randomisés dans le traitement palliatif du cancer du pancréas ont aussi été rapportés, mais dont les résultats ne permettent malheureusement pas de modifier nos pratiques. Nous n’aborderons pas le cancer primitif du foie, vrai parent pauvre de l’oncologie digestive en terme d’essais thérapeutiques. Cancer colorectal Une étude cas-témoin surprenante a été présentée en séance plénière. Elle suggère que les statines, médicaments hypocholestérolémiants, diminueraient le risque de cancer colorectal. Mille six cent huit patients atteints de cancer colorectal diagnostiqués entre 1998 et 2002 en Israël ont été comparés à 1 734 témoins appariés. Un traitement par statines était associé à une diminution de 51 % du risque de cancer colorectal. Ce bénéfice persistait après ajustement sur les autres facteurs de risque connus. Cette efficacité dans la prévention doit être confirmée par des études prospectives et d’intervention (Abstract 1, Poynter). Traitement adjuvant Une étude s’est intéressée à l’évaluation précoce de l’efficacité des traitements adjuvants dans le cancer colorectal. * Service d’hépato-gastroentérologie hôpital européen Georges-Pompidou, Paris. Elle a repris les données de 15 essais randomisés ayant porté sur 12 915 patients. Elle montre l’existence d’une étroite corrélation entre la survie sans récidive à 3 ans et la survie globale à 5 ans. Une différence de survie globale à 5 ans était observée dans 92 % des cas quand une différence de survie sans récidive à 3 ans avait été observée (Abstract 3502, Sargent). La survie sans récidive à 3 ans semble donc être un critère de jugement valable pour permettre une évaluation plus rapide des traitements adjuvants. De nouvelles modalités de traitement adjuvant dans les cancers du côlon de stade III ont été étudiées. Deux essais randomisés avec les fluoropyrimidines orales ont été présentés. Une étude internationale a évalué l’efficacité de la capécitabine (2500 mg/m2/j, 14 jours sur 21 pendant 24 semaines) versus 5-FU-acide folinique Mayo clinic. Mille neuf cent quatre-vingt-sept patients de stade III ont été inclus. Les résultats sont en faveur de la capécitabine, avec une meilleure survie sans récidive à 3 ans (65,5 % versus 61,9 % ; p = 0,04) et une survie globale à 3 ans plus élevée, mais non significativement (81,3 % versus 77,6 % ; p = 0,07). La toxicité était moindre avec la capécitabine, hématologique et digestive notamment, sauf le syndrome main-pied (Abstract 3509, Cassidy). Le même type d’essai réalisé avec l’UFT a montré des résultats superposables entre 5-FU-acide folinique (schéma Roswell Park) et UFT + acide folinique. Dans cet essai, près de la moitié des patients inclus (1 608 patients au total) avaient cependant un cancer de stade II. La survie sans récidive, la survie globale et le risque de toxicité (37 % de toxicité grade 3-4) étaient similaires dans les deux bras (Abstract 3508, Wolmark). Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4-5 - vol. VII - juillet-octobre 2004 Un essai intergroupe américain du CALGB, incluant 1 264 patients opérés d’un cancer du côlon de stade III, a comparé la combinaison 5-FU-acide folinique-irinotécan (selon le schéma américain hebdomadaire IFL) à l’association 5-FU-acide folinique type Mayo clinic. Il n’y avait aucune augmentation de survie avec un recul médian de 2,6 ans. En revanche, le pourcentage de décès toxique était de 2,8 % dans le bras IFL versus 1 % dans le bras 5-FU-acide folinique (p = 0,08), avec 42 % de neutropénies sévères versus 5 %. Ces données confirment que la combinaison 5FU-acide folinique-irinotécan selon le schéma IFL n’est pas un schéma optimal, et, bien entendu, il ne peut être préconisé en traitement adjuvant du cancer du côlon (Abstract 3500, Saltz). Le traitement des tumeurs de stade II reste toujours controversé. L’étude QUASAR a testé l’intérêt de la chimiothérapie adjuvante versus chirurgie seule chez 3 239 patients ayant une tumeur de stade II. La chimiothérapie était une association 5-FU-acide folinique (schémas Roswell Park ou Mayo clinic). Le recul médian était de 4,6 ans. La survie sans récidive à 5 ans était de 77,8 % dans le bras chimiothérapie versus 73,8 % dans le bras chirurgie (p = 0,001), et la survie globale de 80,3 % versus 77,4 % (p = 0,02). Cet essai randomisé montre donc pour la première fois un bénéfice faible (3 % sur la survie globale) mais significatif de la chimiothérapie adjuvante en cas de tumeur de stade II (Abstract 3501, Gray). Il incite à poursuivre les essais avec une chimiothérapie plus efficace. Ce traitement qui, hors essai thérapeutique, n’est pas un standard dans les stades II, doit donc être discuté au cas par cas avec le patient. Plusieurs études ont été consacrées 85 Écho des congrès Écho des congrès spécifiquement aux cancers du rectum. Deux essais de phase III ont comparé radiothérapie préopératoire versus radiochimiothérapie préopératoire (45 grays + 5-FU + acide folinique bolus). Les résultats préliminaires sont en faveur de cette dernière. Dans un essai français (1 011 patients), les taux de réponse histologique complète (14 % versus 5,3 %) et de conservation sphinctérienne (55, 6 % versus 52,4 %) étaient significativement augmentés dans le bras radiochimiothérapie. En revanche, les toxicités de grade 2-4 étaient aussi augmentées dans ce groupe (54,3 % versus 37,7 %) (Abstract 3504, Bosset). Plusieurs essais de phase II ont montré des résultats prometteurs de la radiothérapie en association avec la capécitabine, ou avec la combinaison de capécitabine et d’oxaliplatine. Un essai japonais a évalué l’efficacité d’un traitement oral par UFT pendant un an sans irradiation versus chirurgie seule. Deux cent soixante-quatorze malades atteints d’un cancer du rectum de stade III ont été randomisés. Ce type d’essai est difficilement envisageable en Europe sans irradiation. Il montre néanmoins un intérêt de la chimiothérapie, car la survie globale à 3 ans était de 91 % dans le bras UFT versus 81 % dans le bras chirurgie seule (p = 0,005) (Abstract 3524, Akasu). Il est difficile de transposer ces résultats chez des patients qui auraient bénéficié d’une radiothérapie préopératoire. Traitement palliatif L’activité des agents de thérapie ciblée, anti-EGFr et anti-VEGF, vedettes de l’ASCO 2003, a fait l’objet de nombreuses présentations. Trois cent cinquante patients ayant un cancer colorectal métastastique et progressif sous traitement à base d’irinotécan, puis d’oxaliplatine ont été traités par cétuximab (Erbitux®) seul. La toxicité la plus fréquente était cutanée (5 % de toxicité grade 3). Une réponse partielle a été observée dans 12 % des cas, et une stabilisation dans 34 % des cas (Abstract 3510, Lenz). Un autre anticorps anti-EGF en développement, l’ABX- EGF, a donné des résultats similaires, avec 10,1 % de réponses chez 148 patients résistants à l’irinotécan et/ou à l’oxaliplatine (Abstract 3511, Hecht). Après les premières études ayant montré une synergie entre l’irinotécan et le cétuximab, le schéma Folfox a été évalué en combinaison avec le cétuximab. Une étude de phase II sur 42 patients traités en première ligne (Folfox 4 + cétuximab) a montré un taux de réponse de 81 % (Abstract 3512, Tabernero). Le gefitinib (Iressa®) associé au Folfox a donné des résultats comparables avec 77 % de réponse objective parmi 49 patients évaluables sur 75 (dont 45 avaient déjà reçu au moins une ligne de chimiothérapie) (Abstract 3514, Fisher). Les principales complications de ces associations sont la neutropénie, la diarrhée et le syndrome acnéiforme. Une nouvelle étude randomisée a confirmé l’intérêt d’associer un anti-VEGF, le bévacizumab (Avastin®), à une chimiothérapie de type 5-FU-acide folinique (administrée selon le schéma Roswell Park). Elle a inclus les patients trop fragiles pour recevoir un traitement comportant de l’irinotécan (schéma IFL). Deux cent neuf patients traités en première ligne ont été inclus. Le taux de réponse (26 % versus 15 %) et la survie sans progression (9,2 mois versus 5,5 mois) étaient significativement augmentés dans le groupe ayant reçu du bévacizumab. La survie globale était supérieure (16,6 mois versus 12,9 mois), mais non significativement (p = 0,16), peut-être en raison de l’effectif limité (Abstract 3516, Kabbinavar). L’intérêt de la chrono-chimiothérapie a fait l’objet de nombreuses controverses. Il semble en fait bien limité au vu des résultats d’une étude randomisée de l’EORTC. Celle-ci a inclus 554 patients et comparé le schéma Folfox 2 à un schéma chronomodulé en première ligne métastatique. Il n’y avait aucune différence d’efficacité entre les deux bras, avec une survie sans progression identique, une médiane de survie globale similaire respectivement de 18,7 et 19,6 mois, et un taux de réponse de 45 % et 42 %. Le profil de toxicité Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4-5 - vol. VII - juillet-octobre 2004 grade 3-4 était différent avec plus de neutropénies avec le Folfox 2 (25 % versus 7 %), mais moins de diarrhée (11 % versus 28 %) et de mucite (7 % versus 14 %). En revanche, le risque de neuropathie sévère était identique dans les deux bras (26 %) (Abstract 3526, Giacchetti). Cancer du pancréas Les résultats définitifs de l’étude européenne gemcitabine-oxaliplatine (gemox) versus gemcitabine ont été présentés. Malheureusement, les avantages significatifs de l’association gemox en termes de taux de réponse et survie sans progression ne se traduisent pas par une augmentation significative de la survie globale (9 mois versus 7,1 mois ; p = 0,13). Ce résultat négatif pourrait être lié à l’impact des chimiothérapies de deuxième ligne ou à un manque de puissance de l’étude (313 patients) (Abstract 4008, Louvet). D’autres essais randomisés versus gemcitabine seule n’ont pas permis de parvenir à une augmentation significative de la survie globale, qu’il s’agisse d’une association à l’exatécan (Abstract 4006, Reilly) ou au permetrexed (Abstract 4007, Richards). De nouvelles combinaisons actives sont donc nécessaires. L’association bévacizumab-gemcitabine a été testée chez 42 patients. Le taux de réponse était de 19 %, de stabilisation de 48 %, et la survie médiane de 8,7 mois (Abstract 4009, Kindler). Une étude intergroupe américaine de phase III est prévue. Tumeurs stromales digestives (GIST) Depuis l’avènement du Glivec®, de nouvelles données sur les GIST sont communiquées tous les ans à l’ASCO. Parmi celles-ci, deux communications ont porté sur le devenir des patients inclus dans les essais européens et américains 86 Écho des congrès Écho des congrès ayant progressé sous 400 mg de Glivec®. Ils recevaient dans les deux protocoles la dose quotidienne de 800 mg. Un bénéfice clinique (réponse plus stabilisation) était observé chez 33 % des patients inclus dans l’étude européenne et 39 % dans l’étude américaine. La médiane de survie sans progression est de 3 à 4 mois et 20 à 30 % des patients sont toujours sous traitement un an après l’augmentation de dose (Abstract 9004, Zalcberg ; Abstract 9005, Rankin). Une étude randomisée française posait la question de l’arrêt du Glivec® chez les patients répondeurs après un an de traitement. Parmi 190 patients inclus, 56 ont été randomisés à un an. Aucune reprise évolutive n’a été observée dans le bras poursuite du Glivec, mais chez 10 patients dans le bras arrêt du traitement (Abstract 9006, Blay). Une autre étude française a suggéré l’intérêt de l’écho-doppler avec injection de produit de contraste (Sonovue®) couplé à un logiciel de perfusion dans le suivi des GIST métastatiques. Cette technique, plus simple que le PET scan, permettrait, comme ce dernier, de pré- dire rapidement la sensibilité ou la résistance au Glivec® (Abstract 9048, Lassau). La diminution de la prise de contraste une semaine après la mise en route du traitement serait corrélée à la réponse tumorale observée au scanner après deux mois de traitement. Cancer de l’œsophage et de l’estomac Peu de données vraiment nouvelles ont été rapportées pour les tumeurs de l’œsophage ou de l’estomac. Une étude prospective a évalué le risque de développer un adénocarcinome de l’œsophage chez 161 patients ayant un endobrachyœsophage. Trois cent soixante-sept endoscopies de surveillance ont été réalisées. Le suivi médian était de 4,3 ans. Deux patients seulement ont développé un cancer, 6 et 12 ans après le diagnostic d’endobrachyœsophage, ce qui correspond à un cas pour 347,5 patientsannées de suivi. La longueur de l’EBO était associée à un plus grand risque de dysplasie (Abstract 4001, Ahn). Pour les petites tumeurs de l’œsophage (T1N0M0) non accessibles à une mucosectomie, la chirurgie reste le traitement standard. Néanmoins, la radiochimiothérapie a permis d’obtenir dans une série de 73 patients une réponse complète dans 93 % des cas. Dix patients ayant une récidive ont été traités par mucosectomie et seulement 4 ont dû être opérés. La survie à 3 ans était de 80 % (Abstract 4017, Urba). Peu de nouveauté dans le domaine des chimiothérapies des cancers gastriques avancés, où la médiane de survie reste inférieure à un an. Aucun essai randomisé de phase III n’a été présenté. Une étude de phase II randomisée a évalué l’ECF (épi-adriamycine, cisplatine, 5-FU continu), le TC (docetaxel, cisplatine) et le TCF (docetaxel, cisplatine et 5-FU continu). Les taux de réponse ont été de 46 % pour l’ECF, 42 % pour le TC et 55 % pour le TCF. La survie globale s’échelonnait entre 8 mois (ECF) et 11 mois (TC) (Abstract 4020, Roth). ■ ✂ À découper ou à photocopier UI, JE M’ABONNE à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue à ses actualités et à tous ses suppléments Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules ❏ Collectivité .................................................................................. 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