HGE-EBM maq. 13/01/03 13:16 Page 293 Cancérologie La chimiothérapie palliative des cancers du pancréas est-elle utile? Ce qu’il faut retenir La chimiothérapie palliative des cancers du pancréas a fait la preuve d’une efficacité limitée mais incontestable avec une supé! riorité sur les soins palliatifs démontrée dans plusieurs essais randomisés" Le bénéfi! ce du traitement est significatif tant en termes de survie que de qualité de vie" La gemcitabine ayant prouvé une supériorité Niveau de preuve _ 1 e cancer du pancréas représente la quatrième cause de décès par cancer digestif et la cinquième cause de mortalité par cancer alors qu’il n’est que le dix-septième cancer en incidence. Son pronostic global est donc effroyable avec une espérance de vie à 5 ans de 1 % tous stades confondus. Ce mauvais pronostic est explicable en partie par des symptômes non spécifiques retardant le diagnostic, une agressivité tumorale marquée et enfin l’absence de facteurs de risque très spécifique ne permettant pas d’envisager un dépistage dans des populations ciblées. Le seul traitement curatif de ce cancer est chirurgical, mais la tumeur n’est extirpable que dans 10 à 15 % des cas. Dans les formes métastatiques, aucun patient n’est vivant à 5 ans et la survie spontanée des patients est en moyenne de 2 à 3 mois. Le pronostic très péjoratif de ces tumeurs et leur réputation de chimiorésistance ont justifié la réalisation d’essais comparant la chimiothérapie aux soins palliatifs (1-6). Trois de ces études ont été positives (1-3). La première publiée dès 1980 a randomisé 40 patients pour recevoir soit une chimiothérapie associant 5-FU, minime mais réelle sur le #!fluorouracil (#!FU) bolus est devenue le traitement de référence" Cependant$ les résultats de ce type de chimiothérapie sont encore insuffi! sants et les essais actuels testent plutôt des polychimiothérapies qui semblent pouvoir donner des résultats plus satisfaisants en termes de réponse" méthotrexate, cyclophosphamide et vincristine, soit un traitement symptomatique. Les patients traités avaient une survie triplée par rapport aux patients contrôles (11 mois versus 3 mois), mais au prix d’une toxicité notable (1). Plus de 10 ans plus tard, une autre chimiothérapie (FAM : 5-FU, adriamycine, mitomycine) a prouvé sa supériorité par rapport au traitement symptomatique dans une étude ayant inclus 43 patients. La médiane de survie était doublée dans le groupe chimiothérapie (8 mois versus 4 mois) avec un pourcentage de dépression significativement inférieur dans le groupe traité mais sans modification de l’anxiété (2). Plusieurs critiques ont cependant pu être émises vis-à-vis de ces études : effectifs relativement réduits, absence de preuve histologique dans respectivement 40 et 25 % des cas. L’étude de Glimelius et al. (3), ayant inclus 90 patients randomisés pour recevoir soit une chimiothérapie associant 5-FU, acide folinique avec ou sans étoposide, soit un traitement de confort, est plus convaincante. La survie globale était significativement plus longue dans le groupe traité par chimiothérapie que dans le groupe ne recevant que des soins de confort (6 mois versus 2,5 mois, p < 0,01). De plus, la qualité de vie évaluée par le questionnaire EORTC QLQ-C30 était améliorée pour une durée minimum de 4 mois chez 36 % des patients du groupe chimiothérapie contre 10 % seulement des patients dans le groupe traitement symptomatique (p < 0,01). La La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. V - novembre-décembre 2002 293 HGE-EBM maq. 13/01/03 13:16 Page 294 Xä | w x Ç v x @ u t á x w Å x w | v | Ç x Tableau. Études de phase III ayant comparé une chimiothérapie aux soins palliatifs. Référence N Protocole Survie médiane (mois) p Chimiothérapie Soins palliatifs Mallinson et al. (1) 40 11 3 0,006 46 152 5FU, cyclophosphamide, méthotrexate, vincristine 5FU, BCNU 5FU, CCNU Andersen et al. (4) Frey et al. (5) Andren-Sandberg et al. (6) Palmer et al. (2) Glimelius et al. (3) 3,25 3,9 3,5 3 NS NS 47 43 90 5FU oral, CCNU, vincristine 5FU, mitomycine, adriamycine 5FU, AF ± étoposide 5 8 6 4 4 2,5 NS < 0,002 < 0,01 survie sans détérioration de la qualité de vie était également significativement plus longue dans le bras traité (4 mois versus 1 mois, p < 0,01). De plus, il faut souligner le caractère relativement peu toxique de cette chimiothérapie avec l’absence de toxicité de grade 3-4 pour les patients de plus de 60 ans ou avec un indice de Karnofsky inférieur à 70 qui avaient reçu un protocole allégé sans étoposide (pour les autres patients : 10 % de leucopénie de grade 4). Il existe donc au total des arguments suffisamment solides pour proposer une chimiothérapie aux patients ayant un cancer du pancréas non résécable. En revanche, le protocole de chimiothérapie optimal dans ces situations reste encore à définir. Le 5-FU seul paraît très peu efficace, mais en monothérapie, la gemcitabine a, quant à elle, montré un bénéfice clinique substantiel. En effet, en 1997, dans un essai ayant randomisé 126 patients atteints d’une maladie symptomatique pour recevoir gemcitabine ou 5-FU hebdomadaire, 24 % des patients du groupe gemcitabine ont présenté un bénéfice clinique contre seulement 5 % des patients traités par 5-FU (p = 0,002). La survie globale, considérée comme un critère accessoire, était également améliorée sous gemcitabine : 5,6 mois versus 4,4 mois (p = 0,0025). De même, 18 % des patients traités par gemcitabine étaient vivants à 12 mois contre seulement 2 % des patients traités par 5-FU (7). Cette étude a été à l’origine de la mise sur le marché de la gemcitabine considérée actuellement 294 comme le standard de monochimiothérapie des adénocarcinomes du pancréas. Cependant, les résultats de ce traitement en termes de réponse objective (< 10 %) sont encore très décevants et il est clair que le protocole idéal reste à définir. R É F É R E N C E S 1. Mallinson CN, Rake MO, Cocking JB et al. Chemotherapy in pancreatic cancer : results of a controlled, prospective, randomised, multicentre trial. Br Med J 1980 ; 281 : 1589-91. 2. Palmer KR, Kerr M, Knowles G et al. Chemotherapy prolongs survival in inoperable pancreatic carconima. Br J Surg 1994 ; 81 : 882-5. 3. Glimelius B, Hoffman K, Sjöden PO et al. Chemotherapy improves survival and quality of life in advanced pancreatic biliary cancer. Ann Oncol 1996 : 7 : 593-600. 4. Andersen JR, Friis-Moller A, Hancke S et al. A controlled trial of combination chemotherapy with 5-FU and BCNU in pancreatic cancer. Scand J Gastroenterol 1981 ; 16 : 973-5. 5. Frey C, Twomey P, Keehn R et al. Randomized study of 5-FU and CCNU in pancreatic cancer : report of the veterans administration surgical adjuvant cancer chemotherapy study group. cancer 1981 ; 47 : 27-31. 6. Andren-Sandberg A, Holmberg JT, Ihse I. Treatment of unresectable pancreatic carcinoma with 5-fluorouracil, vincristine, and CCNU. Scand J Gastroenterol 1983 ; 18 : 609-12. 7. Burris HA 3rd, Moore MJ, Andersen J et al. Improvements in survival and clinical benefit with gemcitabine as first-line therapy for patients with advanced pancreas cancer : a randomized trial. J Clin Oncol 1997 ; 15 : 2403-13. La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. V - novembre-décembre 2002