La chimiothérapie palliative des cancers du pancréas est-elle utile?

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Cancérologie
La chimiothérapie palliative des cancers
du pancréas est-elle utile?
Ce qu’il faut retenir
La chimiothérapie palliative des cancers du
pancréas a fait la preuve d’une efficacité
limitée mais incontestable avec une supé!
riorité sur les soins palliatifs démontrée
dans plusieurs essais randomisés" Le bénéfi!
ce du traitement est significatif tant en
termes de survie que de qualité de vie" La
gemcitabine ayant prouvé une supériorité
Niveau de preuve
_
1
e cancer du pancréas représente la quatrième cause
de décès par cancer digestif et la cinquième cause
de mortalité par cancer alors qu’il n’est que le dix-septième cancer en incidence. Son pronostic global est donc effroyable avec
une espérance de vie à 5 ans de 1 % tous stades confondus. Ce
mauvais pronostic est explicable en partie par des symptômes non
spécifiques retardant le diagnostic, une agressivité tumorale marquée et enfin l’absence de facteurs de risque très spécifique ne
permettant pas d’envisager un dépistage dans des populations
ciblées. Le seul traitement curatif de ce cancer est chirurgical,
mais la tumeur n’est extirpable que dans 10 à 15 % des cas. Dans
les formes métastatiques, aucun patient n’est vivant à 5 ans et la
survie spontanée des patients est en moyenne de 2 à 3 mois.
Le pronostic très péjoratif de ces tumeurs et leur réputation de
chimiorésistance ont justifié la réalisation d’essais comparant la
chimiothérapie aux soins palliatifs (1-6). Trois de ces études ont
été positives (1-3). La première publiée dès 1980 a randomisé
40 patients pour recevoir soit une chimiothérapie associant 5-FU,
minime mais réelle sur le #!fluorouracil
(#!FU) bolus est devenue le traitement de
référence" Cependant$ les résultats de ce
type de chimiothérapie sont encore insuffi!
sants et les essais actuels testent plutôt des
polychimiothérapies qui semblent pouvoir
donner des résultats plus satisfaisants en
termes de réponse"
méthotrexate, cyclophosphamide et vincristine, soit un traitement
symptomatique. Les patients traités avaient une survie triplée par
rapport aux patients contrôles (11 mois versus 3 mois), mais au
prix d’une toxicité notable (1). Plus de 10 ans plus tard, une autre
chimiothérapie (FAM : 5-FU, adriamycine, mitomycine) a prouvé
sa supériorité par rapport au traitement symptomatique dans une
étude ayant inclus 43 patients. La médiane de survie était doublée dans le groupe chimiothérapie (8 mois versus 4 mois) avec
un pourcentage de dépression significativement inférieur dans le
groupe traité mais sans modification de l’anxiété (2). Plusieurs
critiques ont cependant pu être émises vis-à-vis de ces études :
effectifs relativement réduits, absence de preuve histologique dans
respectivement 40 et 25 % des cas. L’étude de Glimelius et al. (3),
ayant inclus 90 patients randomisés pour recevoir soit une chimiothérapie associant 5-FU, acide folinique avec ou sans étoposide, soit un traitement de confort, est plus convaincante. La survie globale était significativement plus longue dans le groupe
traité par chimiothérapie que dans le groupe ne recevant que des
soins de confort (6 mois versus 2,5 mois, p < 0,01). De plus, la
qualité de vie évaluée par le questionnaire EORTC QLQ-C30
était améliorée pour une durée minimum de 4 mois chez 36 %
des patients du groupe chimiothérapie contre 10 % seulement des
patients dans le groupe traitement symptomatique (p < 0,01). La
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Xä | w x Ç v x @ u t á x w
Å x w | v | Ç x
Tableau. Études de phase III ayant comparé une chimiothérapie aux soins palliatifs.
Référence
N
Protocole
Survie médiane (mois)
p
Chimiothérapie Soins palliatifs
Mallinson et al. (1)
40
11
3
0,006
46
152
5FU, cyclophosphamide,
méthotrexate, vincristine
5FU, BCNU
5FU, CCNU
Andersen et al. (4)
Frey et al. (5)
Andren-Sandberg
et al. (6)
Palmer et al. (2)
Glimelius et al. (3)
3,25
3,9
3,5
3
NS
NS
47
43
90
5FU oral, CCNU, vincristine
5FU, mitomycine, adriamycine
5FU, AF ± étoposide
5
8
6
4
4
2,5
NS
< 0,002
< 0,01
survie sans détérioration de la qualité de vie était également significativement plus longue dans le bras traité (4 mois versus 1 mois,
p < 0,01). De plus, il faut souligner le caractère relativement peu
toxique de cette chimiothérapie avec l’absence de toxicité de
grade 3-4 pour les patients de plus de 60 ans ou avec un indice
de Karnofsky inférieur à 70 qui avaient reçu un protocole allégé
sans étoposide (pour les autres patients : 10 % de leucopénie de
grade 4). Il existe donc au total des arguments suffisamment
solides pour proposer une chimiothérapie aux patients ayant un
cancer du pancréas non résécable.
En revanche, le protocole de chimiothérapie optimal dans ces
situations reste encore à définir. Le 5-FU seul paraît très peu efficace, mais en monothérapie, la gemcitabine a, quant à elle, montré un bénéfice clinique substantiel. En effet, en 1997, dans un
essai ayant randomisé 126 patients atteints d’une maladie symptomatique pour recevoir gemcitabine ou 5-FU hebdomadaire,
24 % des patients du groupe gemcitabine ont présenté un bénéfice clinique contre seulement 5 % des patients traités par 5-FU
(p = 0,002). La survie globale, considérée comme un critère accessoire, était également améliorée sous gemcitabine : 5,6 mois versus 4,4 mois (p = 0,0025). De même, 18 % des patients traités par
gemcitabine étaient vivants à 12 mois contre seulement 2 % des
patients traités par 5-FU (7). Cette étude a été à l’origine de la
mise sur le marché de la gemcitabine considérée actuellement
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comme le standard de monochimiothérapie des adénocarcinomes
du pancréas. Cependant, les résultats de ce traitement en termes
de réponse objective (< 10 %) sont encore très décevants et il est
clair que le protocole idéal reste à définir.
R
É F É R E N C E S
1. Mallinson CN, Rake MO, Cocking JB et al. Chemotherapy in pancreatic cancer : results of a controlled, prospective, randomised, multicentre trial. Br Med J
1980 ; 281 : 1589-91.
2. Palmer KR, Kerr M, Knowles G et al. Chemotherapy prolongs survival in
inoperable pancreatic carconima. Br J Surg 1994 ; 81 : 882-5.
3. Glimelius B, Hoffman K, Sjöden PO et al. Chemotherapy improves survival
and quality of life in advanced pancreatic biliary cancer. Ann Oncol 1996 : 7 :
593-600.
4. Andersen JR, Friis-Moller A, Hancke S et al. A controlled trial of combination
chemotherapy with 5-FU and BCNU in pancreatic cancer. Scand J Gastroenterol
1981 ; 16 : 973-5.
5. Frey C, Twomey P, Keehn R et al. Randomized study of 5-FU and CCNU in
pancreatic cancer : report of the veterans administration surgical adjuvant cancer chemotherapy study group. cancer 1981 ; 47 : 27-31.
6. Andren-Sandberg A, Holmberg JT, Ihse I. Treatment of unresectable pancreatic carcinoma with 5-fluorouracil, vincristine, and CCNU. Scand J Gastroenterol
1983 ; 18 : 609-12.
7. Burris HA 3rd, Moore MJ, Andersen J et al. Improvements in survival and clinical benefit with gemcitabine as first-line therapy for patients with advanced
pancreas cancer : a randomized trial. J Clin Oncol 1997 ; 15 : 2403-13.
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