SÉRIE URODYNAMIQUE
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La Lettre du Neurologue - n° 2 - vol. III - mars-avril 1999
Atrophies multisystématisées
Les troubles vésico-sphinctériens sont un mode d’expression
classique et précoce des différentes formes d’atrophies multisys-
tématisées (AMS) préalablement décrites comme la maladie de
Shy et Drager (MSD), la dégénérescence striatonigrique (DSN)
et certaines atrophies olivopontocérébelleuses (AOPC). Toutes
formes confondues, les anomalies les plus fréquentes associent
hyperactivité du détrusor, perturbation de l’initiation volontaire
de la miction et d’importantes perturbations du contrôle cervico-
urétral (insuffisance sphinctérienne et incompétence du col) (7).
Certaines distinctions restent identifiables au sein des différents
sous-groupes en fonction du stade évolutif.
Les troubles vésico-sphinctériens de la MSD sont les plus fré-
quents, retrouvés dans 90 % des cas après l’hypotension ortho-
statique et révélateurs de la maladie dans 60 % des cas. La
symptomatologie génito-sexuelle est moins fréquente (80 %)
mais souvent inaugurale de la maladie. Les troubles vésico-
sphinctériens sont d’expression polymorphe, dominés par
l’incontinence (80 % des cas). Une rétention chronique s’ins-
talle classiquement avec la durée d’évolution de la maladie et
persiste, voire s’aggrave, après chirurgie d’une cause urolo-
gique obstructive associée. L’élément clinique le plus évoca-
teur est l’existence d’une incontinence d’effort chez l’homme
en l’absence de tout signe neuropérinéal déficitaire ou d’anté-
cédent spécifique (chirurgie prostatique).
Si la clinique permet de différencier la MSD et l’AOPC de la
MP, les explorations urodynamiques apportent des éléments
complémentaires précieux dans le diagnostic différentiel avec
la DSN (1). L’élément caractéristique, dans ce dernier cas, est
l’apparition d’une hypoactivité du détrusor (66 % des cas)
associée ou non à un trouble de compliance. L’hypoactivité
avec hypocontractilité du détrusor constitue un tournant évolu-
tif de la maladie par atteinte des colonnes intermédiolatérales
de la moelle (7). Les lésions dégénératives observées au
niveau des noyaux dorsaux pontiques et des formations réticu-
lées latérales de la moelle contribueraient de même au déve-
loppement progressif d’une rétention chronique par perte de
l’initiation volontaire de la miction.
Les études neuropathologiques dans les AMS ont montré
d’autre part une atteinte sélective des motoneurones sphincté-
riens au sein des noyaux d’Onuf. L’examen de détection EMG
des sphincters (urétral et anal) est le test le plus spécifique des
différents modes de présentation de la maladie chez l’homme
(88 % à 94 %) (9), celui-ci retrouvant un tracé appauvri et
accéléré par la sommation temporelle, potentiels polypha-
siques de durée augmentés (> 10 ms) et décharges répétitives
complexes. La spécificité est moins bonne chez la femme en
raison des antécédents gynéco-obstétricaux.
Le traitement fait appel aux médications parasympatholytiques
en cas d’hyperactivité vésicale. Leur utilisation reste limitée en
raison du risque d’aggravation du résidu postmictionnel fré-
quemment associé dans les formes évoluées. Les alphamimé-
tiques peuvent être utilisées afin de renforcer les mécanismes
alpha-adrénergiques de clôture cervico-sphinctérienne en trai-
tement associé de l’hypotension orthostatique avec les miné-
ralo-corticoïdes. La desmopressine en prise vespérale peut par-
fois limiter la symptomatologie nocturne.
Diabète
Une estimation de la fréquence des troubles vésico-sphincté-
riens au cours du diabète a été relevée chez 20 à 88 % des
patients, avec pour la plupart des séries un taux proche de
50 %. Il n’existe aucune corrélation entre les troubles uri-
naires, l’âge et le type du diabète. La symptomatologie fonc-
tionnelle est extrêmement variable suivant le mécanisme phy-
siopathologique : neurovessies d’atteinte centrale par atteintes
des voies ou des centres du contrôle supra-sacré secondaire à
la micro-angiopathie, neurovessie périphérique touchant le
système nerveux somatique (voies sensitives principalement)
et atteinte végétative affectant aussi bien le système sympa-
thique que parasympathique, modifications de la diurèse. Dans
les enquêtes de prévalence, leur traduction cystomanométrique
est essentiellement l’hyperactivité du détrusor (55 %) (5).
Il est par ailleurs admis que 75 à 100 % des patients présentant
une neuropathie périphérique vont développer une cystopathie
autonome diabétique. Le début des troubles est insidieux par
un émoussement du besoin, une altération de la vidange vési-
cale et le développement d’un résidu chronique. La traduction
cystomanométrique est une hypoesthésie avec hypocontracti-
lité du détrusor. Les études cystomanométriques chez le rat
diabétique ont montré que la force de la contraction vésicale
était directement liée au taux d’innervation des nerfs pelviens à
destinée détrusorienne, témoignant de la responsabilité de la
neuropathie autonome dans la genèse des troubles (rétention
chronique, dysurie). Le résidu chronique ne devient un facteur
de risque infectieux que lorsque s’y associe une cause obstruc-
tive sous-vésicale soulignant l’intérêt d’un bilan urologique
devant toute rétention chronique chez un diabétique connu. Le
développement de la néphropathie diabétique semble en
revanche indépendant de l’existence d’une rétention chro-
nique, et évolue indépendamment des anomalies cystomano-
métriques.
Traitement
Le traitement des troubles vésico-sphinctériens dans les affec-
tions dysautonomiques ne diffère pas des stratégies adoptées
pour d’autres affections neurologiques. Ce choix repose sur
l’identification du mécanisme en cause et des facteurs de
risque sur les plans infectieux et uro-néphrologique. L’utilisa-
tion des molécules adrénergiques et cholinergiques doit
prendre en compte les effets possibles sur le système cardio-
vasculaire dans les atteintes diffuses qui en limitent fréquem-
ment la prescription (tableau II). La place d’autres agents non
adrénergiques et non cholinergiques (antagonistes des récep-
teurs NMDA, NK2, capsaïcine) reste à préciser. Le recours
aux différentes molécules reste indissociable du traitement
impératif des troubles ano-rectaux constituant des épines réten-
tiogènes par effet viscéro-viscéral inhibiteur, du traitement
symptomatique (sondages intermittents) de toute rétention
chronique constituant pour son propre compte un facteur de
remaniement morphologique du détrusor, du traitement des
causes uro-gynécologiques associées intervenant comme
cofacteur de risque infectieux. Le suivi de l’efficacité et de la
tolérance est un impératif en raison de l’extrême labilité de
l’équilibre vésico-sphinctérien au cours évolutif de nombreux