L’incontinence urinaire est un symptôme fréquent chez la
personne âgée avec une prévalence qui varie de 10% à 90%
selon les critères retenus et le type de population étudiée
(ambulatoire, institutionnalisée, hospitalisée).
Létiologie de l’incontinence urinaire est rarement unique et
lévaluation doit prendre en compte aussi bien les pathologies
spéci ques du bas appareil urinaire que celles liées au vieillisse-
ment. La plupart des maladies neurodégénératives saccompagnent
d’une atteinte neurologique du bas appareil urinaire. Parmi celles-
ci les accidents vasculaires cérébraux, les démences et la maladie
de Parkinson ont une prévalence élevée au grand âge. S’y ajoutent
dautres pathologies, en particulier la neuropathie diabétique et la
carence en vitamine B12.
Physiologie et physiopathologie
de la miction
Le bas appareil urinaire doit être compris comme une unité anato-
mique et fonctionnelle comprenant, d’une part, la vessie, le col vési-
cal, l’urètre avec ses sphincters lisse et strié ainsi que les muscles du
plancher pelvien et, d’autre part, les di érentes parties du système
nerveux qui en assurent le fonctionnement et le contrôle.
L’innervation du bas appareil urinaire est à la fois autonome et
somatique ( g. 1). Linnervation sympathique noradrénergique est
issue des noyaux D10-D12. Des récepteurs de type α1 sont présents
au niveau du col vésical, de l’urètre et de la prostate et des récep-
teurs β sont disséminés au sein du muscle détrusor. Durant la phase
de remplissage ces récepteurs sont activés, entraînant une relaxation
de la paroi vésicale et une contraction du col vésical et de l’urètre.
L’innervation parasympathique cholinergique est véhiculée par
les racines S2-S4 jusque dans la paroi vésicale et l’urètre. Lactivation
des récepteurs μ M3 du muscle détrusor provoque une contraction
de ce dernier et la vidange vésicale.
L’innervation somatique motrice du sphincter externe et du plan-
cher pelvien est également d’origine sacrée, lactivation des cellules
musculaires de ces structures assure la continence lors de la phase de
remplissage et elles sont inhibées lors de la vidange vésicale.
La paroi et la muqueuse vésicales contiennent des récepteurs
sensitifs qui sont à l’origine de la sensation de besoin. Les  bres sen-
sitives, de type Aδ et C, sont véhiculées par les nerfs périphériques
innervant le bas appareil urinaire.
Pourquoi faut-il y penser?
Vessie neurologique du sujet âgé
Le cycle mictionnel est donc composé d’une phase de remplis-
sage de plusieurs heures et d’une phase de vidange de quelques
secondes. Le remplissage se ectue sans élévation de la pression
intra-vésicale en raison de la compliance élevée de la paroi vésicale.
La vidange saccompagne dune élévation faible de la pression vési-
cale puisquelle se déroule contre faible résistance, après relaxation
du sphincter strié et des muscles du plancher pelvien.
Trois structures du système nerveux central assurent principale-
ment le contrôle de la miction ( g. 2) :
l le centre mictionnel cérébral situé dans le lobe frontal,
l le centre mictionnel pontique,
l le centre mictionnel sacré.
Dr méd. Marie-Claire Jacques
Thônex
FIG. 1 Neurophysiologie de la miction
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FORUMDICAL
Il existe quatre boucles dautorégulation principales :
1. Le centre mictionnel cérébral assure le contrôle volontaire de la
miction en inhibant le centre mictionnel pontique.
2. Le ré exe mictionnel prend son origine dans le centre miction-
nel pontique, à partir d’a érences sensitives vésicales, pour se
terminer dans le centre sacré de la miction. Son rôle est d’assurer
la contraction du muscle détrusor et la vidange vésicale.
3. La coordination entre la vessie et la musculature striée est assu-
rée par les a érences sensitives vésicales spinales et le centre sacré
de la miction. Son rôle est dassurer la synchronisation entre les
contractions du muscle détrusor et la relaxation du sphincter et
du plancher pelvien.
4. La capacité d’interrompre volontairement la miction dépend des
lobes frontaux avec un relai au niveau sacré. Elle consiste à inhi-
ber le ré exe mictionnel par une contraction de la musculature
striée.
Les éléments suivants sont donc à retenir
Les lésions supra pontiques entraînent une hyperré exie vésicale,
associée ou non à une diminution de la compliance vésicale.
Les lésions médullaires supra-sacrées entraînent une dyssyner-
gie vésico-sphinctérienne avec vessie hyperré exique et défaut de
relaxation de la musculature striée lors de la contraction vésicale.
Les lésions périphériques sont responsables d’une aré exie ou
d’une hyporé exie vésicale associée ou non à une incompétence
sphinctérienne.
En pratique
Les patients âgés nont spontanément pas ou peu de plaintes d’in-
continence ou de troubles mictionnels et c’est donc au médecin de
pratiquer une anamnèse systématique. Celle-ci doit permettre:
l de dater les troubles et de préciser leur évolution.
l de caractériser les symptômes (tab. 1),
l de dépister les facteurs favorisant ou précipitant spécifiques de
la personne âgée (tab. 2),
l de préciser les co-morbidités et les antécédents médicaux et
chirurgicaux en insistant sur les atteintes neurologiques et sur
celles du petit bassin.
Lexamen clinique devrait comprendre au minimum:
l un examen des organes génitaux externes et du périnée avec tes-
ting de la sensibilité superficielle,
l un toucher rectal avec testing musculaire consistant à faire re-
tenir le patient et à apprécier la force du muscle releveur de
l’anus,
l une mesure du résidu vésical post-mictionnel par Bladder-Scan
ou échographie.
Les examens complémentaires indispensables sont dune part un
sédiment urinaire et dautre part un calendrier mictionnel de trois
jours qui, de principe, est e ectué après stérilisation des urines. Le
calendrier mictionnel est interprété selon les normes de l’Inter-
national Continence Society (tab. 3). Ce bilan initial est commun
à tous les types d’incontinence ou de troubles mictionnels de la
personne âgée. La suite des investigations est adaptée individuel-
lement mais les situations suivantes doivent impérativement être
investiguées car elles font suspecter une anomalie de la vidange
vésicale:
l infections urinaires à répétition,
l résidu post-mictionnel augmenté (plus de 100 ml),
l insuffisance rénale en progression ou nouvelle.
On doit exclure un possible obstacle mécanique à la vidange vési-
cale et rechercher la présence dune anomalie fonctionnelle de la
vessie ou du sphincter en pratiquant un bilan urodynamique. Les
principaux examens urodynamiques sont les suivants :
l la débimétrie urinaire,
l la cystomanométrie,
l l’étude débit-pression,
l l’ENMG du sphincter strié.
TAB. 2
Facteurs favorisant et précipitant de l’incontinence urinaire
(adapté de Resnick NM: Urinary Incontinence in the Elderly
D Delirium
I Infection
A Atrophic urethritis/vaginitis
P Pharmaceuticals
P Psychological conditions
E Excessive urine output
R Restriceted or decreased mobility
S Stool impaction
Med Grand Rounds 1984; 3(54): 281-290
TAB. 1 Classifi cation des troubles mictionnels
Symptômes liés au remplissage
l impériosité
l polyurie
l nycturie
l incontinence de type urge
Symptômes liés à l’évacuation
l efforts de poussée abdominale
l jet intermittent, faible, prolongé
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Ces examens, isolément ou en combinaison, permettent de déter-
miner:
l la compliance vésicale,
l la sensibilité vésicale,
l la présence de contraction non inhibées du muscle détrusor,
l la présence dune dyssynergie vésico-sphinctérienne.
On évoque le diagnostic de vessie neurologique quand des anoma-
lies fonctionnelles vésicales associées ou non à une pathologie du
sphincter accompagnent une maladie neurologique déjà connue ou
que des anomalies neurologiques potentiellement responsables de
troubles mictionnels sont présentes.
Parmi ces anomalies, lélévation de la pression vésicale lors du
remplissage ou de la vidange vésicale représente un risque démon-
tré pour le développement d’une insu sance rénale tandis que
la rétention urinaire chronique représente un risque également
démontré de colonisation bactérienne urinaire, d’infection urinaire,
de lithiase vésicale et d’urosepsis. Lobjectif du traitement est donc
de réduire la pression intra-vésicale et de palier à la rétention uri-
naire. Les anti-muscariniques représentent la première option thé-
rapeutique mais il faut parfois utiliser des doses élevées et ils sont
tous grevés d’e ets secondaires (bouche sèche, état confusionnel).
Les injections intra-vésicales de toxine botulinique ont fait l’objet
de plusieurs études et ont un e et démontré avec le désavantage de
devoir être répétées, de perdre de leur e cacité et de représenter
une technique invasive.
Lauto-sondage pluri-quotidien représente actuellement le trai-
tement de choix pour les patients adultes présentant une réten-
tion urinaire chronique. Il nexiste pas de données concernant la
personne âgée et cette technique semble peu appropriée au grand
âge. Une sonde urinaire à demeure est généralement proposée au
patient âgé malgré un risque de colonisation bactérienne de 100%
à 30 jours. On ne recommande plus de traitement antibiotique pro-
phylactique et seules les infections urinaires symptomatiques sont
à traiter.
Dr méd. Marie-Claire Jacques
Département de médecine interne, réhabilitation et gériatrie
Hôpital des Trois-Chêne
Service de gériatrie
1226 Thônex
Références :
1. Klausner AP, Steers WD : The Neurogenic Bladder : An Update with Management
Strategies for Primary Care Physicians. Medical Clinics of NA 2011; 95: 111-120
2. Brittain KR, Peet M, Castleden CM : Stroke and Incontinence. Stroke 1998; 29:
524-528
3. Stern M : Neurogenic Bowel and Bladder in the Older Adult. Clin Geriatr Med
2006; May 22(2): 311-330
4. Gibbs CF, Johnson TM, Ouslander JG : Offi ce Management of Geriatric Urinary
Incontinence. JAMA 2007; March 120 (3): 211-220
5. Ouslander JG : Management of Overactive Bladder. NEJM 2004; 350 (7):
786-799
TAB. 3
Types d’incontinence: normes
Norme* Incontinence d
urgence Incontinence d
effort
Nb de mictions diurnes 5–6 fois très augmentée normale ou légèrement augmentée
nb de mictions nocturnes 0–1 fois augmentée normale
sensation vessie vide après miction présente absente présente
faux besoins/urgences Absents présente absente
caractère des pertes d
urine retardées par rapport à l‘effort simultanées
position au moment de la perte d
urine n‘importante laquelle surtout debout et pendant une hyperpression abdominale
perte d‘urine: relation avec l
effort pas systematique systematique
* International Continence Society
FORUMDICAL
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Références :
Klausner AP, Steers WD : T
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Dr méd. Marie-Cla
Département de médec
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