C A N C E R S B R O N C H I Q U E S Prise en charge des cancers bronchiques : avancées diagnostiques et thérapeutiques en 2002 ● D. Moro-Sibilot* ÉPIDÉMIOLOGIE Le cancer bronchique est la première cause de mortalité par cancer dans les pays occidentaux. L’incidence des cancers bronchiques continue de croître, avec une incidence et une mortalité qui ont amorcé une baisse chez les hommes, alors que leur augmentation continue chez les femmes. En Europe, la mortalité masculine a atteint un pic ou a commencé à baisser, sauf en Hongrie, en France et en Espagne (1). En revanche, l’incidence et la mortalité augmentent chez les femmes, avec cependant une exception en Grande-Bretagne et en Irlande, où la mortalité diminue. Aux États-Unis, la même observation peut être faite (2), avec une incidence et une mortalité en baisse chez les hommes et en hausse chez les femmes (figure 1). Ces modifications épidémiologiques sont en grande partie le reflet de variations dans l’usage du tabac et de l’efficacité des mesures de prévention et d’information contre le tabagisme. Au-delà des effets déjà connus des carcinogènes de la fumée de tabac, une publication (3) fait état de l’utilisation de filtres de cigarettes défectueux par certains manufacturiers. Ces filtres entraîneraient un relargage des fibres du filtre et de particules carbonées. Les particules libérées dans la fumée sont très nombreuses, d’une taille variant de 5 à 120 microns. La pathogénicité de ces fibres n’est pas connue, et elle mériterait d’être étudiée. Il semble en outre que ce défaut soit connu depuis longtemps, n’ait pas été porté à la connaissance du 120 Incidence chez les hommes 100 80 60 Mortalité chez les hommes Incidence chez les femmes La lutte contre le tabagisme commence à porter ses fruits, avec une diminution de l’incidence des cancers bronchiques et de la mortalité qui leur est liée chez les hommes. Il est dommage que le même phénomène ne soit pas observé dans la population féminine, où le tabagisme croît, tout comme l’incidence des cancers bronchiques et de la mortalité. On découvre, en revanche, que la pollution majore la mortalité par cancer bronchique. Enfin, il paraîtrait que les filtres de certaines cigarettes sont défectueux depuis longtemps... Cela laisse rêveur... Mortalité chez les femmes 19 73 19 75 19 77 19 79 19 81 19 83 19 85 19 87 19 89 19 91 19 93 19 95 19 97 19 99 0 Années Figure 1. Évolution de la mortalité et de l’incidence des cancers bronchopulmonaires dans les 2 sexes aux États-Unis. * Groupe de recherche sur le cancer bronchique, INSERM EA9924, DMAS pneumologie, BP217X, 38043 Grenoble Cedex 9. La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 6 - novembre-décembre 2002 on 20 réf i lex 40 public, et qu’aucune solution n’ait été pour l’instant retenue pour l’améliorer. En 1994, une étude (4) avait estimé que la pollution particulaire atmosphérique pouvait être responsable du décès de 50 000 à 100 000 Américains chaque année. La même équipe de recherche présente cette année une étude sur l’influence de la pollution atmosphérique sur la mortalité globale et la mortalité par cancer bronchique, ainsi que la mortalité par affection cardiaque ou respiratoire (5). Dans cette étude, les données médicales concernant 500 000 personnes habitant dans une centaine de grandes villes américaines et suivies de 1982 à 1998 ont été corrélées avec les données concernant la pollution atmosphérique. Le délai de suivi a été suffisamment long pour pouvoir estimer la mortalité de maladies apparaissant lentement, comme par exemple les cancers bronchiques. Le taux de dioxyde de soufre et de petites particules était associé à la mortalité globale, à la mortalité par cancer bronchopulmonaire et à la mortalité par affection cardiaque ou respiratoire. Les fines particules (mesurant moins de 2,5 microns de diamètre) sont un des reflets de la combustion des hydrocarbures automobiles, domestiques ou industriels. Chaque élévation de 10 µg/m 3 en fines particules dans la pollution de l’air était associée à une hausse d’environ 4 % de la mortalité toutes causes confondues, de 6 % de la mortalité par maladie cardiaque ou respiratoire et de 8 % de la mortalité par cancer bronchopulmonaire. Ces derniers résultats tenaient compte du tabagisme et des expositions professionnelles des sujets suivis. La relation la plus nette entre cancer bronchique et pollution était notée chez les non-fumeurs, et les auteurs estiment que l’impact de la pollution sur l’incidence des cancers bronchiques est du niveau de celui entraîné par le tabagisme passif. 237 N C E R S B LES LÉSIONS PRÉNÉOPLASIQUES Depuis la publication princeps de Saccomano (6) en 1974, les stades précoces de la carcinogenèse bronchique conduisant aux carcinomes épidermoïdes ont été établis. L’épithélium bronchique soumis aux carcinogènes du tabac évolue vers le cancer en passant par des étapes successives : hyperplasie, métaplasie, puis dysplasie, et, enfin, carcinome in situ, puis invasif. Ces lésions prénéoplasiques sont souvent méconnues, car elles se développent silencieusement dans les bronches. Environ 25 % d’entre elles donnent des modifications macroscopiques visibles lors d’une endoscopie, et la majorité restent occultes jusqu’au diagnostic de cancer établi. Depuis quelques années, l’utilisation des systèmes d’endoscopie à fluorescence a permis de mieux connaître ces lésions (7). Ces systèmes couplent une analyse en lumière blanche à une analyse en autofluorescence après illumination de la muqueuse par une source laser. C’est la différence d’autofluorescence entre la muqueuse normale et la muqueuse pathologique qui permet la détection de ces lésions prénéoplasiques autrefois méconnues. Ces nouvelles techniques, utilisées en pratique courante, donnent par ailleurs une vue plus précise de leur potentiel évolutif. Ainsi, trois publications récentes permettent de mieux comprendre ce potentiel évolutif et les possibilités thérapeutiques existantes. Venmans (8) présente les résultats du suivi de 9 patients porteurs de carcinomes in situ des bronches. Ces patients ont été suivis régulièrement en endoscopie à fluorescence pendant au moins 6 mois. Durant la période de l’étude, 5 patients (56 %) ont évolué vers un carcinome invasif ; d’autre part, chez 4 patients (44 %), 8 nouvelles lésions sont apparues sur des sites distincts de celui du carcinome in situ, ce qui témoigne parfaitement de la théorie de la “carcinogenèse par champ” affectant l’ensemble de l’épithélium respiratoire exposé aux carcinogènes du tabac. Ces résultats sont confortés par ceux d’une étude française (9) comportant un nombre plus important de patients (104 sujets à haut risque de cancer bronchique), avec non seulement des carcinomes in situ mais aussi des lésions prénéoplasiques plus précoces. Ces 104 patients étaient porteurs de lésions prénéoplasiques uniques ou multiples (416 au total). Ils ont été suivis pendant 2 ans avec des endoscopies à fluorescence itératives. Pendant la durée de l’étude, 28 des 32 carcinomes in situ (87 %) ont persisté ou progressé vers un cancer invasif. Parmi les dysplasies sévères, une proportion plus faible (10/27, 37 %) a persisté ou évolué vers une histologie plus agressive. En revanche, le potentiel évolutif des lésions prénéoplasiques de bas grade paraît beaucoup plus faible, puisque seules les lésions de bas grade accompagnant une lésion de haut grade localisée sur une partie distincte de l’arbre bronchique ont progressé vers un grade plus élevé (9 lésions sur 147, 6,1 %). En pratique, cela veut dire que les lésions uniques de bas grade peuvent être simplement surveillées avec un intervalle assez espacé, alors que les dysplasies sévères doivent être étroitement surveillées et traitées dans le cas d’une persistance ou lorsqu’elles s’aggravent. Les carcinomes in situ doivent, pour leur part, bénéficier d’emblée d’un traitement endobronchique. Une étude du Groupe d’endoscopie de langue française a fait le point sur l’intérêt de la cryothérapie dans le traitement des 238 R O N C H I Q U E S carcinomes in situ (10). Trente-cinq patients porteurs de carcinomes in situ des bronches diagnostiqués par biopsie lors d’une bronchoscopie ont été traités par cryothérapie. Ce geste thérapeutique local a été réalisé lors d’une bronchoscopie rigide à l’aide de sondes de cryothérapie. La tolérance à la procédure est excellente. Celle-ci permet d’obtenir un taux de réponse complète à un an de 91 %. À 4 ans, seulement 28 % des patients ont rechuté. Ces résultats sont les premiers obtenus dans cette indication curative. Le traitement local est une option thérapeutique logique chez ces patients, car les lésions sont souvent multiples et multifocales. Cette multiplicité rend illusoire la réalisation d’un geste chirurgical. La cryothérapie apparaît maintenant comme un geste efficace et bien supporté à côté de techniques concurrentes telles que la photothérapie dynamique, qui est plus difficile à mettre en œuvre, ou la thermocoagulation, qui peut se compliquer de sténoses bronchiques cicatricielles. Les stades précoces de la cancérogenèse bronchique ainsi que leur potentiel évolutif sont de mieux en mieux connus. Plusieurs centres français sont maintenant équipés de système d’endoscopie à fluorescence et sont en mesure de diagnostiquer et de surveiller ces lésions autrefois souvent méconnues. Très souvent, ces mêmes centres sont équipés de système de cryothérapie, de thermocoagulation ou de photothérapie dynamique et sont ainsi à même de traiter de façon curative les lésions les plus évolutives. ac tio n A LA CHIMIOTHÉRAPIE DES CANCERS BRONCHIQUES NON À PETITES CELLULES (CBNPC) Les résultats de l’étude ECOG 1594 ont été publiés cette année (11). Cette étude compare le schéma de référence de l’ECOG comportant paclitaxel et cisplatine à 3 modalités thérapeutiques : l’association paclitaxel-carboplatine, l’association gemcitabine-cisplatine et l’association docétaxel-cisplatine. Les résultats de cette étude, présentés à l’ASCO 2000, sont bien connus de tous : ils concluent à une absence de différence en termes de survie globale entre ces 4 associations (figure 2). 100 Cisplatine-paclitaxel Cisplatine-gemcitabine Cisplatine-docétaxel Carboplatine-paclitaxel 80 Survie (%) C 60 40 20 0 0 10 20 Temps (mois) 30 40 Figure 2. Survie globale des 4 groupes de patients dans l’étude ECOG 1594. La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 6 - novembre-décembre 2002 Tableau I. Médiane de survie et survie à un an en fonction du traitement et de l’état des performances. Vinorelbine-cisplatine Vindésine-cisplatine Vinorelbine seule PS 0-1 Médiane Survie de survie à 1 an 43 sem 38 % 33 sem 29 % 36 sem 34 % PS 2 Médiane Survie de survie à 1 an 18 sem. 17 % 18 sem. 13 % 17 sem. 15 % La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 6 - novembre-décembre 2002 ont été inclus. Les taux de réponse (28 % pour gemcitabine et paclitaxel contre 35 % pour paclitaxel et carboplatine), la survie sans progression et la survie globale (médiane de 10,4 mois et survie à un an de 41,7 % pour gemcitabine et paclitaxel contre une médiane de 9,8 mois et une survie à un an de 41,4 % pour paclitaxel et carboplatine) ont été similaires. Les toxicités de grades 3 et 4 ont été peu nombreuses et similaires dans les deux groupes de patients traités. Les résultats préliminaires d’une étude de phase III multicentrique randomisée comparant l’association docétaxel et gemcitabine au schéma vinorelbine et cisplatine ont été présentés au congrès de l’ASCO 2002 (15). L’association cisplatine-vinorelbine utilisée dans cette étude n’est pas classique, car le cisplatine est administré à J8. Les cycles de traitement ont été renouvelés tous les 21 jours et la prescription de facteurs de croissance hématopoïétiques était systématique. Deux cent cinquante et un patients (219 évaluables) ont été randomisés. Ces résultats montrent, là aussi, une relative similitude de l’association docétaxelgemcitabine et de l’association vinorelbine-cisplatine. Parmi les autres études de phase III déjà disponibles, celle de l’EORTC (16) comparant l’association cisplatine-paclitaxel à cisplatine-gemcitabine et à paclitaxel-gemcitabine et l’étude espagnole (17) comparant cisplatine-gemcitabine à cisplatinegemcitabine-vinorelbine et à gemcitabine-vinorelbine suivis de ifosfamide-vinorelbine ne sont pas très enthousiasmantes et ne font pas pencher la balance en faveur des schémas thérapeutiques sans cisplatine. La chimiothérapie de référence des cancers bronchiques non à petites cellules est un doublet comportant un sel de platine et le docétaxel, la gemcitabine, le paclitaxel ou la vinorelbine. Il ne semble pas y avoir d’avantage à utiliser un troisième médicament. Peut-on se passer du cisplatine ? Pas encore, les données n’étant pas suffisantes pour permettre de prononcer le divorce. ac tio n Cette étude a soulevé le problème de la toxicité de ces doublets de chimiothérapie chez les patients ayant un mauvais “état des performances” (PS > 1). En effet, cette étude randomisée a rapidement restreint ses critères d’inclusion aux patients de PS 0 ou 1 du fait d’un excès de toxicité et de mortalité chez les patients de PS 2 ou plus. Ces résultats vont dans le même sens que ceux de Soria (12), qui avait montré que le bénéfice de la chimiothérapie par cisplatine et vinorelbine était restreint aux patients en bonne forme (PS 0 ou 1) (tableau I). Ces constatations sont en revanche remises en question par l’étude du CALGB (13) présentée à l’ASCO 2002. Cette étude comporte un schéma protocolaire très complet évaluant non seulement la réponse et les paramètres de survie habituels mais aussi les critères de qualité de vie et médico-économiques. Cinq cent quatre-vingt-quatre patients de stades IIIB et IV ont été randomisés dans deux groupes, paclitaxel 225 mg/m2 et carboplatine AUC6 ou paclitaxel 225 mg/m2 en monothérapie. Un maximum de six cycles de traitement toutes les 3 semaines a été prévu dans cet essai. L’analyse statistique a prévu une stratification selon l’état des performances ECOG 0, 1 et 2 et l’âge < 70 ans. Cette étude a démontré la supériorité du doublet par rapport à la monothérapie, tant en termes de réponse (29 % contre 17 %) que de survie. Comme cela était prévisible, la toxicité hématologique a été plus marquée, mais néanmoins tolérable (neutropénie de grades 3-4 : 62 % contre 32 %, thrombopénie grade 3-4 : 12 % contre 1 %) chez les patients traités par carboplatine et paclitaxel. La supériorité du doublet est observée y compris chez les patients de PS 2 ou âgés de plus de 70 ans. Le bénéfice en termes de survie sans progression est observé pour l’ensemble du groupe de patients, mais aussi pour les malades à risque (PS > 1 et âge > 70 ans). Cette étude marque le début d’une controverse, car elle va à l’encontre des recommandations habituelles d’utilisation de la chimiothérapie dans ces populations de malades à risque. Pour les patients de PS 0 ou 1, le standard thérapeutique est un doublet comportant un sel de platine et le docétaxel, le paclitaxel, la gemcitabine ou la vinorelbine. Cependant, les inconvénients des traitements comportant du cisplatine, tels que la nécessité d’une hydratation, les nausées et vomissements, la néphrotoxicité, la neurotoxicité et la toxicité cochléaire, font rechercher de nouvelles associations sans sel de platine. Plusieurs travaux présentés ces deux dernières années tentent de répondre à cette question. Une étude publiée par Kosmidis (14) a comparé l’association paclitaxel et carboplatine au doublet gemcitabine et paclitaxel dans un essai randomisé de phase III. Cinq cent neuf patients de stades IIIb et IV dont l’état des performances selon l’OMS était compris entre 0 et 2 LES TRAITEMENTS CIBLÉS DES CBNPC Le récepteur à l’epidermal growth factor (EGF-R) est exprimé dans les cellules tumorales des CBNPC et représente une cible thérapeutique potentielle. Le ZD1839 (Iressa®), un médicament administré par voie orale, est le premier d’une famille d’inhibiteurs de l’EGF-R. Ce médicament de la famille des quinazolines est un inhibiteur de tyrosine kinase qui exerce son action sur la partie endomembranaire de l’EGF-R. Les études précliniques ont montré que le ZD1839 était actif sur des CBNPC xénogreffés et que, d’autre part, l’association du ZD1839 à une chimiothérapie avait un effet thérapeutique additif ou supra-additif. Chez l’homme, le ZD1839 a été testé chez des patients porteurs de CBNPC en rechute après chimiothérapie et en association avec la chimiothérapie chez des patients non prétraités. Les études de phase I ont démontré le bon profil de tolérance du ZD1839 (18). Les doses retenues, après les études de phase I, pour des études ultérieures étaient de 250 et 500 mg/j. L’activité était confirmée sur les CBNPC, avec 10 patients répondeurs et 13 stables sur 100 patients en phase I. 239 A N C E R S B Cette efficacité est à la base des études de phase II IDEAL1 (Iressa Dose Evaluation in Advanced Lung cancer) (centres européens et japonais) (19, 20) et IDEAL2 (États-Unis) (21, 22). Les objectifs de ces deux grandes études étaient de déterminer l’efficacité et la tolérance du ZD1839 chez des patients localement avancés ou métastatiques, prétraités par chimiothérapie et en rechute après 1 ou 2 lignes de chimiothérapie (IDEAL1 : 209 patients), ou bien après 2 lignes ou plus de chimiothérapie (IDEAL2 : 216 patients). Dans les deux études, les doses de 250 et 500 mg étaient comparées. Les deux études n’ont pas montré de différence d’efficacité entre la posologie de 250 mg/j et celle de 500 mg/j ; en revanche, la dose de 250 mg/j a été bien mieux supportée cliniquement. Le traitement à la dose de 250 mg/j a été efficace dans les deux études, avec des taux de réponse respectivement de 18,4 % et 11,8 % dans IDEAL1 et IDEAL2. Le nombre des cycles de chimiothérapie antérieure n’a pas influencé la réponse au ZD1839. La médiane de survie sans progression a été respectivement de 2,7 mois et 1,9 mois dans les études IDEAL1 et IDEAL2. La survie médiane, dans ce groupe de patients de très mauvais pronostic, a été respectivement de 7,6 mois et 6,5 mois dans IDEAL1 et IDEAL2. Dans IDEAL1, 40,3 % des patients ont présenté une amélioration de leurs symptômes et de leur qualité de vie. Un chiffre comparable de 43,1% est observé dans IDEAL2, avec une amélioration relativement rapide des symptômes (figure 3). Le profil de toxicité est comparable à ce qui a été observé dans les études de phase I, avec des diarrhées, une éruption acnéiforme, un prurit et une sécheresse cutanée. La majorité de ces événements indésirables étaient mineurs, de grades 1 et 2. (%) 40 30 Médiane = 2 semaines 20 10 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 semaines Figure 3. Délai d’apparition de l’amélioration clinique dans l’étude IDEAL 2. Dans des études de phase I, le ZD1839 a été associé soit au doublet carboplatine-paclitaxel soit au doublet cisplatine-gemcitabine (23, 24). Les études de pharmacocinétique n’ont pas montré d’interaction délétère entre les différents médicaments ; de même, il n’y a pas eu d’augmentation de la toxicité. Celle-ci a été, en fait, celle attendue avec ces médicaments. Deux études internationales ont été mises en place (Iressa® NSCLC Trial Assessing Combination Treatment [INTACT] 1 et 2). Les objectifs de ces deux études sont d’évaluer l’efficacité et la tolérance du ZD1839 (250 et 500 mg en une prise quotidienne) contre placebo en association avec soit cisplatinegemcitabine (INTACT1), soit carboplatine-paclitaxel 240 R O N C H I Q U E S (INTACT2). Les patients sélectionnés pour ces deux études souffrent d’un cancer bronchique non à petites cellules localement avancé ou métastatique non prétraité par chimiothérapie. Ces deux études n’ont pas démontré de synergie significative de la combinaison concomitante chimiothérapie Iressa®. Pour construire l’avenir à partir du bénéfice obtenu avec le ZD1839, il est nécessaire de comprendre pourquoi certains patients souffrant de tumeurs exprimant EGF-R ne répondent pas au traitement. Les pistes de recherche sont d’évaluer l’expression de l’EGF-R ou des récepteurs de sa famille, de quantifier son activation ou d’identifier ses mutations ou les modifications de ses voies de signalisation chez les patients qui développent une résistance aux inhibiteurs de l’EGF-R. Le ZD1839 (Iressa®) peut désormais être obtenu par l’intermédiaire d’une ATU. Il est indiqué en monothérapie par voie orale à la dose de 250 mg/j. Les patients en rechute après une ou plusieurs lignes de chimiothérapie sont susceptibles d’en bénéficier, au prix d’effets secondaires modérés. ac tio n C LES TRAITEMENTS COMBINÉS DANS LES CBNPC La chirurgie est, depuis plus de 50 ans, le traitement de référence des CBNPC de stades I et II. Ses résultats, en termes de guérison, sont assez constants et reproductibles. Cependant, l’étude attentive des nombreuses séries chirurgicales montre qu’environ 1 patient sur 2 va voir rechuter sa maladie et décéder. Pour les stades I et II, le site principal de rechute est métastatique, témoignant d’une grande agressivité de ces tumeurs, même lors des plus petits stades. L’essai français MIP 91, coordonné par A. Depierre et incluant 375 patients, a étudié l’impact d’une chimiothérapie préopératoire chez des patients porteurs de CBNPC opérables. Ses résultats ont été récemment publiés (25). Cet essai comparait deux stratégies : chimiothérapie par mitomycine-ifosfamideplatine (MIP) (2 cycles) suivie de chirurgie comparée à chirurgie première. Les patients répondeurs au schéma MIP recevaient 2 cycles supplémentaires de chimiothérapie en postopératoire immédiat. Une radiothérapie postopératoire était effectuée si la résection avait été incomplète et/ou si les ganglions du curage médiastinal étaient envahis. Le taux de réponse globale a été de 64 % (réponse complète 11 %). La médiane de survie est, avec un recul médian de 80 mois, de 26 mois dans le bras chirurgie seule et de 36 mois dans le bras chimiothérapie néoadjuvante (p = 0,15). Il existe une interaction entre le traitement administré et les stades, avec un bénéfice de la chimiothérapie néoadjuvante observé exclusivement sur les stades N0-N1 (p = 0,02). Un excès de décès est observé, bien que non significatif, pendant la période de traitement (150 jours), exclusivement chez les patients N2. Au-delà de cette période de 150 jours, l’effet de la chimiothérapie est positif sur la survie (p = 0,04). Les résultats de cette étude vont à l’encontre des résultats plus anciens et bien connus de Roth et Rosell ; ils suggèrent que le bénéfice de la chimiothérapie préopératoire est observé dans les stades I et II plutôt que dans les stades III (N2). L’essentiel du bénéfice de la chimioLa Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 6 - novembre-décembre 2002 Grunenwald (26) Albain (27) Eberhardt (28) Thomas (29) Nombre % de réponse % de patients clinique de résection 40 73 58 51 59* 24 42 64* 45 29 62 68 Une conséquence inattendue, mais déjà rapportée, de ces traitements combinés est la plus grande incidence des métastases cérébrales chez ces patients. Une nouvelle étude rétrospective (31) a étudié 42 patients de stade IIIA/IIIB traités par une association concomitante d’étoposide, de cisplatine et de radiothérapie, puis opérés. Le premier site de rechute à distance est le cerveau (26 % des patients). Cette rechute survient dans tous les cas dans un délai de 2 ans, avec un délai médian de survenue de 7,5 mois. réf Après traitement d’induction préopératoire par chimiothérapie et radiothérapie, près d’un quart des patients présentent une rechute cérébrale. Cela doit faire discuter de façon systématique la réalisation de tomodensitométries ou d’IRM cérébrales de surveillance dans le suivi de ces patients. Ainsi, une prise en charge plus précoce de ces métastases permettra peut-être une amélioration de la survie de certains de ces patients. Cela doit par ailleurs faire discuter la réalisation d’essais cliniques évaluant le rôle potentiel de la radiothérapie prophylactique cranio-encéphalique. on Tableau II. Études de traitements multimodalités dans les stades IIIB. La survie à 2 ans est de 55 % pour l’ensemble des patients et de 70 % pour les patients en rémission complète après chirurgie. Les traitements d’induction suivis de chirurgie des stades localement avancés permettent d’obtenir des taux de survie à 5 ans assez prometteurs, au prix d’une morbi-mortalité thérapeutique significative. L’addition de l’ensemble de ces modalités thérapeutiques semble être à même d’améliorer le contrôle local de la maladie ainsi que le contrôle de la maladie métastatique occulte. Il faut toutefois signaler que tous les patients ne sont pas aptes à bénéficier de ces modalités thérapeutiques, et une sélection semble nécessaire. Par ailleurs, une équipe de chirurgie thoracique entraînée à ces gestes chirurgicaux lourds est indispensable. i lex thérapie dans l’étude de Depierre ne va pas dans le sens d’une amélioration du contrôle local, mais d’une diminution du risque de rechute métastatique (p = 0,01). Les stades IIIB, en revanche, sont traditionnellement considérés comme inopérables et, dans cette indication, le standard thérapeutique reconnu est l’association d’une chimiothérapie et d’une radiothérapie. En dépit de progrès dans les modalités d’administration et d’association de ces deux modalités thérapeutiques, le principal problème reste un taux de contrôle local insuffisant. La chirurgie après traitement d’induction apparaît de ce fait comme un moyen d’améliorer ce contrôle local. Une étude française de phase II (26) a évalué l’intérêt de la chirurgie après traitement d’induction par deux cycles de cisplatine, 5-FU et vinblastine associé à une radiothérapie hyperfractionnée à la dose de 42 Gy (en 2 sessions de 21 Gy). Quarante patients souffrant d’un stade IIIB prouvé par médiastinoscopie ou thoracotomie ont été inclus, et les patients répondeurs au traitement d’induction ont été opérés. Vingtneuf patients (73 %) ont répondu au traitement d’induction et ont été opérés. Vingt-trois patients (58 % de l’effectif initial) ont eu une résection complète de leur tumeur. Après un suivi minimum de 48 mois, la survie à 5 ans est de 19 % pour l’ensemble de la population. En revanche, la survie à 5 ans est de 42 % chez les patients qui n’avaient pas d’envahissement ganglionnaire médiastinal au moment de l’opération et qui ont pu bénéficier d’une réponse complète. En analyse multivariée, le statut ganglionnaire après traitement d’induction apparaît comme un important facteur pronostique. L’analyse de cette étude ainsi que d’autres études antérieures (tableau II) laisse penser qu’une atteinte N2/N3 après traitement d’induction est un marqueur d’une atteinte métastatique occulte et que la chirurgie n’est que rarement suivie d’une longue survie chez ces patients. Survie 19 % à 5 ans 24 % à 3 ans 26 % à 4 ans 26 % à 3 ans * Taux de réponse incluant les stades IIIA et IIIB. Le concept de traitement d’induction a également été étudié par Rusch (30) chez les patients souffrant de tumeurs de l’apex étendues au défilé cervico-thoracique. D’avril 1995 à septembre 1999, 111 patients souffrant de tumeurs de l’apex pulmonaire de stade T3-4 N0-1 prouvé par médiastinoscopie ont été traités par deux cycles de cisplatine et étoposide administrés de façon concomitante à une radiothérapie à la dose de 45 Gy. Les patients en réponse ou dont la maladie était stable après traitement d’induction (95 patients) ont été opérés 3 à 5 semaines après la fin du traitement d’induction, puis deux nouvelles cures de chimiothérapie ont été administrées. Sur les 95 patients éligibles pour la chirurgie, 83 ont été thoracotomisés et 76 ont eu une résection complète de leur tumeur. Deux décès postopératoires sont à déplorer. La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 6 - novembre-décembre 2002 R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Brennan P, Bray I. 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