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La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 6 - novembre-décembre 2002
thérapie dans l’étude de Depierre ne va pas dans le sens d’une
amélioration du contrôle local, mais d’une diminution du
risque de rechute métastatique (p = 0,01).
Les stades IIIB, en revanche, sont traditionnellement considé-
rés comme inopérables et, dans cette indication, le standard
thérapeutique reconnu est l’association d’une chimiothérapie
et d’une radiothérapie. En dépit de progrès dans les modalités
d’administration et d’association de ces deux modalités théra-
peutiques, le principal problème reste un taux de contrôle local
insuffisant. La chirurgie après traitement d’induction apparaît
de ce fait comme un moyen d’améliorer ce contrôle local.
Une étude française de phase II (26) a évalué l’intérêt de la
chirurgie après traitement d’induction par deux cycles de cis-
platine, 5-FU et vinblastine associé à une radiothérapie hyper-
fractionnée à la dose de 42 Gy (en 2 sessions de 21 Gy). Qua-
rante patients souffrant d’un stade IIIB prouvé par
médiastinoscopie ou thoracotomie ont été inclus, et les patients
répondeurs au traitement d’induction ont été opérés. Vingt-
neuf patients (73 %) ont répondu au traitement d’induction et
ont été opérés. Vingt-trois patients (58 % de l’effectif initial)
ont eu une résection complète de leur tumeur.
Après un suivi minimum de 48 mois, la survie à 5 ans est de
19 % pour l’ensemble de la population. En revanche, la survie
à 5 ans est de 42 % chez les patients qui n’avaient pas d’enva-
hissement ganglionnaire médiastinal au moment de l’opération
et qui ont pu bénéficier d’une réponse complète.
En analyse multivariée, le statut ganglionnaire après traitement
d’induction apparaît comme un important facteur pronostique.
L’analyse de cette étude ainsi que d’autres études antérieures
(tableau II) laisse penser qu’une atteinte N2/N3 après traite-
ment d’induction est un marqueur d’une atteinte métastatique
occulte et que la chirurgie n’est que rarement suivie d’une
longue survie chez ces patients.
Le concept de traitement d’induction a également été étudié
par Rusch (30) chez les patients souffrant de tumeurs de l’apex
étendues au défilé cervico-thoracique. D’avril 1995 à sep-
tembre 1999, 111 patients souffrant de tumeurs de l’apex pul-
monaire de stade T3-4 N0-1 prouvé par médiastinoscopie ont
été traités par deux cycles de cisplatine et étoposide adminis-
trés de façon concomitante à une radiothérapie à la dose de
45 Gy. Les patients en réponse ou dont la maladie était stable
après traitement d’induction (95 patients) ont été opérés 3 à
5semaines après la fin du traitement d’induction, puis deux
nouvelles cures de chimiothérapie ont été administrées. Sur les
95 patients éligibles pour la chirurgie, 83 ont été thoracotomi-
sés et 76 ont eu une résection complète de leur tumeur. Deux
décès postopératoires sont à déplorer.
La survie à 2 ans est de 55 % pour l’ensemble des patients et de
70 % pour les patients en rémission complète après chirurgie.
Les traitements d’induction suivis de chirurgie des stades loca-
lement avancés permettent d’obtenir des taux de survie à 5 ans
assez prometteurs, au prix d’une morbi-mortalité thérapeutique
significative. L’addition de l’ensemble de ces modalités théra-
peutiques semble être à même d’améliorer le contrôle local de
la maladie ainsi que le contrôle de la maladie métastatique
occulte. Il faut toutefois signaler que tous les patients ne sont
pas aptes à bénéficier de ces modalités thérapeutiques, et une
sélection semble nécessaire. Par ailleurs, une équipe de chirur-
gie thoracique entraînée à ces gestes chirurgicaux lourds est
indispensable.
Une conséquence inattendue, mais déjà rapportée, de ces trai-
tements combinés est la plus grande incidence des métastases
cérébrales chez ces patients. Une nouvelle étude rétrospective
(31) a étudié 42 patients de stade IIIA/IIIB traités par une asso-
ciation concomitante d’étoposide, de cisplatine et de radiothé-
rapie, puis opérés. Le premier site de rechute à distance est le
cerveau (26 % des patients). Cette rechute survient dans tous
les cas dans un délai de 2 ans, avec un délai médian de surve-
nue de 7,5 mois.
Après traitement d’induction préopératoire par chi-
miothérapie et radiothérapie, près d’un quart des
patients présentent une rechute cérébrale. Cela doit
faire discuter de façon systématique la réalisation de
tomodensitométries ou d’IRM cérébrales de surveillance dans le
suivi de ces patients. Ainsi, une prise en charge plus précoce de
ces métastases permettra peut-être une amélioration de la survie
de certains de ces patients.
Cela doit par ailleurs faire discuter la réalisation d’essais cliniques
évaluant le rôle potentiel de la radiothérapie prophylactique cra-
nio-encéphalique.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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Nombre % de réponse % Survie
de patients clinique de résection
Grunenwald (26) 40 73 58 19 % à 5 ans
Albain (27) 51 59* 24 24 % à 3 ans
Eberhardt (28) 42 64* 45 26 % à 4 ans
Thomas (29) 29 62 68 26 % à 3 ans
Tableau II. Études de traitements multimodalités dans les stades IIIB.
* Taux de réponse incluant les stades IIIA et IIIB.
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