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La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 4 - septembre 2000
epuis les premiers essais des moutardes à l’azote
dans l’après-guerre (1) et après une longue
période de doute, la chimiothérapie s’est progres-
sivement imposée dans le traitement des formes inopérables du
cancer bronchique primitif.
Malgré la mise au point de combinaisons chimiques (2), la chi-
miothérapie n’a réellement convaincu qu’avec l’avènement du
cisplatine. Il est maintenant établi qu’une chimiothérapie
contenant des sels de platine allonge la survie et améliore le
contrôle symptomatique sans détérioration de la qualité de vie
(3).
Sur la base de leurs résultats en phase II, plusieurs nouvelles
combinaisons associant au cisplatine une molécule de nouvelle
génération telle que la navelbine, le gemzar ou les taxanes peu-
vent prétendre au statut de golden standard de la chimiothéra-
pie.
L’étude coopérative de l’ECOG comparant quatre d’entre elles
était donc attendue cette année avec impatience. La survie glo-
bale constituait le critère principal. Trois combinaisons “expé-
rimentales” (cisplatine-gemcitabine, cisplatine-docétaxel, car-
boplatine-paclitaxel) étaient comparées à une combinaison
“contrôle”, l’association cisplatine-paclitaxel. La déception a
été à la hauteur de l’espoir suscité. En effet, aucune comparai-
son double n’a pu dégager une différence de survie significa-
tive. Les taux de réponse (18,5 %), très en retrait par rapport à
ceux des études de phase II, ont renforcé cette impression
négative. Cette étude contient cependant des germes de satis-
faction. Les gains obtenus depuis quelques années avec la chi-
miothérapie y sont confirmés et se traduisent en des taux de
survie à un an supérieurs à 30 %. Plus encore, l’une de ces
combinaisons, l’association cisplatine-gemzar, semble avoir un
impact initial plus important, au prix toutefois d’une toxicité
un peu plus marquée. Enfin, le profil de tolérance de ces diffé-
rentes combinaisons est assez varié et peut éventuellement per-
mettre une adaptation du traitement au terrain.
Le choix sera cependant difficile. En effet, la qualité de vie, les
aspects pharmaco-économiques et enfin l’impact éventuel des
traitements de seconde ligne n’ont pas été pris en compte et ne
seront pas évaluables a posteriori dans cette étude. Malgré
l’insuffisance des résultats, on mesure le chemin parcouru et
les espoirs qui s’ouvrent.
Plusieurs voies peuvent être explorées pour améliorer encore
la chimiothérapie du cancer bronchique. La mise au point de
nouvelles molécules plus efficaces reste toujours un espoir des
thérapeutes. Plusieurs molécules telles que la tirapazamine, le
multitargeted antifolate, l’oxaliplatine ou l’UFT méritent sans
doute une expérience clinique plus approfondie.
Les associations triples, longtemps considérées comme plus
toxiques que les combinaisons doubles et d’efficacité iden-
tique, ne doivent pas forcément être systématiquement écar-
tées. Le triplé PGV (platine, gemcitabine, vinorelbine) donne
ainsi un gain de survie médiane de 3 mois par rapport au dou-
blé PV dans les mains de Comella (5).
D’autres approches semblent cependant plus novatrices. La
première d’entre elles pourrait consister à mieux sélectionner
les patients les plus à même de répondre au traitement. Dans
cette optique, l’évaluation par PET scan de la réponse sous
traitement est intéressante (6). Cette évaluation permet de dis-
tinguer différentes catégories de patients de pronostics diffé-
rents et éventuellement de sélectionner des sous-populations
pouvant bénéficier de traitements additionnels.
On peut encore envisager de construire une sorte de staging
moléculaire utilisé comme nouvel outil pronostique, voire pré-
dictif (7). L’identification de cibles biologiques particulières
pourrait alors permettre de délivrer un traitement adapté à
chaque patient.
Parmi les éléments pouvant servir de base à l’édification de
ces nouvelles stratégies, les récepteurs aux facteurs de crois-
sance épidermique sont parmi les plus étudiés. Les récepteurs
HER2 sont présents dans 15 à 30 % des cancers bronchiques et
sont accessibles à une thérapeutique par anticorps monoclonal
humanisé. Plusieurs programmes utilisant cet anticorps seul ou
associé à une chimiothérapie sont actuellement en cours d’éva-
luation.
Les récepteurs de l’EGF, eux, sont surexprimés dans 30 à
80 % des cancers bronchiques non à petites cellules. Cette sur-
expression semble corrélée à la survie globale, au stade et à la
tendance métastatique. Ces récepteurs sont accessibles soit à
des anticorps monoclonaux visant la partie extramembranaire,
soit à des molécules qui viennent bloquer l’activité tyrosine-
kinase sous-membranaire de ces récepteurs.
Comment améliorer la chimiothérapie du cancer
bronchique ?
!J.F. Morère*
D
* Hôpital Avicenne, 125, route de Stalingrad, 93009 Bobigny Cedex.
ÉDITORIAL