É D I T O R I A L Comment améliorer la chimiothérapie du cancer bronchique ? ! J.F. Morère* D epuis les premiers essais des moutardes à l’azote dans l’après-guerre (1) et après une longue période de doute, la chimiothérapie s’est progressivement imposée dans le traitement des formes inopérables du cancer bronchique primitif. Malgré la mise au point de combinaisons chimiques (2), la chimiothérapie n’a réellement convaincu qu’avec l’avènement du cisplatine. Il est maintenant établi qu’une chimiothérapie contenant des sels de platine allonge la survie et améliore le contrôle symptomatique sans détérioration de la qualité de vie (3). Sur la base de leurs résultats en phase II, plusieurs nouvelles combinaisons associant au cisplatine une molécule de nouvelle génération telle que la navelbine, le gemzar ou les taxanes peuvent prétendre au statut de golden standard de la chimiothérapie. L’étude coopérative de l’ECOG comparant quatre d’entre elles était donc attendue cette année avec impatience. La survie globale constituait le critère principal. Trois combinaisons “expérimentales” (cisplatine-gemcitabine, cisplatine-docétaxel, carboplatine-paclitaxel) étaient comparées à une combinaison “contrôle”, l’association cisplatine-paclitaxel. La déception a été à la hauteur de l’espoir suscité. En effet, aucune comparaison double n’a pu dégager une différence de survie significative. Les taux de réponse (18,5 %), très en retrait par rapport à ceux des études de phase II, ont renforcé cette impression négative. Cette étude contient cependant des germes de satisfaction. Les gains obtenus depuis quelques années avec la chimiothérapie y sont confirmés et se traduisent en des taux de survie à un an supérieurs à 30 %. Plus encore, l’une de ces combinaisons, l’association cisplatine-gemzar, semble avoir un impact initial plus important, au prix toutefois d’une toxicité un peu plus marquée. Enfin, le profil de tolérance de ces différentes combinaisons est assez varié et peut éventuellement permettre une adaptation du traitement au terrain. Le choix sera cependant difficile. En effet, la qualité de vie, les aspects pharmaco-économiques et enfin l’impact éventuel des * Hôpital Avicenne, 125, route de Stalingrad, 93009 Bobigny Cedex. La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 4 - septembre 2000 traitements de seconde ligne n’ont pas été pris en compte et ne seront pas évaluables a posteriori dans cette étude. Malgré l’insuffisance des résultats, on mesure le chemin parcouru et les espoirs qui s’ouvrent. Plusieurs voies peuvent être explorées pour améliorer encore la chimiothérapie du cancer bronchique. La mise au point de nouvelles molécules plus efficaces reste toujours un espoir des thérapeutes. Plusieurs molécules telles que la tirapazamine, le multitargeted antifolate, l’oxaliplatine ou l’UFT méritent sans doute une expérience clinique plus approfondie. Les associations triples, longtemps considérées comme plus toxiques que les combinaisons doubles et d’efficacité identique, ne doivent pas forcément être systématiquement écartées. Le triplé PGV (platine, gemcitabine, vinorelbine) donne ainsi un gain de survie médiane de 3 mois par rapport au doublé PV dans les mains de Comella (5). D’autres approches semblent cependant plus novatrices. La première d’entre elles pourrait consister à mieux sélectionner les patients les plus à même de répondre au traitement. Dans cette optique, l’évaluation par PET scan de la réponse sous traitement est intéressante (6). Cette évaluation permet de distinguer différentes catégories de patients de pronostics différents et éventuellement de sélectionner des sous-populations pouvant bénéficier de traitements additionnels. On peut encore envisager de construire une sorte de staging moléculaire utilisé comme nouvel outil pronostique, voire prédictif (7). L’identification de cibles biologiques particulières pourrait alors permettre de délivrer un traitement adapté à chaque patient. Parmi les éléments pouvant servir de base à l’édification de ces nouvelles stratégies, les récepteurs aux facteurs de croissance épidermique sont parmi les plus étudiés. Les récepteurs HER2 sont présents dans 15 à 30 % des cancers bronchiques et sont accessibles à une thérapeutique par anticorps monoclonal humanisé. Plusieurs programmes utilisant cet anticorps seul ou associé à une chimiothérapie sont actuellement en cours d’évaluation. Les récepteurs de l’EGF, eux, sont surexprimés dans 30 à 80 % des cancers bronchiques non à petites cellules. Cette surexpression semble corrélée à la survie globale, au stade et à la tendance métastatique. Ces récepteurs sont accessibles soit à des anticorps monoclonaux visant la partie extramembranaire, soit à des molécules qui viennent bloquer l’activité tyrosinekinase sous-membranaire de ces récepteurs. 153 É D I T O R I L’anticorps IMC-C225 a une haute affinité pour le récepteur. Associé à la radiothérapie dans les cancers ORL, il donne des réponses dans 100 % des cas (8). Un effet analogue sur les cancers bronchiques épidermoïdes est raisonnablement envisageable. Une molécule de la classe des quinazolines bloquant, elle, l’activité tyrosine-kinase démontre une efficacité clinique dans les cancers bronchiques non à petites cellules (12,5 % de réponses) (9). Le contrôle de l’angiogenèse représente une possibilité supplémentaire de biothérapie du cancer bronchique. Un anticorps anti-VEGF est ainsi capable, en association à la chimiothérapie, d’entraîner une nécrose tumorale. Cet effet est malheureusement obtenu au prix d’un risque hémorragique observé particulièrement dans les cancers épidermoïdes. Il demande à être maîtrisé avant une utilisation en routine (10). On le voit, ces combinaisons hybrides d’agents biologiques et d’agents cytotoxiques constituent des approches d’avenir. Les premiers essais cliniques présentés cette année sont encourageants et confirment les données de laboratoire. Les futurs essais devront intégrer des évaluations intermédiaires d’activité sur ces cibles. " A B O N N E A R L É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Karnofsky DA et al. L’usage des moutardes à l’azote dans le traitement palliatif des cancers et en particulier du cancer bronchique. Cancer 1948 ; 1 : 634. 2. Israël L, Sors C, Reboul R. Quatre-vingt-onze cas de polychimiothérapie simultanée continue dans les cancers du poumon inopérables. Presse Med 1965 ; 73 : 701. 3. Gandara DR et al. Current status and novel therapeutic approaches in advanced non-small cell lung cancer. Education book ASCO 1999 ; 362-9. 4. Schiller et al. A randomized phase III trial of four chemotherapy regimens in advanced non-small cell lung cancer (NSCLC). ASCO 2000, abstr. 2. 5. Comella et al. Randomized trial comparing cisplatin, gemcitabine and vinorelbine with either cisplatin and gemcitabine or cisplatin and vinorelbine in advanced non-small cell lung cancer : interim analysis of a phase III trial of the SIOP. J Clin Oncol 2000 : 18 (7) : 1451-7. 6. Mac Manus MP et al. Early F-18 FDG-PET response to radical chemoradiotherapy correlates strongly with survival in unresectable non-small cell lung cancer. ASCO 2000, abstr. 1888. 7. Cox G et al. Molecular staging for operable non-small cell lung cancer. ASCO 2000, abstr. 1884. 8. Bonner JA et al. Continued response following treatment with IMC-C225, au EGF2 MoAb, combined with RT in advanced head and neck malignancies. ASCO 2000, abstr. 5F. 9. Ferry D et al. Intermittent oral ZD1839 (Iressa), a novel epidermal growth factor receptor tyrosine kinase inhibitor shows evidence of good tolerability and activity : final results from a phase I study. ASCO 2000, abstr. 5E. 10. Devore RF et al. A randomized phase II trial comparing rhumab VEGF plus carboplatin/paclitaxel to CP alone in patients with stage IIIb/IV NSCLC. ASCO 2000, abstr. 1896. Z - V O % U S ! À découper ou à photocopier Tarifs 2000 Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules $ Collectivité ................................................................................. à l’attention de .............................................................................. 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