4 | La Lettre du Sénologue • n° 57 - juillet-août-septembre 2012
ÉDITORIAL
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Christian Jamin
AFACS, 169, bd Haussmann,
75008 Paris
Que les estrogènes soient indispensables à la naissance et à la promotion du cancer
du sein ne fait aucun doute pour personne. Ainsi, il n’y aura pas de cancer du sein
en cas d’impubérisme et moins de cancers du sein si la vie ovarienne a été émaillée
de longs épisodes d’hypoestrogénie. À partir de cette certitude sont nés des syllogismes
qui ont la vie dure : “Il faut des estrogènes pour avoir un cancer du sein, donc un excès
d’estrogènes en doses et/ou en durée entraînera un excès de cancers du sein”.
“Les progestatifs sont des antiestrogènes, donc ils protègent du cancer du sein”.
À partir de là, des hypothèses se sont construites, vite prises pour des certitudes : à
chaque facteur de risque épidémiologique découvert, on associait l’une ou l’autre de ces
explications, comme par exemple l’âge bas de la puberté et/ou tardif de la ménopause
sont des facteurs d’hyperestrogénie relative, donc de cancer du sein, le surpoids et
l’alcool augmentent l’estrogénie, c’est donc par ces biais que l’on découvre davantage de
cancers du sein, etc. Mais les études épidémiologiques ne vont pas toutes dans ce sens,
loin de là, et malgré l’imagination déployée pour adapter la réalité à la théorie, nombre
de situations ne rentrent pas dans ces schémas. On peut citer parmi les bizarreries de
l’“hormonalement” correct le fait suivant : la ménopause naturelle qui s’accompagne
d’une carence estrogénique n’entraîne aucunement de diminution de l’incidence du
cancer du sein, en revanche, l’arrêt de certains traitements hormonaux de la méno-
pause, ceux précisément qui augmentent l’incidence du cancer du sein, est suivi d’une
décroissance de cette incidence du cancer du sein. Ainsi, la disparition naturelle de
l’imprégnation hormonale ne diminue pas le risque, alors que la disparition iatrogène
de cette même imprégnation le diminue ! Autre paradoxe, parmi de nombreux autres,
l’obésité de la femme préménopausée est plutôt un facteur protecteur de cancer du sein,
alors que l’obésité postménopausique est, elle, liée à un excès de cancer. Force est donc de
revoir ces certitudes et de chercher d’autres logiques que celles citées plus haut.
Il apparaît de plus en plus certain que les traitements estrogéniques isolés
n’augmentent pas le risque de cancer du sein et même le diminuent de manière durable.
Les progestatifs sont sur la sellette. Les traitements hormonaux de la ménopause
ont des effets différents selon qu’ils sont associés ou non à la prise de progestatifs, et, si
oui, c'est dans le cas de progestatifs artificiels, de progestérone ou rétroprogestérone.
Comment expliquer de telles différences entre les progestatifs ? Elles pour-
raient être liées à des affinités différentes des progestatifs pour d’autres récepteurs de
stéroïdes, comme celui des androgènes, des glucocorticoïdes ou d’autres. Mais aussi à
des affinités différentes pour les sous-types de récepteurs de la progestérone ou pour
les enzymes qui la métabolisent. Et enfin, c’est la piste privilégiée actuellement, à des
effets indirects, comme l’influence différente des stéroïdes sur les facteurs de croissance
tels que l’insuline, l’IGF-1 et les adipocytokines.
La vision simple du rôle délétère des stéroïdes sexuels, en particulier exogènes, sur
le risque de cancer du sein, a donc vécu. N’oublions pas non plus que les risques relatifs
induits sont très faibles et les stéroïdes sexuels n’ont probablement que des effets promo-
teurs, et non initiateurs. Cet effet promoteur ne sera mesurable que si le risque spontané est
présent, ce qui peut expliquer les effets différents des hormones suivant l’âge.
Hormones et cancer du sein :
des relations conflictuelles
Hormone and breast cancer: conflicting connection
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