NOUVELLE DROGUE
200
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 5 - octobre 1998
a gemcitabine (2’ ,2’-difluorodéoxycytidine) est un
nouvel antimétabolite, sélectionné pour les études
cliniques du fait de ses avantages en pharmacologie
cellulaire par rapport aux autres antimétabolites et de son
spectre d’activité en préclinique. Rapidement en clinique, ce
nouvel agent a démontré une activité en monothérapie dans un
grand nombre de tumeurs. Son profil de tolérance favorable
permet d’envisager de nombreuses associations.
STRUCTURE ET MÉCANISME D’ACTION
La gemcitabine (2’ ,2’-difluorodéoxycytidine) est un analogue
nucléotidique dont la structure chimique s’apparente à celle de
l’aracytine ou Ara-C (figure 1). Ces deux antimétabolites inhi-
bent la prolifération cellulaire en phase S et provoquent un
blocage du cycle cellulaire en phase G1-S. Cependant, la gem-
citabine présente plusieurs caractéristiques qui peuvent expli-
quer son activité dans les tumeurs solides, contrairement à
l’aracytine, dont le spectre d’activité est limité aux hémopa-
thies.
La gemcitabine est une prodrogue très lipophile qui nécessite
une pénétration et une phosphorylation intracellulaires pour
donner lieu à la formation des métabolites actifs, dont le prin-
cipal est la gemcitabine triphosphate. La déoxycytidine kinase,
qui permet la conversion en métabolites actifs mono-, di-, et
triphosphates, est une enzyme essentielle, puisque son déficit
est impliqué dans la résistance à la gemcitabine.
La gemcitabine inhibe la croissance cellulaire en interférant
avec plusieurs voies métaboliques des acides nucléiques :
– Le principal mécanisme consiste en un phénomène de dissi-
mulation de l’extrémité du brin d’ADN (“masked chain termi-
nation”). La forme triphosphate est reconnue par les ADN
polymérases et incorporée sous forme monophosphate dans le
brin d’ADN en cours de synthèse. Cette insertion a la particu-
larité de permettre l’incorporation supplémentaire d’un nucléo-
tide normal avant l’arrêt de la polymérisation (1). Ce mécanisme
explique que les enzymes exonucléases soient inaptes à exciser
le nucléotide aberrant monophosphate, alors que l’Ara-C
monophosphate peut être excisée. Cette différence pourrait
expliquer en partie l’accumulation plus importante et plus pro-
longée des métabolites de la gemcitabine comparés à ceux de
l’aracytine.
– Les métabolites actifs de la gemcitabine sont inactivés par
désamination. Ce processus est inhibé par des concentrations
élevées de ces mêmes métabolites, conduisant à un phénomène
d’auto-induction de l’activité de la gemcitabine.
– La gemcitabine est également susceptible d’affecter les
réserves endogènes de nucléotides en interférant avec l’activité
ribonucléotide réductase, et inhibe la synthèse d’ARN par
incorporation dans les brins d’ARN (2).
Enfin, la gemcitabine se révèle apte à induire l’apoptose dans
plusieurs modèles cellulaires leucémiques et ovariens.
PHARMACOLOGIE PRÉCLINIQUE
Les études métaboliques comparées entre gemcitabine et ara-
cytine favorisent la gemcitabine, à la fois pour la captation
intracellulaire et pour l’accumulation du métabolite actif tri-
phosphate (3). Comme pour son mode d’action, la gemcitabine
se particularise en outre par les aspects suivants :
– Les métabolites actifs, au premier rang desquels la gemcita-
bine triphosphate, s’accumulent en intracellulaire pendant des
Gemcitabine (2’ ,2’-difluorodéoxycytidine)
Mécanisme d’action, études précliniques et cliniques
S. Faivre*, V. Diéras**
* Département de médecine, Institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-
Desmoulins, 94805 Villejuif Cedex.
** Service d’oncologie médicale, Institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75005 Paris.
N
N
F
F
O
OH
OH
NH2
O
OH
Ara-C
N
N
O
OH
NH2
O
OH
Gemcitabine
Figure 1. Structure chimique de la gemcitabine et de l’aracytine.
L
durées prolongées qui sont nécessaires pour que la majorité de
la population tumorale puisse parcourir la totalité du cycle cel-
lulaire.
– Il existe une forte corrélation entre l’accumulation de la
gemcitabine triphosphate et l’inhibition de synthèse de l’ADN,
qui représente le mécanisme principal de l’action biologique
de cette drogue (figure 2). À ce titre, la rétention prolongée
des nucléotides de la gemcitabine est sans doute d’une grande
importance.
– Plusieurs étapes du métabolisme de la gemcitabine sont satu-
rables : il s’agit de l’étape de phosphorylation par la déoxycy-
tidine kinase, mais surtout de l’accumulation intracellulaire de
gemcitabine triphosphate. En effet, si l’accumulation est
concentration-dépendante à faible concentration, elle atteint un
plateau à partir de 15-20 µmol/l (figure 3), et l’augmentation
des concentrations ne permet plus alors d’augmenter l’accu-
mulation intracellulaire. Il a été démontré que cette accumula-
tion intracellulaire optimale de gemcitabine triphosphate était
réalisée lorsque la concentration plasmatique de gemcitabine
se situe entre 20 et 25 µmol/l.
Ces données de pharmacologie précliniques sont d’un grand
intérêt si l’on considère leurs implications cliniques, et favori-
sent l’allongement de la durée de perfusion plus que l’augmen-
tation des concentrations.
ACTIVITÉ PRÉCLINIQUE
Contrairement à l’aracytine qui possède un spectre d’action
restreint aux hémopathies (leucémies et lymphomes), la gemci-
tabine a démontré une activité antitumorale contre une grande
variété de tumeurs solides.
Une étude extensive a été réalisée in vitro en utilisant la tech-
nique du tumor cloning assay qui teste l’activité d’un composé
sur des colonies de cellules tumorales isolées directement à
partir des patients et cultivées dans un milieu à base d’agar (4).
Sur 315 spécimens testés, dont 44 % évaluables pour les résul-
tats, la gemcitabine s’est montrée active contre des échan-
tillons de cancer bronchique non à petites cellules, de cancer
du sein, de cancer de l’ovaire et de cancer pancréatique
(tableau I). Dans cette étude, le taux de réponse était dépen-
dant de la concentration de gemcitabine. De manière intéres-
sante, l’activité de la gemcitabine est maintenue dans des
lignées cellulaires déficitaires en système de réparation de
l’ADN mismatch repair, et n’est donc potentiellement pas
affectée par les mécanismes de résistance faisant intervenir ce
processus (5).
Plusieurs études in vivo ont confirmé l’activité antitumorale de
la gemcitabine contre de nombreuses tumeurs murines et
humaines :
– une première étude précoce testant la gemcitabine contre des
modèles de tumeurs murines (dont trois leucémiques) a permis
d’observer une activité significative de cette drogue sur toutes
les lignées testées (6) ;
– les études consécutives utilisant des xénogreffes humaines
ont démontré que la gemcitabine était active contre des
tumeurs pancréatiques, bronchiques, colorectales et mam-
maires (7).
201
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 5 - octobre 1998
Nombre de réponses**/Nombre “évaluables”
Concentration 2,0 µg/ml 20,0 µg/ml
Type de tumeur
Sein 0/27 7/25
Côlon 0/4 1/ 4
Bronche NPC* 3/26 7/26
Mélanome 1/4 2/4
Ovaire 1/44 5/42
Pancréas 1/10 2/8
*Non à petites cellules.
**Réponse définie par 50 % de survie des colonies tumorales
formant unité.
Tableau I. Activité de la gemcitabine in vitro contre des colonies
tumorales humaines (d’après D.D. Von Hoff, 4).
Gemcitabine triphosphate (µM)
Gemcitabine (µM)
60
40
10-2 10-1 100101102103
20
Inhibition de synthèse de l'ADN (%)
0
60
40
20
0
Figure 2. Corrélation entre l’accumulation intracellulaire de gemcitabi-
ne triphosphate et l’inhibition de la synthèse d’ADN dans des cellules
humaines (d’après W. Plunkett et coll., 3).
Gemcitabine triphosphate (µM)
Gemcitabine (µM)
200
100
1000255075
0
Figure 3. Concentration-dépendance et saturabilité de l’accumulation
de la gemcitabine triphosphate dans des cellules leucémiques humaines
(d’après W. Plunkett et coll., 3).
NOUVELLE DROGUE
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La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 5 - octobre 1998
ÉTUDES D’ASSOCIATION PRÉCLINIQUES
La gemcitabine s’est révélée être un composé prometteur en
association à d’autres agents anticancéreux en préclinique. Un
effet cytotoxique synergique est notamment observé sur les
lignées cellulaires tumorales lorsque la gemcitabine est asso-
ciée au cisplatine, à l’oxaliplatine, à la vindésine, à l’étoposide
ou à la mitomycine C (8, 9, 10). Les mécanismes sous-tendant
cet effet supra-additif sont actuellement encore mal connus. Ils
pourraient concerner le nombre de lésions formées au niveau
de l’ADN, mais aussi les systèmes de réparation de l’ADN.
La gemcitabine est également un puissant agent radiosensibili-
sant lorsqu’elle est utilisée in vitro sur plusieurs lignées pan-
créatiques, coliques et bronchiques (11), ce qui explique que
certains auteurs aient proposé des essais d’association radio-
chimiothérapie avec ce composé.
ÉTUDES CLINIQUES
Les études précliniques indiquaient que la toxicité de la gemci-
tabine était schéma-dépendante. Ceci a permis de prédire cor-
rectement les toxicités observées lors des essais de phases I et II.
Études de phase I
Lorsque la gemcitabine est administrée chaque jour (1 à
12 mg/m2) pendant cinq jours toutes les trois semaines, la toxicité
dose-limitante est représentée par un syndrome grippal avec
fièvre, malaise, céphalées et anorexie. Chez certains patients, à
des doses 7 mg/m2, des épisodes sévères d’hypotension ont été
observés. La gemcitabine paraît mieux tolérée lorsqu’elle est
administrée toutes les deux semaines, la toxicité dose-limitante
étant la myélosuppression, prédominant sur la lignée plaquet-
taire, avec une dose maximale tolérée de 5 700 mg/m2. En admi-
nistration bihebdomadaire pendant trois semaines, différents
symptômes ont été observés : asthénie, fièvre, syndrome pseudo-
grippal et rash cutané. Une thrombopénie réversible était notée
avec une dose maximale tolérée de 65-75 mg/m2.
Le schéma hebdomadaire pendant trois semaines, suivi d’une
semaine de repos, démontre une activité associée à une toxicité
extrahématologique minimale. La dose maximale tolérée est de
790 mg/m2chez les patients prétraités et de 1 370 mg/m2dans
une autre étude, la toxicité dose-limitante étant hématologique
(thrombopénie). La durée de perfusion a été également étudiée :
une perfusion supérieure à une heure entraîne une augmentation
de la myélosuppression et de la cytolyse hépatique (12).
Le schéma retenu pour les études de phase II est l’administra-
tion de gemcitabine en perfusion hebdomadaire de trente
minutes pendant trois semaines, suivies d’une semaine de
repos, à des doses comprises entre 750 et 1 500 mg/m2.
Du fait de son activité dans de nombreuses tumeurs, de son profil
de toxicité très favorable et de son potentiel de synergie, de très
nombreuses études de phase I d’associations avec d’autres agents
anticancéreux ont été réalisées : les organoplatines, les taxanes, les
inhibiteurs topo-isomérases I, les vinca-alcaloïdes (vinorelbine),
les alkylants (ifosfamide). Lors de ces très nombreuses études de
phase I d’associations, différents schémas d’administration ont été
testés. Beaucoup de ces essais ne sont publiés que sous forme
d’abstracts et ne seront pas présentés en détail dans cette revue.
Tolérance
Le profil de tolérance de la gemcitabine est favorable (13). La
toxicité la plus fréquente est une myélosuppression modérée.
Les toxicités de grade 3/4 sont peu fréquentes : anémie
(< 8 %), neutropénie (< 25 %) et thrombopénie (< 5 %). Cette
myélosuppression est généralement de courte durée et sans
signification clinique (incidence d’infection < 2 %). Les autres
toxicités comportent des perturbations biologiques hépatiques
(cytolyse), des nausées et des vomissements, une protéinurie et
une hématurie, des rashs cutanés avec ou sans prurit, une
fièvre, un syndrome grippal et des œdèmes (en l’absence de
cause cardiaque, hépatique ou rénale). Plus rarement, on peut
observer : dyspnée transitoire, alopécie, somnolence, diarrhée,
constipation, mucite.
Cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC)
Activité en monothérapie
Dans une série d’essais de phase II, la gemcitabine en mono-
thérapie a donné un taux de réponse objective de 20 % chez
des patients présentant un cancer du poumon stades IIIb et IV
(14, 15). Dans la plus grande étude, incluant 161 patients, ce
taux de réponse était associé à une survie médiane de 9,4 mois
(15).
Études de phase II d’association
Dans les études précliniques, il existe une synergie entre la
gemcitabine et le cisplatine, entraînant la réalisation de très
nombreux essais de phase II d’associations où la gemcitabine
était administrée à J1, J8 et J15 et le cisplatine une fois par
mois, selon des schémas différents (tableau II) (16, 17, 18,
19). Les taux de réponse sont compris entre 30 et 59 %. La
survie médiane est comprise entre 8,4 et 15,4 mois et la survie
à un an est comprise entre 40 et 59 %, ce qui se compare favo-
rablement avec les résultats des autres études d’associations
avec le cisplatine. L’administration du cisplatine à J2 ou J15
est associée à un meilleur taux de réponse et une meilleure sur-
vie que les autres schémas d’administration (J1 ou J1-J8-J15).
D’autres essais de phase II d’association sont également étu-
diés avec le carboplatine, la vinorelbine, l’étoposide, l’ifosfa-
mide et les taxanes (paclitaxel et docétaxel). Des associations
comprenant trois agents sont également en cours de dévelop-
pement.
Jour 1 2 15 15 1, 8, 15 1, 8, 15
Cisplatine
Nombre 30 48 53 60 40 48
de patients
Stades III/IV 17/83 46/54 62/38 68/32 15/85 15/85
Taux de 33 54 52 37 31 28
réponse (%)
Survie 9,9 15,4 13 10,2 9,1 8,4
médiane
(mois)
Survie 40 59 55 40 34 30
à un an (%)
Gemcitabine 1 000-1 500 mg/m
2
J1-J8-J15. Cisplatine 100 mg/m
2
J1 ou J2 ou J15 ou 30 mg/m
2
J1-J8-J15.
Tableau II. Études de phase II d’association gemcitabine-cisplatine
dans les CPNPC.
Essais de phase III
Gemcitabine versus étoposide-cisplatine : l’activité en mono-
thérapie de la gemcitabine a été également évaluée dans deux
essais randomisés (tableau III). Dans une large étude euro-
péenne, 146 patients ont été randomisés entre la gemcitabine et
l’association cisplatine 100 mg/m2J1 - étoposide 100 mg/m2
J1-J2-J3 (20). Cette étude montre une activité identique dans
les deux bras, avec un profil de tolérance en faveur de la gem-
citabine.
Une étude américaine randomise l’association gemcitabine-
cisplatine versus cisplatine dans les CPNPC stades III/IV
(tableau IV). L’analyse intermédiaire est en faveur d’une
supériorité de l’association gemcitabine-cisplatine (21).
Dans une étude multicentrique espagnole, des patients présen-
tant un CPNPC stade IIIb ou IV, en bon état général, étaient
randomisés entre gemcitabine-cisplatine (1 250 mg/m2J1 et
J8, 100 mg/m2J1) et étoposide-cisplatine (100 mg/m2J1-2-3,
100 mg/m2J1) (22). Vingt-huit patients (40,6 %) ont présenté
une réponse partielle dans le bras gemcitabine-cisplatine contre
14 (21,9 %) dans le bras étoposide-cisplatine (p = 0,0253). Le
temps jusqu’à progression est plus long dans le bras gemcitabine-
cisplatine (7,9 mois contre 4,6 mois, p = 0,02). De même, la
tolérance hématologique est meilleure dans le bras gemcitabine.
Un essai comparant gemcitabine-cisplatine versus MIC (mito-
mycine-ifosfamide-cisplatine) a été réalisé dans les CPNPC de
stades IIIb et IV (23). L’association gemcitabine-cisplatine se
révèle supérieure à l’association MIC en termes de réponse
objective (40 % versus 21 %, p = 0,03), mais sans différence
significative en termes de survie médiane. L’analyse de la qua-
lité de vie est en cours.
Un grand essai de l’ECOG (1 200 patients) a débuté fin 1996 ;
il comprend quatre bras comparant les associations paclitaxel-
cisplatine, gemcitabine-cisplatine, docétaxel-cisplatine et
paclitaxel-carboplatine. Cet essai devrait préciser la place res-
pective des nouveaux agents cytotoxiques dans le traitement
de première ligne des CPNPC.
Cancers de vessie localement avancés ou métastatiques
Activité en monothérapie
Les résultats de quatre essais de phase II sont présentés dans le
tableau V (24, 25, 26, 27). Dans tous ces essais, la gemcitabine
est administrée à J1, J8 et J15, avec reprise du cycle à J28. Ces
essais de phase II suggèrent donc que la gemcitabine est active
dans les cancers de vessie localement avancés ou métasta-
tiques. Cela est démontré que les patients soient prétraités ou
non par une chimiothérapie de type MVAC ou par une asso-
ciation à base de cisplatine. Les réponses ont été obtenues dans
tous les sites métastatiques, et étaient fréquentes au niveau
hépatique et pulmonaire.
Association gemcitabine-cisplatine en première ligne théra-
peutique
Compte tenu des résultats des essais de phase II, il paraissait
donc logique de développer les associations gemcitabine-
cisplatine. Deux essais d’association sont présentés dans le
tableau VI. Dans le premier, la gemcitabine associée au cispla-
tine hebdomadaire donne un taux de réponse de 40 %. Ce taux
203
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 5 - octobre 1998
Gemcitabine Cisplatine-étoposide
1000 mg/m2J1, J8 et J15 100 mg/m2J1-
100 mg/m2J1-2-3
Réponses partielles/ 12/66 11/72
patients évaluables
Taux de réponse en % 18,2 (9,8-30) 15,3 (7,9-25,7)
(IC 95 %)
Survie médiane (mois) 6,6 7,6
Toxicité grades 3-4
Neutropénie (%) 7,4 15,3
Nausées-vomissements (%) 11,3 28,9
Alopécie (%) 2,9 61,8
Neutropénie fébrile (%) 12,7 23,6
Tableau III. Essais de phase III gemcitabine versus étoposide-cisplatine
CPNPC.
Cisplatine Cisplatine 100 mg/m2J1
100 mg/m2J1 Gemcitabine 1 000 mg/m2
J1-J8-J15
Taux de réponse objective (%) 9,1 31 p = 0,0001
Temps jusqu’à progression 4,2 6,8 p = 0,0004
(mois)
Survie médiane (mois) 7,6 9,1 p = 0,012
Toxicité grades 3/4
Neutropénie (%) 5 58
Thrombopénie (%) 3 51
Neutropénie fébrile (%) 1,3 3,9
Tableau IV. Gemcitabine-cisplatine versus cisplatine dans les CPNPC
stades III/IV.
Étude Dose Chimiothérapie Nombre Réponses Réponses
(mg/m2) antérieure de patients complètes + objectives
inclus/ réponses (%)
évaluables partielles
Pollera 875-1370 oui (14/15) 15/15 1 + 3 27
et coll. (24)
De Lena 1250 oui 34/25 3 + 4 28
et coll. (25)
Stadler 1200 non* 40/38 4 + 7 29
et coll. (26)
Moore 1200 non* 40/21 2 + 6 38
et coll. (27)
Tableau V. Essais de phase II monothérapie dans les cancers de vessie.
*Chimiothérapie adjuvante et néo-adjuvante autorisée en
fonction de l’intervalle libre (6/12 mois).
Étude Dose Schéma Nombre Réponses Réponses Survie
(mg/m2) de patients complètes + objectives médiane
inclus/ réponses (%) (mois)
évaluables partielles
von der Maase G 1 000 J1-8-15 44/38 6 + 9 40 12,1
et coll. (28) C35 tous les
28 jours
Stadler G 1 000 G : J1-8-15 16/16 5 + 7 75 ND
et coll. (29) C100/75 C : J1
tous les
28 jours
Tableau VI. Association gemcitabine-cisplatine en première ligne thé-
rapeutique.
de réponse n’est pas élevé, mais la durée de réponse et la sur-
vie médiane de 12 mois paraissent encourageantes. La toxicité
dans cet essai est acceptable bien que la myélosuppression ait
entraîné des réductions de doses. Les résultats préliminaires de
l’étude gemcitabine associée au cisplatine mensuel, avec un
taux de réponse de 75 %, sont très encourageants. La dose ini-
tiale de 100 mg/m2de cisplatine a dû être réduite à 75 mg/m2,
compte tenu de l’importance de la myélosuppression.
Le protocole MVAC étant considéré comme le standard de la
chimiothérapie des carcinomes vésicaux, cette association a
été choisie pour être comparée à l’association gemcitabine-
cisplatine dans un essai international multicentrique randomi-
sant 400 patients présentant un cancer de vessie localement
avancé ou métastatique. La gemcitabine est administrée à la
dose de 1 000 mg/m2J1-J8-J15 et le cisplatine à celle de
70 mg/m2J2 (comme dans le MVAC).
Cancers du pancréas
Le traitement des cancers du pancréas avancés ou métastatiques
représente une difficulté majeure en oncologie médicale. De
nombreux essais de phase II évaluant de nouveaux agents anti-
cancéreux n’ont pas permis d’individualiser un agent donnant
un taux de réponse supérieur à 20 %. De ce fait, dans le cadre
de cette pathologie, le contrôle des symptômes tend à devenir
le critère principal d’évaluation.
Activité en monothérapie
Dans le premier essai de phase II publié (30), le taux de répon-
se est de 11 %. Cependant, les investigateurs ont noté une
amélioration des symptômes (stabilisation ou amélioration du
performance status, diminution de la consommation d’antal-
giques) chez un nombre significatif de patients. Cela a été
confirmé dans une seconde étude de phase II (31).
Un nouveau critère de réponse a été défini, “le bénéfice cli-
nique”, comprenant l’évaluation de différents paramètres :
douleurs (intensité et consommation d’antalgiques), perfor-
mance status, poids. Ce critère de réponse a été adopté dans
l’évaluation des essais cliniques ultérieurs.
Dans une étude randomisée, 126 patients présentant un cancer
du pancréas localement avancé ou métastatique recevaient
1 000 mg/m2de gemcitabine par semaine, pendant sept
semaines, suivies d’une semaine de repos, puis une perfusion
hebdomadaire pendant trois semaines par mois, ou
600 mg/m2/semaine de 5-FU (32). Quinze patients (23,8 %)
ont présenté un bénéfice clinique contre seulement 3 (4,8 %)
des patients recevant du 5-FU. La différence est très significa-
tive (p = 0,0022). La durée du bénéfice clinique est de
18 semaines pour le groupe gemcitabine et de 13 semaines
pour le groupe 5-FU. La gemcitabine apparaît supérieure au
5-FU en termes de survie médiane (5,65 versus 4,41 mois, p =
0,0025), de survie à 12 mois (18 % versus 2 %) et de réponse
objective (5,4 % versus 0 %). Les deux agents ont été bien
tolérés avec un taux de toxicité grades 2-3 inférieur à 10 %
(neutropénie, élévation des phosphatases alcalines, nausées-
vomissements).
Dans un autre essai de phase II, 63 patients présentant un can-
cer du pancréas ayant progressé sous 5-FU ont été traités par
gemcitabine selon le même schéma que l’étude randomisée
(33). Dix-sept patients (27 %) ont présenté un bénéfice cli-
nique avec une durée médiane de réponse de 14 semaines et
une survie médiane de 3,85 mois. Le taux de réponse objective
est de 10,5 % (6/57). Le profil de toxicité est acceptable et
similaire à celui de l’étude randomisée.
Études d’association
Les associations de gemcitabine avec le FU, le cisplatine ou
l’épirubicine ont été évaluées dans des études de phase I.
Cancers du sein
Activité en monothérapie
Quatre études de phase II ont été réalisées dans le cancer du
sein métastatique. Le schéma utilisé est l’administration de
gemcitabine en perfusion de 30 min J1, J8 et J15, suivie d’une
semaine de repos. Les différences entre les essais concernent
les caractéristiques des patientes et la posologie de gemcitabine.
La première étude (34) concerne 44 patientes présentant un
cancer du sein avancé ou métastatique ayant reçu une seule
ligne de chimiothérapie (en situation adjuvante ou métasta-
tique) et traitées par gemcitabine 800 mg/m2J1, J8 et J15. La
dose médiane administrée est de 733 mg/m2. Parmi les
43 patientes évaluables, on observe 3 réponses complètes et
7 réponses partielles pour un taux de réponse objective de
25 %. Les réponses sont observées au niveau de tous les sites
métastatiques (tissus mous, foie et poumon). Le temps médian
à la première réponse est court : 1,9 mois. D’autres études de
phase II utilisant des doses plus élevées de gemcitabine ont été
réalisées (tableau VII). Les résultats préliminaires de 37 % et
28 % confirment la première étude (35, 36). Une de ces études
a été réalisée chez des patientes présentant un cancer du sein
métastatique, en deuxième ligne après traitement avec anthra-
cyclines ou anthracénedione (36). En outre, 30 % des patientes
ont reçu une chimiothérapie adjuvante. Trente-deux patientes
(74 %) présentent une maladie viscérale (foie, poumon). Le
taux de réponse objective est de 28 % (IC 95 % : 15-44) et les
réponses sont observées au niveau de tous les sites métasta-
tiques (tissus mous, foie et poumon).
NOUVELLE DROGUE
204
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 5 - octobre 1998
Carmichael Blackstein Spielman
et coll. (34) et coll. (35) et coll. (36)
Dose 800 1 200 1 200
Chimiothérapie adjuvante (7/40) adjuvante (21/39) adjuvante (9/42)
antérieure métastatique (19/40)
Nombre de patientes 44/40 39/35 47/43
incluses/évaluables
Réponses complètes + 3+7 4+9 4+8
partielles
Réponses objectives 25 37,1 28
en % (IC 95 %) (12,7-41,2) (23-57) (15-44)
Durée médiane 13,5 (6-43+) > 12,7 7 (2-14)
de réponse (mois)
Survie médiane 11,5 > 17,5 15
(mois)
Tableau VII. Essais de phase II de la gemcitabine dans les cancers du
sein métastatiques.
1 / 7 100%