NOUVELLE DROGUE
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La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 5 - octobre 1998
ÉTUDES D’ASSOCIATION PRÉCLINIQUES
La gemcitabine s’est révélée être un composé prometteur en
association à d’autres agents anticancéreux en préclinique. Un
effet cytotoxique synergique est notamment observé sur les
lignées cellulaires tumorales lorsque la gemcitabine est asso-
ciée au cisplatine, à l’oxaliplatine, à la vindésine, à l’étoposide
ou à la mitomycine C (8, 9, 10). Les mécanismes sous-tendant
cet effet supra-additif sont actuellement encore mal connus. Ils
pourraient concerner le nombre de lésions formées au niveau
de l’ADN, mais aussi les systèmes de réparation de l’ADN.
La gemcitabine est également un puissant agent radiosensibili-
sant lorsqu’elle est utilisée in vitro sur plusieurs lignées pan-
créatiques, coliques et bronchiques (11), ce qui explique que
certains auteurs aient proposé des essais d’association radio-
chimiothérapie avec ce composé.
ÉTUDES CLINIQUES
Les études précliniques indiquaient que la toxicité de la gemci-
tabine était schéma-dépendante. Ceci a permis de prédire cor-
rectement les toxicités observées lors des essais de phases I et II.
Études de phase I
Lorsque la gemcitabine est administrée chaque jour (1 à
12 mg/m2) pendant cinq jours toutes les trois semaines, la toxicité
dose-limitante est représentée par un syndrome grippal avec
fièvre, malaise, céphalées et anorexie. Chez certains patients, à
des doses ≥7 mg/m2, des épisodes sévères d’hypotension ont été
observés. La gemcitabine paraît mieux tolérée lorsqu’elle est
administrée toutes les deux semaines, la toxicité dose-limitante
étant la myélosuppression, prédominant sur la lignée plaquet-
taire, avec une dose maximale tolérée de 5 700 mg/m2. En admi-
nistration bihebdomadaire pendant trois semaines, différents
symptômes ont été observés : asthénie, fièvre, syndrome pseudo-
grippal et rash cutané. Une thrombopénie réversible était notée
avec une dose maximale tolérée de 65-75 mg/m2.
Le schéma hebdomadaire pendant trois semaines, suivi d’une
semaine de repos, démontre une activité associée à une toxicité
extrahématologique minimale. La dose maximale tolérée est de
790 mg/m2chez les patients prétraités et de 1 370 mg/m2dans
une autre étude, la toxicité dose-limitante étant hématologique
(thrombopénie). La durée de perfusion a été également étudiée :
une perfusion supérieure à une heure entraîne une augmentation
de la myélosuppression et de la cytolyse hépatique (12).
Le schéma retenu pour les études de phase II est l’administra-
tion de gemcitabine en perfusion hebdomadaire de trente
minutes pendant trois semaines, suivies d’une semaine de
repos, à des doses comprises entre 750 et 1 500 mg/m2.
Du fait de son activité dans de nombreuses tumeurs, de son profil
de toxicité très favorable et de son potentiel de synergie, de très
nombreuses études de phase I d’associations avec d’autres agents
anticancéreux ont été réalisées : les organoplatines, les taxanes, les
inhibiteurs topo-isomérases I, les vinca-alcaloïdes (vinorelbine),
les alkylants (ifosfamide). Lors de ces très nombreuses études de
phase I d’associations, différents schémas d’administration ont été
testés. Beaucoup de ces essais ne sont publiés que sous forme
d’abstracts et ne seront pas présentés en détail dans cette revue.
Tolérance
Le profil de tolérance de la gemcitabine est favorable (13). La
toxicité la plus fréquente est une myélosuppression modérée.
Les toxicités de grade 3/4 sont peu fréquentes : anémie
(< 8 %), neutropénie (< 25 %) et thrombopénie (< 5 %). Cette
myélosuppression est généralement de courte durée et sans
signification clinique (incidence d’infection < 2 %). Les autres
toxicités comportent des perturbations biologiques hépatiques
(cytolyse), des nausées et des vomissements, une protéinurie et
une hématurie, des rashs cutanés avec ou sans prurit, une
fièvre, un syndrome grippal et des œdèmes (en l’absence de
cause cardiaque, hépatique ou rénale). Plus rarement, on peut
observer : dyspnée transitoire, alopécie, somnolence, diarrhée,
constipation, mucite.
Cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC)
Activité en monothérapie
Dans une série d’essais de phase II, la gemcitabine en mono-
thérapie a donné un taux de réponse objective de 20 % chez
des patients présentant un cancer du poumon stades IIIb et IV
(14, 15). Dans la plus grande étude, incluant 161 patients, ce
taux de réponse était associé à une survie médiane de 9,4 mois
(15).
Études de phase II d’association
Dans les études précliniques, il existe une synergie entre la
gemcitabine et le cisplatine, entraînant la réalisation de très
nombreux essais de phase II d’associations où la gemcitabine
était administrée à J1, J8 et J15 et le cisplatine une fois par
mois, selon des schémas différents (tableau II) (16, 17, 18,
19). Les taux de réponse sont compris entre 30 et 59 %. La
survie médiane est comprise entre 8,4 et 15,4 mois et la survie
à un an est comprise entre 40 et 59 %, ce qui se compare favo-
rablement avec les résultats des autres études d’associations
avec le cisplatine. L’administration du cisplatine à J2 ou J15
est associée à un meilleur taux de réponse et une meilleure sur-
vie que les autres schémas d’administration (J1 ou J1-J8-J15).
D’autres essais de phase II d’association sont également étu-
diés avec le carboplatine, la vinorelbine, l’étoposide, l’ifosfa-
mide et les taxanes (paclitaxel et docétaxel). Des associations
comprenant trois agents sont également en cours de dévelop-
pement.
Jour 1 2 15 15 1, 8, 15 1, 8, 15
Cisplatine
Nombre 30 48 53 60 40 48
de patients
Stades III/IV 17/83 46/54 62/38 68/32 15/85 15/85
Taux de 33 54 52 37 31 28
réponse (%)
Survie 9,9 15,4 13 10,2 9,1 8,4
médiane
(mois)
Survie 40 59 55 40 34 30
à un an (%)
Gemcitabine 1 000-1 500 mg/m
2
J1-J8-J15. Cisplatine 100 mg/m
2
J1 ou J2 ou J15 ou 30 mg/m
2
J1-J8-J15.
Tableau II. Études de phase II d’association gemcitabine-cisplatine
dans les CPNPC.