46 | La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XV - n° 1 - janvier-février 2012
EVIDENCE-BASED MEDICINE Cancérologie
Chimiothérapie des cancers
du pancréas métastatiques
L. Choné (Nancy)
L
e pronostic du cancer du pancréas reste très
sombre, avec une survie relative à 1 an de 23 %
et de 6 % à 5 ans. La plupart des patients (85 à
90 %) sont inopérables au moment du diagnostic,
avec une survie dans ces situations de 6 à 10 mois
chez les patients présentant une maladie localement
avancée et de 3 à 6 mois en situation métastatique
(60 % des patients).
Le 5-FU est resté pendant plus de 20 ans le seul
traitement actif dans le cancer du pancréas avancé,
jusqu’à la publication de H.A. Burris et al., en 1997,
qui a permis de consacrer la gemcitabine comme
traitement de référence dans ces situations (1).
Les résultats de ce traitement étaient cependant
modestes, avec un taux de réponse de 5 à 10 %
et une médiane de survie globale de l’ordre de
6 mois. De multiples études de phase III ont par
la suite comparé la gemcitabine seule à la gemci-
tabine associée à d’autres molécules sans réussir
à en améliorer les résultats. En 2007, l’association
erlotinib + gemcitabine a cependant réussi à montrer
une amélioration statistiquement significative de
la survie globale et de la survie sans progression
chez les patients en maladie métastatique sans
amélioration des taux de réponse par rapport à la
gemcitabine seule (2). Mais le bénéfice clinique de
l’association restant tout à fait modeste (survie
globale passant de 5,91 à 6,24 mois), la gemcita-
bine seule est restée un traitement de référence.
En 2009, l’association gemcitabine + capécitabine
s’est révélée dans un essai de phase III également
supérieure à la gemcitabine seule en termes de taux
de réponse (19,1 % versus 12,4 %, p = 0,03) et de
survie sans progression, mais sans amélioration de
la survie globale (3).
Cependant, l’année 2011 aura été celle d’une
avancée majeure dans le traitement de l’adéno-
carcinome pancréatique métastatique avec la publi-
cation par T. Conroy et al. d’une étude de phase III
comparant le traitement de référence par gemcita-
bine à une polychimiothérapie associant oxaliplatine
+ irinotécan + 5-FU (FOLFIRINOX) [4]. La chimio-
thérapie par FOLFIRINOX a permis pour la première
fois d’augmenter significativement la survie globale
(médiane de 11,1 mois versus 6,8 mois ; HR = 0,57 ;
IC95 : 0,45-0,73 ; p < 0,001). La médiane de survie
sans progression était également augmentée,
passant de 3,3 à 6,4 mois (HR = 0,47 ; IC95 : 0,37-
0,59 ; p < 0,001), de même que le taux de réponse
(9,4 versus 31,6 % ; p = 0,001). La survie à 1 an était
de 48,4 % dans le bras FOLFIRINOX versus 20,6 %
dans le bras gemcitabine. La polychimiothérapie
était cependant plus toxique, avec significativement
plus de neutropénies fébriles (5,4 versus 1,2 %),
de diarrhées (12,7 versus 1,8 %), de nausées (14,5
versus 8,3 %) et de neuropathies périphériques (9
versus 0 %). Néanmoins à 6 mois, les patients sous
FOLFIRINOX avaient une qualité de vie significa-
La plupart des patients atteints d’un cancer du pancréas présentent des
métastases au moment du diagnostic. La gemcitabine, qui ne permet
d’espérer des taux de réponse que de l’ordre de 5 à 10 %, est restée
pendant plus de 10 ans la molécule de référence dans cette situation.
Très récemment, le protocole FOLFIRINOX (5-FU, oxaliplatine et irino-
técan) a permis d’obtenir des taux de réponse de plus de 30 % associés
à une augmentation de la survie sans progression et pour la première
fois de la survie globale. Ce protocole est actuellement le traitement de
référence chez les patients métastatiques en bon état général et avec
un taux de bilirubine proche de la normale.
Ce qu’il faut retenir
niveau
de preuve
1b
Questions non résolues
» Les résultats du protocole FOLFIRINOX sont-ils transposables aux cancers
du pancréas en situation localement avancée, qui ont un pronostic spontané
légèrement plus favorable que celui des adénocarcinomes métastatiques ?
» Le pronostic des patients opérés est également médiocre, avec une survie
globale à 5 ans ne dépassant guère 20 %. Le protocole FOLFIRINOX
a-t-il une place en situation adjuvante ou néoadjuvante ? (Un essai va
prochainement tenter de répondre à cette question.)
» Peut-on améliorer les résultats de la chimiothérapie chez les patients
qui ne sont pas en mesure de recevoir un traitement par FOLFIRINOX ?