Top 5 des articles 2013 sur le cancer du pancréas DOSSIER

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DOSSIER
FFCD-PRODIGE 2014
Top 5 des articles 2013
sur le cancer du pancréas
Top five articles published in 2013 on pancreatic cancer
C. Lepage*
Épidémiologie du cancer
du pancréas (1)
L’Institut de veille sanitaire a publié, en collaboration avec le réseau des registres FRANCIM, les
données épidémiologiques actualisées en 2012
pour les cancers du pancréas en France. On constate
que leur incidence continue de croître de manière
exponentielle. Désormais, il s’agit du deuxième
cancer digestif, après les cancers colorectaux, avec
11 662 cas incidents. Le sex-ratio reste stable, à 1,05.
Le nombre de cas a été multiplié chez l’homme
par 3,5 depuis 1980 et par 2 depuis 2000, et chez
la femme par 5,2 depuis 1980 et par 2,2 depuis 2000.
Le risque de développer un cancer du pancréas au
cours de la vie est multiplié par 2,5 pour les hommes
nés en 1950 par rapport à ceux nés en 1920, et
par 3,8 pour les femmes des mêmes cohortes d’âge.
Taxanes en première
ligne métastatique
dans les adénocarcinomes
pancréatiques (2) :
l’intérêt des nanoparticules,
l’apport de CONKO-001 (3)
© La Lettre du Cancérologue
2014;5(XXIII):174-6.
* Service d’hépato-gastro-entérologie
et d’oncologie digestive, CHU de
Dijon ; INSERM U866 “Épidémiologie
et recherche clinique en cancérologie
digestive” ; université de Bourgogne,
Dijon, responsable médical du Centre
de randomisation-gestion-analyse de
la FFCD.
Les taxanes sont des molécules qui jusqu’ici ont été
peu utilisées en cancérologie digestive. Elles sont à
l’origine d’effets indésirables limitants en thérapeutique. Outre la toxicité hématologique et les neuropathies, il existe des réactions d’hypersensibilité dues
aux solvants. Ces molécules hydrophobes nécessitent
en effet le recours à des solvants spécifiques potentiellement toxiques. Sur le plan pharmacologique,
la formation de micelles dans la circulation piège
le paclitaxel au niveau du plasma. Il en résulte une
pharmacocinétique non linéaire, dose-dépendante,
conduisant à une perte d’efficacité (4, 5).
La technologie nab™ (nanoparticules d’albumine
liées aux molécules actives) permet de s’affranchir
140 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVII - n° 3 - mai-juin 2014
des solvants. Le nab-paclitaxel est composé d’une
suspension colloïdale de paclitaxel et d’albumine
provenant du sérum humain. Paclitaxel et albumine
sont associés par des interactions hydrophobes
immédiatement biodisponibles. Après l’administration intraveineuse, ces nanoparticules de paclitaxel/
albumine se dissolvent rapidement en plus petits
complexes albumine-paclitaxel d’une taille identique
à celle de l’albumine endogène.
L’albumine est le transporteur naturel des molécules
hydrophobes dans l’organisme, telles que les acides
gras, les hormones et les vitamines. Ces molécules ainsi
liées à l’albumine bénéficient d’un transport actif par
l’intermédiaire de 2 mécanismes d’action : un transport
actif médié par les récepteurs via la gp60 et la cavéoline 1 (transcytose), qui permet une extravasation du
complexe ; et une liaison active des complexes albumine-molécule à la protéine SPARC (Secreted Protein
Acidic and Rich in Cysteine), qui permet d’internaliser
ces molécules dans les cellules.
Les tumeurs captent fortement l’albumine via
les récepteurs gp60/cavéoline 1 et SPARC, ce qui
permet d’obtenir des concentrations intratumorales
élevées.
Une nouvelle analyse de l’étude CONKO-001
(gemcitabine versus simple surveillance dans le cas
d’adénocarcinomes pancréatiques opérés à visée
curative) a montré la valeur pronostique péjorative
de la surexpression dans le stroma de SPARC, mais
uniquement dans le bras gemcitabine (3). Ce résultat
devra être confirmé, et il serait notamment intéressant de regarder s’il existe une valeur prédictive de
la réponse au nab-paclitaxel.
Cette nouvelle génération de taxanes permettrait
donc de réduire les toxicités associées aux taxanes
en supprimant les solvants et d’augmenter l’index
thérapeutique en favorisant l’activité antitumorale.
Essai MPACT
L’essai multicentrique (Amérique du Nord, Europe
et Australie) de phase III MPACT (Metastatic
Points forts
» L’incidence des cancers du pancréas continue de croître de manière exponentielle. Désormais, il s’agit
du deuxième cancer digestif après les cancers colorectaux, avec 11 662 cas incidents.
» L’actualité thérapeutique dans cette localisation a été dominée par la publication de Von Hoff et al.
qui définit une nouvelle ligne thérapeutique pour les adénocarcinomes pancréatiques.
» Comme pour tous les types de cancers, la biologie prend une place de plus en plus importante.
Vous trouverez ci-après les principales publications de l’année 2013.
Pancreatic Adenocarcinoma Clinical Trial), mené
sur 861 patients atteints d’un cancer du pancréas
métastatique en première ligne de traitement,
comparait nab-paclitaxel (125 mg/m 2) suivi de
gemcitabine (1 000 mg/m2) administrés les 1er, 8e et
15e jours de chaque cycle de 28 jours, versus gemcitabine (1 000 mg/m2/sem.) administrée suivant la
même périodicité après une période d’induction
de 7 semaines.
L’âge médian des patients dans les 2 groupes était
légèrement supérieur à 60 ans, et la majorité (92 %)
avait un score de performance de Karnofsky entre
80 et 100 %.
La survie globale (SG) médiane, critère de jugement principal, a été significativement améliorée
par l’ajout de nab-paclitaxel à la gemcitabine
(8,5 versus 6,7 mois ; HR = 0,72 ; p < 0,001) ;
la SG à 1 an était de 35 versus 22 % (p < 0,001)
[figure]. La médiane de survie sans progression
(SSP) a également été améliorée avec la thérapie
de combinaison (5,5 versus 3,7 mois ; HR = 0,69 ;
p < 0,001), de même que le taux de réponse antitumorale (23 versus 7 % ; p < 0,001). Le niveau des
événements indésirables était acceptable. Le traitement par nab-paclitaxel a entraîné des taux plus
élevés de neutropénie de grade 3 ou 4 (38 versus
27 %), d’épuisement (17 versus 7 %), et des neuropathies périphériques (17 versus > 1 %) rapidement
résolutives à l’arrêt du traitement.
La combinaison de nab-paclitaxel + gemcitabine
représente une nouvelle ligne dans le cancer du
pancréas métastatique. Cependant, les améliorations de la survie et de la réponse permises par ce
nouveau schéma sont moins importantes qu’avec
le FOLFIRINOX (oxaliplatine, irinotécan, acide folinique, 5-FU). La tolérance de ce traitement en fait
une alternative au FOLFIRINOX en première ligne,
chez les patients dont l’état général ne permet pas
d’utiliser la trithérapie.
Étude ESPAC-3 :
nouvelles données biologiques (6)
Cette étude comparait, pour le traitement des
adénocarcinomes reséqués à visée curative, 3 stratégies : FUFOL (5-FU, acide folinique), gemcitabine
et surveillance simple (7).
Le bras surveillance simple avait été arrêté après
les résultats positifs de l’étude ESPAC 1 (8). Les
Mots-clés
Adénocarcinome
pancréatique
Épidémiologie
Trail
Survie
2013
Highlights
» Pancreatic cancer incidence
continues to grow exponentially. It is now the second
digestive cancer after colorectal
cancer with 11,662 incident
cases.
» The main Therapeutic news
for this localisation have
been reported by Von Hoff et
al. publication that defines a
new therapy line for pancreatic
adenocarcinoma.
» As for all cancer types,
tumour biology is playing an
increasingly important role.
You will find below the main
publications of the year 2013.
Keywords
Pancreatic adenocarcinoma
Epidemiology
Survival
Trail
2013
100
HR = 0,72 ; IC95 : 0,617-0,825 ; p < 0,001
80
Nab-paclitaxel + gemcitabine
Survie globale (%)
Gemcitabine
60
40
20
0
6,7
(IC95 : 6,01-7,23)
0
3
6
8,5
(IC95 : 7,89-9,53)
9
12
15
18
21
24
27
30
33
36
39
Mois
Figure. Essai MPACT : survie globale en intention de traiter (2).
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Top 5 des articles 2013 sur le cancer du pancréas
résultats montraient l’intérêt de la chimiothérapie
adjuvante dans cette situation. J.W. Valle et al. (6)
ont repris l’analyse des résultats de cet essai : ils
ont montré que la réalisation de l’ensemble des
6 cycles de chimiothérapie adjuvante prévus plutôt
que l’instauration précoce de cette chimiothérapie
après l’opération était un facteur pronostique indépendant. Il ne semble y avoir aucune différence dans
les résultats si cette chimiothérapie est retardée
jusqu’à 12 semaines, ce qui permet aux patients
de récupérer après l’opération avant le début de la
chimiothérapie.
Étude Leap (9)
L’auteur déclare
ne pas avoir de liens d’intérêts.
Cette étude de phase II randomisée (n = 361)
avait pour objectif de comparer la gemcitabine au
CO-101, gemcitabine liée à un acide gras permettant
une pénétration intracellulaire indépendante du
niveau d’expression de hENT1. L’objectif principal
était d’augmenter la SG des patients exprimant
faiblement hENT1 en immunohistochimie tumorale (anticorps anti-hENT1 validé par la Food and
Drug Administration). Cette étude ne montre pas
d’amélioration de la SG avec le CO-101 par rapport à
la gemcitabine, que ce soit sur l’ensemble de la population incluse ou chez les seuls patients exprimant un
niveau faible de hENT1 (65 %). Contrairement aux
données publiées jusqu’alors, le niveau d’expression
de hENT1 dans cette étude n’a pas été discriminant
pour les taux de réponse dans les 2 bras thérapeutiques. Outre les aspects techniques (type et qualité
de l’anticorps anti-hENT1 utilisé), la principale différence de cette étude est qu’elle porte sur des stades
métastatiques.
■
Références bibliographiques
1. Institut de veille sanitaire. www.invs.sante.fr
2. Von Hoff DD, Ervin T, Arena FP et al. Increased survival
in pancreatic cancer with nab-paclitaxel plus gemcitabine.
N Engl J Med 2013;369(18):1691-703.
3. Sinn M, Sinn BV, Striefler JK et al. SPARC expression in
resected pancreatic cancer patients treated with gemcitabine: results from the CONKO-001 study. Ann Oncol 2014.
[Epub ahead of print].
4. Aapro MS, Von Minckwitz G. Molecular basis for the development of novel taxanes in the treatment of metastatic
breast cancer. EJC Suppl 2008;6(10):3-11.
5. Hamad I, Moghimi SM. Critical issues in site-specific targeting of solid tumours: the carrier, the tumour barriers and
the bioavailable drug. Expert Opin Drug Deliv 2008;5(2):
205-19.
6. Valle JW, Palmer D, Jackson R et al. Optimal duration and
timing of adjuvant chemotherapy after definitive surgery for
ductal adenocarcinoma of the pancreas: ongoing lessons
from the ESPAC-3 study. J Clin Oncol 2014;32(6):504-12.
7. Neoptolemos JP, Stocken DD, Bassi C et al.; European
Study Group for Pancreatic Cancer. Adjuvant chemotherapy
with fluorouracil plus folinic acid vs gemcitabine following
pancreatic cancer resection: a randomized controlled trial.
JAMA 2010;304(10):1073-81.
8. Neoptolemos JP, Stocken DD, Friess H et al.; European
Study Group for Pancreatic Cancer. A randomized trial of
chemoradiotherapy and chemotherapy after resection of
pancreatic cancer. N Engl J Med 2004;350(12):1200-10.
9. Poplin E, Wasan H, Rolfe L et al. Randomized, multicenter,
phase II study of CO-101 versus gemcitabine in patients with
metastatic pancreatic ductal adenocarcinoma: including a
prospective evaluation of the role of hENT1 in gemcitabine
or CO-101 sensitivity. J Clin Oncol 2013;31(35):4453-61.
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vous souhaite un magnifique été et une belle respiration
avant de vous retrouver dès la rentrée !
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