M I S E A U P O I N T Actualités sur la gemcitabine et le pemetrexed dans les cancers intrathoraciques Update on gemcitabine and pemetrexed in thoracic malignancies D. Moro-Sibilot* Résumé : Parmi les différents doublets disponibles, l’association gemcitabine-cisplatine est l’un des acteurs majeurs du traitement des carcinomes non à petites cellules. Son efficacité a été soulignée par les résultats d’une méta-analyse démontrant un gain en matière de survie sans progression lorsqu’on la compare à des associations plus anciennes. L’association gemcitabinecisplatine a maintenant étendu son indication à la situation néoadjuvante. Des résultats prometteurs sont notés en monothérapie chez les patients âgés et dans des associations sans sel de platine. Le pemetrexed est un nouvel antifolate qui inhibe au moins trois systèmes enzymatiques dans la voie de synthèse des acides nucléiques. L’association pemetrexed et cisplatine a démontré son efficacité en termes de survie et de qualité de vie dans les mésothéliomes pleuraux. Cette association reconnue par la FDA des États-Unis représente maintenant le standard thérapeutique de cette pathologie. Par ailleurs, le pemetrexed a été comparé au docétaxel dans le traitement de seconde ligne des carcinomes non à petites cellules et a montré une efficacité comparable et un meilleur profil de toxicité. L’effet toxique principal du pemetrexed est la myélosuppression qui peut être très améliorée par la coprescription d’acide folique et de vitamine B12. Mots-clés : Chimiothérapie - Pemetrexed - Gemcitabine - Cancers bronchiques - Mésothéliomes. Summary: Among the combination chemotherapeutic regimens that can be used to treat advanced NSCLC, the gemcitabine cisplatin doublet represents one of the major key players. Its activity has been emphasized by the results of a meta-analysis demonstrating an improvement in time to progression when compared with older cisplatin containing combinations. Gemcitabine has extended its use to the neoajuvant setting. Promising results have been achieved in monotherapy in the treatment of elderly patients and recent doublets without cisplatin achieve encouraging results. Pemetrexed (Alimta ®) is a multitargeted antifolate that inhibits at least three enzymes in the nucleic acid synthetic pathways. The US Food and Drug Administration recently approved pemetrexed, in combination with cisplatin, for the first-line treatment of advanced malignant pleural mesothelioma. Pemetrexed has improved the outlook for patients with mesothelioma by demonstrating a positive impact on quality of life and by prolonging survival. Moreover, pemetrexed was recently shown to be as efficacious as docetaxel in the second-line treatment of non-small-cell lung cancer, and its toxicity profile was preferable. The main toxicity seen with pemetrexed is myelosuppression, which is considerably reduced by coadministration of folic acid and vitamin B12. Keywords: Chemotherapy - Pemetrexed - Gemcitabine - Lung cancer - Mesothelioma. a gemcitabine est un des agents thérapeutiques principaux dans la prise en charge des carcinomes bronchiques non à petites cellules (CBNPC). Sa place est étudiée aux différents stades de ce cancer et intégrée aux autres stratégies disponibles. La gemcitabine est rejointe maintenant par le pemetrexed, qui va probablement prendre une place importante dans la prise en charge des cancers bronchiques. L’ASCO 2003 a été l’occasion de faire le point sur les dernières études concernant ces médicaments. L * UF d’oncologie thoracique, CHU de Grenoble, Inserm U578. La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 4 - juillet-août 2004 CHIMIOTHÉRAPIE DES CARCINOMES BRONCHIQUES NON À PETITES CELLULES : LES DOUBLETS CONTENANT UN SEL DE PLATINE L’association gemcitabine-cisplatine est une des pierres angulaires de la chimiothérapie des carcinomes bronchiques non à petites cellules (CBNPC). Son efficacité, reproductible d’un essai à l’autre, et son profil favorable de toxicité en font l’un des schémas les plus recommandés en première ligne thérapeutique. L’étude de l’ECOG suggère un avantage significatif de survie sans progression (1). Cette constatation est à la base d’une méta-analyse de treize essais randomisés présentée lors de la World Conference 147 M I S E A U on Lung Cancer (WCLC 2003) (sélection des essais disponibles au 31/12/2002) (2). Les essais qui ont été comparés aux associations comportant de la gemcitabine sont divisée en deux sousgroupes, le premier comportant du cisplatine seul ou associé à des agents de première ou seconde génération tels que : étoposide, ifosfamide, mitomycine, vinblastine (5 essais, environ 1 900 patients), le second avec du cisplatine associé à des agents de troisième génération tels que vinorelbine, taxanes (8 essais environ 2 600 patients). Cette méta-analyse montre que l’association cisplatine-gemcitabine permet une amélioration modeste mais significative de la survie sans progression et de la survie globale (figure 1). Cette amélio- P O I N T ration est claire en ce qui concerne les associations plus anciennes du sous-groupe 1. En ce qui concerne les associations de troisième génération, l’association cisplatine-gemcitabine est au moins aussi efficace en ce qui concerne la survie globale ; il existe en revanche aussi dans ce sous-groupe une amélioration significative de la survie sans progression. L’association gemcitabine-carboplatine a été consacrée en 2002, avec deux présentations (3, 4) (tableau I ). Ainsi, R.M. Rudd (3) avait présenté la comparaison du classique MIP au doublet gemcitabine-carboplatine, avec un avantage significatif en termes de survie en faveur de l’association gemcitabinecarboplatine (médiane de survie de 10,2 mois contre 6,9 mois ; p = 0,0043). C. Sederholm (4), quant à lui, avait comparé l’association gemcitabine-carboplatine à la gemcitabine seule, et montré un bénéfice en termes de réponse objective, de survie sans progression et de survie médiane. En 2003, deux études (5, 6) ont comparé l’association gemcitabine-carboplatine répétée toutes les trois semaines (selon des modalités proches de celles des schémas de Rudd et de Sederholm) au même schéma thérapeutique répété toutes les quatre semaines. Les données présentées dans le tableau II montrent des résultats en faveur du schéma sur trois semaines. L’association gemcitabine-carboplatine est donc une bonne alternative à l’association gemcitabine-cisplatine. La gemcitabine a été étudiée avec un autre sel de platine, l’oxaliplatine. L’association gemcitabine-oxaliplatine (GEMOX) est déjà reconnue en oncologie digestive mais encore non évaluée en oncologie thoracique. L. Crino (7) a présenté une étude chez 54 patients traités par gemcitabine 1 000 mg/m2 à J1, J8 et oxaliplatine 130 mg/m2 à J1 tous les 21 jours. Cette association, dont il faut poursuivre l’évaluation dans cette indication, apparaît d’ores et déjà comme efficace et bien tolérée. Une approche combinée associant gemcitabine-carboplatine et un anticorps monoclonal anti-EGFR (cetuximab) a été présentée (8). Cette association est bien tolérée, les principaux effets secondaires restent ceux que l’on observe avec chacun des médicaments utilisé isolément, sans synergie de toxicité. Le pemetrexed est un antimétabolite inhibant trois enzymes clés du métabolisme des folates (DHFR, TS et GARFT) et prochainement disponible pour les études cliniques. Son rôle en oncologie thoracique s’avère prometteur. Son activité sur les CBNPC en monothérapie a été montrée (9-12). Figure 1. Méta-analyse comparant l’association gemcitabine-sel de platine à d’autres associations de chimiothérapie. Les données à gauche de la ligne médiane sont en faveur de l’association gemcitabin-sel de platine. Tableau I. Études comparant l’association gemcitabine-carboplatine soit à la gemcitabine seule, soit au schéma MIP. Efficacité Traitement Nombre de patients C. Sederholm et al. (ASCO 2002 ; abstract 1162) Gemcitabine 1 250 mg/m2 J1, J8 Carboplatine ASC 5 J1 Cycle 3 semaines Gemcitabine 1 250 mg/m2 J1, J8 Cycle 3 semaines R.M. Rudd et al. (ASCO 2002 ; abstract 1164) Gemcitabine 1 200 mg/m2 J1, J8 Carboplatine ASC 5 J1 Cycle 3 semaines Mitomycine 6 mg/m2 J1, J8 Ifosfamide 3 mg/m2 J1 Cisplatine 50 mg/m2 J1 Cycle 3 semaines 164 170 212 210 Taux de RO 29,6 %* 11,5 % 41 % 41 % Médiane de SSP 6 mois* 4 mois 5,4 mois 5 mois Médiane de SG 10 mois* 9 mois 10,2 mois* 6,9 mois 41 % 32 % 38 % 28 % Survie à 1 an RO : réponse objective ; SSP : survie sans progression ; SG : survie globale ; * p < 0,05. 148 La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 4 - juillet-août 2004 Tableau II. Comparaison de deux schémas de gemcitabine-carboplatine répétés toutes les trois semaines ou toutes les quatre semaines. Efficacité Traitement Nombre de patients C.K. Obasaju et al. (ASCO 2003; abstract 2603) Gemcitabine 1 100 mg/m2 J1, J8 Carboplatine ASC 5 J8 Cycle 4 semaines G.A. Masters et al. (ASCO 2003; abstract 2670) Gemcitabine 1 000 mg/m2 J1, J8 Carboplatine ASC 5 J1 Cycle 3 semaines Gemcitabine 1 100 mg/m2 J1, J8 Carboplatine ASC 5 J8 Cycle 4 semaines Gemcitabine 1 000 mg/m2 J1, J8 Carboplatine ASC 5 J1 Cycle 3 semaines 258 215 48 52 22,8 % 32,7 % 23 % 40 % Médiane de SSP – – 3,7 mois 4,9 mois Médiane de survie globale – – 8,7 mois 7,3 mois Neutropénie grade 3/4 9,1 % 10,7 % 13 % 24 % Thrombopénie grade 3/4 8,3 % 14,4 % 18 % 26 % Taux de RO RO : réponse objective ; SSP : survie sans progression. Tableau III. Comparaison docétaxel-gemcitabine à vinorelbine et cisplatine (* p < 0,01). Décès Médiane (mois) IC 95 % Gem-Doc (n = 155) Cis-V (n = 156) 131 130 11,3 (10,0-12,6) 9,8 (8,2-12,0) Survie à 1 an (%) 47 43 Réponse (%) 31 35,9 Effet indésirable sérieux (%) 21,9 35,9* Neutropénie grade 3-4 (%) 52,3 83,4 Une étude (13) associe ce médicament au carboplatine ou à l’oxaliplatine. Ces deux associations se distinguent, dans ce travail, par un taux de réponse proche de 30 %, qui est comparable à celui des doublets modernes contenant du cisplatine, tout en présentant une toxicité hématologique et non hématologique moins importante. Ces résultats montrent la bonne capacité d’association du pemetrexed. CHIMIOTHÉRAPIE DES CARCINOMES BRONCHIQUES NON À PETITES CELLULES : DOUBLETS SANS CISPLATINE Depuis les comparaisons de chimiothérapie des années 90, le traitement de référence des CBNPC est un doublet comportant un sel de platine. Cette association avec un sel de platine, bien codifiée, reste néanmoins complexe d’utilisation. En effet, la nécessité d’une hydratation abondante et les effets secondaires du cisplatine restreignent souvent son utilisation à l’hospitalisation continue. L’utilisation ambulatoire, préférable en termes de qualité de vie pour le patient et plus simple en termes d’organisation, fait alors appel au carboplatine. L’administration du carboplatine est plus simple mais son équivalence au cisplatine n’est que supposée, sans avoir jamais été vraiment démontrée. Il est donc tentant d’essayer d’associer les nouveaux médicaments de chimiothérapie et de se passer du cisplatine. Plusieurs essais ont étudié les doublets sans platine associant gemcitabine et docétaxel. V. GeorLa Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 4 - juillet-août 2004 goulias (14) a été le premier à comparer l’association gemcitabine-docétaxel à l’association docétaxel-cisplatine, ces deux modalités thérapeutiques ayant des résultats relativement comparables en matière de réponse et de survie. En 2002, S. Kakolyris (15) avait présenté les résultats préliminaires d’une étude de phase III multicentrique randomisée comparant l’association gemcitabine J1 et J8 et docétaxel J8 au schéma vinorelbine J1 et J8 et cisplatine J8. Les cycles de traitement ont été renouvelés tous les 21 jours. Deux cent cinquante et un patients (219 évaluables) ont été randomisés. L’étude montrait des résultats comparables entre l’association gemcitabine-docétaxel et vinorelbinecisplatine. Les résultats de l’étude française pilotée par J.L. Pujol comparant dans une étude de phase III, gemcitabine 1 000 mg/m2 J1 et J8 associé à docétaxel 85 mg/m2 J8 à l’association vinorelbine 30 mg/m2 hebdomadaire et cisplatine 100 mg/m2 J1 ont été présentés lors de la WCLC (tableau III) ( 1 6 ). Cette étude ne démontre pas d’avantage net en termes de survie sans progression du doublet “sans platine”. En revanche, elle montre sa bien meilleure tolérance par rapport au doublet cisplatine-vinorelbine. Les résultats ont été présentés en 2003 lors de la World Conference on Lung Cancer. En 2003 également, plusieurs études se sont intéressées à cette association, trois de phase II (17-19) et une de phase III (20). Cette dernière étude clinique compare gemcitabine-cisplatine à gemcitabine-docétaxel, mais les résultats préliminaires présentés sont trop peu matures pour être commentés. Par contre, les principales caractéristiques des trois études de phase II sont, elles, présentées dans le tableau IV. Les résultats de ces différentes phases II sont assez hétérogènes et ne permettent pas de conclure sur l’utilité de ces associations. En revanche, l’association concomitante gemcitabine à J1 et J8 et docétaxel est possible sans excès de toxicité. Y. Horio (21) a présenté une comparaison de l’association gemcitabine 1 000 mg/m2 J1, J8 et carboplatine aire sous la courbe (ASC) 5 J1 dans un cycle de trois semaines (64 patients) à l’association sans sel de platine gemcitabine 1 000 mg/m2 J1, J8 et vinorelbine 25 mg/m2 J1, J8 dans un cycle de trois semaines (64 patients). Les résultats de cette étude ressemblent beaucoup à ceux d’autres études comparant un doublet traditionnel à un doublet sans sel 149 M I S E A U P O I N T Tableau IV. Schéma thérapeutique et caractéristiques de survie de plusieurs études de phase II associant gemcitabine et docétaxel. Abstract (ASCO 2003) Nombre de patients 2785 22 2846 2698 Gemcitabine Docétaxel RO Médiane de survie 800 mg/m2 J1, J8 40 mg/m2 J1, J8 41 % 8,6 mois 26 1 000 mg/m J1, J8 35 mg/m J1, J8 45 % 12,5 mois 43 1 000 mg/m2 J1, J8 36 mg/m2 J1, J8 10 % 7,75 mois 2 de platine. En effet, la tolérance est meilleure avec le doublet gemcitabine-vinorelbine, puisqu’il y a significativement moins de neutropénies, thrombopénies et anémies de grade 3-4. D’autre part, on retrouve une absence de différence significative en termes de survie entre les modalités thérapeutiques “avec et sans” sel de platine. Cette absence de significativité en termes de survie ressemble malheureusement à celle des autres études comparatives où le doublet “sans cisplatine” n’améliore pas la survie des patients. Une autre étude de phase II (22) comparant vinorelbine-cisplatine, gemcitabine-cisplatine et gemcitabine-vinorelbine conduit à des conclusions similaires, et rejoint celles de l’étude publiée par C. Gridelli (23). L’avenir nous dira si ces schémas sont à même de nous faire sortir de l’ère des doublets contenant du cisplatine. CHIMIOTHÉRAPIE DES PATIENTS ÂGÉS La proportion des sujets âgés augmente. Le cancer est avant tout une maladie liée au vieillissement. Celui-ci s’accompagne d’une altération progressive, mais variable, des fonctions de l’organisme, ce qui entraîne des modifications significatives dans le métabolisme et la pharmacocinétique des médicaments. À ce jour, il n’y a pas de standard consensuel de traitement du cancer bronchique pour les patients âgés. Cependant, plus de 60 % des cancers bronchiques apparaissent chez des patients de plus de 60 ans (dont environ un tiers chez les personnes âgées de 70 ans et plus). Peu d’études se sont intéressées spécifiquement au traitement des patients âgés, et un certain nombre des faits connus actuellement sont le résultat de l’analyse du sous-groupe des patients âgés au sein d’une population de patients cancéreux de tous âges. La grande majorité des phases III disponibles ont été réalisées en Italie. De ces études, il ressort que la monochimiothérapie par gemcitabine ou vinorelbine est probablement le traitement le plus adapté. D’autre part, le fait d’associer gemcitabine et vinorelbine n’améliore pas l’efficacité comparativement à une monochimiothérapie par gemcitabine ou vinorelbine (24). Une monochimiothérapie reste donc pour l’instant un standard pour les CBNPC évolués des patients âgés. En 2003, une étude française (25) a comparé une monothérapie par gemcitabine 1 000 mg/m2 J1, J8, J15 dans un cycle de quatre semaines à la gemcitabine 1 125 mg/m2 J1, J8 dans un cycle de trois semaines. Les résultats de cette comparaison sont présentés dans le tableau V. La dose-intensité administrée est élevée et similaire dans les deux groupes de patients. Le profil de toxicité est à peu près similaire, sauf en ce qui concerne les thrombopénies, les diarrhées et les 150 2 Tableau V. Comparaison gemcitabine-monothérapie chez les personnes âgées selon un protocole répété toutes les trois semaines ou toutes les quatre semaines. E. Quoix et al. (ASCO 2003; abstract 2530) Nombre de patients Âge Gemcitabine 4 semaines Gemcitabine 3 semaines 42 39 74,9 ans 75,2 ans Sexe masculin/féminin 36/6 31/8 Stade (IIIb/IV) 16/26 11/28 Indice de Karnofsky (60-70/> 80) 8/34 11/28 Pourcentage de réponses objectives 14,3 % 28,2 % Temps jusqu’à progression 2,7 mois 3 mois Médiane de SSP 5,1 mois 6,8 mois toxicités de grade 3-4, qui sont sensiblement plus fréquentes, mais sans différence statistiquement significative, dans le groupe de patients traités par le schéma “4 semaines”. Le profil d’efficacité favorise le schéma “3 semaines”, qui apparaît donc comme le schéma le mieux adapté. CHIMIOTHÉRAPIE DES CARCINOMES BRONCHIQUES NON À PETITES CELLULES (CBNPC) EN SITUATION PÉRI-OPÉRATOIRE Une méta-analyse des études randomisées de chimiothérapie réalisées entre janvier 1965 et décembre 1991 (26) a montré que la chimiothérapie adjuvante réduisait le risque de décès de 3 % à 2 ans et de 5 % à 5 ans. Cette méta-analyse a été à la base de l’étude internationale multicentrique IALT (International Adjuvant Lung Trial), présentée par T. Le Chevalier (27), et étudiant, chez des patients opérés, l’intérêt d’une chimiothérapie adjuvante. Le choix du traitement était laissé à l’initiative de chaque centre investigateur, tant en ce qui concerne la stratégie en matière de radiothérapie adjuvante que le choix des médicaments de chimiothérapie. Cependant, la dose totale prévue de cisplatine devait être de 300 à 400 mg/m2 et le cisplatine devait être associé soit à l’étoposide, soit à un vinca-alcaloïde. Mille huit cent soixantesept patients ont été randomisés avec et sans chimiothérapie adjuvante. La chimiothérapie adjuvante, dans cette grande étude randomisée, améliore la survie à 5 ans de 5 %. Cette étude sera un des éléments de réflexion pour la définition d’un nouveau standard dans les stades opérables. Toutefois, les médicaments associés au cisplatine étaient l’étoposide (56 %), la vinorelbine (27 %), La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 4 - juillet-août 2004 Tableau VI. Principales études de l’association gemcitabine-cisplatine utilisée en néoadjuvant. Efficacité Traitements Nombre de patients Cycles Nombre de patients RO clinique RO pathologique Survie à 1 an C.H. Yang (29) M. Van Kooten (30) M. Van Zandwijk (31) M.R. Migliorino (32) S. Antonio et al. (ASCO 2003; abstr. 2669) Gemcitabine 1 000 mg/m2 J1, J8, J15 Gemcitabine 1 250 mg/m2 J1, J8, J15 Gemcitabine 1 000 mg/m2 J1, J8, J15 Gemcitabine 1 250 mg/m2 J1, J8 Gemcitabine 1 250 mg/m2 J1, J8 Cisplatine 90 mg/m2 J15 Cisplatine 100 mg/m2 J1 Cisplatine 100 mg/m2 J2 Cisplatine 70 mg/m2 J2 Cisplatine 75-100 mg/m2 J8 4 semaines 4 semaines 4 semaines 3 semaines 3 semaines 52 29 47 70 62 63,5 % 62 % 70,2 % 57,1 % 68,5 % 5 % (RC) 38,8 % (RC + RP) 53 % (RC + RP) 23 % (RC + RP) – 66 % 61 % 69 % 67 % 77 % RO : réponse objective ; RC : réponse complète ; RP : réponse partielle. la vinblastine (11 %) et la vindésine (6 %). Actuellement, l’utilisation de chimiothérapies plus efficaces et moins toxiques serait à recommander. On sait que la chimiothérapie néoadjuvante améliore la survie dans les petits stades I et II depuis l’étude de A. Depierre (28). On sait également que la chimiothérapie adjuvante l’améliore aussi. Des essais sont en cours, notamment l’essai IFCT 0002 comparant, d’une part, deux stratégies différentes : l’une à la fois pré- et postopératoire et l’autre uniquement préopératoire ; d’autre part, deux associations de chimiothérapie différentes : paclitaxel-carboplatine et gemcitabine-cisplatine. L’association gemcitabine-cisplatine a été l’objet d’une évaluation approfondie en situation néoadjuvante. Plusieurs essais de phase II ont été conduits chez des patients ayant un CBNPC de stade IIIa ou IIIb. Un taux important de réponse allant jusqu’à 70 % (29-32), avec un profil de toxicité acceptable, a été observé. Une étude italienne (33) a évalué l’association gemcitabine-cisplatine chez 62 patients porteurs de stades IIIa N2/IIIb. Le protocole de traitement comportait deux cycles de gemcitabine 1 250 mg/m2 J1, J8 et cisplatine 75-100 mg/m2 J8 répétés toutes les trois semaines. Après deux cycles de traitement, les patients étaient réévalués. Ceux en réponse ou stabilisés continuaient alors un troisième cycle de chimiothérapie, puis soit étaient opérés, soit étaient irradiés, soit, enfin, sortaient du protocole dans le cas d’une progression. Cette nouvelle étude confirme l’efficacité importante de ce protocole en situation néoadjuvante, avec un taux de réponse de 68,5 % qui se compare favorablement avec ceux des études antérieures sur le même sujet (tableau VI). La tolérance au traitement a été bonne. Une étude (34) compare, chez 571 patients en progression après une première ligne de chimiothérapie, l’administration de docétaxel à celle du pemetrexed. Dans cette étude, la plus grande réalisée en seconde ligne, le pemetrexed est comparable au docétaxel en termes de réponse et de survie (tableau VII ; figure 2 ). Cette efficacité est obtenue avec moins d’effets secondaires, que Tableau VII. Caractéristiques cliniques, thérapeutiques et de survie des deux groupes de patients traités dans l’étude comparant docétaxel et pemetrexed en seconde ligne thérapeutique. N.H. Hanna et al. (34) Docétaxel (n = 288) Pemetrexed (n = 283) 57 ans 59 ans ECOG PS 0,1 (%) 13/87 11,7/88,3 Stade (IV) 74,7 % 74,9 % RC ou RP en 1re ligne 36,5 % 35,6 % Âge médian Pourcentage de réponses/stabilisations 8,8/46,4 % 9,1/45,8 % Médiane de survie 2,9 mois 2,9 mois Survie à 1 an 29,7 % 29,7 % RC : réponse complète ; RP : réponse partielle. CHIMIOTHÉRAPIES DE SECONDE LIGNE La chimiothérapie de seconde ligne est souvent proposée aux patients en rechute ou en progression après une première ligne de chimiothérapie. En dépit de sa fréquence, les recommandations thérapeutiques à ce stade sont encore mal définies, une des raisons principales en étant le petit nombre d’agents thérapeutiques efficaces à ce moment de la maladie. Le docétaxel est actuellement le seul médicament enregistré dans cette indication dans les d i f f érentes agences du médicament européennes et nord-américaines. La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 4 - juillet-août 2004 Figure 2. Courbe de survie sans progression des patients traités par pemetrexed ou docétaxel. 151 M I S E A U P O I N T Tableau VIII. Caractéristiques de toxicité (en pourcentage de patients) des deux groupes de patients traités dans l’étude comparant docétaxel à pemetrexed en seconde ligne thérapeutique. Grade 3/4 MTA (pemetrexed) Docétaxel p Neutropénie 5,3 40,1 < 0,01 Neutropénie fébrile 1,9 12,7 < 0,001 Infection 0 3,3 < 0,001 Thrombocytopénie 2 <1 NS Anémie 4,2 4,3 NS Alopécie 6,4 37,7 < 0,01 Hématologique Non hématologique Tableau IX. Conséquences du traitement des deux groupes de patients traités dans l’étude comparant docétaxel à pemetrexed en seconde ligne thérapeutique. MTA (pemetrexed) Docétaxel p 31,7 % 40,6 % = 0,032 Total hospitalisation neutro-fébrile 1,5 % 13,4 % = 0,001 GCSF 2,6 % 19,2 % = 0,001 Érythropoïétine – – NS Transfusion globules rouges – – NS 1 hospitalisation pour effet II ce soit sur le plan hématologique ou non hématologique, moins de recours à l’hospitalisation et moins de recours aux traitements concomitants (tableaux VIII et IX). CHIMIOTHÉRAPIE DES MÉSOTHÉLIOMES Le mésothéliome pleural se présente souvent, au diagnostic, comme une maladie inopérable. La chimiothérapie en représente alors le traitement de référence. Jusqu’en 2002, un nombre relativement faible de médicaments, à l’efficacité en outre limitée, étaient disponibles. Parmi ceux-ci, le cisplatine, l’adriamycine, le méthot r exate, le docétaxel, la gemcitabine, la mitomycine et la vinorelbine ont des taux de réponse en phase II dépassant 10 % en monothérapie. Cependant, au-delà de cette activité, il n’a pas encore été démontré que la chimiothérapie améliorait la durée de vie des patients s o u ffrant de mésothéliome. Le pemetrexed associé au cisplatine a démontré son intérêt dans un essai de phase III présenté pendant le congrès de l’ASCO 2002. Cette étude randomisée internationale (35), la première de cette taille dans les mésothéliomes, a comparé l’association pemetrexed-cisplatine au cisplatine seul. Quatre cent cinquante-six patients ont été inclus d’avril 1999 à mars 2001 (448 patients éligibles). Ils ont été traités soit par pemetrexed 500 mg/m2 et cisplatine 75 mg/m2, soit par cisplatine 75 mg/m2 en monothérapie. Après les 117 premiers patients, l’existence d’un excès de toxicité du traitement par pemetrexed et cisplatine et la corrélation forte entre cette toxicité et un taux élevé d’homocystéine sérique (lequel témoigne d’un déficit fonctionnel en folates) ont entraîné une modification du protocole, avec la systématisation d’un traitement par acide folique et vitamine B12 avant et pendant la chimiothérapie. Le taux de réponse de l’association pemetrexed-cisplatine était élevé, à 41 %, alors que celui du cisplatine 152 était à 17 %. La supplémentation en acide folique et vitamine B12, prescrite pour réduire la toxicité du traitement, n’a pas diminué l’efficacité. Au contraire, c’est dans ce groupe de 167 patients que le taux de réponse a été le plus élevé, à 46 %. De même, la supplémentation en acide folique et vitamine B12 a efficacement contribué à une réduction du profil de toxicité de l’association pemetrexed et cisplatine. L’ensemble des paramètres de survie a été amélioré de façon significative par l’association pemetrexed et cisplatine, puisque la médiane de survie a été de 12,1 mois dans le groupe de patients traités par pemetrexed et cisplatine et de seulement 9,3 mois chez les patients traités par cisplatine seul. Deux présentations ont revisité cette étude en 2003 : l’une s’est intéressée à l’étude de la qualité de vie (36), alors que l’autre a évalué les facteurs pronostiques de la survie (37). Tableau X. Différents sous-groupes de pronostic dans l’étude comparant pemetrexed et cisplatine à cisplatine seul dans les mésothéliomes. (GB : leucocytes ; KPS : index de Karnofsky). R.J. Gralla et al. (36) Profil patient Nombre de patients Survie médiane KPS élevé, stade avancé, épithélial, GB bas 54 20 mois KPS élevé, stade avancé, épithélial, GB bas 73 12,6 mois KPS élevé, stade précoce 61 17,3 mois KPS élevé, stade avancé, autre type histologique 49 7,5 mois KPS bas, épithélial 129 8,4 mois KPS bas, autre type histologique 68 5,7 mois La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 4 - juillet-août 2004 Tableau XI. Contrôle des symptômes dans l’étude comparant pemetrexed et cisplatine à cisplatine seul dans les mésothéliomes. (GB : leucocytes ; KPS : index de Karnofsky.) J.T. Symanowski et al. (37) Échelle LCSS Meso (remplie par le patient) Symptômes thoraciques Douleur 53 < 0,001 Dyspnée 65 < 0,001 Toux 35 < 0,001 Fatigue 72 = 0,01 58 = 0,017 Niveau d’activité – NS Les facteurs pronostiques ont successivement été étudiés par analyse univariée sur les critères potentiels (âge, stade, sexe, supplémentation vitaminique, géographie, race, index de Karnofsky, stade, histologie, date du diagnostic, taux de leucocytes, RT), puis par analyse multivariée sur les critères significatifs. L’association du pemetrexed au cisplatine améliore la survie des patients présentant les meilleurs facteurs pronostiques (index de Karnofsky élevé, stade avancé, type épithélial, taux de leucocytes bas) (tableau X). En ce qui concerne la qualité de vie, celle-ci a été évaluée (36) en utilisant l’échelle LCSS Meso et l’amélioration des symptômes. Le taux de retour des questionnaires est excellent, puisque ceux-ci étaient disponibles chez 431 des 448 patients. Les résultats à 1 8 semaines montrent une amélioration significative de la qualité de vie globale (p = 0,012), ainsi qu’une amélioration des symptômes (p = 0,0004) (tableau XI). Le pemetrexed associé au cisplatine représente probablement l’association de référence dans cette indication ; il peut actuellement être obtenu par le biais d’une “Autorisation temporaire d’utilisation” nominative. CONCLUSION L’intérêt de l’association gemcitabine-cisplatine est conforté par de nouvelles études démontrant une efficacité reproductible. Une méta-analyse a confirmé un avantage en matière de survie sans progression quand on la compare à des schémas thérapeutiques plus anciens. Le carboplatine associé à la gemcitabine représente une alternative au doublet gemcitabine-cisplatine, avec notamment un bon profil de tolérance. La question des doublets sans sel de platine n’est pas complètement résolue. L’efficacité de l’association gemcitabine-cisplatine est également démontrée en induction. Le pemetrexed (Alimta ®) confirme être un médicament bien toléré et à l’efficacité prometteuse, tant dans les CBNPC que dans les mésothéliomes. É F É R E N C E S B I B L I O G R A p Anorexie Symptômes généraux R Pourcentage de patients à l’inclusion P H I Q U E S 1. Schiller JH, Harrington D, Belani CP et al., Eastern Cooperative Oncology Group. Comparison of four chemotherapy regimens for advanced non-smallcell lung cancer. N Engl J Med 2002;346:92-8. 2. Le Chevalier T, Brown A et al. Gemcitabine in the treatment of non-smallcell lung cancer (NSCLC): a meta-analysis of survival and progression free survival data. Lung Cancer 2003;41(Suppl. 2):70. La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 4 - juillet-août 2004 3. Rudd RM, Gower NH, James LE et al. Phase III randomised comparison of gemcitabine and carboplatin with mitomycin, ifosfamide and cisplatin (MIP) in advanced non-small-cell lung cancer (NSCLC). Proc Am Soc Clin Oncol 2002;20:abstract 1164. 4. Sederholm C. 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La première partie de cette manifestation a été consacrée à la coqueluche : “Pourquoi des rappels vaccinaux tardifs ?” Plus de trente ans après la mise en place de la vaccination anticoquelucheuse, il a été observé, en France, une augmentation du nombre de cas de coqueluche liée à l’absence de rappel vaccinal après 18 mois. La plupart des cas de coqueluche grave surviennent chez des enfants de moins de 6 mois, trop jeunes pour avoir eu le temps d’être vaccinés. Les contaminateurs sont, dans 35 à 50 % des cas, leurs parents ou leurs frères et sœurs qui ne sont plus 154 protégés et présentent des formes souvent frustes de la maladie. La mise au point de vaccins acellulaires mieux tolérés permet de faire des rappels tardifs. La diminution de la morbi-mortalité coquelucheuse passe par la vaccination précoce des nourrissons dès l’âge de 2 mois, un second rappel vers 11-13 ans, et un rappel chez l’adulte jeune pour ceux qui n’ont pu en bénéficier, non pas pour eux-mêmes mais pour éviter qu’ils ne contaminent de très jeunes enfants de leur entourage. Repevax®, nouvelle combinaison vaccinale (diphtérie à dose réduite, tétanos, coqueluche acellulaire et poliomyélite inactivée) bientôt disponible, devrait permettre une vaccination de rappel des adultes contre la coqueluche au moment des rendez-vous classiques DTP ou TP. La deuxième partie de cette journée a permis de présenter Varivax®, nouveau vaccin pour l’enfant contre la varicelle. La varicelle est une infection virale fréquente, hautement contagieuse et généralement bénigne. Toutefois, elle peut se compliquer dans 3 à 5 % des cas, avec hospitalisation et parfois décès. Varivax®, utilisé depuis 1995 aux États-Unis, a démontré une excellente efficacité, associée à une bonne tolérance. Les études ont montré une efficacité contrôlée de 95 à 100 % sur une période de 2 ans et une efficacité à long terme comprise entre 83 et 94 % sur un suivi de 7 à 9 ans. Aux États-Unis, la vaccination généralisée par Varivax® a permis de faire diminuer de plus de 80 % l’incidence de la varicelle. La vaccination dans les 3 à 5 jours qui suivent une exposition à la varicelle peut en empêcher la survenue ou en modifier le développement. L’administration par voie sous-cutanée du vaccin est très immunogène. Les anticorps antivaricelle persistent au moins 6 ans après la vaccination. L’association avec d’autres vaccins pédiatriques, type ROR, ne modifie pas la réponse immunitaire. Varivax® a obtenu son AMM en France, où il est indiqué chez les sujets âgés de plus de un an. MP La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 4 - juillet-août 2004