dossier thématique
Cancer de la vessie
chez le sujet âgé
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. III - no 1 - janvier-février-mars 2012
3434
pour le cisplatine. Une première étude de phase II
a testé l’effi cacité d’une chimiothérapie par gemci-
tabine 1 000 mg/m2 + carboplatine, ASC (aire sous
la courbe) 4, administrée tous les 21 jours, dans une
population (n = 56) défi nie par un Performance Status
(PS) supérieur ou égal à 2, et/ou un âge supérieur à
75 ans et/ou une clairance de la créatinine inférieure
à 50 ml/mn : la médiane de survie globale était de
7,2 mois, 2 décès toxiques ayant été constatés ;
les principales toxicités de grades 3-4 étaient l’anémie
(18 %), la thrombopénie (16 %) et la neutropénie
(27 %). Les auteurs de l’étude concluaient à un choix
raisonnable pour ce type de protocole. La même
équipe (9) a testé, dans une nouvelle phase II, l’asso-
ciation gemcitabine 1 250 mg/m2 + carboplatine,
ASC 2,5, tous les 15 jours (n = 38). Une évaluation
gériatrique était incluse pour les plus de 70 ans. L’étude
stratifi ait les patients en 3 groupes selon les scores
d’évaluation gériatrique ADL (Activity of Daily Living)
et IADL (Instrumental Activity of Daily Living) et le score
de comorbidités (groupe 1 : absence de dépendance
ou de comorbidité ; groupe 2 : dépendant sur le score
IADL, ou 1 ou 2 comorbidités ; groupe 3 : dépendant
sur le score ADL et au moins 2 comorbidités).
Une meilleure survie sans progression était retrouvée
dans les groupes 1 et 2 (6,9 mois) que dans le groupe 3
(1,9 mois). B. Castagneto et al. (10) ont testé, dans une
phase II, la gemcitabine en monochimiothérapie chez
25 patients âgés de 71 à 87 ans, non sélectionnés : le
taux de réponse était de 45,5 %, la médiane de survie
étant de 8 mois et 4 toxicités de grades 3-4 (1 digestive
et 3 neutropénies) ayant été constatées. Il n’y avait pas
de modifi cation du statut fonctionnel de la personne
âgée. À l’inverse, N. Tanji et al. (7) ont évalué la faisa-
bilité d’une association par gemcitabine + cisplatine
chez 12 patients de plus de 80 ans ; les résultats sont
comparables avec ceux des patients de moins de
75 ans, la médiane de survie étant de 14 mois et le taux
de réponse objective supérieur à 40 %. Les toxicités
de grades 3-4 étaient seulement hématologiques et
il n’a pas été rapporté de décès toxique.
M. de Santis et al. (11) viennent de publier les résultats
de la première étude randomisée de phase II/III de
l’EORTC comparant 2 combinaisons de chimio thérapie
à base de carboplatine chez 238 patients métasta-
tiques unfi t au cisplatine. Il n’a pas été retrouvé de
diff érence signifi cative en termes de médiane de survie
globale entre l’association gemcitabine, carboplatine
(9,3 mois) et le M-CAVI (méthotrexate, carboplatine,
vinblastine ; 8,1 mois) [p = 0,64]. L’incidence des
toxicités aiguës sévères était plus importante avec
le M-CAVI.
L’oxaliplatine a-t-il une place ?
L’étude V01 du GETUG (12), comparant la gemcitabine
seule au GEMOX (gemcitabine, oxaliplatine) chez des
patients unfi t, a été arrêtée après 44 patients : le GEMOX
n’avait pas atteint l’objectif fixé de 7 réponses à la
première étape du protocole (plan de Fleming). L’âge
moyen était de 76 ans.
Discussion
Les données de la littérature concernant les personnes
âgées restent peu concluantes sur l’indication péri-
opératoire et se confondent avec celles des patients
unfi t pour l’indication métastatique. Cependant, l’âge
seul ne suffi t pas à défi nir un patient unfi t au cisplatine
et il est important en pratique de traiter à leur juste
mesure ces sujets non nécessairement fragiles. Il nous
faut donc considérer chaque personne âgée sous l’angle
d’une évaluation oncogériatrique en ayant recours
à des outils effi caces standardisés. Cette évaluation
permet de faire la part entre l’âge et les comorbi-
dités, inconstamment associés. Car l’âge n’est ni un
facteur pronostique de survie ni un facteur prédictif de
réponse à une chimiothérapie dans les études portant
sur les tumeurs urothéliales, tout âge confondu. Plus
précisément, dans le sous-groupe de patients de plus
de 75 ans, C. Bolenz et al. (16) ont montré de manière
rétrospective (n = 206), que l’état général (indice de
Karnofsky, PS < 80 %, p = 0,001), le diagnostic à un
stade plus avancé du carcinome urothélial (p = 0,019)
et un score de comorbidités (score de Charlson) plus
élevé (p = 0,007) constituaient 3 facteurs pronostiques
indépendants de survie.
L’analyse en sous-groupes, voire la stratifi cation de
grandes études randomisées pour une population
d’au moins 75 ans, nous permettraient de disposer
de données plus robustes. À l’image de la patho-
logie prostatique, il pourrait se construire des essais
prospectifs posant clairement la question des modalités
de la chimiothérapie chez les plus de 75 ans en
défi nissant l’objectif principal le plus approprié (survie
globale, survie spécifi que, survie sans progression ou
qualité de vie avec autonomie ?) et en stratifi ant selon
des scores d’évaluation gériatrique comme l’a instauré
en 2004 l’étude de A. Bamias (8). ■