Mise au point
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La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 7 - septembre 2007
à la recherche de métastases ganglionnaires non perceptibles
à l’examen clinique. En raison de facteurs de risque communs,
l’alcool et le tabac, une proportion de 15 à 20 % de cancers ORL
synchrones est observée avec les carcinomes épidermoïdes
œsophagiens (21). Un examen ORL systématique est ainsi
indiqué lors d’un diagnostic de cancer de l’œsophage.
En fait, compte tenu du caractère complémentaire de l’ensemble
des examens, la plupart des cliniciens utilisent une classification
clinique et paraclinique composite fondée essentiellement sur
l’examen clinique, le scanner et la PET-FDG pour l’extension
métastatique et sur l’échoendoscopie pour les données relatives
à l’extension locorégionale.
PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE
DES CANCERS NON MÉTASTATIQUES
La prise en charge thérapeutique des cancers de l’œsophage est
multidisciplinaire et elle dépend du caractère localisé (T1-T2 ;
N0) ou non de la tumeur (Tx, N+). Les modalités thérapeu-
tiques reposent sur la chirurgie, la radiothérapie et la chimio-
thérapie.
Chirurgie seule
Les résultats de deux méta-analyses, réalisées respectivement
sur 121 et 130 publications pour les périodes 1970-1980 et 1980-
1990 (22, 23), ont souligné les limites de la chirurgie seule dans
le traitement des cancers de l’œsophage localement avancés.
En effet, ces études suggèrent que si la mortalité opératoire a
diminué (16 à 8 %), la survie à 5 ans ne dépasse pas 20 % (24,
25). Si la chirurgie d’exérèse est actuellement considérée comme
le traitement de référence des formes localisées (T1-T2 ; N0 ;
M0) avec des résultats de l’ordre de 30 % de survie à 5 ans, les
résultats de la chirurgie seule restent décevants pour les formes
plus évoluées. Ces résultats sont toutefois à pondérer selon
3 variables pronostiques susceptibles d’influencer la survie
globale à 5 ans après chirurgie d’exérèse : le caractère curatif du
geste chirurgical, l’extension pariétale et ganglionnaire. La survie
globale à 5 ans est de 5 % en cas de résection non microscopi-
quement complète (R1) et passe de 25 à 40 % en cas de résection
chirurgicale microscopiquement complète (R0). Les résultats
de la chirurgie palliative sont particulièrement décevants avec
0 à 9 % de survie à 5 ans (26). Concernant l’extension pariétale, la
survie à 5 ans se situe entre 45 et 70 % pour des lésions limitées
à la sous-muqueuse, entre 30 et 35 % pour des lésions limitées
à la musculeuse et entre 10 et 15 % pour les lésions atteignant
l’adventice (27). Le statut ganglionnaire est également un facteur
pronostique important puisque la survie à 5 ans est de l’ordre de
9 à 27 % en cas de ganglions envahis (N+) contre 44 à 66 % en cas
d’absence d’envahissement ganglionnaire (28). Le pronostic varie
également selon le nombre et surtout selon le pourcentage de
ganglions envahis. Ainsi, un nombre de 4 ganglions envahis ou
une proportion de 20 % sur l’ensemble examiné ont été corrélés
à une survie nulle à 5 ans (29). Un autre facteur limitant de
la chirurgie est la mortalité opératoire, qui est actuellement
de 5 à 10 %, que les équipes chirurgicales et anesthésiques soient
ou non spécialisées (20, 28). Les causes principales de décès sont
pulmonaires et médiastinales. La morbidité postopératoire est
de l’ordre de 35 %. Il s’agit, à parts égales, de fistules cervicales
(5 %) et intrathoraciques (16 %), de complications pulmonaires
et diverses (sténoses anastomotiques, chylothorax, paralysie
récurrentielle), la plupart de ces chiffres ayant été obtenus le plus
souvent sur une population de patients sélectionnés car jugés
opérables. En effet, les nombreux critères de non-opérabilité
(perte pondérale supérieure à 15 %, insuffisance respiratoire
documentée par une amputation de 40 à 45 % des paramètres
respiratoires, une hypoxémie de repos, un infarctus du myocarde
datant de moins de 6 mois, une cirrhose hépatique) excluent
toute possibilité de résection chirurgicale pour environ 60 %
des patients (30). Ces différentes observations soulignent les
difficultés de la chirurgie comme seule thérapeutique curative
des formes localement évoluées.
Thérapeutiques combinées
Trois approches principales ont été étudiées pour optimiser la
prise en charge thérapeutique du cancer de l’œsophage locale-
ment évolué : la chimiothérapie néoadjuvante, la RCT conco-
mitante néoadjuvante et enfin la RCT exclusive. Le rationnel
des thérapeutiques combinées est fondé sur la potentialisa-
tion des effets antitumoraux des différents traitements. Ainsi,
l’irradiation préopératoire a pour but théorique de permettre
une réduction significative du volume tumoral, de stériliser
les ganglions péritumoraux envahis et de réduire les risques
de dissémination tumorale lors du geste de résection. L’asso-
ciation à cette irradiation d’une chimiothérapie repose sur ses
effets antitumoraux locaux secondaires aux phénomènes de
radiosensibilisation et sur ses effets antitumoraux systémiques
qui limitent la dissémination métastatique.
L’étude de ces différentes combinaisons thérapeutiques dans
les cancers de l’œsophage localement évolués a été progres-
sive. Historiquement, il faut remonter au début des années
1980 pour retrouver les premiers essais randomisés sur l’étude
des thérapeutiques combinées comme alternatives possibles
aux deux traitements considérés alors comme la référence, la
chirurgie d’exérèse et la radiothérapie exclusive, deux options
pour lesquelles la médiane de survie était inférieure à 10 mois
et la survie globale à 5 ans allait de 5 à 10 %.
Chimiothérapie préopératoire
L’étude randomisée de D.P. Kelsen comparait la chimiothérapie
préopératoire à la chirurgie seule (31). Parmi les malades inclus,
53,6 % étaient porteurs d’un cancer de type adénocarcinome.
Après randomisation, 204 patients ont reçu une chimiothérapie
préopératoire à base de 5-FU-cisplatine versus 217 traités par
chirurgie seule. La médiane de survie était de 16,1 mois pour
la chirurgie seule versus 14,9 mois pour le traitement combiné,
sans différence selon le type histologique. Soulignons que, parmi
les patients recevant un traitement combiné, seuls deux tiers
ont pu compléter les trois cycles de chimiothérapie prévus,
et qu’une rémission clinique totale ou partielle a été observée
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