HGE-EBM maq. 13/01/03 13:15 Page 291 Cancérologie La radiothérapie préopératoire est-elle indiquée dans les cancers de l’œsophage potentiellement résécables ? Ce qu’il faut retenir L’intérêt de la radio!chimiothérapie préopé! ratoire en cas de cancer de l’œsophage potentiellement résécable n’est pas actuel! lement démontré (un seul essai critiquable positif en termes de survie)" Ce traitement n’est justifié que dans le cadre d’essais thé! rapeutiques" Dans l’essai intergroupes FFCD Niveau de preuve T 2 vec une survie à 5 ans de l’ordre de 10 %, le pronostic des cancers de l’œsophage reste très mauvais. La chirurgie n’est réalisable que chez une minorité de patients, en particulier du fait du terrain (en cas de carcinome épidermoïde) ou de l’extension tumorale. Après une chirurgie à visée curative, le taux de rechutes locales est d’environ un tiers, et celui de rechutes locales associées à une maladie métastatique similaire. Cela explique que des associations de radio-chimiothérapie aient été évaluées en préopératoire ou même comme alternative à la chirurgie. Plusieurs essais pilotes ont montré la faisabilité de cette approche. La majorité des patients traités avaient un carcinome épidermoïde de l’œsophage, et ont reçu une irradiation à une dose inférieure ou égale à 45 Gy avec une association 5-FU-cisplatine selon des modalités variées (radio-chimiothérapie concomitante ou séquentielle). Globalement, la mortalité liée à la radio-chimiothérapie était d’environ 2 % et la mortalité postopératoire inférieure à 10 %. La résection était satisfaisante dans 80 % des cas (dont 20-25 % de pièces stérilisées), et la survie à 3 ans d’environ 50 % dans certaines séries. Différents essais comparant radio-chimiothérapie préopératoire versus chirurgie seule ont ensuite été publiés avec des résultats moins probants puisque la plupart on été négatifs en termes de gain de survie (1-5) (tableau, p. suivante). # #$% comparant radio!chimiothérapie pré! opératoire versus chirurgie seule dans les carcinomes épidermoïdes de l’œsophage& un schéma étalé de radio!chimiothérapie& a priori non toxique& est actuellement en cours d’évaluation" Le seul essai ayant montré un gain de survie est celui de Walsh et al. qui a inclus des patients atteints d’adénocarcinome de l’œsophage ou du cardia (3). La survie à 3 ans était de 32 % dans le bras radio-chimiothérapie préopératoire versus 6 % dans le bras chirurgie seule. Ces résultats ont toutefois été critiqués, du fait des lacunes méthodologiques de l’étude et du taux de survie extrêmement faible dans le bras chirurgie seule. Dans l’essai d’Urba et al., 100 patients (ayant un adénocarcinome dans 75 % des cas) ont été randomisés entre radio-chimiothérapie préopératoire (5-FU-cisplatine-vinblastine et 45 Gy hyperfractionné) versus chirurgie seule (4). La survie médiane était de 16,9 mois dans le bras expérimental et de 17,6 mois dans le bras chirurgie. Bien que la survie soit de 30 % à 3 ans dans le bras traitement préopératoire versus 16 % dans le bras chirurgie seule, la différence n’était pas significative, peut-être du fait d’une importance insuffisante de l’étude. La mortalité opératoire n’était pas augmentée dans le bras radio-chimiothérapie préopératoire, mais ce traitement était mal toléré (neutropénie fébrile chez 39 % des patients et nutrition entérale pour œsophagite chez 63 %). L’essai randomisé commun réalisé par la Fondation française de cancérologie digestive et l’EORTC a inclus un nombre élevé de patients atteints de carcinomes épidermoïdes de l’œsophage uniquement (n = 297) et sa méthodologie était rigoureuse (5). Le traitement préopératoire dans le bras expérimental comportait une chimiothérapie par cisplatine et une radiothérapie concentrée de type split course (37 Gy en deux séries de 18,5 Gy en 5 fractions). Cette étude a montré un gain en termes de survie sans récidive et de taux d’exérèse complète (81 versus 68,5 %) dans le bras traitement combiné. Malheureusement, la survie globale à 3 ans était La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. V - novembre-décembre 2002 291 HGE-EBM maq. 13/01/03 13:15 Page 292 Xä | w x Ç v x @ u t á x w Å x w | v | Ç x Tableau. Radio-chimiothérapie préopératoire versus chirurgie seule dans le cancer de l’œsophage. Auteur Nombre de patients Traitement Survie Apinop et al. (1) 69 40 Gy + 5-FU-cisplatine préop. versus chirurgie seule 24 % 10 % à 5 ans (NS) Le Prise et al. (2) 86 20 Gy + 5-FU-cisplatine préop. versus chirurgie seule 19 % 14 % à 3 ans (NS) Walsh et al. (3) 113 40 Gy + 5-FU-cisplatine préop. versus chirurgie seule 32 % 6% à 3 ans (p = 0,001) Urba et al. (4) 100 45 Gy + 5-FU-cisplatine-vinblastine versus chirurgie seule 30 % 16 % à 3 ans (NS) Bosset et al. (5) 297 37 Gy + cisplatine préop. versus chirurgie seule 24 % 22 % à 5 ans (NS) identique dans les deux groupes, probablement du fait d’une mortalité postopératoire augmentée (12,3 versus 3,6 %). Depuis que cette étude a été réalisée, on sait que les modalités de la radiochimiothérapie n’étaient pas optimales (cisplatine non concomitant, split course de 15 jours). L’intérêt de la radio-chimiothérapie préopératoire dans le cancer de l’œsophage potentiellement résécable n’est pas actuellement démontré. De nouveaux essais sont donc indispensables avec des modalités de radio-chimiothérapie modernes potentiellement plus efficaces et mieux tolérées. R É F É R E N C E S 1. Apinop C, Puttisak P, Preecha N. A prospective study of combined therapy in esophageal cancer. Hepatogastroenterology 1994 ; 41 : 391-3 2. Le Prise E, Etienne PL, Meunier B et al. A randomized study of chemotherapy, radiation therapy, and surgery versus surgery for localized squamous cell carcinoma of the esophagus. Cancer 1994 ; 73 : 1779-84. 3. Walsh TN, Nooman N, Holywood D et al. A comparison of multimodal therapy and surgery for esophageal adenocarcinoma. N Engl J Med 1996 ; 335 : 462 7. 292 4. Urba SG, Orringer MB, Turrisi A et al. Randomized trial of preoperative chemoradiation versus surgery alone in patients with locoregional esophageal cancer. J Clin Oncol 2001 ; 19 : 305-13 . 5. Bosset JF, Gignoux M, Triboulet JP et al. Chemoradiotherapy followed by surgery compared with surgery alone in squamous-cell cancer of the esophagus. N Engl J Med 1997 ; 337 : 161-7. Autres ? uestions non résolues ◆ Comment optimiser le protocole de radio-chimiothérapie ? ◆ Une chimiothérapie pourrait-elle encadrer la radio-chimiothérapie ? ◆ Quelle peut-être la place d’autres drogues de chimiothérapie comme les taxanes ? ◆ Pourra-t-on bientôt prédire la sensibilité de la tumeur à la radio-chimiothérapie ? La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. V - novembre-décembre 2002