La radiothérapie préopératoire est-elle indiquée dans

La radiothérapie préopératoire est-elle indiquée dans
les cancers de l’œsophage potentiellement résécables ?
Cancérologie
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. V - novembre-décembre 2002 291
vec une survie à 5 ans de l’ordre de 10%, le pro-
nostic des cancers de l’œsophage reste très mau-
vais. La chirurgie n’est réalisable que chez une minorité de
patients, en particulier du fait du terrain (en cas de carcinome épi-
dermoïde) ou de l’extension tumorale. Après une chirurgie à visée
curative, le taux de rechutes locales est d’environ un tiers, et celui
de rechutes locales associées à une maladie métastatique simi-
laire. Cela explique que des associations de radio-chimiothéra-
pie aient été évaluées en préopératoire ou même comme alterna-
tive à la chirurgie.
Plusieurs essais pilotes ont montré la faisabilité de cette approche.
La majorité des patients traités avaient un carcinome épidermoïde
de l’œsophage, et ont reçu une irradiation à une dose inférieure
ou égale à 45 Gy avec une association 5-FU-cisplatine selon des
modalités variées (radio-chimiothérapie concomitante ou séquen-
tielle). Globalement, la mortalité liée à la radio-chimiothérapie
était d’environ 2% et la mortalité postopératoire inférieure à 10%.
La résection était satisfaisante dans 80% des cas (dont 20-25%
de pièces stérilisées), et la survie à 3 ans d’environ 50% dans cer-
taines séries. Différents essais comparant radio-chimiothérapie
préopératoire versus chirurgie seule ont ensuite été publiés avec
des résultats moins probants puisque la plupart on été négatifs en
termes de gain de survie (1-5) (tableau, p. suivante).
Le seul essai ayant montré un gain de survie est celui de Walsh
et al. qui a inclus des patients atteints d’adénocarcinome de l’œ-
sophage ou du cardia (3). La survie à 3 ans était de 32% dans le
bras radio-chimiothérapie préopératoire versus 6% dans le bras
chirurgie seule. Ces résultats ont toutefois été critiqués, du fait
des lacunes méthodologiques de l’étude et du taux de survie
extrêmement faible dans le bras chirurgie seule.
Dans l’essai d’Urba et al., 100 patients (ayant un adénocarcinome
dans 75% des cas) ont été randomisés entre radio-chimiothéra-
pie préopératoire (5-FU-cisplatine-vinblastine et 45 Gy hyper-
fractionné) versus chirurgie seule (4). La survie médiane était de
16,9 mois dans le bras expérimental et de 17,6 mois dans le bras
chirurgie. Bien que la survie soit de 30% à 3 ans dans le bras trai-
tement préopératoire versus 16% dans le bras chirurgie seule, la
différence n’était pas significative, peut-être du fait d’une impor-
tance insuffisante de l’étude. La mortalité opératoire n’était pas
augmentée dans le bras radio-chimiothérapie préopératoire, mais
ce traitement était mal toléré (neutropénie fébrile chez 39% des
patients et nutrition entérale pour œsophagite chez 63%).
L’essai randomisé commun réalisé par la Fondation française de
cancérologie digestive et l’EORTC a inclus un nombre élevé de
patients atteints de carcinomes épidermoïdes de l’œsophage uni-
quement (n=297) et sa méthodologie était rigoureuse (5). Le trai-
tement préopératoire dans le bras expérimental comportait une
chimiothérapie par cisplatine et une radiothérapie concentrée de
type split course (37 Gy en deux séries de 18,5 Gy en 5 fractions).
Cette étude a montré un gain en termes de survie sans récidive et
de taux d’exérèse complète (81versus 68,5%) dans le bras trai-
tement combiné. Malheureusement, la survie globale à 3 ans était
T
Niveau de preuve
2
2
L’intérêt de la radio!chimiothérapie préopé!
ratoire en cas de cancer de l’œsophage
potentiellement résécable n’est pas actuel!
lement démontré (un seul essai critiquable
positif en termes de survie)" Ce traitement
n’est justifié que dans le cadre d’essais thé!
rapeutiques" Dans l’essai intergroupes FFCD
##$% comparant radio!chimiothérapie pré!
opératoire versus chirurgie seule dans les
carcinomes épidermoïdes de l’œsophage& un
schéma étalé de radio!chimiothérapie& a
priori non toxique& est actuellement en
cours d’évaluation"
Ce qu’il f
Ce qu’il fa
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identique dans les deux groupes, probablement du fait d’une mor-
talité postopératoire augmentée (12,3 versus 3,6%). Depuis que
cette étude a été réalisée, on sait que les modalités de la radio-
chimiothérapie n’étaient pas optimales (cisplatine non concomi-
tant, split course de 15 jours).
L’intérêt de la radio-chimiothérapie préopératoire dans le cancer
de l’œsophage potentiellement résécable n’est pas actuellement
démontré. De nouveaux essais sont donc indispensables avec des
modalités de radio-chimiothérapie modernes potentiellement plus
efficaces et mieux tolérées.
1.
Apinop C, Puttisak P, Preecha N. A prospective study of combined therapy in
esophageal cancer. Hepatogastroenterology 1994 ; 41 : 391-3
2.
Le Prise E, Etienne PL, Meunier B et al. A randomized study of chemothera-
py, radiation therapy, and surgery versus surgery for localized squamous cell car-
cinoma of the esophagus. Cancer 1994 ; 73 : 1779-84.
3.
Walsh TN, Nooman N, Holywood D et al. A comparison of multimodal thera-
py and surgery for esophageal adenocarcinoma. N Engl J Med 1996 ; 335 : 462
7.
4.
Urba SG, Orringer MB, Turrisi A et al. Randomized trial of preoperative che-
moradiation versus surgery alone in patients with locoregional esophageal can-
cer. J Clin Oncol 2001 ; 19 : 305-13 .
5.
Bosset JF, Gignoux M, Triboulet JP et al. Chemoradiotherapy followed by sur-
gery compared with surgery alone in squamous-cell cancer of the esophagus. N
Engl J Med 1997 ; 337 : 161-7.
Comment optimiser le protocole
de radio-chimiothérapie ?
Une chimiothérapie pourrait-elle encadrer
la radio-chimiothérapie ?
Quelle peut-être la place d’autres drogues
de chimiothérapie comme les taxanes ?
Pourra-t-on bientôt prédire la sensibilité
de la tumeur à la radio-chimiothérapie ?
?
?
uestions non résolues
Autres
RÉFÉRENCES
Auteur Nombre de patients Traitement Survie
Apinop et al. (1) 69 40 Gy + 5-FU-cisplatine préop. 24 %
versus chirurgie seule 10 %
à 5 ans (NS)
Le Prise et al. (2) 86 20 Gy + 5-FU-cisplatine préop. 19 %
versus chirurgie seule 14 %
à 3 ans (NS)
Walsh et al. (3) 113 40 Gy + 5-FU-cisplatine préop. 32 %
versus chirurgie seule 6 %
à 3 ans (p = 0,001)
Urba et al. (4) 100 45 Gy + 5-FU-cisplatine-vinblastine 30 %
versus chirurgie seule 16 %
à 3 ans (NS)
Bosset et al. (5) 297 37 Gy + cisplatine préop. 24 %
versus chirurgie seule 22 %
à 5 ans (NS)
Tableau. Radio-chimiothérapie préopératoire versus chirurgie seule dans le cancer de l’œsophage.
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