La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 10 - décembre 2010 | 583
Points forts
»
Le carcinome hépatocellulaire et le cholangiocarcinome sont des problèmes majeurs de santé publique,
du fait de leur incidence en constante progression, de la fréquence des stades tardifs au moment du
diagnostic et de la pauvreté de l’arsenal thérapeutique dans cette situation.
»
Le sorafénib est la seule thérapie ciblée validée dans le carcinome hépatocellulaire avancé. Les progrès
obtenus avec cette molécule ne doivent pas cacher les limites observées en pratique clinique en termes de
résistance, d’intolérance, d’évaluation tumorale, d’absence de marqueurs prédictifs de réponse et de coût.
»La première étape est franchie, mais l’avenir sera encore plus passionnant avec l’extension des indica-
tions du sorafénib, l’arrivée d’autres molécules ouvrant la voie à un esprit de compétition pour le bien du
malade, de la recherche clinique et des études translationnelles.
Mots-clés
Carcinome
hépatocellulaire
Cholangiocarcinome
Angiogenèse
Antiangiogéniques
Sorafénib
Highlights
Only six pages to summarize all
that is currently happening in
hepatocellular carcinoma are
overwhelmingly insufficient.
The approval of sorafenib
in advanced HCC has just
opened the door to investi-
gate a plethora of molecules
in different settings. Physi-
cians and researchers are now
required to solve several issues
of clinical practice, and the
task will be challenging. HCC
is a very complex tumor and
many disturbed pathways are
implicated in hepatocarcino-
genesis. There is an unmet
need to identify key targets for
streamlines treatment in HCC.
Translational research (such
as the study of pathological
and molecular changes under
sorafenib before and after
surgery, NCT01182272) could
be an option to improve our
knowledge in this field.
Cholangiocarcinoma is rather
victim of less interest and
research should go toward
a better understanding of its
carcinogenesis in order to
improve its management.
Keywords
Hepatocellular carcinoma
Cholangiocarcinoma
Angiogenesis
Antiangiogenics
Sorafenib
Ce bénéfice est surtout lié à l’amplitude du gain,
puisque le HR était de 0,69 (IC
95
: 0,55-0,87 ;
p = 0,00058). Autrement dit, le sorafénib prolon-
geait la SG de 44 % et diminuait le RR de décès de
31 % chez les patients atteints de CHC avancé (4).
Le même bénéfice clinique et la même amplitude
de gain (avec des HR similaires en tous points) ont
été rapportés dans l’étude Asie-Pacifique. Même en
traitant une population de patients atteints de CHC
plus avancé (avec une hépatopathie sous-jacente
majoritairement d’origine virale B), le sorafénib
augmentait la médiane de SG à 6,5 mois alors qu’elle
était de 4,2 mois pour le placebo (HR = 0,68 ; IC95 :
0,50-0,93 ; p = 0,014) [5].
Globalement, la tolérance du traitement était bonne
dans les 2 études (4, 5). La majorité des effets
secondaires liés au sorafénib étaient l’asthénie, la
diarrhée et le syndrome main-pied. Moins de 10 %
des patients ont développé des toxicités de grade
supérieur ou égal à 3. Un point essentiel est que le
sorafénib n’augmentait pas le risque hémorragique,
qui est une complication grave chez ces patients.
Actuellement, le sorafénib est approuvé dans plus
d’une quarantaine de pays. Il représente le traite-
ment de référence des patients atteints de CHC
avancés, avec un état général conservé (grade
OMS ≤ 2) et une cirrhose compensée, chez qui des
traitements spécifiques en première intention (trans-
plantation hépatique, résection, ablation locale ou
chimioembolisation) ne sont pas possibles, ou qui
sont en récidive après de tels traitements.
Le sorafénib en pratique
quotidienne
Du fait de l’élargissement de l’utilisation du sorafénib
et d’une meilleure expérience avec cette molécule,
de nouvelles problématiques ont émergé. Dans les
essais cliniques, le bénéfice d’un traitement est géné-
ralement démontré sur une population de patients
sélectionnés. En pratique courante, les praticiens
traitant des patients atteints de CHC avec le sora-
fénib sont à l’inverse constamment confrontés à des
situations assez complexes. Les patients sont très
variés, soit à cause de la maladie tumorale, soit en
raison de la maladie hépatique sous-jacente.
En dehors du coût élevé du sorafénib (3 962,95 euros
pour une cure de 1 mois), la tolérance médiocre du
traitement peut être un obstacle à une bonne expo-
sition au médicament. Par ailleurs, l’évaluation de la
réponse radiologique (qui ne fait pas encore l’objet
d’un consensus) peut être complexe, surtout en cas
de progression objective, alors qu’une nécrose intra-
tumorale est constatée. Nous exposons ici quelques
situations problématiques ainsi que leurs éventuelles
solutions.
Gestion des effets secondaires
En comparaison avec d’autres antiangiogéniques
(comme le bévacizumab, par exemple), le sorafénib
entraîne moins fréquemment des effets secondaires
de type cardio-vasculaire (hypertension artérielle,
hémorragie ou thrombose). De même, les effets
secondaires hématologiques sont beaucoup plus
rares qu’avec les chimiothérapies cytotoxiques. Les
toxicités liées au sorafénib peuvent poser un vrai
problème dans la pratique clinique : en effet, elles
étaient la première cause d’arrêt dans les études de
phase III. Même si la majorité des effets secondaires
sont facilement gérables, ils peuvent, en l’absence
de prise en charge adéquate, diminuer l’index théra-
peutique, détériorer la qualité de vie, compromettre
l’observance et, par conséquent, l’efficacité du trai-
tement. La prise en charge des effets secondaires
passe essentiellement par l’information des patients
et par leur éducation.
Les principales toxicités rencontrées en pratique
clinique sont l’asthénie, la diarrhée et le syndrome
main-pied. Généralement, des mesures préventives
permettent d’éviter la plupart de ces effets.
◆◆En◆pratique
En cas de survenue de tels symptômes, des trai-
tements spécifiques ou une adaptation des doses
peuvent être nécessaires en fonction de leur sévé-
rité (6). Une éventuelle interaction médicamenteuse
doit être recherchée, en particulier pour les médi-
caments métabolisés par le cytochrome CYP3A4
(des interactions potentielles sont recensées sur
le site www.drug-interactions.com). En cas d’effets
importants ou de suspicion d’une surexposition au