L Toxicité cutanée des thérapies ciblées dossier ThÉmaTique

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dossier thématique
Onco-dermatologie
Toxicité cutanée
des thérapies ciblées
Cutaneous toxicities of targeted therapies
S. Barete*, O. Chosidow*
L
es thérapies ciblées, c’est-à-dire dirigées contre
certaines molécules cellulaires clairement
impliquées dans le processus tumoral, sont
émergentes en cancérologie et en onco-dermatologie. De multiples traitements ciblés ont obtenu des
indications ces cinq dernières années pour la prise
en charge de cancers d’organes solides. À côté de
leur intérêt médical certain, eu égard à leur spécificité d’action, ils ne sont pas pour autant dénués
de toxicités, dont certaines sont cutanées. En effet,
ces toxicités sont de plus en plus rapportées et sont
parfois limitantes en termes de posologie et de poursuite de la thérapeutique, avec une éventuelle perte
de chances pour le patient. Il paraît donc intéressant
de les reconnaître, afin de mieux les prévenir et de
les traiter. Afin d’illustrer certaines toxicités, nous
allons développer, dans cette revue, celles observées
avec les molécules les plus utilisées, telles que les
inhibiteurs de l’epidermal growth factor receptor
(anti-EGFR), les inhibiteurs de tyrosine kinase (dont
l’erlotinib et l’imatinib) et les antiangiogéniques
(sorafénib et sunitinib).
qui est impliqué, en physiologie cutanée, dans la
prolifération et la différenciation kératinocytaire
mais également dans l’inflammation et l’apoptose
des cellules épidermiques. Certains effets sont très
fréquents, d’autres plus anecdo­tiques. On observe
des éruptions papulo-pustuleuses de type folliculite
(acneiform rash dans la littérature anglo-saxonne)
chez 50 à 70 % des patients traités en moyenne, une
xérose cutanée dans 15 à 35 % des cas, des paronychies dans 10 à 20 % des cas et des modifications des
phanères dans 10 à 20 % des cas également. L’éruption acnéiforme est localisée sur le visage, le cuir
chevelu, le cou, le haut du dos et la partie antérieure
du thorax (V dorsal), avec un prurit parfois sévère ;
elle survient dans les 8 jours qui suivent le début du
traitement et atteint son maximum au cours de la 2e
ou de la 3e semaine. Il s’agit de papulo-pustules sans
comédons, ­d’aspect monomorphe (figure 1). Ces
éruptions sont parfois sévères, avec dans 1,6 à 10 %
Toxicité cutanée
des anti-EGFR (1-6)
* Département de dermatologieallergologie, hôpital Tenon, université
Pierre-et-Marie-Curie, Paris.
Les anti-EGFR sont des molécules proposées pour le
traitement des carcinomes digestifs et ORL métastatiques mais aussi pulmonaires et pancréatiques.
Ces molécules agissent soit en bloquant le récepteur
membranaire à l’EGF par des anticorps monoclonaux
(cétuximab et panitumumab), soit en inhibant la voie
de signalisation intracellulaire en aval du récepteur
par des inhibiteurs de tyrosine kinases (erlotinib,
gefitinib et lapatinib). Les effets secondaires cutanés
des anti-EGFR sont en rapport avec les modifications physiologiques de ce facteur de croissance,
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Figure 1. Éruption acnéiforme du visage sous
cétuximab.
Points forts
Mots-clés
»» Les toxicités cutanées des thérapies ciblées sont de plus en plus émergentes et limitent parfois la posologie
ou la poursuite thérapeutique, avec une éventuelle perte de chance pour le patient.
»» Les toxicités cutanées des inhibiteurs de l’EGFR sont fréquentes et dominées par une éruption acnéiforme dont
le traitement local ou général dépend du grade de sévérité.
»» Les antiangiogéniques (sunitinib, sorafénib, bévacizumab) peuvent avoir des toxicités cutanées parfois communes
ou spécifiques de classe, dont certaines sont handicapantes.
»» La prévention et l’éducation thérapeutique sur les toxicités cutanées attendues de ces traitements sont nécessaires pour améliorer la prise en charge des patients.
»» La collaboration multidisciplinaire entre oncologues, dermatologues et pharmacologues, notamment dans des
centres de recours, peut permettre une amélioration de la description de ces toxicités et de leur traitement.
des cas une toxicité de grade 3 ou 4 selon la classification NCI (classification pas toujours adaptée à
la nature des lésions dermatologiques). Des aspects
rosacéiformes, parfois même nécrotiques, ont été
décrits. La biopsie cutanée trouve un infiltrat inflammatoire dermique superficiel, sans germe, à polynucléaires neutrophiles, cernant un infundibulum pilaire
dilaté et parfois obstrué par des kératinocytes en
excès. L’éruption est dose-dépendante, plus sévère
et plus fréquente avec le cétuximab.
La xérose cutanée est d’apparition plus tardive,
parfois diffuse.
Les paronychies apparaissent sur les orteils (figure 2)
et les doigts, débutent 2 à 4 mois après le début du
traitement et persistent jusqu’à 4 mois après l’arrêt
si celui-ci est rendu nécessaire. L’aspect varie, allant
du granulome pyogénique à l’ongle incarné. Il s’agit
de lésions souvent douloureuses et très invalidantes
sur le plan fonctionnel.
cutanée soit un marqueur de résistance au traitement. Par ailleurs, une toxicité cumulative entre
cétuximab et radiothérapie est observée dans les
carcinomes ORL (figure 3).
Figure 3. Toxicité cutanée cumulative lors d’un
traitement associant cétuximab et radiothérapie
pour un carcinome ORL.
Figure 2. Paronychie du gros orteil.
Les troubles phanériens rapportés touchent les
ongles, qui deviennent cassants, ou les cheveux,
qui changent de texture. Des trichomégalies et des
hypertrichoses sont décrites. Des hyperpigmentations postinflammatoires sont rapportées, ainsi que
des télangiectasies.
Il a été fait état d’une corrélation possible entre la
réponse antitumorale (taux de réponse et durée de
survie plus importants) et la sévérité de l’éruption.
Il serait également possible que l’absence d’éruption
La prise en charge de la toxicité des anti-EGF n’est
actuellement que peu encadrée par des recommandations thérapeutiques, et la possibilité d’une rémission spontanée rend encore plus difficile l’évaluation
des traitements de façon non comparative. Un essai
randomisé français (CYTAR) est actuellement en
cours, évaluant l’intérêt de la doxycycline en prévention de la folliculite chez les patients recevant de
l’erlotinib pour un cancer du poumon.
Selon le type de toxicité et le grade, différents traitements peuvent être proposés.
Toxicités cutanées
Thérapies ciblées
Inhibiteurs de l’EGFR
Éruption acnéiforme
Antiangiogéniques
Syndrome mains-pieds
Prévention
Éducation
thérapeutique
Highlights
»» Cutaneous toxicities of
targeted therapies are more and
more emergent and sometimes
responsible for a lowering or
interruption of the treatment,
with a possible loss of chance
for the patient.
»» Cutaneous toxicities of the
inhibitors of EGFR are frequent
and dominated by an acneiform
eruption on which the local or
general treatment depends on
grade severity.
»» Antiangiogenic therapies
can give cutaneous toxicities
sometimes common or specific
of class, among which some are
disabling.
»» Prevention and therapeutic
education on cutaneous
toxicities expected from these
treatments are necessary to
ameliorate the taking care of
these patients.
»» The multiple-subject collaboration between oncologists,
dermatologists, and pharmacologists notably in centres of
appeal can allow an improvement of the description of these
toxicities and their treatment.
Keywords
Cutaneous toxicities
Targeted therapies
EGFR inhibitors
Acneiform rash
Antiangiogenic therapies
Hand-foot syndrome
Prevention
Therapeutic education
Traitement de la folliculite
En fonction du grade (de 1 à 3) et de la gêne fonctionnelle ressentie, on propose soit un traitement
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Onco-dermatologie
Toxicité cutanée des thérapies ciblées
local par érythromycine locale ou par peroxyde de
benzoyle à 5 % (grade 1) – mais celui-ci est souvent
mal toléré –, éventuellement par dermocorticoïde
(grade 1-2), soit un traitement général par doxycycline à 100 mg/j (grades 2-3). Les antihistaminiques
peuvent être utiles en cas de prurit. Le patient devra
être suivi pour une adaptation du traitement aux
symptômes présents. Des mesures sont associées,
comme l’utilisation de Syndet® pour la toilette,
l’éviction des irritants et des topiques occlusifs.
Une éducation du patient concernant les signes
et les gestes à éviter est utile, de même qu’une
photoprotection, afin d’éviter l’hyper­pigmentation
parfois notée avec les anti-EGFR et les cyclines. Une
consultation spécialisée de dermatologie doit être
proposée dès que l’atteinte est sévère ou atypique.
La prise en charge en cas de radiothérapie associée
doit être spécifiquement encadrée.
Traitement des paronychies
Il faut prévenir les traumatismes des ongles, utiliser
des émollients dans les formes mineures. Pour les
formes plus sévères, des dermocorticoïdes forts, si
nécessaire sous occlusion, et associés ou non à une
antibiothérapie locale ou générale, sont proposés.
Du nitrate d’argent en bâton peut être appliqué sur
un granulome pyogénique, et une chirurgie peut
être réalisée dans la forme la plus sévère de l’ongle
incarné.
Tableau. Toxicités cutanées en fonction des cibles moléculaires.
Molécules
Sunitinib
Sorafénib
Imatinib
VEGFR 1,2,3
PDGFR-alpha et bêta
c-kit
flt-3
Ret
VEGFR 1,2,3
PDGFR-bêta
Raf
flt-3
Bcr-Abl
PDGFR-bêta
c-kit
++
++
–
+
+
+/–
++ (pigmentation)
+ (texture)
Rare
+
++
+/–
++
–
++
Kystes, papules
–
++
–
Érythème scrotal
+
–
–
++ (jaune)
+ (érythème face)
+
Hémorragie sous-unguéales
+
++
+
Nævus éruptifs
–
+
–
Cibles moléculaires
Syndrome mains-pieds
Xérose
Modification des cheveux
Alopécie
Œdème périorbitaire
Troubles pigmentaires
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Traitement de la xérose cutanée
Un traitement émollient régulièrement appliqué est
en général efficace. Les corticoïdes locaux peuvent
être utilisés en cas de lésions d’eczéma craquelé.
Toxicité du mésilate
d’imatinib (7, 8)
Le mésilate d’imatinib est un inhibiteur de l’acti­vité
tyrosine kinase de Bcr-Abl (surexprimée dans les
leucémies myéloïdes chroniques), du platelet-derived
growth factor (PDGF) et de c-kit (proto-oncogène de
tumeurs stromales et cutanées). Il constitue le traitement de première ligne des patients atteints par
ces maladies. L’imatinib mésilate induit une éruption
souvent modérée, dose-dépendante, mais pouvant
survenir à doses faibles, de manière précoce ou plus
tardive. La prévalence se situe entre 10 et 67 % selon
les séries, avec une présentation sémiologique
variée : éruption maculo-papuleuse prépondérante
(23-32 %) ou érythémateuse, érythrodermie, vasculite purpurique, aspect scarlatiniforme. Le prurit est
fréquent. Des aspects plus rares, psoriasiformes ou
de type pityriasis rosé, sont décrits. Des toxidermies
sévères comme le syndrome de Stevens-Johnson/
syndrome de Lyell et le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse (DRESS) ont été rapportées.
L’imatinib est également fréquemment responsable
d’œdèmes périorbitaires faciaux (70 % des patients
selon les séries), qui peuvent être sévères dès J15.
L’œdème peut concerner d’autres parties du corps.
Enfin, des modifications pigmentaires cutanées avec
hypopigmentation locale vitiligoïde ou diffuse, ou
au contraire une hyperpigmentation épargnant
curieusement les phanères, peuvent être observées
chez ces patients. L’inhibition de c-kit, récepteur du
mélanocyte, rend compte de ces troubles pigmentaires. Des hémorragies sous-unguéales peuvent
également survenir.
Toxicité
des antiangiogéniques (9)
Des avancées thérapeutiques majeures en oncologie
ont été rendues possibles grâce à l’utilisation des
antiangiogéniques dans le cancer du rein métastatique et le carcinome hépatique. À ce jour, deux
molécules ont obtenu une AMM en France : le sunitinib et le sorafénib. Ces antiangiogéniques sont
de petites molécules ayant un effet inhibiteur sur
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plusieurs kinases (pan-inhibiteur), dont les récepteurs du vascular endothelial growth factor (VEGF)
et du PDGF (tableau). Certaines toxicités cutanées
sont communes à ces molécules, d’autres sont spéci­
fiques à l’une ou l’autre classe.
Le syndrome mains-pieds (SMP), souvent très
douloureux, est un effet secondaire présent chez
15 % des patients traités par sunitinib et chez 30 %
de ceux sous sorafénib. Il apparaît dans les premières
semaines du traitement par sunitinib (2-3 semaines),
avec des douleurs qui précèdent les signes dermatologiques. Un érythème initie habituellement un
processus qui aboutit à une hyperkératose non
homogène sur les plantes et les faces palmaires,
dont les doigts (figures 4-6). Cette hyperkératose
est initialement circonscrite par un halo inflammatoire (figure 7) et se localise souvent sur des zones
de pression ou de frottement. Différentes variantes
plus ou moins kératosiques, voire bulleuses, existent.
Le syndrome acral, observé avec certaines chimiothérapies (capécitabine, 5-fluoro-uracile, cytarabine
et doxorubicine liposomale), correspond sémiologiquement à une présentation différente, plus
diffuse et plus œdémateuse sans hyperkératose.
Le grade de toxicité NCI est parfois suffisamment
important pour justifier une diminution de dose
ou l’arrêt de ces molécules (grade 3 : 5 %). Avec le
sunitinib, le SMP régresse lors de la période de repos
thérapeutique, et une rechute n’est pas systématique
au cours des cycles suivants. Avec le sorafénib, il
peut s’atténuer spontanément ou s’aggraver. Les
données histo­pathologiques confirment un trouble
de la kératinisation, et notamment un trouble de
Figure 4. Syndrome mains-pieds avec hyperkératoses
jaunâtres aux points de pression chez un patient sous
sorafénib (forme précoce).
Figure 5. Syndrome mains-pieds avec hyperkératoses
aux points de pression chez une patiente sous sorafénib
(forme tardive).
Figure 6. Syndrome mains-pieds avec hyperkératose
aux plis de flexion digitaux sous sorafénib.
Figure 7. Syndrome mains-pieds de grade 2 avec
lésions digitales d’hyperkératose circonscrites par un
halo inflammatoire sous sunitinib (phase précoce).
Toxicités cutanées communes
du sunitinib et du sorafénib (10, 11)
Syndrome mains-pieds
La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 2 - février 2009 | 99
dossier thématique
Onco-dermatologie
Toxicité cutanée des thérapies ciblées
la différenciation kératinocytaire avec dyskératose
apoptotique, ainsi qu’une altération des vaisseaux
du derme.
La prise en charge thérapeutique est de mieux en
mieux codifiée, avec des recommandations qui apparaissent dans la littérature internationale et française.
Il est conseillé d’éviter le port de chaussures serrées,
d’utiliser des semelles confortables et absorbantes,
et, pour les patients avec hyper­kératose plantaire
préexistante, d’appliquer des crèmes kérato­lytiques
et émollientes avec soins de pédicurie réguliers. Une
explication du SMP et de la conduite à tenir en cas
d’apparition de ce syndrome est de plus en plus pratiquée dans certains centres d’étude et de recours
sur les toxicités des inhibiteurs de l’angiogenèse
(le CERIA, par exemple), avec tenue d’un carnet de
suivi. En l’absence de traitement évalué prospectivement, il semble indiqué de proposer une crème
réparatrice du type Avibon® pour le grade 1 et un
dermocorticoïde fort pour le grade 2. Une adaptation
posologique est nécessaire pour le grade 3 (dose
réduite de 50 %), voire un arrêt temporaire jusqu’à
amélioration pour le grade supérieur.
Les hémorragies sous-unguéales, dites aussi “en
flammèches”, sont observées de façon asymptomatique chez 40 à 70 % des patients (figure 8). Elles
sont présentes au cours du premier mois, puis régressent. Il n’y a pas de corrélation avec une maladie
thrombotique. Ces phénomènes de microthromboses traduisent probablement des modifications
de la microcirculation induites par les inhibiteurs
du VEGF.
Toxicité spécifique
du sunitinib
Un blanchiment des phanères (cheveux et poils)
est observé chez près de 30 % des patients, avec une
dépigmentation qui survient vers le deuxième cycle
de traitement (figure 9). L’arrêt prolongé du traitement est suivi d’une repigmentation. Les cheveux
peuvent prendre un aspect en bandes pigmentées
et dépigmentées. Le blocage de c-kit, récepteur
impliqué dans la mélanogenèse, est fortement
suspecté. Une alopécie légère est parfois observée
(5 % des cas). Un aspect jaunâtre de la peau est
fréquemment noté, dû au pigment jaune présent
dans le traitement.
Figure 9. Dépigmentation précoce de la barbe et
des cils chez un patient sous sunitinib.
Un érythème scrotal (12) d’aspect psoriasiforme
de grade 2-3 est observé dans 15 % des cas d’une
série de 40 patients (figure 10). Sur le plan histo-
Figure 8. Hémorragies en flammèches sur 2 ongles
sous sorafénib.
La xérose cutanée, fréquente, est facilement traitée
par des émollients.
102 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 2 - février 2009
Figure 10. Érythème psoriasiforme scrotal et du pli
inguinal avec dépigmentation pubienne sous sunitinib.
dossier thématique
logique, les atteintes scrotales sont caractérisées
par une architecture psoriasiforme avec parakératose variable. Aucun agent infectieux, notamment fongique, n’est présent en culture ou sur
les biopsies. L’évolution est fluctuante selon les
cycles, l’atteinte débutant en moyenne à J14 du
deuxième cycle, régressant pendant la période
d’arrêt et rechutant au cycle suivant. Un saignement est possible, ainsi que des douleurs scrotales,
devant conduire soit à une réduction de la dose
soit à l’arrêt temporaire de la chimiothérapie. Un
traitement local par crème cicatrisante ou dermocorticoïdes semble efficace.
semaines du traitement et répondent aux émollients
et dermocorticoïdes de classe moyenne.
Des kystes, des microkystes du visage (figure 12)
et des éruptions nodulaires du type kératoacanthome sont favorisés par le traitement. Un nettoyage
de peau est alors indiqué, ou encore une exérèse
chirurgicale.
Les mucites sont fréquentes (12 % des cas) et parfois
sévères. Elles touchent la cavité buccale, mais aussi
la région périanale.
Un œdème sous-palpébral est rapporté chez
10 à 15 % des patients, comme avec l’imatinib. Il
est rarement la cause d’une modification du traitement (figure 11).
Figure 12. Microkystes des joues et érythème sous
sorafénib.
Figure 11. Œdème sous-palpébral et coloration
jaunâtre de la peau sous sunitinib.
Toxicité spécifique
du sorafénib
Certaines manifestations ne sont rencontrées
qu’avec le sorafénib.
Les dysesthésies aiguës du cuir chevelu des
3 premières semaines de traitement, avec prurit,
sensation douloureuse ou de striction du scalp,
surviennent dans 1 cas sur 2. Elles cèdent spontanément ensuite, en quelques jours ou semaines,
sans rechute ultérieure.
Des éruptions du visage et du cuir chevelu sont
présentes dans 1 cas sur 2, du type dermatite séborrhéique, mais plus étendue et avec un aspect blancneigeux desquamatif du visage et du cuir chevelu.
Ces éruptions apparaissent dans les 3 premières
L’atteinte des cheveux est fréquente, avec un
aspect sec et fragile. Quarante-quatre pour cent
des patients ont une alopécie, souvent bitemporale ou diffuse, mais jamais totale. La repousse des
cheveux survient même en poursuivant le traitement, ceux-ci prenant un aspect frisé. La place des
topiques antiandrogéniques n’est pas établie, mais
ils peuvent être essayés.
Conclusion
Si les thérapies ciblées anticancéreuses occasionnent de nombreux effets secondaires cutanés,
ceux-ci sont de mieux en mieux connus, et donc pris
en charge, voire anticipés, dans le cadre de protocoles d’éducation thérapeutique dans des centres
de recours. La collaboration multidisciplinaire, entre
oncologues, dermatologues et pharmacologues
notamment, peut permettre une amélioration de
la description de ces toxicités et de leur prise en
charge. ■
Références
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La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 2 - février 2009 | 103
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