?? q u e s t i o n s à ... Entretien avec B. Escudier (Institut Gustave-Roussy, Villejuif) IP Réalisé par A. Ponzio-Prion D’après Ratain MJ, Eisen T, Stad WM et al. Phase II placebo-controlled randomized discontinuation trial of sorafenib in patients with metastatic renal cell carcinoma. J Clin Oncol 2006;24(16):2505-12. > Quelle est l’originalité de cette étude et qu’apporte-t-elle à la connaissance des nouvelles thérapies dans le traitement du cancer du rein métastatique ? B. Escudier L’essai proposait d’évaluer le devenir des patients atteints d’un cancer du rein métastatique traités par sorafénib à la dose de 400 mg deux fois par jour ou placebo. Cette publication tire son intérêt d’un schéma d’étude original : il s’agissait de donner le traitement pendant une première période de 12 semaines puis de randomiser les patients dont la maladie est stabilisée, selon les critères OMS (plus ou moins 25 %), entre la poursuite du traitement et un placebo. L’essai consistait donc à évaluer le devenir, en termes de survie sans progression, des patients stabilisés par cette première période de traitement et traités ou recevant un placebo sur une nouvelle période de 12 semaines. Ce schéma est assez intéressant pour des médicaments considérés comme des cytostatiques plutôt que comme des cytotoxiques. Cette étude a apporté la preuve de l’efficacité du sorafénib dans le cancer du rein ; elle a conduit à une étude de phase III (TARGET), qui a d’ailleurs confirmé cette activité avec des chiffres relativement similaires. En effet, dans la phase II, la survie sans progression (SSP) était de 24 semaines avec le sorafénib et de 6 semaines pour le placebo ; dans la phase III, la SSP était respectivement de 24 semaines versus 12 semaines. L’étude TARGET, en effet, a comparé en deuxième ligne l’intérêt du sorafénib par rapport à un placebo. Cet essai a démontré une amélioration nette de la survie sans progression, qui est doublée, passant de 12 à 24 semaines, avec le sorafénib. De plus, le bénéfice global est de 75 %, avec une certaine réduction tumorale, sachant que l’évaluation de la réponse tumorale n’est pas le meilleur critère pour ce type de médicaments (problème des nécroses notamment, qui sousévalue les réponses objectives). > Ce bénéfice en survie sans progression peut-il se traduire par un avantage en survie globale pour ces patients ? B.E. Il y a déjà eu deux analyses dans cette étude : une première analyse intermédiaire a été réalisée avant la période La Lettre du Cancérologue - Vol. XV - n° 5 - octobre 2006 3 questions à... 3 de cross-over et suggère une amélioration de la survie globale de 39 %, avec un p < 0,05, mais qui n’atteint pas le seuil de significativité selon la règle de O’Brian-Flemming (ECCO 13, 2005). Une deuxième analyse (ASCO 2006) qui tient compte de l’impact du cross-over a confirmé le bénéfice du traitement par rapport au placebo : les patients ayant bénéficié du sorafénib après le placebo ont une survie globale améliorée (14,3 mois à 15,7 mois) ; la survie globale des patients traités par sorafénib reste supérieure de 30 % à celle des patients ayant reçu le placebo. L’analyse finale des données de survie peut maintenant être réalisée, puisque le nombre d’événements nécessaire est atteint depuis peu. Les résultats pourront être communiqués lors de l’ASCO 2007 et permettront probablement de confirmer ces premières données. D’ores et déjà, grâce à cette étude, Nexavar ® a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne en juillet 2006 et, en France, le produit est disponible depuis septembre 2006. > Quel est l’intérêt de ce nouveau traitement et comment s’intègre-t-il dans la stratégie thérapeutique des patients avec un cancer du rein métastatique ? B.E. La tolérance à ce traitement est plutôt bonne, avec une qualité de vie conservée, qui nous semble même meilleure que celle observée avec le sunitinib. Ces constatations (sur l’asthénie, la toxicité hématologique et le moindre taux de mucites) méritent toutefois d’être confirmées. À ce stade, y compris en première intention, le sorafénib représente ainsi une alternative intéressante chez des patients fatigués ou qui présentent une contre-indication au sunitinib. Quant à savoir ce qu’il faut faire en cas d’échec à l’un ou l’autre de ces agents, certaines données suggèrent une certaine efficacité lorsque l’on passe d’un traitement à un autre, mais cela mérite également d’être confirmé. ■ 253