La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue Vol. XI - n° 4 - juillet-août 2008 | 133
DOSSIER THÉMATIQUE
Traitement
du carcinome hépatocellulaire
non accessible
à un traitement curatif
Treatment of advanced hepatocellular carcinoma
J.C. Trinchet*
* Service d’hépato-gastroentérologie,
hôpital Jean-Verdier, Bondy.
L
e carcinome hépatocellulaire (CHC) est
l’une des principales complications de la
cirrhose. Son incidence est en augmen-
tation dans la plupart des pays développés. La
mortalité globale reste élevée, la médiane de
survie ne dépassant pas 12 mois. La raison prin-
cipale tient au diagnostic souvent trop tardif, à
un stade où les méthodes curatives (transplan-
tation, résection, radiofréquence percutanée)
sont le plus souvent impossibles à mettre en
œuvre. De ce fait, de nombreux patients, atteints
le plus souvent de tumeurs volumineuses et/ou
multifocales, relèvent uniquement d’un traite-
ment palliatif (1).
Méthodes palliatives
Un grand nombre de méthodes ont été proposées,
ce qui reflète la faible efficacité d’ensemble de
ces traitements. Les méthodes habituellement
utilisées en cancérologie (chimiothérapie systé-
mique et radiothérapie conventionnelle) n’ont
quasiment aucune indication en dehors d’essais
cliniques, en raison d’une faible efficacité anti-
tumorale et d’une mauvaise tolérance chez les
patients cirrhotiques.
Actuellement, le traitement palliatif repose prin-
cipalement sur l’administration intra-artérielle
d’agents divers. Des résultats très récents suggèrent
l’intérêt des nouvelles biothérapies antiangiogéni-
ques et antiprolifératives.
Traitements intra-artériels
Chimio-embolisation intra-artérielle
et méthodes apparentées.
La chimio-embolisation artérielle associe
l’administration dans l’artère hépatique d’un agent
chimiothérapique, le plus souvent de la doxoru-
bicine ou du cisplatine, à celle de lipiodol, suivie
d’une embolisation (chimio-embolisation lipiodolée).
L’injection intra-artérielle est plus ou moins sélective
en fonction de la taille des tumeurs à traiter et de leur
nombre ainsi que des habitudes locales. Lefficacité
antitumorale de cette méthode est démontrée, celle-
ci permettant d’obtenir la nécrose d’une partie plus
ou moins importante de la tumeur et de stabiliser
la progression tumorale. Néanmoins, la nécrose
tumorale est très rarement complète, une reprise
évolutive est habituelle, et les effets indésirables
sont fréquents. Il existe en particulier un risque
de détérioration accrue de la fonction hépatique
résultant de l’ischémie du parenchyme hépatique
non tumoral. De ce fait, les essais randomisés ont
montré une amélioration modérée de la survie en
cas de cirrhose d’origine virale (dans laquelle la fonc-
tion hépatique est souvent conservée), mais non en
cas de cirrhose d’origine alcoolique (dans laquelle
la fonction hépatique est souvent détériorée) [2].
Outre l’insuffisance hépatique, la présence d’une
obstruction portale significative ou celle d’un flux
portal inversé, fréquents en cas de CHC évolué, sont
des contre-indications majeures de la méthode.
Les rôles respectifs de la chimiothérapie et de
l’embolisation sur la progression tumorale ne
Mots-clés
Carcinome
hépatocellulaire
Chimio-embolisation
Sorafénib
Keywords
Hepatocellular carcinoma
Chemo-embolisation
Sorafenib
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Traitement du carcinome hépatocellulaire
non accessible à un traitement curatif
DOSSIER THÉMATIQUE
Journée de la FFCD
sont pas connus. Lefficacité de la chimiothérapie
intra-artérielle seule paraît réduite. De ce fait, de
nombreuses variantes techniques ont été proposées
(agents divers de chimiothérapie ou d’embolisation,
embolisation seule ou avec lipiodol). La périodi-
cité des séances est aussi imprécise. Une répé-
tition systématique trop rapprochée pourrait
être délétère pour le parenchyme hépatique non
tumoral.
Radiothérapie intra-artérielle
La principale méthode consiste à administrer du
lipiodol ultra-fluide couplé à l’iode 131 (Lipiocis®)
par voie intra-artérielle. L’intérêt clinique de cette
méthode n’est pas connu avec précision du fait
du très faible nombre d’études randomisées (3).
Son inconvénient principal est la nécessité de
disposer d’une chambre plombée pour isoler le
patient pendant les jours suivant la procédure.
L’administration intra-artérielle de microsphères
couplées à l’yttrium 90 paraît dépourvue de cet
inconvénient. Néanmoins, l’intérêt clinique réel de
cette méthode est inconnu (4).
Alcoolisation intra-artérielle
L’injection d’alcool absolu dans la ou les artères
nourricières de la tumeur, éventuellement couplée
à une alcoolisation percutanée, a donné quelques
résultats spectaculaires en termes de destruction
tumorale (5).
Traitements médicaux
De très nombreux médicaments ont été testés, avec
des résultats négatifs, dans des essais de grande
ampleur. Il en est ainsi du tamoxifène, des anti-
androgènes, de l’interféron α, de l’octréotide et du
séocalcitol (2).
L’intérêt s’est porté récemment sur les nouvelles
biothérapies anticancéreuses (6). Ces agents
pos sèdent des propriétés antiangiogéniques et
antiprolifératives, et leur tolérance paraît satis-
faisante chez les patients atteints de cirrhose. Les
résultats d’un essai international multicentrique
testant l’intérêt du sorafénib (Nexavar®) ont été
présentés récemment (7). Dans cet essai, 602 pati-
ents atteints de CHC évolué et ayant une bonne
fonction hépatique (classe A de Child-Pugh) ont été
randomisés en deux groupes : sorafénib (800 mg/j
en deux prises par voie orale) versus placebo. Un
bénéfice en termes de survie a été observé dans le
groupe traité par sorafénib (médiane : 10,7 mois) en
comparaison du groupe placebo (médiane : 7,9 mois,
p = 0,0006). Les effets indésirables les plus fréquents
étaient digestifs et cutanés (diarrhée et syndrome
mains-pieds).
Indications
La discussion thérapeutique en cas de CHC évolué
n’est pas consensuelle et relève d’une approche
multidisciplinaire (réunion de concertation pluri-
disciplinaire [RCP] spécialisée dans le traitement
du CHC). Schématiquement, les recommandations
suivantes peuvent être proposées :
Les patients atteints de cirrhose et ayant une
fonction hépatique altérée (classe B et C de Child-
Pugh) relèvent essentiellement d’une prise en charge
symptomatique ;
Chez les patients ayant une bonne fonction
hépatique (origine virale de la cirrhose, classe A de
Child-Pugh ou absence de cirrhose), une chimio-
embolisation artérielle (ou une variante technique)
peut être envisagée. Il faut préalablement s’assurer
de l’existence d’un flux portal suffisant ;
Chez les patients ayant une bonne fonction
hépatique et pour lesquels la chomio-embolisa-
tion artérielle est contre-indiquée, on peut proposer
l’administration orale de sorafénib ou, dans certains
cas, un traitement par Lipiocis® intra-artériel.
Perspectives
Le traitement du CHC non accessible à un traitement
curatif reste encore d’efficacité limitée. Plusieurs
voies de recherche doivent être simultanément
explorées :
L’amélioration des méthodes intra-artérielles :
dans certaines études, une chimio-embolisation
utilisant des microsphères imprégnées d’un agent
chimiothérapique aboutissait à des résultats encou-
rageants (8) ;
Les résultats concernant le sorafénib sont très
encourageants (ils constituent une “preuve de
concept” pour poursuivre la recherche dans la voie
des biothérapies), mais ils restent modestes sur le
plan clinique. D’autres biothérapies sont en cours
d’évaluation (9) ;
L’association des méthodes de traitement intra-
artériel et du sorafénib doit être testée ;
En cas de petite tumeur non accessible à un trai-
tement curatif, l’intérêt clinique de la radiothérapie
conformationnelle doit être évalué (10) ;
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DOSSIER THÉMATIQUE
Il faut valider la notion de
downstaging (réduction
de la taille tumorale pour rendre une tumeur acces-
sible à un traitement curatif), mais aussi identifier
les facteurs pronostiques permettant d’utiliser un
traitement curatif dans certains cas de tumeurs volu-
mineuses (par exemple, transplantation hépatique
en cas de tumeur ne répondant pas aux critères de
Milan) [11].
Il est nécessaire que les traitements soient évalués
par des essais randomisés mesurant la survie et
faisant la distinction entre les effets sur la tumeur et
les effets sur le parenchyme hépatique non tumoral.
Dans ce cadre, il faut redéfinir le traitement de réfé-
rence du CHC évolué au regard des résultats de la
chimio-embolisation artérielle et du sorafénib, ainsi
que la place de l’administration d’un placebo.
Enfin, les progrès (modestes) du traitement du CHC
évolué ne doivent pas occulter l’objectif principal,
qui est de réduire la proportion des patients atteints
de ce type de tumeur : dépistage des patients
atteints de cirrhose non compliquée, surveillance
échographique dans le but de traiter le CHC de
façon curative, traitement spécifique des hépa-
topathies virales, y compris au stade de cirrhose,
et, bien sûr, vaccination large contre le virus de
l’hépatite B.
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Références bibliographiques
Lab’infos
Les hépato-gastroentérologues connaissent déjà la faci-
lité apportée par la présentation sous forme de stylo
prérempli à usage unique d’un traitement injectable par
voie sous-cutanée dans le cadre des thérapeutiques de
l’hépatite C. L’adalimumab (Humira
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disponible sous cette forme pour la prise en charge de
la maladie de Crohn. Une étude de phase IIIb intitulée
CARE est actuellement menée dans la maladie de Crohn
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