22 | La Lettre du Sénologue • n° 46 - octobre-novembre-décembre 2009
Les inhibiteurs de l’aromatase (2e partie)
DOSSIER THÉMATIQUE
une MA (18). Il faut toutefois noter que le THS est
souvent pris par des femmes de niveau socio-culturel
plus élevé, et dont les facteurs de risque vasculaires
sont généralement mieux contrôlés (facteurs pour
lesquels un effet protecteur sur le développement
de la MA est également décrit).
Cet effet du THS est cependant parfois discuté dans
certaines études. L’étude WHIMS (Women’s Health
Initiative Memory Study), souvent citée, est rando-
misée, multicentrique, en double aveugle contre
placebo évaluant l’intérêt du THS chez les femmes
ménopausées. Cette étude a été interrompue de façon
prématurée en raison d’une augmentation du risque
d’accident vasculaire cérébral (AVC), de pathologie coro-
naire, de cancer du sein et d’embolie pulmonaire (19).
Une étude cognitive ancillaire a été réalisée chez 7 479
femmes âgées de plus de 65 ans, et a mis en évidence
une relative tendance à une augmentation du risque
de troubles cognitifs et de démence (p = 0,18) sous
THS (18, 19). Quelques remarques sont à prendre en
compte dans cette étude : 40 % des données n’ont pas
été incluses car incomplètes, 55 % des participantes
n’ont pas été compliantes. Par ailleurs, on notait plus
d’HTA dans le groupe estrogène que dans le groupe
placebo. Les troubles vasculaires pourraient ainsi être
responsables de troubles cognitifs, contrecarrant le
bénéfice du THS (18). Enfin, dans cette étude, le THS
était débuté plusieurs années après la ménopause.
Dans les études observationnelles, l’âge des femmes
est généralement le même, mais une distinction est
faite entre “déjà exposée” et “jamais exposée” au
THS (4).
Ainsi, différentes études montrent l’absence d’in-
térêt du THS sur les troubles cognitifs si celui-ci
est débuté tardivement après le début de la méno-
pause. Un essai randomisé contre placebo chez
60 femmes récemment ménopausées âgées de
32,8 à 64,9 ans montrant de meilleurs résultats
dans le groupe recevant des estrogènes par rapport
au groupe placebo (20). Par ailleurs, l’étude Cache
County Study confirme l’intérêt de la prise de THS dès
l’installation de la ménopause, permettant d’obtenir
de meilleurs résultats cognitifs et un déclin moins
rapide des fonctions cognitives (13, 15). Ainsi, la
période de postménopause immédiate paraît être
la période critique pour initier un THS et avoir un
effet protecteur maximal contre le déclin cognitif et
le risque de démence (3, 18). Il semble donc parti-
culièrement important de commencer, en l’absence
de contre-indication, le THS de façon précoce après
une ménopause chirurgicale.
Enfin, bien que le THS paraisse avoir un intérêt théra-
peutique complémentaire et prophylactique, les études
randomisées réalisées chez les patientes présentant des
troubles cognitifs ou une démence n’ont pas montré
d’effets bénéfiques du THS (1, 3, 16, 17).
Inhibiteurs de l’aromatase
et troubles cognitifs
Les IA inhibent la conversion par l’aromatase des
androgènes (testostérone et androstènedione) en
estrogènes (respectivement estradiol et estrone)
dans les tissus adipeux, les tissus de soutien, les
muscles, le foie et le cerveau. Cette aromatisation
produit la source d’estrogènes chez la femme méno-
pausée. Les IA vont donc entraîner une diminution
très importante de l’imprégnation estrogénique chez
la femme ménopausée, avec des taux d’estrogènes
circulants devenant non mesurables dans la plupart
des cas. On distingue des inhibiteurs de type I stéroï-
diens, à liaison irréversible au site catalytique de
l’enzyme (formestane et exémestane), et de type II
non stéroïdiens (anastrozole et létrozole) à liaison
réversible sur le complexe enzymatique du cyto-
chrome p450. Tous les IA agissent également sur la
production intratumorale d’estrogènes. Leurs effets
secondaires sont différents de ceux du TAM, avec
en particulier une incidence significativement plus
élevée de douleurs articulaires et osseuses (dorsal-
gies). Généralement, l’humeur, les fonctions cogni-
tives et la qualité de vie ne sont pas évaluées dans
les essais qui s’intéressent plus souvent aux effets
secondaires cardiaques ou osseux.
Dans l’étude ATAC, l’intérêt de l’administration d’une
hormonothérapie adjuvante du cancer du sein loca-
lisé pendant une durée de 5 ans par anastrozole seul,
TAM seul ou combinaison anastrozole-TAM était
évalué chez 9 366 patientes en postménopause.
Une étude ancillaire cognitive a pu être réalisée chez
94 participantes n’ayant pas reçu de chimiothérapie
après 36 mois d’hormonothérapie. Les résultats ont
été comparés à ceux d’un groupe de 34 témoins
sans cancer du sein appariés sur l’âge. Les patientes
du groupe sous hormonothérapie (quelle qu’elle
soit) étaient déficitaires en vitesse de traitement de
l’information (p = 0,026) et avaient des difficultés
en mémoire immédiate verbale (p = 0,032) [1, 19].
Les résultats en mémoire verbale étaient corrélés
au taux d’estradiol sérique (1).
Cependant, étant donné que le TAM n’entraîne pas de
diminution du taux d’estrogènes circulants mais a un
effet agoniste-antagoniste sur les cellules cibles, on
peut se demander si les effets secondaires cognitifs
sont identiques ou non à ceux des IA.
Références
bibliographiques
1. Shilling V, Jenkins V, Fallowfield L,
Howell T. The effects of hormone
therapy on cognition in breast
cancer. J Steroid Biochem Mol Biol
2003;86(3-6):405-12.
2. Shilling V, Jenkins L, Fallowfield L,
Howell A. The effects of estrogens
and anti-estrogens on cognition. The
breast 2001;10:484-91.
3. Sherwin BB. Estrogen and cogni-
tive functioning in women. Endo-
crine reviews 2003;24:133-51.
4. Henderson VW. Estrogen-contai-
ning hormone therapy and alzhei-
mer’s disease risk: understanding
discrepant inferences from obser-
vational and experimental research.
Neurosci 2006;138(3):1031-9.
5. Hogervorst E, Williams J, Budge
M, Riedel W, Jolles J. The nature
of the effect of female gonadal
hormone replacement therapy on
cognitive function in post-meno-
pausal women: a meta-analysis.
Neuroscience 2000;101(3):485-
512.
6. Meyers CA, Brown PD. Role and
relevance of neurocognitive assess-
ment in clinical trials for patients
with CNS tumors. J Clin Oncol
2006;24:1305-9.
7. Taillibert S, Voillery D, Bernard-
Marty C. Chemobrain: is systemic
chemotherapy neurotoxic? Curr
Opin Oncol2007;19,623-7.
8. Maier SF. Bi-directional immune-
brain communication: Implications
for understanding stress, pain, and
cognition. Brain Behav Immun
2003;17:69-85.
9. Miller AH, Ancoli-Israel S,
Bower JR, Capuron L, Irwin MR.
Neuroendocrine-Immune Mecha-
nisms of Behavioral Comorbidities
in Patients With Cancer. J Clin Oncol
2008; 26:971-82.
10. Markowska AL, Savonenko AV.
The effectiveness of oestrogen
replacement in restoration of
cognitive function after long-term
oestrogen withdrawal in aging rats.
J Neurosci 2002;22(24);10985-95.
11. Savonenko AV, Markowska AL.
The cognitive effects of ovariec-
tomy and oestrogen replacement
are modulated by aging. Neuros-
cience 2003;119(3):821-30.
12. Daniel JM, Hulst JL, Berbling JL.
Estradiol replacement enhances
working memory in middle-aged
rats when initiated immediately
after ovariectomy, but not after
a long-tem period of ovarian
hormone. Endocrinology 2006;
147(1):607-14.
13. Barret Connor E. Endogenous
and exogenous estrogen, cognitive
function and dementia in post-
menopausal women: Evidence
from epidemiologic studies and
clinical trials. Semin Reprod Med
2009;27(3):275-82.
Séno45dé09.indd 22 15/12/09 14:32