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Stéroïdes sexuels gonadiques, cancer du sein et cerveau
féminin
Sexual gonadic steroids, breast cancer and female brain
● M.P. Teissier*
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es stéroïdes sexuels jouent-ils un rôle sur le cerveau
humain ? Et leur déficit, physiologique ou non, a-t-il des
conséquences sur l’intégrité des fonctions cognitives ? À
l’heure de nombreuses interrogations sur les bénéfices et les risques du
traitement hormonal substitutif de la ménopause, cette question essentielle est loin d’être élucidée. De la même manière, les soignants impliqués en oncologie s’interrogent sur les conséquences des différents traitements inhibiteurs de la production des stéroïdes sexuels chez la
femme, au cours de la prise en charge du cancer mammaire. En effet,
les estrogènes pourraient avoir un rôle sur la fonction cognitive.
Des bases biologiques expérimentales in vitro sous-tendent le rôle possible des estrogènes sur le cerveau :
• Des récepteurs estrogéniques ont été mis en évidence dans le cerveau humain avec une concentration quantitativement importante dans
l’aire hippocampique qui constitue une aire médiatrice des fonctions
cognitives. Ainsi à partir des observations animales et des résultats
obtenus in vitro sur cultures cellulaires, l’influence des estrogènes sur
la fonction cognitive a été avancée. On retiendra notamment les différents points suivants (1).
• Amplification du système cholinergique par les estrogènes.
• Action favorable sur le système glutamate (second neurotransmetteur impliqué dans l’apprentissage et la mémoire).
• Effet stimulant sur les neurones et action de facilitation sur la communication inter-neuronale.
• Contribution à la régulation des gènes agissant sur la survie, la plasticité, la différenciation et la régénération neuronale.
• Effet protecteur, anti-apoptotique et antioxydant dans les cultures de
neurones.
Concernant les données observationnelles et avec une prévalence
accrue chez la femme ménopausée et âgée de plus de 50 ans, on
retient la survenue des signes suivants : insomnie, asthénie, nervosité,
irritabilité, tristesse, symptômes dépressifs, troubles de la concentration, de prise de décision jusqu’aux pertes mnésiques qui, depuis les
années 1980, sont attribuées à la carence estrogénique (2).
La carence en estrogènes, chez les femmes ménopausées, pourrait
accroître une susceptibilité à développer une dépression. Le mécanisme d’action serait médié via le système sérotoninergique (3).
Dans cette ambiance neuroendocrinologique concernant les estrogènes, les auteurs de cette revue se sont donc penchés sur le problème
de l’atteinte cognitive chez la femme dans les suites d’un cancer du
sein (4). À partir d’une revue des données cliniques et fondamentales,
une réflexion sur le rôle et les effets des hormones sexuelles d’une
part, et ceux relatifs à la maladie cancéreuse d’autre part, est proposée.
Loin de répondre à toutes les interrogations, ce dossier va donner un
* Service d’endocrinologie-diabétologie et maladies métaboliques CHU de
Limoges, hôpital du Cluzeau 87042 Limoges Cedex.
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éclairage sur l’état des lieux en termes d’évaluation de ces fonctions
supérieures, d’incidence du trouble cognitif et des éventuels moyens
de protection des fonctions cognitives chez la femme traitée pour un
cancer du sein, sans pour autant remettre en question l’absolue nécessité d’un traitement carcinologique optimal.
Le lecteur comprendra que de nombreuses incertitudes persistent dans
le domaine cognitif. Cette revue a le mérite de poser les questions et
d’ouvrir la réflexion en termes de qualité de vie, une fois réglée la
principale préoccupation du contrôle carcinologique.
Alors que les conséquences de la carence en stéroïdes sexuels sont
maintenant bien démontrées chez la femme sur les plans climatérique,
osseux et métabolique, davantage de controverses existent concernant
les effets possibles d’une déficience hormonale en estrogènes dans le
cerveau de la femme. La problématique de l’atteinte cognitive se complique chez la femme touchée par le cancer du sein par l’effet propre
de la maladie cancéreuse (F. Dalenc), sans parler des facteurs de vulnérabilité génétique à développer un trouble cognitif.
Dans cet optique, l’incidence des troubles cognitifs en oncologie sénologique sera abordée (M.-E. Chand et al.) après un précieux rappel sur
la physiopathologie de ces troubles et les moyens de les aborder (A.
Amiel-Benouaich), bien que nous soyons encore loin d’une standardisation des outils “de mesure” de la fonction cognitive. Les difficultés
d’évaluations de cette fonction sont par ailleurs incontestablement
majorées par le contexte du cancer (L. Laurier-Grymonprez).
Ainsi à côté du rôle possible des hormones sexuelles sur le cerveau de
la femme, l’impact de l’anxiété, de la douleur et de la dépression liées à
la pathologie cancéreuse mammaire, comme les effets d’une sexualité
modifiée, sont des facteurs indéniables à prendre en compte pour
essayer d’améliorer la qualité de vie dans ce contexte carcinologique.
Existe-t-il une neuroprotection possible chez les femmes atteintes du cancer du sein (S. Séronie-Vivien) ? Comment permettre aux femmes de réaliser leur vie sexuelle après le traitement d’un cancer du sein (A. Lesur) ?
Des voies de réflexion, de recherches clinique et pharmacologique
sont donc ouvertes en gardant à l’esprit notre profond souhait d’améliorer la qualité de vie des femmes touchées par le cancer du sein. ■
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1. Mc Ewen BS. The molecular and neuroanatomical basis for estrogen effects
in the central nervous system. J Clin Endocrinol Metab 1999, 84:1790-99.
2. Coulam CB. Age, estrogens and the psyche. Clin Obst Gynecol 1981;24:219-29.
3. Birkhauser M. Depression, menopause and estrogens: is there a correlation?
Maturitas 2002;41(S1):3-8.
4. Fan HG, Houede-Tchen N, Yi QL et al. Fatigue, menopausal symptoms and
cognitive function in women after adjuvant chemotherapy for breast cancer 1and 2-year follow-up of a prospective controlled study. J Clin Oncol 2005;
23(31):8025-32.
La Lettre du Sénologue - n° 31 - janvier/février/mars 2006
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