R E V U E D E P R E S S E Revue de presse ● A. Travade* DIAGNOSTIC DES ÉCOULEMENTS MAMELONNAIRES L’un des motifs de consultation concerne les écoulements isolés. Le clinicien doit distinguer entre ceux qui sont fonctionnels, le plus souvent bilatéraux, multipores et provoqués, et ceux qui peuvent traduire une pathologie sous-jacente, souvent bénigne, mais parfois maligne (cancer canalaire in situ ou déjà invasif dans environ 10 % des cas). Quelles explorations demander et peut-on se passer de la pyramidectomie diagnostique ? Sickles E. Galactography and other imaging investigations of nipple discharge. Lancet 2000 ; 356 : 1622. L’auteur rappelle que les écoulements pathologiques sont le plus souvent unilatéraux, unipores et spontanés. Leur coloration a peu d’importance. Ils sont souvent liés à la présence d’un papillome intracanalaire bénin, mais peuvent aussi traduire la présence d’un cancer, même s’il n’y a pas de signes cliniques d’accompagnement ou pas d’anomalies mammographiques. Pour éviter une chirurgie d’exérèse systématique, y at-il des explorations fiables ? L’auteur rapporte les conclusions du travail de Dinkel, cité dans le paragraphe suivant : la galactographie a une valeur topographique mais non diagnostique. De même, les autres méthodes, comme l’échographie haute fréquence ou la résonance magnétique nucléaire, n’ont pas la fiabilité de la chirurgie diagnostique. Dinkel HP et al. Predictive value of galactographic patterns for benign and malignant neoplasms of the breast in patients with nipple discharge. Br J Radiol 2000 ; 73 : 706. Il s’agit d’une étude rétrospective sur 158 galactographies suivies d’interventions chirurgicales. Les lecteurs n’avaient pas connaissance du résultat histologique et ont classé les aspects galactographiques de la façon suivante : 7 groupes pour l’aspect morphologique, extravasation ou non, étude du calibre, présence de microkystes, type du défaut de remplissage d’un canal et nombre d’images ainsi observées, type de la lacune obstruant le canal si elle existe. Bien que la majorité des cancers s’accompagnent d’une galactographie anormale, il y a une importante superposition entre les aspects bénins et malins. Le résultat galactographique n’est pas assez précis pour indiquer avec fiabilité un risque de malignité. À noter qu’un aspect normal n’exclut pas un cancer. L’intérêt de la galactographie reste donc topographique, permettant de guider le geste chirurgical. * Centre de sénologie République, 63000 Clermont-Ferrand. La Lettre du Sénologue - n° 12 - avril/mai/juin 2001 Dennis MA et al. Incidental treatment of nipple discharge caused by benign intraductal papilloma through diagnostic mammotome biopsy. AJR 2000 ; 174 : 1263. Comme alternative à la chirurgie diagnostique, les auteurs proposent l’exérèse sous anesthésie locale des lésions intragalactophoriques responsables d’un écoulement anormal par macrobiopsie avec aspiration par Mammotome guidé par l’échographie dans 44 cas, par Mammotome sous stéréotaxie dans 1 cas et par microbiopsie et pistolet automatique dans 5 cas. Dans un seul cas, un diagnostic d’atypie a indiqué une chirurgie complémentaire. Dans les autres cas, le prélèvement percutané a permis de diagnostiquer une lésion papillaire bénigne et a supprimé l’écoulement, cause de désagrément pour la patiente. Orel SG et al. MR imaging in patients with nipple discharge : initial experience. Radiology 2000 ; 216 : 248. Vingt-trois écoulements isolés ont été explorés par résonance magnétique. Pour les 15 patientes opérées, il y a eu, dans 11 cas, concordance avec les résultats de l’examen. Sept carcinomes ont été trouvés dont 6 avaient été annoncés par l’aspect IRM. Cette technique peut donc être complémentaire à la galactographie. Shen KW et al. Fiberoptic ductoscopy for patients with nipple discharge. Cancer 2000 ; 89 : 1512. L’endoscopie galactophorique est une technique nouvelle permettant un accès direct visuel du système canalaire (résultats à propos de 259 patientes présentant un écoulement mamelonnaire). On associe à cette technique l’analyse cytologique des cellules obtenues par “lavage galactophorique” (ductal washing). Lui Y et al. Breast-cancer diagnosis with nipple fluid bFGF. Lancet 2000 ; 356 : 567. Cela concerne des patientes dépistées, sans écoulement symptomatique. On analyse du liquide d’écoulement mamelonnaire obtenu par pression manuelle et on mesure la concentration du bFGF (basic Fibroblast Growth Factor) ; le taux de ce marqueur d’angiogénèse est supérieur chez les femmes atteintes de cancer. L’hypothèse d’un nouveau test diagnostique est ainsi soulevé par les auteurs. PHYTOESTROGÈNES Les phytoestrogènes, le plus souvent dérivés du soja, ont fait une entrée en force sur le marché pharmaceutique. Que peuton en penser ? 27 R E V U E D This P et al. Les phytoestrogènes dans les contre-indications du THS. Le problème du cancer du sein. Gynecol Obstet Fertil 2000 ; 28 : 401. Les données actuelles concernant la consommation de soja en Asie sont rappelées ainsi que l’épidémiologie du cancer du sein. Les études expérimentales in vitro et in vivo sont résumées. Les indications et contre-indications des phytoestrogènes en découlent : si l’on considère qu’il s’agit d’estrogènes faibles, ils sont contre-indiqués après cancer du sein. Dans les autres cas, ils ne seraient actifs que pour traiter les bouffées de chaleur, n’ayant pas d’efficacité démontrée sur la prévention de l’ostéoporose ou des maladies cardio-vasculaires. Ginsburg J et al. Lack of significant hormonal effects and controlled trials of phytoestrogens. Lancet 2000 ; 355 : 163. Les phytoestrogènes sont proposés comme traitement “naturel” par opposition au traitement substitutif estrogénique. Considérés comme des suppléments diététiques et non comme des médicaments, ils ne sont pas soumis à la réglementation en vigueur pour les estrogènes ou les SERM, et les produits proposés dans le commerce sont extrêmement variables en concentration et en prix d’une marque à l’autre. De plus, les essais contrôlés d’efficacité sont peu nombreux et contradictoires. Le bénéfice à long terme de cette thérapeutique doit donc être évalué avec prudence. CHIRURGIE Chirurgie des cancers infracliniques, complications infectieuses postchirurgicales et risques de sous-traitement après chirurgie partielle du cancer du sein sont les sujets évoqués dans ce paragraphe. Miras Th et al. Les lésions mammaires infracliniques. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2000 ; 29 : 469. Un service de chirurgie gynécologique a évalué le taux de cancers décelés sur une série de lésions mammographiques impalpables : le pourcentage de cancers canalaires in situ et de cancers invasifs représente 38,7 % des patientes opérées. Lefebvre D et al. Incidence et facteurs de risque d’infections du site opératoire en chirurgie carcinologique mammaire. Presse Med 2000 ; 29 : 1927. Il s’agit de l’analyse des conditions favorisant la surinfection après chirurgie du cancer du sein. L’incidence globale des infections est de 3,51 %. La présence d’un cancer ou de radiothérapie n’augmente pas le risque. En revanche, la chimiothérapie et/ou la réalisation d’une reconstruction mammaire sont des facteurs favorisants. Ceci a, bien entendu, des applications pratiques permettant d’adapter l’antibiothérapie prophylactique en fonction de ces données. Nattinger AB et al. Relation between appropriateness of primary therapy for early-stage breast carcinoma and increased use of breast-conserving surgery. Lancet 2000 ; 356 : 1148. Les auteurs attirent l’attention sur le risque de sous-traiter les patientes après traitement conservateur. Une conférence de consensus avait admis en juin 1990 que, pour la plupart des stades 28 E P R E S S E I ou II, l’alternative à la mastectomie est la chirurgie conservatrice à condition qu’elle s’accompagne de curage axillaire et de radiothérapie. Or, on observe aux États-Unis une proportion croissante de femmes n’ayant pas un traitement complet, et ceci dans tous les sous-groupes, quels que soient l’âge ou le stade de la maladie. Les auteurs rappellent que le taux de récidive locale à 5 ans est de 35 % s’il n’y a pas de radiothérapie. Même si cela n’affecte pas la survie, c’est désastreux sur le plan psychologique. De même, une étude a montré que les tumeurs de 10 mm ou moins s’accompagnent d’un envahissement ganglionnaire dans 12,9 % des cas. Ce taux est de 28,6 % pour les lésions de 11 à 20 mm. Ces données restent inconnues si l’on ne pratique pas de curage et, à moins de réaliser une chimiothérapie systématique, on risque de sous-traiter. Même dit “conservateur”, un traitement doit rester complet. NOUVELLES THÉRAPEUTIQUES : L’HERCEPTINE Les auteurs ont évalué la place d’une nouvelle thérapeutique ciblée par la présence d’un gène, HER 2, en situation métastatique. JC Eymard résume dans Oncologie 2000 ; 2 : 98 les données obtenues au Congrès de l’ASCO 2000 concernant l’importance de l’herceptine. La surexpression de HER 2 analysée sur la tumeur a une valeur pronostique défavorable. De même, l’élévation du taux sérique de HER 2 serait un facteur prédictif péjoratif. L’herceptine, trastuzumab, est un anticorps monoclonal humanisé qui se fixe sur le récepteur HER 2. Il a fait la preuve de son efficacité dans les formes métastatiques, soit en monothérapie, soit associé à du paclitaxel ou à une chimiothérapie. Administré par voie intraveineuse pendant 1/2 heure à 1 heure, une fois par semaine, il n’a pas les mêmes effets secondaires que la chimiothérapie conventionnelle (perte de cheveux, nausées ou fatigue). Les taux de réponse à l’herceptine sont les plus importants pour les patientes HER +++. Barne DM, Miles DW. Response of metastatic breast cancer to trastuzumab ? Lancet 2000 ; 355 : 160. Du fait de son coût élevé, l’utilisation en routine de l’herceptine est restreinte aux patientes dont les tumeurs expriment fortement HER 2. En monochimiothérapie, les principaux effets secondaires sont la fièvre, les frissons et les douleurs à l’endroit de la tumeur ; ils sont liés à la dose de charge initiale et régressent ensuite lorsqu’on passe à 2 mg/kg. Il persiste un risque cardiotoxique quand l’herceptine est associé à la doxorubicine, ce qui restreint cette utilisation. La FDA a autorisé l’utilisation de trois kits de détection, l’un par immunohistochimie, les deux autres utilisant la technique de fluorescence in situ hybridisation (FISH). Cornel N, Piccart MJ. Cancer du sein et herceptine. Bull Cancer 2000 ; 87 : 847. Il s’agit d’une mise au point très documentée sur le gène et sa protéine HER 2, l’anticorps monoclonal ciblant spécifiquement HER 2 ou l’herceptine, les techniques permettant la détection de la surexpression de HER 2 (IHC ou FISH), les indications thérapeutiques de l’herceptine et les applications cliniques en situation métastatique. La Lettre du Sénologue - n° 12 - avril/mai/juin 2001 TRAITEMENT HORMONO-SUBSTITUTIF (THS) De nombreuses données de la littérature font état d’une discrète élévation du risque de trouver un cancer du sein chez les femmes prenant un THS. La plupart de ces études utilisent des produits peu prescrits en France. Des biais méthodologiques ne sont pas à exclure. Dans la mesure où le risque disparaît après l’arrêt du THS, où la mortalité n’est pas augmentée, et où les cancers n’ont pas un plus mauvais pronostic, on conclut au rôle promoteur et non initiateur des estrogènes. Les articles suivants sont récents et tentent d’éclairer le débat. Clavel-Chapelon F, Hill C. Traitement hormonal de la ménopause et risque de cancer du sein. Presse Med 2000 ; 29 : 1688. Très bonne analyse des travaux publiés jusqu’à ce jour avec résumés non seulement de la méta-analyse d’Oxford de 1997, mais surtout des études publiées depuis et non inclues dans cette méta-analyse. Les auteurs ont conclu qu’une discrète augmentation du risque est retrouvée, et ceci seulement pendant une période limitée. La discussion entre avantages et inconvénients doit être bien argumentée pour chaque patiente, sans oublier une notion peut-être encore mal connue, la diminution du risque de cancer colique. Des travaux supplémentaires sont nécessaires avec les traitements utilisés en France. Dans l’état actuel des connaissances, les auteurs recommandent que les cliniciens ne modifient pas leurs pratiques. dence une élévation du risque de cancer lobulaire tandis que le risque de cancer canalaire est stable dans les deux groupes (RR = 2,6 et 0,7 pour les estroprogestatifs conjugués). Cette élévation est plus faible (RR de 1,5 pour les lobulaires et 0,7 pour les canalaires) lorsqu’on utilise des estrogènes seuls. Stallard S et al. Effect of hormone replacement therapy on the pathological stage of breast cancer : population based, cross sectional study. Br Med J 2000 ; 320 : 348. Les facteurs de pronostic ne sont ni meilleurs ni pires chez les patientes sous THS. En effet, une étude a été réalisée sur 1 130 femmes résidant en Écosse âgées de 50 à 64 ans ayant eu un test mammographique de dépistage et qui ont eu soit un cancer dépisté soit un cancer de l’intervalle : les auteurs n’ont trouvé aucune différence en ce qui concerne les types de cancer, leur taille, le grade et l’envahissement ganglionnaire entre les patientes sous THS et les autres. Li CI et al. Hormone replacement therapy in relation to risk of lobular and ductal breast carcinoma in middle-aged women. Cancer 2000 ; 88 : 2570. Il s’agit d’une étude cas-témoins sur 537 femmes âgées de 50 à 64 ans atteintes d’un cancer du sein. Les auteurs mettent en évi- Ross RK et al. Effect of hormone replacement therapy on breast cancer risk : estrogen versus estrogen plus progestin. J Nat Cancer Inst 2000 ; 92 : 328. Il y a trois façons de prescrire un THS : estrogènes seuls – en particulier en cas d’hystérectomie –, estrogènes et progestatifs en continu ou estrogènes et progestatifs de façon séquentielle. Globalement, cette étude montre que le THS augmente discrètement le risque de cancer du sein, 10 % par tranche de 5 ans d’utilisation (RR 5 ans = 1,1). L’important, dans cette étude, est qu’il y a plus de cancers dans le groupe ayant des progestatifs que dans le groupe estrogènes seuls (RR = 1,24 contre 1,06 pour 5 ans). Quand il y a des progestatifs, le risque est un peu plus élevé dans le groupe séquentiel par comparaison avec le groupe continu, mais cela n’est pas statistiquement significatif. ■ Atelier pratique d’imagerie mammaire Atelier pratique d’imagerie du sein Organisé par le Dr R. Gilles avec la participation des Drs B. Barreau et M.H. Dilhuydy Cet atelier abordera, par petits groupes de 5 personnes, tous les aspects de l’imagerie mammaire (mammographie, échographie, IRM) et de la sénologie interventionnelle jusqu’à l’élaboration du compte-rendu en utilisant la classification ACR permettant une prise en charge diagnostique adaptée et cohérente. L’atelier se déroulera le 14 septembre 2001 à la polyclinique Bordeaux-Nord Nombre de participants : 15 Inscription : 1500 francs comprenant le repas de midi Inscription : Mme Karine Thuault, Polyclinique Bordeaux Nord, 15-33, rue Claude-Boucher, 33300 Bordeaux Tél. : 05 56 43 73 85/05 56 43 73 90 La Lettre du Sénologue - n° 12 - avril/mai/juin 2001 Ateliers pratiques d’imagerie du sein 1 session de 3 ateliers : 17-18-19 septembre 2001 – atelier de corrélations mammographique-histologie – atelier pratique de mammographie – atelier pratique d’imagerie par résonnance magnétique Organisateurs : Anne Tardivon - Daniel Vanel Service de radiodiagnostic, IGR, Villejuif Enseignements par petits groupes : lecture au microscope, étude de dossiers mammographiques, atelier de ponction sous échographie, réalisation pratique d’un examen IRM Renseignements et inscriptions : Mme Catherine Boulongne, service de radiodiagnostic, IGR, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif Cedex. Tél. : 01 42 11 48 25 - Fax : 01 42 11 52 79 E-mail : [email protected] 29