Chapitre 4
Opérateurs compacts et théorie
spectrale sur les espaces de Hilbert
4.1 Opérateurs compacts
Opérateurs compacts constituent une classe importante d’applications linéaires conti-
nues. D’une part, ils sont presque des opérateurs de rang fini (i.e. approchés par des opéra-
teurs dont l’image est de dimension finie).
D’autre part, la classe des opérateurs compacts est suffisamment large pour inclure les
opérateurs à noyau continus ou dans L2.
4.1.1 DÉFINITION
Soient Eet Fdeux espaces vectoriels normés. Une application T2L(E,F)est un
opérateur compact si T(¯
BE)est un compact de F, où ¯
BEest la boule unité fermée
de E.
On note par K(E,F)l’ensemble des opérateurs compacts de E dans F et par K(E)si E =F.
4.1.2 PROPOSITION
Soient Eet Fdeux espaces vectoriels normés et T2L(E,F).
Les conditions suivantes sont équivalentes :
i) Test compact.
ii) Pour tout AEborné, T(A)est compact.
iii) Toute suite bornée (xn)n2Nde E,(Txn)n2Nadmet une valeur d’adhérence.
Démonstration: 1. i))ii)Soit AEborné, alors il existe r>0 tel que Ar.¯
BE
d’où T(A)rT (¯
BE). Ainsi, T(A)est compact, comme fermé du compact
r.T(¯
BE).
149
4. Opérateurs compacts et théorie spectrale sur les espaces de Hilbert: Opérateurs
compacts 150
ii))iii)Il suffit de poser A={xn,n2N}.
iii))i)Soit (yn)n2Nune suite de T(¯
BE).
Pour tout n2N, il existe zn2T(¯
BE)tel que kynznkF2n.
Comme par hypothèse (zn)n2Nadmet une valeur d’adhérence, il en est de
même pour (yn)n2N.
4.1.1 Propriétés de base des opérateurs compacts
————————————————-
4.1.4 PROPOSITION (PROPRIÉTÉS DES OPÉRATEURS COMPACTS)
Soit Eet Fdeux espaces de Banach.
(i) L’ensemble des opérateurs compacts K(E,F)est un sous-espace vectoriel fermé
de L(E,F).
(ii) Soient S2L(E,F)et T2L(F,G), alors si Sou Test compact, TS2
K(E,G).
En particulier, K(E)est un idéal bilatère de l’algèbre L(E).
Démonstration: i) Soient l,b2Ket S,T2K(E,F). Soit (xn)une suite bornée
de E. Comme Set Tsont compacts, il existe une sous-suite (xf(n))telle que
S(xf(n))et T(xf(n))convergent, ainsi lS(xf(n))+bT(xf(n))converge. Donc, la
suite image de toute suite bornée par lS+bTadmet une valeur d’adhérence
i.e. lS+bT2K(E,F).
Soit T2K(E,F)Soit (xn)n2Nune suite bornée de Ei.e. il existe C>0, tel que
kxnkC
Soit #>0, il existe alors T#2K(E,F)tel que kTT#k #
2C. Comme T#est
compact, il existe une sous-suite (xf(n))telle que (T#xf(n))n2Nconverge, alors
elle est de Cauchy et par-suite
kT(xf(n))T(xf(m))kkT(xf(n))T#(xf(n))k+kT#(xf(n))T#(xf(m))k+kT#(xf(m))T(xf(m))k
d’où
kT(xf(n))T(xf(m))k2CkTTek+kT#(xf(n))T#(xf(m))k
par passage à la limite lorsque net mtendent vers +on aura
lim
n,m!+kT(xf(n))T(xf(m))k#
comme #>0 est arbitraire la suite T(xf(n))est de Cauchy donc converge. On
a donc montrer que T2K(E,F). Finalement K(E,F)=K(E,F).
4. Opérateurs compacts et théorie spectrale sur les espaces de Hilbert: Opérateurs
compacts 151
ii) Supposons S2K(E,F). Comme T(S(¯
BE))T(S(¯
BE)), ce dernier est com-
pact, comme image du compact S(¯
BE)par l’application continue T.
Ainsi TS(¯
BE)est compact i.e. TS2K(E,F).
4.1.6 COROLLAIRE (LES ISOMORPHISMES NE SONT PAS COMPACTS)
Soit Eun espace vectoriel normé de dimension infinie. Alors, l’opérateur identité
de En’est pas compact. Plus généralement, tout isomorphisme T:E!En’est
pas compact.
Démonstration: Pour l’opérateur identité Isur E, on a I(¯
BE)=¯
BE, qui ne peut être
compacte car la dimension de Eest infinie. Quant à l’assertion générale, si un iso-
morphisme T:E!Eest compact alors l’opérateur identité I=T1Tserait
compact, d’après la proposition précédente, ce qui serait une contradiction.
4.1.8 DÉFINITION
Soient Eet Fdeux espaces vectoriels normés. Une application T2L(E,F)est dite
de rang fini si la dimension de l’image de Lest finie i.e. dim L(E)<+. On note
R(E,F)l’espace des opérateurs de rang fini.
4.1.9 REMARQUE
Tout opérateur de rang fini est compact. En effet, T(¯
BE)est un fermé borné de
l’espace de dimension finie L(E), est donc compact.
Comme K(E,F)est fermé, il s’ensuit que tout opérateur qui peut être approché par des
opérateurs de rang fini est également compact ; c’est un critère très utile pour montrer
qu’un opérateur est compact.
4.1.10 COROLLAIRE (LES OPÉRATEURS DE RANG PRESQUE FINI SONT COMPACTS)
Soit Eet Fdeux espaces de Banach. Soit T2L(E,F), tel qu’il existe Tn2R(E,F),
et lim
n!+kTnTk=0. Alors Test compact.
On a la réciproque dans le cas des espaces de Hilbert,
4.1.11 PROPOSITION
Soient H1et H2deux espaces de Hilbert. Alors :
T2K(H1,H2)si et seulement s’il existe une suite Tn2R(H1,H2), telle que
lim
n!+kTnTk=0.
4. Opérateurs compacts et théorie spectrale sur les espaces de Hilbert: Opérateurs
compacts 152
Démonstration: Soit T2K(H1,H2)et #>0. Comme Test compact, Tį
BH1äest
précompact, il exise donc N#2Net {y1,...,yN#}tels que Tį
BH1äSN#
i=1B(yi,#).
On pose F#=Vect{y1,...,yN#}, et P#:H2!H2la projection orthogonale sur
F#. On pose T#=P#T. Comme T#(H1)=P#T(H1)F#,T#est de rang fini.
D’autre part, d’après 4.1.12, pour tout x2¯
BX,kTx T#xk=kTx P#(Tx)k=
infy2F#kTx yk#. D’où kTT#k#.
4.1.13 PROPOSITION (LADJOINT DUN OPÉRATEUR COMPACT)
Soit Hun espace de Hilbert sur Ket T2K(H). Alors Test un opérateur com-
pact.
Démonstration: Soit (xn)une suite bornée. Comme Test compact il en est de même
pour TTd’après 4.1.4. Il existe alors, une sous-suite (xf(n))telle que TT(xf(n))
converge. Comme
hTT(xf(n))TT(xf(m)),xf(n)xf(m)i=hT(xf(n))T(xf(m)),T(xf(n))T(xf(m))i
=kT(xf(n))T(xf(m))k2
Alors par Cachy-Schwarz, appliqué à TT(xf(n))TT(xf(m)),xf(n)xf(m)i,
on a que
kT(xf(n))T(xf(m))k2kTT(xf(n))TT(xf(m))k.kxf(n)xf(m)k
et comme TT(xf(n))est de Cauchy et (xf(n))est bornée, on aura que
lim
n,m!+kT(xf(n))T(xf(m))k=0, est donc de Cauchy et par complétude, elle
converge dans H.
4.1.2 Exemples d’opérateurs compacts
4.1.15 EXEMPLE.Soit une matrice infinie
A=àa00 a01 a02 ...
a10 a11 a12 ...
a20 a21 a22 ...
.
.
..
.
..
.
....í=(an,m)2CN2,
tel que C=X
i2NX
j2N|aij|2<+.
Alors, Adéfinit un oprérateur compact T:`2!`2par
T((xn)) = ( X
j2N
a0jxj,X
j2N
a1jxj,...)=ÑX
j2N
aijxjéi2N
.
4. Opérateurs compacts et théorie spectrale sur les espaces de Hilbert: Opérateurs
compacts 153
En effet, Test bien défini,
kT(xn)k2
2=X
i2N
X
j2N
aijxj
2
X
i2NÑX
j2N|aij|.|xj|é2
et par Cauchy-Schwarz on aura
kT(xn)k2
2X
i2NÑX
j2N|aij|2é.ÑX
j2N|xj|2é=ÑX
i2NX
j2N|aij|2é.k(xn)k2
2
D’où T2L(`2)et kTkpC.
Soit Tk:`2!`, défini par Tk((xn)) = ÑX
j2N
aijxjé0ik
, c’est un opérateur de
rang fini, en effet, c’est l’application PkTPkest la projection orthogonale sur
Fk=Vect(ei)0ikoù les ensont les élements de la base hilbertienne standard de
`2. On voit facilement que kTTkk2
+
X
i=k+1Ñ+
X
j=1|aij|2édonc tend vers 0 lorsque
k!+, comme le reste d’une série convergente. D’où Test limite d’opérateurs
de rang fini, il est donc compact.
4.1.16 EXEMPLE (LES OPÉRATEURS INTÉGRAUX SONT COMPACTS). Soit E=L2(I,C)muni
de la norme k.k2, où Iest un intervalle compact de R.
Considérons l’opérateur intégral T:E!Edéfini par
(TKf)(t)=ZIK(t,s)f(s)ds
de "noyau" K2C(II,C). D’après l’inégalité de Cauchy-Schwarz, on a
|TKf(t)|=|ZIK(t,s)f(s)ds|kK(t,·)k2kfk2
et
kTKfk2
2=ZI|(TKf)(s)|2ds
=ZI|ZIK(t,s)f(y)ds|2dt kfk2
2ZIkK(t,·)k2
2dt =kfk2
2kKk2
2.
Ceci montre que lorsque f2L2(I), la fonction TKfest bien définie presque partout
et qu’elle est de carré intégrable. TKest clairement un opérateur linéaire, et le calcul
ci-dessus montre qu’il est borné et que kTKkkKk2.
Pour montrer que TKest un opérateur compact, nous devons montrer que A:=
TK(BE)est un sous-ensemble relativement compact dans E.
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