Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - nos 1-2 - janvier-février 2012
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dossier thématique
Conséquences endocriniennes
et métaboliques du stress
Avant-propos
Stress et cortisol :
des liens multiples et complexes
Stress and cortisol: multiple and complex links
Jean-Marc Kuhn *
Le stress, anglicisme adopté par la langue française, correspond à une forte tension
mentale ou physique que l’organisme humain perçoit comme un facteur le plus
souvent agressif lorsqu’il est subit et non recherché. Cela l’oppose à la décharge
d’adrénaline“ qui fait partie du jeu de certaines activités ludiques et/ou sportives,
comme le saut à l’élastique ou le parachutisme. Qu’il soit unique, aigu et intense (stress
post-traumatique) ou, au contraire, plus sournois et répétitif (harcèlement), le stress retentit
sur l’équilibre psychologique, endocrinien et métabolique.
Les différents volets du dossier thématique intitulé Conséquences endocriniennes
et métaboliques du stress abordent 3 des aspects de son retentissement. L’activation
du système hypothalamo-hypophyso-surrénalien, et plus précisément les effets tissulaires
du cortisol, constitue le fil rouge commun à ces différentes répercussions du stress.
Tel le naufrage du Costa Concordia, le stress post-traumatique succède à un événement grave
menaçant l’intégrité physique de l’individu ou celle d’autrui et est inducteur d’une peur intense
ou d’un sentiment d’impuissance ou d’horreur. Outre ses répercussions psychologiques
récurrentes, le stress post-traumatique s’associe à des modifications de l’équilibre endocrinien,
ou en est la cause. Le système hypothalamo-hypophyso-surrénalien est impliqué en première
ligne. À la mise en jeu aiguë initiale du système de contrôle de la sécrétion d’hormones
glucocorticoïdes suit, lorsque le stress post-traumatique se pérennise, une phase d’adaptation
du système hypothalamo-hypophyso-surrénalien. Elle est responsable d’un nouvel équilibre
où intervient une hypersensibilité tissulaire au cortisol dans laquelle est impliqué le récepteur
glucocorticoïde, avec consécutivement une baisse de la cortisolémie. Les données recueillies
au cours d’études cliniques utilisant les outils pharmacologiques classiques d’évaluation
de la fonction de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, l’étude de l’expression
de certains gènes impliqués dans la sensibilité tissulaire aux glucocorticoïdes et l’utilisation,
sur des modèles intensément stressés, d’antagonistes des récepteurs de la Corticotropin-
Releasing Hormone (CRH) ou du récepteur des glucocorticoïdes viennent à l’appui
des hypothèses détaillées dans l’article de Magalie Garcia et al. : “Cortisol et état de stress post-
traumatique.
Lobservation a été maintes fois faite selon laquelle l’apport alimentaire, – qui se fait le plus
souvent sous forme d’un grignotage d’aliments riches en glucides – , exerce un effet
compensatoire antistress. Cet effet s’exercerait notamment par des relais sérotoninergiques
centraux. Leffet bénéfique immédiat est contrebalancé par une cohorte d’inconvénients
* Service d’endocrinologie,
diabète et maladies
métaboliques,
CHU de Rouen.
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - nos 1-2 - janvier-février 2012
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Stress et cortisol : des liens multiples et complexes
au premier rang desquels on retrouve certains facteurs majeurs du risque
cardiovasculaire : obésité abdominale, hypertension artérielle, syndrome métabolique
ou diabète sucré. L’un des mécanismes impliqués dans ces indésirables conséquences
des ingestats antistress” semble emprunter le relais d’une activation du système
hypothalamo-hypophyso-surrénalien. Il est bien connu que le cortisol est l’agent
hormonal qui s’oppose le plus puissamment à l’insuline et que son excès chronique
s’accompagne d’une redistribution du tissu adipeux. La sécrétion de cortisol est stimulée
par le stress. Il s’agit donc d’un candidat très plausible au rôle de relais entre stress
et conséquences métaboliques. Plus que la cortisolémie elle-même, ce serait la teneur
en cortisol tissulaire qui en serait le marqueur. L’intervention de la 11-β hydroxy-stéroïde
déshydrogénase de type 1 (11-β HSD1), enzyme exprimée dans le tissu adipeux et qui
transforme in situ la cortisone inactive en cortisol, est étayée par des études expérimentales
et par les effets métaboliques bénéfiques du blocage de son activité, elle-même
contrôlée par des influences génétiques ou épigénétiques et l’action stimulante
de cytokines pro-inflammatoires. La revue de Jean-Michel Lecerf fait le point
sur les connaissances actuelles et permet d’entrevoir des perspectives
thérapeutiques contre les conséquences métaboliques nocives du stress.
Le cortisol est également l’acteur central du troisième volet du dossier
thématique. Bérangère Valtat et Bertrand Blondeau y abordent le rôle
direct du glucocorticoïde sur le développement, in utero, des cellules β
pancréatiques. Le nombre et la capacité d’insulinosécrétion de ces cellules
représentent en effet des facteurs déterminants du risque de développement
d’un diabète de type 2 à l’âge adulte. À titre d’exemple de la “programmation
fœtale de maladies survenant à l’âge adulte, il est bien établi que le retard
de croissance intra-utérin (RCIU) s’associe à un risque accru d’apparition
ultérieure d’une obésité ou d’un diabète de type 2. Les auteurs soulignent
bien le lien, démontré sur des modèles animaux, qui existe entre RCIU,
inflation du taux maternel et fœtal de glucocorticoïde et masse insulaire
β pancréatique. Sur d’élégants modèles murins d’inactivation du
gène codant pour le récepteur glucocorticoïde, et ce spécifiquement
au sein des précurseurs des cellules β pancréatiques, ils montrent
clairement l’implication de ce récepteur, acteur distal du système
hypothalamo-hypophyso-surrénalien, comme relais de l’effet
néfaste de la sous-nutrition maternelle sur le développement des
cellules insulinosécrétrices.
Toute la chaîne des intervenants du système hypothalamo-
hypophyso-surrénalien, de la commande hypothalamique
à la réception tissulaire, apparaît donc impliquée
dans les conséquences métaboliques du stress, aussi bien pendant
la vie embryonnaire qu’après la naissance.
Les progrès effectués dans la compréhension de l’intimité
de ces mécanismes ouvrent la porte vers de potentielles perspectives
thérapeutiques qui permettraient d’en limiter la fréquence
ou l’intensité.
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