Stress et stress pathologique: diagnostic

publicité
Stress et stress pathologique
Philippe Corten
Psychopathologie du travail
ULB
Chapitre 6a : Mise au point somatique
La mise au point somatique nécessite un temps concernant les symptômes
perçus (anamnèse), un examen physique, une prise de sang et des tests
neurophysiologiques.
1. L’anamnèse
L’existence de nombreux signes d’activation neurovégétative est fréquente lors
de syndrome de stress chronique, comme dans le cas de syndromes anxieux ou
dépressifs. Ces signes ne sont pas spécifiques mais orientent vers les
conséquences sur le corps de la situation stressante. Parmi les plus fréquents
on observe :
a. Les épisodes de palpitations (tachycardie)
b. Les crises d’hyperventilation
c. Les crises de sudation très abondante (profuse) sans aucun danger mais au
point de devoir mettre le linge au séchoir
d. Les attaques de panique
e. Les diarrhées intermittentes
f. Les crises dites « vagales » où, au repos (par exemple au milieu de la nuit), la
personne fait une perte très brutale de connaissance (avec des
conséquences contusionnelles parfois majeures)
En cas de syndrome de stress pathologique, il sera recherché la pérennité des
symptômes nuit et jour et tous les jours de la semaine comme
a. Le réveil à 4 heures du matin au point de ne plus savoir se rendormir avant
6h
b. Les crampes nocturnes et le bruxisme (grincement des dents)
c. Les tensions de la mâchoire et de la nuque avec son cortège de céphalées
1
d. La fatigue chronique persistante ne rétrocédant pas à plusieurs nuits de
repos
e. Les coups de pompe, généralement du début de l’après midi, au point de
s’endormir littéralement sur place
f. Le brûlant à l’estomac (pyrosis)
g. L’amaigrissement en absence de régime
h. L’augmentation (ou baisse) de la libido avec répétition d’ « accidents » lors
des rapports (éjaculation rapide, éjaculation sans jouissance, baisse de
rigidité, absence répétitive d’orgasme chez une femme aboutissant assez
souvent à ce résultat…)
Signes d’activation chronique neurovégétative ou de stress
Cochez
si oui
Réveil 4h du matin avec difficultés de réendormissement
Crampes nocturnes
Bruxisme
Contractures nuque ou mâchoires
Fatigue chronique persistante
Coups de pompe majeurs dans la journée
Pyrosis
Diarrhée ou selles molles intermittentes
Amaigrissement sans régime
Sudation profuse au réveil
Augmentation (ou baisse) de la libido
« Accidents » lors des relations sexuelles
Si plus de 5 signes : significatif
2
QUESTIONNAIRE DE SYMPTOMES SOMATIQUES UTILISE A LA
CLINIQUE DU STRESS
+ tous les
jours
Plus d’1x
semaine
Moins d’1x
semaine
Parfois
Jamais
Ces 4 dernières semaines avez-vous éprouvé un des symptômes
suivants
J’ai des difficultés à m’endormir (sans somnifères)
Je me réveille souvent la nuit mais je me rendors
Je m’éveille trop tôt (4-5heures du matin) et j’ai de
grosses difficultés à me rendormir ou je ne me rendors
plus
J’ai des crampes musculaires (surtout la nuit)
Je grince des dents la nuit
Je transpire excessivement le matin au réveil
Quand je me réveille j’ai la mâchoire toute contracturée
J’ai des douleurs ou des tensions à la nuque ou aux
épaules
J’ai des douleurs ou des tensions dans le dos
Je suis fatigué, malgré un repos suffisant
J’ai des « coups de pompes » dans la journée au point
de m’endormir
J’ai des crampes abdominales
J’ai du brûlant à l’estomac
J’ai des selles molles ou la diarrhée
J’ai perdu du poids sans faire de régime
J’ai pris du poids
J’ai moins de désir sexuel
Ca ne va pas plus du tout du point de vue sexuel
J’ai des maux de tête ou des migraines
J’ai des palpitations
Je fais de l’hypertension
Je fais des chutes de tension
3
J’ai fais des crises d’hyperventilation
J’ai eu des syncopes (reflexes vagaux)
2. L’examen physique
L’examen somatique est généralement peu contributif, mais est nécessaire afin
de dépister d’éventuels problèmes somatiques sous-jacents. Une attention
particulière sera apportée par le médecin traitant sur la fonction cardiaque
(tachycardie et hypertension) par une prise de la tension et du pouls de
préférence en début d’entretien. Il n’est pas toujours aisé de réaliser cet examen
avant que la personne n’ait exprimé la raison de sa visite, c’est pourquoi l’on
peut faire une épreuve d’hyperventilation de 5 à 10 secondes (respiration rapide
haute) et mesurer pouls et tension avant et après cette épreuve et estimer les
variations observées.
3. La prise de sang
Outre le check up général vérifiant les différentes composantes sanguines, les
ions dans le sang avec la fonction rénale, la fonction hépatique, un syndrome
inflammatoire ou infectieux sous-jacent, la prise de sang explorera les
perturbations de la voie cholinergique (adrénaline), du cortisol et du
métabolisme énergétique (cycle de Kreps).
a.
Voie cholinergique :
L’exploration de cette dimension est souvent difficile en dehors d’une
hospitalisation. En effet, les décharges d’adrénaline sont ponctuelles et il
faudrait faire la prise de sang lors d’une de ces décharges. On peut très
bien imaginer une analyse globale sur les urines de 24 heures, mais cela
4
signifie pour le sujet de se balader 24 heures avec des bidons (ce qui n’est
pas évident si l’on travaille) et de plus avec un fond d’acide ! Des mesures
indirectes sont possibles comme l’augmentation des CPK (destruction
musculaire) et de la lipolyse (augmentation des triglycérides)
b. Métabolisme du cortisol et du cycle de Kreps :
La mesure principale est celle du cortisol le plus tôt possible le matin
(généralement 8 heures). L’idéal serait de la faire lors du réveil matinal
précoce, mais peu de laboratoires sont ouverts à cette heure et il manque de
valeurs de référence. Il est également possible d’observer les modifications
de sécrétion de cortisol dans la journée par tigettes salivaires.
1. En amont le cholestérol est un précurseur du cortisol, c’est le premier
paramètre qui augmente en particulier le cholestérol LDL (le mauvais
cholestérol). Son augmentation est rarement catastrophique au point
de prescrire des statines, le cholestérol total est rarement supérieur à
250 mg/dl, le LDL par contre dépasse souvent les 150 mg/dl. Le
cholestérol est ensuite transformé en Testostérone, cette
augmentation se mesure essentiellement par la diminution du
DHEA. Enfin la testostérone se transforme en cortisol qui est
libérée sous l’influx d’une hormone hypophysaire la CRF
(Corticotrophin Releasing Factor) qui stimule le cortex de la glande
surrénale (au dessus du rein) où se trouve le cortisol. La mesure de la
CRF est complexe et coûteuse et serait surtout judicieuse lors de
décharges de stress.
Elle est donc réservée aux études
expérimentales.
2. En aval : le cortisol augmente la lipolyse (augmentation de
triglycérides) et la fabrication de cholestérol, agit sur le métabolisme
des protéines en augmentant l’acide lactique, les CPK et en
diminuant le magnésium, le potassium et le calcium circulant. Le
cortisol a un impact sur le métabolisme osseux renforçant les risques
5
d’ostéoporose, stimulant l’activité des parathyroïdes, avec un déficit
en vitamine D renforcé parfois par la saison hivernale. (En effet,
c’est la mélatonine qui stimule la sécrétion de vitamine D). On
observe par ailleurs, souvent au terme d’un syndrome de stress
prolongé des conséquences sur la glycémie (sucre dans le sang,
source principale d’énergie), sur le métabolisme du foie (LDH, GT)
et sur la thyroïde. Enfin, vu la dépense énergétique importante de la
lutte contre le stress on constate dans un certain nombre de cas une
diminution de la fonction immunitaire.
c. Fausse polyglobulie de stress (syndrome de Gaisböck) :
La polyglobulie relative de stress, se caractérise essentiellement par une
augmentation de l’hématocrite (volume occupé par les globules rouges dans
un volume de sang donné) et une diminution du volume plasmatique
(liquide dans lequel les cellules de sang sont en suspension) avec une masse
érythrocytaire (globules rouges) normale. Elle est probablement due aux
diarrhées chroniques et l’élimination trop importante d’urine.
Physiologie du stress
Stress
Os (Ostéoporose)
CRF
ACTH
Thyroïde
Parathyroïde
Muscles (CPK)
Cortisol
DHEA
Androstérone
Lipolyse
Lipogenèse
Glycogenèse
Triglycérides
Cycle de
KREPS
Hyperglycémie
Sucres alimentaires
Cholestérol
Foie (GammaGT, LDH)
6
4. Les examens complémentaires
a.
Test de tétanie latente :
b.
Variation Contingente Négative Encéphalique (VCN):
Beaucoup de stressés se plaignent de contractures musculaires surtout au
cou, de bruxisme ou de crampes musculaires nocturnes qui signent qu’en
permanence il semble y avoir une activité musculaire même la nuit. On
peut dès lors se demander si l’on n’est pas rentré dans un processus
physiologique objectivable par le test de tétanie latente. La technique
consiste à placer un garrot veineux afin de mettre le muscle en souffrance
relative, puis d’appliquer une décharge électrique au bout du doigt afin de
créer une contraction musculaire artificielle. On mesure l’intensité de la
contraction qui peut aller jusqu’au signe de Chowstek. Dans ce cas la main
se contracte avec les doigts en forme de pyramide, on parle dans ce cas de
mains d’accoucheur. On mesure également la durée de la contraction, elle
peut aller jusqu’à 6 minutes, moment où l’on enlève le garrot. Les
scientifiques ne sont pas unanimes quant à savoir s’il s’agit d’une
vulnérabilité permanente ou si cette hypersensibilité est réversible par
traitement adéquat. Nous n’avons pas trouvé d’articles scientifiques sur
l’évolution du test de tétanie latente chez les stressés. Généralement cette
symptomatologie est améliorée par les techniques de relaxation et la prise
de magnésium même en dehors de déplétion de cette substance dans
l’organisme. Une nouvelle fois l’adjonction de magnésium n’a pas fait
l’objet de démonstration scientifique évidente (Evidence Based Medecine)
mais semble de l’ordre d’une évidence empirique (Clinical Based
Medecine).
Beaucoup de patients stressés se plaignent de troubles de mémoire
immédiate et de concentration du genre : aller chercher quelque chose dans
la cuisine, arrivé sur place l’individu ne sait plus ce qu’il vient y chercher et
doit retourner à l’endroit où il y a pensé pour se remémorer son action. Ici
aussi on peut objectiver si ce phénomène est devenu un processus
physiologique par la VCN. L’enregistrement consiste à faire écouter
différents sons à un individu. Ces sons apparaissent à des moments
aléatoires. La personne testée doit pousser sur un bouton lorsqu’elle
perçoit un certain son. On mesure ici le temps de réaction et la fatigabilité
au cours de l’épreuve. Ces troubles sont généralement sans gravité mais
très handicapants dans la vie journalière (où ai-je garé la voiture ? où ai-je
mis mes clefs ou mes lunettes ? Etc..) Ils sont réversibles par un travail de
7
restructuration temporelle (gestion du temps) et une amélioration de
l’attention lors d’actes automatiques.
8
Téléchargement