RÉTROSPECTIVE 2011 Cancers digestifs Gastrointestinal cancers: 2011 highlights Coordination : C. Tournigand* Cancer colorectal C. Tournigand A. Lièvre** Cancer colorectal métastatique * Service de gastroentérologie, hôpital Saint-Antoine, Paris. ** Service de médecine interne et d’oncologie médicale, hôpital ­Ambroise-Paré, BoulogneBillancourt. ◆◆ Traitement séquentiel versus traitement combiné d’emblée avant l’ère des thérapies ciblées : suite et fin ! Les résultats de l’essai FFCD 2000-05 viennent enfin d’être publiés ! Cet essai français de phase III, multicentrique, randomisé et réalisé entre 2002 et 2006 avait pour objectif de comparer un traitement séquentiel débutant par une fluoropyrimidine en monothérapie suivie d’une bichimiothérapie à un traitement combiné par bichimiothérapie ­d’emblée chez des patients ayant un cancer colorectal métastatique (CCRm) non résécable (1). Au total, 410 patients ont été randomisés pour recevoir soit un traitement séquentiel par LV5FU2 (acide folinique + 5-FU) simplifié en première ligne puis FOLFOX6 (acide folinique + 5-FU + oxaliplatine) en deuxième ligne et FOLFIRI (acide folinique + 5-FU + irinotécan) en troisième ligne (n = 205), soit un traitement combiné d’emblée par FOLFOX6 puis FOLFIRI en deuxième ligne (n = 205). Alors que la survie sans progression (SSP) médiane (7,6 versus 5,3 mois ; p = 0,0004) et le taux de réponse objective (RO) [58 versus 24 % ; p < 0,0001] après la première ligne étaient logiquement meilleurs dans le bras combiné, ni la SSP médiane après 2 lignes de chimiothérapie (CT), objectif principal de l’essai (10,5 versus 10,3 mois ; p = 0,61), ni la survie globale (SG) [16,2 versus 16,4 mois ; p = 0,85] n’étaient significativement différentes entre les 2 bras. Les 6 décès liés à la toxicité observés sont tous survenus dans le bras combiné, dans lequel la survenue d’une toxicité sévère (grade 3-4) hématologique et non hématologique au cours de la première ligne de CT était significativement plus importante que dans le bras séquentiel (40 versus 5,9 % ; p < 0,0001 et 91 versus 12,8 % ; p < 0,0001 respectivement). 36 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 Après les essais FOCUS et CAIRO précédemment publiés, ce troisième essai montre qu’un traitement séquentiel débutant par une simple fluoropyrimidine suivie d’une bichimiothérapie lors de la progression est aussi efficace et moins toxique qu’une bichimio­ thérapie d’emblée. Ce traitement séquentiel est donc envisageable chez des patients ayant un CCRm, à condition que celui-ci ne soit ni résécable, ni menaçant, ni symptomatique. Cet essai, réalisé avant l’ère des thérapies ciblées, pourrait servir de base à d’autres essais stratégiques associant au traitement séquentiel un anticorps anti-Epidermal Growth Factor Receptor (EGFR) [en l’absence de mutation de KRAS] ou le bévacizumab, puisque plusieurs études ont montré l’efficacité et la bonne tolérance de telles associations. ◆◆ Quoi de neuf du côté des anticorps anti-EGFR en première ligne ? Le cétuximab a fait l’objet de plusieurs publications en 2011. Tout d’abord, l’actualisation des données des essais CRYSTAL et OPUS a permis de montrer qu’avec un statut KRAS disponible pour désormais 89 % des 1 098 patients de l’essai CRYSTAL et 93 % des 335 patients de l’essai OPUS, le bénéfice en faveur de la combinaison cétuximab + FOLFIRI ou FOLFOX était confirmé pour la SSP et la RO chez les patients à KRAS sauvage (2, 3) [tableau I]. De plus, après un suivi médian de 46 mois, il y avait une amélioration significative de la SG médiane dans l’essai CRYSTAL dans le bras cétuximab + FOLFIRI (23,5 versus 20,0 mois ; p = 0,0093), tandis que l’allongement de la SG dans le bras cétuximab + FOLFOX de l’essai OPUS n’était pas significativement différent. Ces 2 nouvelles publications confirment donc l’intérêt du cétuximab en première ligne chez les patients ayant une tumeur à KRAS sauvage. Plus surprenants sont les résultats de l’essai COIN, déjà rapportés à l’European Society for Medical Oncology (ESMO) en 2009 et publiés cette année dans le Résumé Dans le domaine des tumeurs digestives, l’année 2011 aura été marquée par la publication de grands essais qui feront date car ils constituent des avancées majeures. Cela concerne le traitement des tumeurs endocrines pancréatiques, avec le sunitinib et l’évérolimus, et le cancer du pancréas avec la publication de l’essai FOLFIRINOX, 3 essais positifs qui changent d’ores et déjà les habitudes de traitement. On retiendra également l’arrivée du panitumumab dans l’arsenal thérapeutique des tumeurs colorectales avancées, en première ligne en association avec le FOLFOX et en deuxième ligne en association avec le FOLFIRI. Enfin, un nouvel antiangiogénique, l’aflibercept (VEGF-trap), fait son entrée parmi les médicaments dont il faudra tenir compte à l’avenir dans la stratégie thérapeutique des cancers colorectaux métastatiques. CRYSTAL KRAS sauvage (n = 666) OPUS KRAS sauvage (n = 179) FOLFIRI (n = 350) FOLFIRI + cétuximab (n = 316) p FOLFOX (n = 97) FOLFOX + cétuximab (n = 82) p Réponse objective (%) 39,7 57,3 < 0,001 34 57 0,0027 Survie sans progression médiane (mois) 8,4 9,9 0,0012 7,2 8,3 0,0064 Survie globale médiane (mois) 20 23,5 0,0093 18,5 22,8 0,39 Lancet (4). Cet essai britannique, de phase III, randomisé, à 3 bras comparait, chez des patients ayant un CCRm en première ligne, une CT continue par FOLFOX4 ou XELOX (capécitabine + oxali­platine) [bras A ; n = 815], une CT identique + cétuximab hebdomadaire (bras B ; n = 815) et une CT identique à celle du bras A mais intermittente de 12 semaines avec reprise en cas de progression (bras C ; n = 815). La tumeur de 81 % des patients a été analysée : 43 % portaient une mutation de KRAS. Chez les patients à KRAS sauvage, l’objectif principal n’était pas atteint, puisque la SG médiane n’était pas différente entre les bras A et B (17,9 versus 17,0 mois ; p = 0,67), ni la SSP médiane (8,6 versus 8,6 mois ; p = 0,60). La différence n’était pas plus significative entre les 2 bras chez les patients ayant un statut KRAS/BRAF/ NRAS sauvage. Le seul bénéfice observé a été un taux de réponse significativement augmenté (57 versus 64 % ; p = 0,049). La plupart des effets indésirables de grades 3-4 non hématologiques (notamment cutanés et digestifs) étaient significativement plus fréquents dans le bras cétuximab. Par ailleurs, la toxicité digestive était plus élevée chez les patients traités par XELOX + cétuximab que chez les patients traités par FOLFOX + cétuximab, ce qui a conduit à une réduction systématique de la dose de capécitabine à 850 mg/m2 × 2/j au cours de l’étude. Seul le sous-groupe des patients combinant à la fois un statut KRAS sauvage, un seul site métastatique et traités par 5-FU plutôt que par capécitabine avait une meilleure SSP dans cette étude (n = 96 ; HR = 0,55 ; IC95 : 0,35-0,87 ; p = 0,011). Cancers colorectaux Cancers de l’estomac Cancers du pancréas Tumeurs endocrines digestives Summary Tableau I. CRYSTAL et OPUS : données actualisées et survie globale (2, 3). KRAS disponible pour 1 063 (89 %) des 1 098 patients Suivi médian : 46 mois (29 mai 2009) Mots-clés KRAS disponible pour 315 (93 %) des 335 patients Suivi allongé (30 novembre 2008) La forte proportion de patients traités par capécitabine (66 %) par rapport aux patients traités par 5-FU en perfusion pourrait donc, en partie, expliquer les résultats négatifs de cette étude, ainsi que la relativement faible dose-intensité de la capécitabine induite par sa toxicité digestive en association avec le cétuximab et la diminution significative de l’accès à une CT de seconde ligne dans le bras cétuximab. Le panitumumab vient, quant à lui, de faire son entrée dès la première ligne du traitement du CCRm, puisqu’il vient d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne en association avec le FOLFOX en première ligne et avec le FOLFIRI en deuxième ligne chez les patients à KRAS sauvage 1 an après la publication l’année dernière de 2 grandes études randomisées de phase III internationales, l’étude PRIME et l’étude 20050181, qui ont inclus respectivement 1 186 et 1 183 patients. L’analyse finale de l’étude PRIME, présentée au congrès de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO®) cette année (5), apporte un élément nouveau : un bénéfice désormais significatif de l’ajout du panitumumab à une CT de première ligne par FOLFOX4 en termes de RO (tableau II). Le bénéfice en SSP est, quant à lui, confirmé avec des chiffres un peu In the field of gastrointestinal tumors, 2011 was marked by the publication of large trials landmark as major advances. It concerns the treatment of pancreatic endocrine tumors, with sunitinib and everolimus, and pancreatic cancer with the final results of the FOLFIRINOX study. These three positive studies have already changed our daily practice. The arrival of panitumumab in the therapeutic armamentarium of advanced colorectal tumors as first-line in combination with FOLFOX and second line with FOLFIRI is also an important point. Finally, a new anti-angiogenic, aflibercept (VEGF-trap), joined the drugs to be taken into account in the future therapeutic strategy for metastatic colorectal cancer. Keywords Colorectal cancers Gastric cancers Pancreatic cancers Neuroendocrin tumors Tableau II. Résultats de l’étude PRIME en première ligne chez les patients à KRAS sauvage. KRAS sauvage (n = 656) FOLFOX FOLFOX + panitumumab p Réponse objective (%) 48 57 0,018 Survie sans progression (mois) 8,6 10 0,009 Survie globale (mois) 19,7 23,9 0,17 La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 | 37 RÉTROSPECTIVE 2011 Cancers digestifs meilleurs que ceux initialement rapportés dans la publication initiale de PRIME du Journal of Clinical Oncology en 2010. La SG, bien qu’allongée, n’est toujours pas significativement différente, peut-être parce que 25 % des patients du bras témoin (contre 13 % des patients du bras panitumumab) ont reçu un anti-EGFR après la première ligne. Enfin, le taux de résection secondaire des métastases hépatiques semblait meilleur dans le bras combinant panitumumab et FOLFOX (28 versus 18 %). CONFIRM-1 CCRm Première ligne n = 1 188 R FOLFOX4 + PTK/ZK* (n = 585) FOLFOX4 + placebo (n = 583) Objectif principal : survie sans progression CONFIRM-2 CCRm Deuxième ligne n = 855 R Stratification selon : – le PS OMS (0 versus 1-2) – le taux de LDH (≤ versus > 1,5 N) FOLFOX4 + PTK/ZK* (n = 426) FOLFOX4 + placebo (n = 429) Objectif principal : survie globale * PTK/ZK : 1 250 mg/j en 1 prise. Figure 1. Schémas et objectifs des études CONFIRM-1 et CONFIRM-2. ◆◆ Y a-t-il de la place pour d’autres antiangiogéniques que le bévacizumab ? Depuis l’avènement du bévacizumab dans le traitement du CCRm, plusieurs molécules ayant des propriétés antiangiogéniques ont fait l’objet d’une évaluation. On se souvient des résultats décevants l’année dernière du cédiranib dans les essais HORIZON II et III présentés au congrès de l’ESMO et du sunitinib rapportés à l’ASCO®, résultats non publiés à ce jour. Les inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) ciblant, entre autres, les récepteurs du Vascular Endothelial Growth Factor (VEGF), n’ont malheureusement encore pas été à l’honneur cette année. Les 2 grandes études randomisées de phase III CONFIRM-1 et CONFIRM-2 ayant évalué le vatalanib (PTK/ZK) en association au FOLFOX4 en première et deuxième ligne du CCRm et qui ont (enfin !) été publiées sont, elles aussi, négatives (6, 7). En effet, ces 2 études (dont le schéma et les objectifs sont résumés dans la figure 1) montrent des résultats pratiquement identiques en ce qui concerne leurs critères de jugement principaux, ainsi que pour la majorité des critères analysés, dont le taux de RO, le temps jusqu’à détérioration de l’état général et le temps jusqu’à une perte de poids de plus de 5 % (tableau III). Le seul bénéfice retrouvé a été une amélioration significative de la SSP dans le bras PTK/ZK de l’étude CONFIRM-2, en particulier pour Tableau III. Résultats des études CONFIRM-1 et CONFIRM-2. CONFIRM-1 CONFIRM-2 FOLFOX4 + PTK/ZK (n = 585) FOLFOX4 + placebo (n = 583) FOLFOX4 + PTK/ZK (n = 426) FOLFOX4 + placebo (n = 429) 21,4 20,5 13,1 11,9 Survie globale (mois) Médiane HR = 1,08 ; IC : 0,94-1,24 ; p = 0,26 Patients avec LDH > 1,5N 14,8 14,6 HR = 1,0 ; IC : 0,87-1,16 ; p = 0,95 9,7 7,3 HR = 1,04 ; IC : 0,82-1,33 ; p = 0,75 HR = 0,82 ; IC : 0,63-1,06 ; p = 0,13 7,7 5,6 Survie sans progression (mois) Médiane 7,6 HR = 0,88 ; IC : 0,74-1,03 ; p = 0,118 Patients avec LDH > 1,5N 7,7 5,8 HR = 0,67 ; IC : 0,49-0,91 4,2 HR = 0,83 ; IC : 0,71-0,96 ; p = 0,013 NP NP HR = 0,63 ; IC : 0,48-0,83 ; p < 0,001 Taux de réponse (%) NP NS NS Temps médian jusqu’à détérioration de l’état général selon OMS HR = 1,55 ; IC : 1,16-2,8 ; p < 0,003 HR = 2,23 ; IC : 1,60-3,10 Temps médian jusqu’à perte de poids ≥ 5 % HR = 1,91 ; IC : 1,58-2,3 ; p < 0,001 HR = 1,83 ; IC : 1,46-2,29 NP : non précisé ; NS : non significatif ; PTK/ZK : vatalanib. 38 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 NP NP NP RÉTROSPECTIVE 2011 L’étude VELOUR est une étude internationale de phase III qui a randomisé 1 226 patients ayant un CCRm prétraité par une CT à base d’oxaliplatine (dont environ 30 % avaient reçu du bévacizumab) pour recevoir soit FOLFIRI + aflibercept (4 mg/­kg) [n = 612] soit FOLFIRI + placebo (n = 614). Les ­résultats montrent une amélioration significative de la SG (critère principal) et de la SSP dans le bras aflibercept (figure 2). Le taux de réponse était également meilleur dans le bras aflibercept (19,8 versus 11,1 % ; p = 0,0001). Une analyse de sous-groupes selon les critères de stratification établis initialement (PS 0 versus 1 versus 2 et traitement antérieur par bévacizumab ou non) et selon d’autres paramètres cliniques et tumoraux a été réalisée. Cette analyse qui comporte un test d’interaction ne laisse pas apparaître de différence significative selon que les patients ont ou non été traités antérieurement par bévacizumab. Chez les 373 patients prétraités par bévacizumab, la SSP médiane était de 6,7 mois dans le bras aflibercept versus 3,9 mois dans le bras placebo FOLFIRI + aflibercept (n = 612) 100 Survie sans progression (%) FOLFIRI + placebo (n = 614) 80 HR = 0,758 ; IC99,99 : 0,578-0,995 ; p = 0,00007 60 40 20 0 4,67 0 6,9 3 6 9 12 15 Mois 18 21 24 27 30 FOLFIRI + aflibercept (n = 612) 100 FOLFIRI + placebo (n = 614) 80 Survie globale (%) le sous-groupe de patients ayant plus de 1,5 fois la normale de lactate déshydrogénases (LDH). Sur le plan de la tolérance, les 2 essais montrent une toxicité significativement plus importante dans le bras PTK/ZK, que l’on prenne en compte les effets indésirables dans leur ensemble, les effets indésirables sévères de grades 3-4 (hypertension artérielle [HTA], diarrhée, nausées, fatigue et déshydratation principalement) ou les effets indésirables graves. Cela a conduit à un taux d’arrêt thérapeutique pour cause de toxicité plus élevé dans le bras PTK/ZK. Cet ITK n’apporte donc clairement aucun bénéfice cliniquement significatif dans le CCRm. L’association sorafénib + FOLFOX6 modifié n’a pas montré non plus de résultats probants, en comparaison de l’association placebo + FOLFOX6 en première ligne dans l’étude de phase II randomisée RESPECT présentée à l’ESMO (8). Cette étude, qui a inclus 198 patients, n’a montré aucun bénéfice du sorafénib pour la survie ou la RO ; elle était en revanche associée à une toxicité plus importante, qui a conduit à son arrêt chez 32 % des patients et à une réduction significative de la dose-intensité du 5-FU et de l’oxaliplatine. Le sorafénib doit-il pour autant être complètement écarté du traitement du CCRm ? La question reste ouverte au vu des résultats de l’étude française de phase II NEXIRI, qui a rapporté, chez 52 patients lourdement prétraités (66 % avaient reçu au moins 3 lignes de CT) et à KRAS muté, un taux de contrôle de la maladie de 65 % et une SSP de 3,5 mois avec l’association sorafénib + irinotécan (9). Le sorafénib pourrait donc avoir un intérêt en situation de chimiorésistance dans ce sous-groupe de patients à KRAS muté. Une étude de phase II randomisée à 3 bras (NEXIRI 2) va prochainement comparer cette association à l’irino­técan ou au sorafénib en mono­thérapie. Dans l’immédiat, cette molécule n’a toutefois pas l’AMM dans le CCRm. Après les résultats très décevants de tous les ITK testés jusqu’à présent dans le CCRm, le seul antiangiogénique à tirer son épingle du jeu est le VEGF-trap, ou aflibercept, qui a montré des résultats très prometteurs dans l’étude VELOUR, rapportée pour la première fois au 14th World Congress on Gastrointestinal Cancer (WCGC) de Barcelone (10) puis au congrès de l’ESMO (11). Cet inhibiteur de l’angiogenèse ne correspond ni à un anticorps ni à un ITK mais à une protéine de fusion construite à partir de parties du domaine extracellulaire des VEGFR-1 et VEGFR-2 et d’un fragment Fc d’IgG1 humaine, ce qui lui permet de cibler toutes les isoformes du VEGF-A, du VEGF-B et du Placenta Growth Factor (PIGF). HR = 0,82 ; IC99,99 : 0,71-0,94 ; p = 0,0032 60 40 20 0 12,06 0 3 6 9 13,50 12 15 18 21 Mois 24 27 30 33 36 39 Figure 2. Résultats de survie de l’étude VELOUR. La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 | 39 RÉTROSPECTIVE 2011 Cancers digestifs (HR = 0,66 ; IC95 : 0,51-0,85) et la médiane de SG de 12,5 versus 11,7 mois (HR = 0,86 ; IC95 : 0,67-1,10). L’effet du traitement était plus prononcé chez les patients présentant des métastases hépatiques isolées (HR = 0,64 pour la SG, test d’interaction : p = 0,09 ; HR = 0,54 pour la SSP, test d’interaction : p = 0,008). L’association FOLFIRI + aflibercept a été liée à plus de toxicités de grades 3-4 (diarrhée : 19,3 versus 7,8 % ; neutropénie : 36,7 versus 29,5 % ; asthénie : 16,9 versus 10,6 % ; mucite : 13,7 versus 5 %) et d’effets indésirables spécifiques de l’action anti-VEGF (hypertension artérielle : 19,3 versus 1,5 % ; hémorragie : 2,9 versus 1,7 % ; événements thromboemboliques artériels : 1,8 versus 0,5 %). Toutefois, l’incidence de ces derniers était comparable, que les patients aient été prétraités par bévacizumab ou non. Cette étude montre donc pour la première fois l’efficacité d’un antiangiogénique autre que le bévacizumab en deuxième ligne du CCRm, avec une toxicité qui reste acceptable. L’aflibercept devrait donc probablement rejoindre prochainement l’arsenal thérapeutique du CCRm chez les patients prétraités par oxaliplatine. ◆◆ Facteurs prédictifs de la réponse aux anti-EGFR : au-delà des mutations des codons 12 et 13 de KRAS… Une étude publiée dans le Journal of the American Medical Association l’année dernière (12) suggérait que les mutations G13D avaient, d’une part, une valeur pronostique péjorative et qu’elles seraient, d’autre part, “sensibles” ou, en tout cas, moins résistantes aux anti-EGFR que les autres types de mutations de KRAS chez des patients chimiorésistants. À l’ASCO®, cette année, ont été présentés par la même équipe les résultats d’une analyse poolée des essais de première ligne CRYSTAL et OPUS allant dans le même sens (13), avec un taux de réponse (40 versus 22 % ; p = 0,07), une SSP (7,4 versus 6 mois ; p = 0,1) et une SG (15,4 versus 14,7 mois ; p = 0,37) améliorés par l’ajout du cétuximab chez les patients avec une mutation G13D. Toutefois, les différences n’étaient pas significatives sur ce petit effectif de patients avec une mutation G13D (n = 83) en raison de la faible fréquence de cette mutation (20 % des mutations de KRAS). De plus, des résultats contraires ont été présentés au congrès de l’ESMO à partir d’une analyse poolée des 3 essais randomisés évaluant le panitumumab en première, deuxième et troisième ligne montrant l’absence d’impact pronostique de ces mutations G13D et un effet délétère du panitumumab en association avec le FOLFOX en leur 40 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 présence (14). L’ensemble de ces données ne permet donc pas de conclure, et les mutations G13D, comme les autres mutations des codons 12 et 13 de KRAS, doivent donc, à l’heure actuelle, faire renoncer à un traitement par anticorps anti-EGFR. Cancer colique : traitement adjuvant Les données actualisées des essais C-08 du National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project (NSABP) [15] et AVANT (16) confirment les résultats négatifs de l’ajout du bévacizumab pendant 1 an à une CT adjuvante par FOLFOX. La publication de l’étude XELOXA est venue confirmer la place du XELOX en situation adjuvante dans les cancers coliques de stade III (17). Cette étude randomisée de phase III menée chez 1 886 patients a comparé un schéma XELOX à une association 5-FU + acide folinique (LV5FU) selon le schéma Mayo Clinic ou Roswell Park. La survie sans maladie (SSM) était significativement allongée dans le bras XELOX, que ce soit à 3 (70,9 versus 66,5 %), 4 ou 5 ans (66 versus 59,8 % ; HR = 0,80 ; IC95 : 0,690,93 ; p = 0,045). La survie sans récidive (SSR) était également significativement allongée dans le bras XELOX (HR = 0,78 ; IC95 : 0,67-0,92). Quant à la SG, bien que supérieure dans le bras XELOX (77,6 versus 74,2 %), elle n’était pas significativement différente entre les 2 bras après un suivi médian de 57 mois. Les résultats de cette étude font donc du XELOX une alternative au FOLFOX en situation adjuvante. Des résultats actualisés de l’essai NSABP C-07, rapportant les données de SG mais aussi les résultats d’analyses de sous-groupes, tenant compte notamment du stade tumoral (II versus III) et de l’âge des patients (plus ou moins de 70 ans), ont été publiés (18). Cet essai a comparé, chez 2 409 patients opérés d’un cancer colique de stade II (29 %) ou III (71 %), une CT adjuvante par 5-FU + acide folinique à 5-FU + acide folinique + oxaliplatine (FLOX). Après un suivi médian de 8 ans, le bénéfice en SSM persiste de manière significative dans le bras FLOX (tableau IV, p. 41). En revanche, bien que meilleure, la SG n’était pas significativement différente entre les 2 bras. L’analyse de sous-groupes et les tests d’interaction font clairement apparaître l’absence de bénéfice de l’oxaliplatine chez les patients de plus de 70 ans. Ces résultats, couplés à ceux de l’analyse poolée du groupe ACCENT (Adjuvant Colon Cancer Endpoints) [19], qui vont dans le même sens, doivent donc nous rendre vigilants sur l’indication de l’oxali­ platine en situation adjuvante chez les patients de RÉTROSPECTIVE 2011 Tableau IV. Résultats actualisés de l’essai NSABP C-07. 5-FU + acide folinique FLOX 64,2 69,4 HR = 0,82 ; IC95 : 0,72-0,93 ; p = 0,002 Selon l’âge < 70 ans > 70 ans 78,8 71,6 81,8 76,3 HR = 0,76 ; IC95 : 0,66-0,88 ; p < 0,01 HR = 1,03 ; IC95 : 0,77-1,36 ; p = 0,87 0,073 Selon le stade II III 80,1 57,8 82,1 64,4 HR = 0,94 ; IC95 : 0,70-1,26 ; p = 0,67 HR = 0,78 ; IC95 : 0,68-0,90 ; p < 0,001 0,38 78,4 80,2 HR = 0,88 ; IC95 : 0,75-1,02 ; p = 0,08 Selon l’âge < 70 ans > 70 ans 78,8 76,3 81,8 71,6 HR = 0,80 ; IC95 : 0,68-0,95 ; p = 0,013 HR = 1,18 ; IC95 : 0,86-1,62 ; p = 0,30 0,039 Selon le stade II III 89,6 73,8 89,7 76,5 HR = 1,04 ; IC95 : 0,72-1,50 ; p = 0,84 HR = 0,85 ; IC95 : 0,72-1,00 ; p = 0,52 0,37 Survie sans maladie à 5 ans (%) Survie globale à 5 ans (%) plus de 70 ans, chez lesquels l’association 5-FU + acide folinique est, en revanche, clairement bénéfique. Quant à l’intérêt de l’oxaliplatine dans les tumeurs de stade II, il n’apparaît pas de manière significative et reste extrêmement faible (augmentation de la SG de l’ordre de 0,1 % ici comme dans l’étude MOSAIC), rendant le ratio risque/bénéfice défavorable et la recommandation du FOLFOX non justifiée chez tous les patients ayant une tumeur de stade II. Une autre publication s’est intéressée à la CT adjuvante des tumeurs coliques de stade II chez les patients issus de la cohorte nord-américaine SEER (Surveillance Epidemiology and End Results) [20]. Parmi les 43 032 patients opérés d’un cancer colique de stades II/III entre 1992 et 2005, 24 847 étaient de stade II, dont 75 % avaient au moins 1 facteur clinicopathologique péjoratif (occlusion, perforation, T4, moins de 12 ganglions analysés, faible différenciation). L’impact pronostique de ces facteurs, quel que soit le traitement reçu, a été confirmé, avec une SG médiane à 5 ans de 69 % pour les patients de stade II comportant au moins 1 d’entre eux, 57 % pour les patients de stade II en leur absence et 44 % pour ceux de stade III. Une CT adjuvante a été administrée dans 20 % des cas de stade II (chez 19 et 21 % respectivement des patients sans et avec facteurs pronostiques péjoratifs) et dans 57 % des cas de stade III. Chez les patients ayant une tumeur de stade II, la CT adjuvante n’était associée à aucun bénéfice de SG à 5 ans, Interaction âge-oxaliplatine et stade-oxaliplatine (p) que ce soit en présence (56,7 versus 56,1 %) ou en l’absence (70,0 versus 69,5 %) de facteurs de mauvais pronostic, contrairement aux patients ayant une tumeur de stade III (48,9 versus 32 %). L’énorme effectif de cette cohorte, plus représentative de la réalité que les essais randomisés et intégrant de multiples covariables, apporte donc des arguments forts contre la CT adjuvante des tumeurs de stade II, dont le bénéfice est ici extrêmement faible. La valeur pronostique péjorative des facteurs clinicopathologiques étudiés est bien confirmée, mais leur impact sur le bénéfice d’une CT adjuvante reste à démontrer. Les données poolées de tous les essais du NSABP ayant évalué une CT adjuvante (C-05, C-06, C-07 et C-08), portant sur 3 000 patients, montrent, quant à elles, un gain absolu de 3,5 % en SG à 5 ans, qui n’est cependant pas significatif, ce qui pose là encore la question du ratio bénéfice/risque d’une CT adjuvante chez ces patients (21). Enfin, une étude française multicentrique coordonnée par A. Zaanan a évalué l’impact du statut MSI sur le bénéfice de la CT adjuvante par FOLFOX chez 303 patients opérés d’un cancer colique de stade III (22). La SSM à 3 ans était significativement meilleure chez les 34 patients (11,2 %) ayant une tumeur à phénotype instable (MicroSatellite Instability [MSI]) que chez les patients avec une tumeur à phénotype stable (MicroSatellite Stability [MSS]) [90,5 versus 73,8 % ; HR = 2,16 ; IC95 : 1,09-4,27 ; p = 0,027]. En analyse multivariée, le statut MSI La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 | 41 RÉTROSPECTIVE 2011 Cancers digestifs restait un facteur indépendant de bon pronostic en termes de SSM (HR = 4,48 ; IC95 : 1,34-14,99 ; p = 0,015). Contrairement à ce qui est observé avec une CT adjuvante à base de 5-FU seul, le statut MSI ne semble donc pas être un facteur prédictif de ­l’absence de bénéfice d’une CT par FOLFOX. Traitement néo-adjuvant du cancer du rectum * Service d’oncologie médicale, hôpital Saint-Antoine, Paris. Après les résultats l’année dernière de l’essai ­français ACCORD12 ont été publiés cette année ceux de l’essai de phase III italien STAR-01 (23), dont l’objectif était également d’évaluer l’intérêt de l’adjonction de l’oxaliplatine à une radiochimio­ thérapie (RCT) néo-adjuvante à base de 5-FU dans les cancers du rectum localement avancés (T3-4 et/ou N1-N2). Un total de 747 patients ont été randomisés entre une RCT classique (50,4 Gy et 5-FU continu concomitant) et une RCT expérimentale (même schéma + perfusion hebdomadaire d’oxaliplatine pendant 6 semaines). Les résultats publiés dans cet article sont ceux d’une analyse planifiée de la réponse complète histologique (ypCR) au traitement néo-adjuvant (les données de SG, critère principal de jugement, n’étant pas matures). Ils montrent clairement l’absence d’amélioration du taux de ypCR (16 % dans les 2 bras) et du taux de conservation sphinctérienne avec l’oxaliplatine mais, en revanche, une plus grande toxicité de la RCT. La dose de radiothérapie (RT) dans cet essai (50,4 Gy) est supérieure à la dose standard de 45 Gy, ce qui peut expliquer le taux de ypCR plus élevé qu’attendu dans le bras de référence et l’absence de bénéfice de l’ajout de l’oxaliplatine. L’essai ACCORD12 avait montré l’absence d’amélioration significative du taux de ypCR et une toxicité accrue avec le schéma capécitabine + oxaliplatine + 50 Gy de RT (CAPOX50) comparé au schéma capécitabine + 45 Gy de RT (CAP45). Ces 2 essais, ainsi que l’essai R-04 du NSABP rapporté cette année à l’ASCO® (24), permettent de conclure que l’adjonction d’oxaliplatine au schéma de RCT néo-adjuvante n’améliore pas le contrôle local mais qu’une intensification de la dose de RT à 50 Gy semble présenter un intérêt sur ce plan. Les différentes études présentées à l’ASCO®, rapportant enfin l’équivalence de la capécitabine et du 5-FU lorsqu’ils sont associés à la RT (24, 25), nous confortent donc dans l’idée que le schéma capécitabine + 50 Gy de RT (CAP50) peut être considéré comme le standard actuel de RCT néo-adjuvante du cancer du rectum. 42 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 Cancer gastrique L. Teixeira* Traitement adjuvant Les résultats de l’étude CLASSIC ont été présentés à l’ASCO® 2011 (26). Il s’agit d’une étude de phase III, multicentrique, internationale (3 pays asiatiques : Corée du Sud, Chine et Taïwan), randomisée, en ouvert, qui a évalué l’intérêt d’une CT adjuvante comportant 8 cycles de XELOX (capécitabine 1 000 mg/m2 × 2/j de J1 à J14, oxaliplatine 130 mg/m2 à J1, J1 = J21) par rapport à une surveillance après gastrectomie pour cancer gastrique opérable. Pour être inclus, les patients devaient avoir un cancer gastrique opérable d’emblée, de stade II, IIIA ou IIIB, ne pas avoir reçu de CT, ni de radiothérapie néoadjuvante, et avoir eu, dans les 6 semaines précédant l’inclusion, une gastrectomie avec un curage ganglionnaire de type D2. L’objectif principal était la SSM à 3 ans. L’hypothèse statistique était une réduction du risque de 25 % dans le bras expérimental (HR = 0,75), ce qui, pour avoir une puissance de 80 %, au risque α de 5 %, nécessitait la survenue de 385 événements, soit l’inclusion de 512 patients dans chaque bras. Au total, 1 035 patients ont été inclus, 520 dans le bras XELOX et 515 dans le bras surveillance. C’est à la suite d’une analyse intermédiaire planifiée (après 266 événements, soit 60 % de ceux attendus) que le comité indépendant a décidé de communiquer les résultats de cette analyse. Après une médiane de suivi de 34,4 mois, la SSM estimée à 3 ans était de 74 % (IC95 : 70-79) dans le groupe XELOX versus 60 % (IC95 : 54-65) dans le bras témoin, avec un HR de 0,56 (IC95 : 0,44-0,72 ; p < 0,0001). La SG n’est pas significative, avec un HR de 0,74 (IC95 : 0,53-1,03 ; p = 0,0775), mais à 3 ans il est encore trop tôt pour conclure. Ces résultats confortent l’intérêt d’une CT adjuvante après gastrectomie. Chimiothérapie périopératoire La CT périopératoire des formes résécables de cancer gastrique de stade supérieur à IA est un standard en Europe, quel que soit le type histologique. Les adénocarcinomes gastriques à cellules indépendantes (cellules en bague à chaton) ont un pronostic péjoratif et une chimiosensibilité discutée. RÉTROSPECTIVE 2011 Du fait de leur moindre fréquence, il est difficile de connaître l’apport de la CT périopératoire dans ce sous-groupe histologique. L’analyse rétrospective d’un observatoire multi­ centrique français apporte des arguments contre cette attitude (27). Son étude a repris les données des patients opérés entre 1997 et 2010 ; 19 centres y ont participé. Les données de 3 010 patients opérés ont été reprises ; parmi ceux-ci, 1 050 (34,9 %) avaient un adénocarcinome gastrique à cellules indépendantes, dont 924 ont eu une chirurgie à visée curative. Cent soixante et onze patients (18,5 %) ont bénéficié d’une CT périopératoire, et 753 (81,5 %) d’une chirurgie seule. Les 2 groupes étaient comparables. Le taux de résection complète (R0) n’était pas supérieur dans le groupe CT (65,9 %) à celui du groupe chirurgie seule (62,3 %). Après un suivi médian de 31,5 mois, la médiane de SG était significativement moins bonne dans le groupe CT périopératoire (12,8 versus 14,0 mois ; p = 0,043). En analyse multivariée, la CT périopératoire paraît être un facteur indépendant de mauvais pronostic (HR = 1,4 ; IC95 : 1,1-1,9 ; p = 0,042). Cette étude rétrospective n’est pas en mesure de remettre en cause les pratiques, néanmoins elle incite à réaliser une étude prospective, nécessairement multicentrique, pour confirmer ces résultats. En situation métastatique Après les résultats de l’étude TOGA testant l’ajout du trastuzumab à l’association capécitabine (ou 5-FU i.v.) + cisplatine dans les cancers gastriques surexprimant HER2, on espérait que le cancer gastrique allait à son tour bénéficier des progrès apportés par les thérapies ciblées. Les résultats de l’étude AVAGAST sont venus tempérer cet enthousiasme (28). Cette étude de phase III, multicentrique, randomisée, en double aveugle, a testé l’intérêt de l’ajout du bévacizumab à l’association capécitabine (ou 5-FU i.v.) + cisplatine. Cette étude internationale a été menée dans les continents asiatique (49 % des patients recrutés, en provenance du Japon et de la Corée pour 90 % d’entre eux), européen (32 %, principalement d ­ ’Europe centrale) et américain (19 %, principalement d’Amérique du Sud). L’objectif principal était une augmentation de la SG, les objectifs secondaires étaient la SSP, le taux de réponse, la toxicité. Les analyses ont été faites en intention de traiter. Le traitement associait, sur des cycles de 3 semaines, 1 000 mg/m2 de capécitabine de J1 à J14 (ou, en cas d’incapacité à prendre le traitement oral, 800 mg/­m2 de 5-FU i.v. en continu de J1 à J5) à 80 mg/m2 de cisplatine à J1, auxquels était ajouté du bévacizumab à la dose de 7,5 mg/kg à J1 dans le bras expérimental. Le cisplatine était administré pour 6 cycles toutes les 3 semaines, la fluoropyrimidine et le bévacizumab poursuivis jusqu’à progression ou toxicité jugée inacceptable. Sept cent soixante-quatorze patients au total (387 patients dans chaque bras) ont été inclus entre 2007 et 2008. Les 2 groupes étaient comparables, la dose-intensité satisfaisante. Si la SG passe de 10,1 mois (IC95 : 9-10 mois) dans le groupe CT + placebo à 12,1 mois (IC95 : 11,1-13,8 mois) dans le bras CT + bévacizumab, cette différence n’est pas significative, avec un HR estimé à 0,87 (IC95 : 0,731,03 ; p = 0,1002) pour une médiane de suivi de 11,4 mois dans le bras bévacizumab et 9,4 dans le bras placebo. Ces résultats sont confirmés dans les analyses des sous-groupes (région de traitement, stade de la maladie, type de fluoropyrimidine) qui avaient été préspécifiés. Dans le groupe bévacizumab, la survie estimée à 1 an (50,2 versus 42,3 % ; p = 0,0301), la SSP (6,7 versus 5,3 mois ; HR = 0,80 ; IC95 : 0,68-0,93 ; p = 0,0037) ainsi que le taux de réponse (46 versus 37,4 % ; p = 0,0315) étaient significativement prolongés. Les toxicités ont été celles attendues, avec des grades supérieurs ou égaux à 3 comparables dans les 2 groupes : 76 % dans le groupe bévacizumab et 77 % dans le groupe placebo. Ainsi, les plus problématiques étaient des perforations, observées dans 9 cas (2,3 %) dans le groupe bévacizumab contre 2 (0,5 %) dans le groupe placebo, et des hémor­ ragies digestives (4 % dans les 2 groupes). Enfin, il y a même eu plus de thromboses veineuses dans le groupe placebo (9 versus 6 %). Les analyses de sous-groupes montrent des différences de médiane de survie selon le continent dans lequel le patient est traité. À ce stade, seules des hypothèses peuvent être formulées : ➤➤ Différences de pratiques : il semble que celles-ci portent essentiellement sur la survie du bras placebo (Asie : 12,1 mois ; Europe : 8,6 mois ; Amérique : 6,8 mois). Ce qui explique en partie que le bénéfice soit nul chez les patients asiatiques (HR = 0,97 ; IC95 : 0,75-1,25), intermédiaire en Europe (HR = 0,85 ; IC95 : 0,63-1,14) et significatif en Amérique (HR = 0,63 ; IC95 : 0,43-0,94). Une des explications possibles tient aux différences de pratique ; les patients asiatiques ont reçu une seconde ligne dans 66 % des cas, La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 | 43 RÉTROSPECTIVE 2011 Cancers digestifs contre 31 % des cas en Europe (centrale surtout) et seulement 21 % en Amérique (Amérique latine principalement), ce qui a dû influencer la SG. Même l’accès aux soins de support est probablement différent. Il n’en reste pas moins que la SSP est également différente dans le bras placebo. Notons qu’il n’y avait pas de relecture centralisée des examens radiologiques. ➤➤ Bien évidemment, des différences classiquement évoquées tenant à l’origine ethnique, des différences de présentation clinique (plus de gastrectomies et de maladies difficilement mesurables, moins de lésions proximales de la jonction œsogastrique et de méta­stases hépatiques chez les patients asiatiques). Il existe des différences entre les types histologiques diffus et les types intestinaux, mais elles ne sont pas significatives. Comme habituellement, l’existence de biomarqueurs, difficiles à mettre en évidence concernant le bévacizumab, permettrait sans doute de dégager un sous-groupe de patients qui tirerait un bénéfice de l’ajout du bévacizumab. Carcinomes hépatocellulaires P. Afchain* * Service d’oncologie médicale, hôpital Saint-Antoine, Paris. Il y a eu cette année moins de grandes nouveautés dans le domaine des carcinomes hépatocellulaires. On peut néanmoins retenir les résultats de l’étude de phase III comparant le sorafénib et un placebo chez des patients ayant eu une chimio-embolisation intra-artérielle (1 ou 2 séances avec une réponse d’au moins 25 % évaluée entre 1 et 3 mois après la dernière séance de chimio-embolisation) [29]. Cette publication asiatique (Japon et Corée) a inclus 458 patients, excluant les tumeurs de plus de 70 mm ou de plus de 10 nodules. La randomisation se faisait à l’évaluation de la réponse de la chimio-­embolisation entre le bras sorafénib et le bras placebo. Les objectifs primaires étaient la SSP et/ou la survie sans rechute, et la SG était l’objectif secondaire. Pour plus de 50 % des patients, le sorafénib n’avait été instauré que plus de 9 semaines après la chimio-embolisation. La dose moyenne quotidienne était de 386 mg ; elle a dû être réduite pour 73 % des patients, 91 % ayant dû interrompre le sorafénib. La durée médiane de traitement était de 17 et 20 semaines respectivement. La médiane du temps jusqu’à progression ou récidive n’était pas significativement différente entre les 2 groupes : 5,4 mois dans le groupe sorafénib et 3,7 mois dans le groupe placebo (HR = 0,87 ; IC95 : 0,71-1,09 ; p = 0,25). En SG, la différence n’était pas non plus significative (HR = 1,06 ; IC95 : 0,69-1,64 ; p = 0,79). 44 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 Le problème pour l’interprétation de ces résultats était que les conclusions d’évaluation des réponses par les investigateurs n’étaient pas les mêmes que celles de la relecture centrale. Cela modifiait l’inter­prétation du temps jusqu’à progression, reportant la médiane pour les 2 bras (après relecture par les experts de façon centralisée) à 7,2 mois pour le bras sorafénib, et à 5,3 mois pour le bras placebo (HR = 0,79 ; IC95 : 0,63-1,00 ; p = 0,049). On conclut donc à une différence non significative entre l’adjonction ou non de sorafénib après la chimio-embolisation. Ces résultats laissant sceptique, une des explications possibles pourrait être le biais d’un traitement systémique trop court, commencé trop tardivement ou encore trop souvent interrompu, ne permettant donc pas de mettre en évidence une différence significative. Il n’en reste pas moins nécessaire de poursuivre les investigations afin de pouvoir démontrer l’intérêt du sorafénib après embolisation. Une autre étude permet de clore le débat sur l’intérêt de la thymostimuline dans le carcinome hépatocellulaire (CHC) localement avancé et/ou métastatique (30). En effet, 2 études distinctes de phase II utilisant cette fraction peptidique thymique à potentiel cytotoxique médié par un vecteur immun avait apporté un espoir qui n’a pas été confirmé par cette phase III. Cette étude multicentrique était prospective, randomisée, contrôlée contre placebo, en double aveugle, et a inclus, entre octobre 2002 et mars 2005, 135 patients avec un CHC localement avancé ou métastatique. Les patients étaient en bon état général (indice de Karnofsky supérieur ou égal à 60 %), avec une cirrhose parfois sévère (score de Child-Pugh inférieur ou égal à 12). La randomisation se faisait entre thymostimuline 75 mg/j en s.c. 5 jours sur 7 et placebo, avec une stratification sur la fonction hépatique. L’objectif primaire était la survie à 1 an, et les objectifs secondaires la SG, le temps jusqu’à progression, la réponse tumorale, la toxicité et la qualité de vie. La survie à 1 an était de 28 % (IC95 : 17-41) pour le bras traitement et de 32 % (IC95 : 19-44) dans le bras témoin, sans différence significative de SG – 5 mois (IC95 : 3,7-6,3) versus 5,2 (IC95 : 3,5-6,9) ; p = 0,87 ; HR = 1,04 (IC95 : 0,7-1,6) – ni de temps jusqu’à progression – 5,3 mois (IC95 : 2,0-8,6) versus 2,9 mois (IC95 : 2,6-3,1) ; p = 0,6 ; HR = 1,13 (IC95 : 1,7-1,8). L’ajustement par sous-groupes d’analyse en fonction de l’indice de Karnofsky, de la fonction hépatique et du stade tumoral ne modifie pas ces résultats. La qualité de vie était similaire dans les 2 groupes, bien qu’il y ait eu quelques cas de dysfonction rénale et de surcharge avec ascite dans le bras thymostimuline. RÉTROSPECTIVE 2011 Cancer du pancréas P. Afchain* L’essai de phase III français PRODIGE 4/ACCORD 11 comparant l’association FOLFIRINOX (oxaliplatine 85 mg/m2 ; irinotécan 180 mg/m2 ; acide folinique 400 mg/m2 et 5-FU en bolus à 400 mg/m2 suivi de 5-FU en continu à 2 400 mg/m2 pendant 46 heures, tous les 14 jours) et gemcitabine (1 000 mg/m 2 hebdomadaires pendant les 7 premières semaines sur 8 puis 3 semaines sur 4). Cette association thérapeutique se révèle une alternative intéressante à la gemcitabine en tant que traitement des adénocarcinomes pancréatiques avancés sous réserve que les patients soient en bon état général (patients ayant un PS de 0 ou 1, une bilirubinémie inférieure à 1,5 fois la normale) [31]. Elle est la première association sans gemcitabine à prolonger de façon significative la SG, critère d’évaluation principal, et à atteindre une médiane de plus de 11 mois. Dans le bras expérimental (FOLFIRINOX), la SG était significativement supérieure (médiane : 11,1 versus 6,8 mois), avec 48,4 % de survivants à 1 an, contre 20,6 % dans le bras gemcitabine. Le taux de RO (31 versus 9,4 %) et la SSP médiane (6,4 versus 3,3 mois) étaient plus importants dans le bras expérimental. La toxicité est plus importante avec le FOLFIRINOX : 46 % de neutropénies de Probabilité de survie globale (%) 100 Gemcitabine FOLFIRINOX 75 HR = 0,57 ; IC95 : 0,45-0,73 ; p < 0,001 (stratifié sur log-rank test) 50 25 0 0 3 6 100 9 12 15 18 21 24 27 30 33 36 39 42 45 48 Mois Nombre d’événements (n) Gemcitabine FOLFIRINOX Probabilité de survie sans progression (%) grades 3-4 (dont 5,4 % de neutropénies fébriles versus 4 dans le bras gemcitabine). Les cancers de la tête du pancréas sont sous-représentés dans cette cohorte (un tiers de l’effectif), les obstructions des voies biliaires et leurs complications qui en découlent étaient donc moins fréquentes (figure 3). Une autre étude de phase III a comparé dans la même indication la gemcitabine avec l’association gemcitabine + cétuximab (essai INTERGROUP S0205 de P.A. Philip et al.) et a donné de moins bons résultats (32). Elle a inclus 745 patients entre janvier 2004 et avril 2006, soit métastatiques soit en situation localement avancée. L’objectif principal était la SG, les objectifs secondaires la SSP, la RO et la toxicité. Il n’y avait pas de différence significative entre les 2 bras pour la SG (6,3 mois pour le bras association versus 5,9 mois pour le bras gemcitabine seule ; HR = 1,06 ; IC95 : 0,91-1,23 ; p = 0,23). Les RO et la survie jusqu’à progression étaient similaires dans les 2 bras. La différence concernant le temps avant l’arrêt du traitement n’était que de 2 semaines, en faveur du bras combinaison. Chez 90 % des patients testés pour l’expression tumorale d’EGFR, il n’y avait pas de mutation du récepteur. Voici donc la deuxième étude avec un médicament bloquant la voie d’EGFR qui se révèle négative. Si la mutation d’EGFR est un indicateur prédictif négatif pour l’adénocarcinome colorectal, 171 134 89 48 28 14 7 6 3 171 146 116 81 62 34 20 13 9 * Service d’oncologie médicale, hôpital Saint-Antoine, Paris. Gemcitabine FOLFIRINOX 75 HR = 0,47 ; IC95 : 0,37-0,59 ; p < 0,001 50 25 0 0 3 6 9 12 171 88 26 171 121 85 8 42 5 17 15 18 Mois 21 24 27 30 33 36 0 1 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 Nombre d’événements (n) 3 5 2 3 2 2 2 2 2 2 1 2 Gemcitabine FOLFIRINOX 2 7 0 4 Figure 3. Estimation selon Kaplan-Meyer de la survie globale et de la survie sans p ­ rogression selon le bras de traitement (32). Courbe A : survie globale, avec une médiane à 11,1 mois dans le bras FOLFIRINOX. Courbe B : survie sans progression, avec une médiane à 6,4 mois dans le bras F­ OLFIRINOX, et à 3,3 mois dans le bras gemcitabine. La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 | 45 RÉTROSPECTIVE 2011 elle ne l’est pas pour le cancer du pancréas. Le cétuximab n’apporte donc pas de bénéfice dans cette population de patients atteints d’adénocarcinome du pancréas (figure 4). Pour étayer la réflexion concernant le statut KRAS et l’impact des anti-EGFR selon les localisations, F. Kulmann et al. ont étudié dans une phase II multicentrique le statut mutationnel de patients avec adénocarcinome pancréatique métastatique au cours de leur traitement par une association gemcitabine + oxaliplatine + cétuximab (33). Le gène KRAS est muté dans 70 à 90 % des cas de cancer du pancréas. Par ailleurs, aucune étude de phase II ou III n’a pu démontrer d’amélioration ni de la survie ni des réponses tumorales à une association CT + cétuximab. Les auteurs ont donc décidé d’analyser la voie EGFR, notamment la mutation de KRAS, à l’occasion de cette étude de phase II. Le statut KRAS, la réponse thérapeutique et la survie de 25 des 64 patients inclus ont pu être analysés. Cinquante-six pour cent avaient une mutation du codon 12 du gène KRAS, seule mutation recherchée. Mais aucune différence de SSP n’était retrouvée entre les groupes KRAS sauvage et KRAS muté (pour le codon 12) : 104 versus 118 jours. La SG était en revanche un peu plus longue dans le groupe sauvage que dans le groupe avec mutation de KRAS (263 versus 162 jours), sans que cette différence n’atteigne la significativité. Par ailleurs, l’éruption cutanée sous traitement était à nouveau positivement et significativement corrélée à la SG. * hôpital Saint-Antoine, Paris. Patients (n) Événements (n) Médiane (mois) 100 Survie globale par bras de traitement (%) Cancers digestifs Gemcitabine 80 371 355 5,9 Gemcitabine + cétuximab 372 355 6,3 60 40 20 p = 0,23 0 0 12 24 Durée de suivi (mois) 36 48 Figure 4. Courbes de Kaplan-Meyer de survie globale de patients atteints de cancer du pancréas avancé traités respectivement par gemcitabine seule et par gemcitabine + cétuximab (4). 46 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 Tumeurs neuroendocrines L. Bengrine-Lefèvre* Tumeurs endocrines pancréatiques métastatiques Le traitement des formes métastatiques a été marqué par 2 articles dans le même numéro du New England Journal of Medicine. Le premier, signé par E. Raymond et al. (34), a comparé le sunitinib au placebo dans un essai de phase III incluant 171 patients porteurs de tumeurs neuroendocrines d’origine pancréatique métastatiques, la plupart étant porteurs de métastases hépatiques. Les traitements préalables étaient autorisés, y compris par CT systémique. La dose de sunitinib administrée était de 37,5 mg/j en continu. L’objectif primaire était la SSP, l’objectif secondaire était la SG. L’essai est positif pour tous ses objectifs, et a été arrêté précocement en raison du bénéfice pour la survie dans le bras expérimental. La SSP médiane est de 11,4 mois dans le bras sunitinib et de 5,5 dans le bras placebo. Le HR est de 0,42 pour la SSP (IC95 : 0,26-0,66) et de 0,41 pour la SG (IC95 : 0,19-0,89) [figure 5, p. 47]. Les données de survie actualisées à l’ASCO® n’ont pas confirmé le bénéfice pour la SG (35), malgré une médiane de 30,5 mois dans le bras sunitinib versus 24,4 dans le bras placebo. Au cours de l’essai, 12 % des patients ont présenté une neutropénie de grades 3-4, 5 % une diarrhée de grades 3-4, 10 % une hypertension et 6 % un syndrome main-pied de grades 3-4. Parmi les 85 patients traités dans le groupe placebo, 59 (soit 69 %) ont été inclus dans un essai d’administration en ouvert de sunitinib. Grâce à cet essai, des patients pour qui aucun traitement n’était disponible pourront bénéficier du sunitinib, avec une tolérance satisfaisante. Le deuxième essai, RADIANT-3 (36) compare l’administration d’évérolimus à un placebo chez les patients porteurs de tumeurs neuroendocrines d’origine pancréatique de bas grade ou de grade intermédiaire métastatique selon l’ancienne classification (35). L’évérolimus était administré à la dose de 10 mg/j. Quatre cent dix patients ont été inclus. L’objectif primaire était la SSP. Tous les patients avaient une maladie progressive dans les 12 mois précédant l’inclusion dans l’essai. Une CT antérieure était autorisée. Comme dans le premier essai, la majorité des patients étaient porteurs de métastases hépatiques. RÉTROSPECTIVE 2011 100 HR = 0,42 ; IC95 : 0,26-0,66 ; p < 0,001 80 80 Survie globale (%) Survie sans progression (%) 100 60 40 20 0 60 20 Sunitinib Placebo 0 HR = 0,41 ; IC95 : 0,19-0,89 ; p = 0,02 40 5 10 15 20 0 25 Sunitinib Placebo 0 5 10 Mois Patients (n) Sunitinib Placebo 86 85 39 28 15 20 25 16 12 3 3 0 0 Mois 19 7 4 2 0 1 0 0 Patients (n) Sunitinib Placebo 86 85 60 61 38 33 Figure 5. Courbe de survie (34). 80 60 HR = 1,05 ; IC95 : 0,71-1,55 ; p = 0,59 by one-sided log-rank test 40 Évérolimus (médiane* : 11,4 mois) 20 Placebo (médiane* : 5,4 mois) 0 HR = 0,34 ; IC95 : 0,26-0,44 ; p < 0,001 by one-sided log-rank test (relecture centralisée) 100 Probabilité de survie sans progression (%) Probabilité de survie globale (%) 100 0 4 8 12 16 Mois 20 24 28 32 80 Évérolimus (médiane* : 11,4 mois) Placebo (médiane* : 5,4 mois) 60 40 20 0 0 4 8 12 16 Mois 20 24 28 32 * Médiane selon Kaplan-Meier. Figure 6. Courbe de survie (36). L’essai est positif pour son objectif principal, la SSP, avec un HR à 0,35 (IC95 : 0,37-0,45), mais négatif en SG, aucune différence entre le traitement et le placebo n’ayant été observée (figure 6). La médiane de SSP est de 11 mois dans le bras évérolimus et de 4,6 mois dans le bras placebo (évaluation par les investigateurs). Parmi les 203 patients traités dans le bras placebo, 73 % ont bénéficié d’un crossover avec administration d’évérolimus. Le profil de tolérance est bon, avec une surveillance accrue de la stomatite (tous grades : 64 %, grades 3-4 : 7 %), mais il existe un effet indésirable grave à surveiller, survenant chez 2 % des patients traités par évérolimus : la pneumopathie interstitielle, qui survient majoritairement chez les patients nécessitant la prise de corticoïdes à long terme. Ces 2 essais valident 2 nouvelles molécules dans la prise en charge des tumeurs neuroendocrines méta­ statiques d’origine pancréatique bien différenciées. Se pose désormais la question de la stratégie thérapeutique et du positionnement des traitements les uns par rapport aux autres. Un autre essai intéressant, publié par J.R. Strosberg et al. (37), place un traitement de CT entièrement oral dans l’arsenal thérapeutique. Trente patients La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 | 47 RÉTROSPECTIVE 2011 Cancers digestifs porteurs de tumeurs neuroendocrines bien à moyennement différenciées d’origine pancréatique selon la classification OMS 2000 ont été traités en première ligne par une association de capécitabine (750 mg/­m2 × 2/j J1-J14) + témozolomide (200 mg/­m2 J10-J14) tous les 28 jours. La tolérance clinique a été bonne ; 21 patients ont présenté une RO radiologique et la médiane de survie à 2 ans était de 92 %. Malgré le faible effectif, cet essai démontre la bonne tolérance d’un traitement de CT classique avec un taux de RO très intéressant. Un taux de 12 % de toxicité de grades 3-4 a été observé. Il peut s’agir d’une alternative thérapeutique qui reste à valider dans un essai randomisé. Comme on le voit, l’arsenal thérapeutique se développe pour les tumeurs neuroendocrines bien différenciées d’origine pancréatique. Se pose la question de la stratégie thérapeutique. Place de la radiothérapie métabolique Une étude de phase II publiée dans le Journal of Clinical Oncology cette année (38) donne les résultats du traitement par radiothérapie par des injections répétées d’[90Y DOTA]-TOC chez 1 109 patients. Le principe thérapeutique est d’injecter par voie intraveineuse de l’yttrium 90, traceur émetteur β fixé à un octréotide modifié. L’ensemble va être capté par les récepteurs de somatostatine et induire un rayonnement cytotoxique pour les cellules endocrines. Cette technique nécessite une hospitalisation de 3 jours. Elle permet également de réaliser au troisième jour une scintigraphie. La répétition de l’injection, et donc de l’imagerie, permet de vérifier la réponse morphologique au traitement. Son taux de réponse morphologique était de 34,1 %, avec 9,2 % de toxicité rénale et 12,8 % de toxicité hématologique. À 23 mois, la moitié des patients étaient décédés. La place de ce traitement, qui est disponible sous certaines conditions en France, reste encore à définir. Conclusion Les tumeurs neuroendocrines bénéficient aujourd’hui d’un développement prometteur. De nouvelles thérapeutiques sont en cours de développement, principalement dans les tumeurs bien différenciées avec l’avènement des thérapies ciblées. Les questions qui restent en suspens sont la séquence thérapeutique et le délai de mise en route du traitement.■ Références bibliographiques 1. Ducreux M, Malka D, Mendiboure J et al. Sequential versus combination chemotherapy for the treatment of advanced colorectal cancer (FFCD 2000-05): an open-label, randomised, phase 3 trial. Lancet Oncol 2011;12(11):1032-44. 2. Van Cutsem E, Köhne CH, Láng I et al. Cetuximab plus irinotecan, fluorouracil, and leucovorin as first-line treatment for metastatic colorectal cancer: updated analysis of overall survival according to tumor KRAS and BRAF mutation status. J Clin Oncol 2011;29(15):2011-9. 3. 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