DOSSIER THÉMATIQUE Journée de la FFCD Cancer du côlon : actualités Colon cancer: what’s new M. Hebbar* Cancer colorectal métastatique (métastases non résécables) * Unité d’oncologie médicale, CHRU de Lille. Lors du dernier congrès de l’ASCO ont été rapportés les premiers résultats de l’étude CRYSTAL, évaluant la place du cétuximab en première ligne (1). Cet essai de phase III a porté sur 1 217 patients et a comparé FOLFIRI-cétuximab à FOLFIRI. Les taux de réponses objectives (RO) étaient respectivement de 48,9 % et 38,7 %, avec davantage de résections de métastases dans le bras cétuximab (4,3 % versus 1,5 %, p = 0,0034). L’analyse de la survie sans progression indiquait également un avantage significatif (bien que modeste) pour le cétuximab (médianes : 8,9 mois versus 8,0 mois, p = 0,048). L’essai CRYSTAL est donc positif et fournit une option supplémentaire en première ligne, tout particulièrement en cas de métastases à la limite de la résécabilité. Un autre point important en matière d’anti-EGFR concerne les facteurs prédictifs biologiques, et tout particulièrement la place des mutations tumorales de KRAS. Les résultats initiaux de A. Lièvre et al. (2), portant sur 30 patients et indiquant l’absence de RO sous cétuximab-irinotécan, ont été confirmés récemment dans des séries plus importantes (3, 4). Lors du congrès de l’ECCO, R.G. Amado a présenté les résultats d’une étude biologique satellite de l’essai comparant le panitumumab au traitement symptomatique seul, chez des patients lourdement prétraités (fluoropyrimidine, irinotécan et oxaliplatine) [5]. L’objet de l’étude biologique était de rechercher des mutations tumorales de KRAS et d’évaluer leur corrélation avec l’efficacité du panitumumab. Une mutation a été retrouvée dans 43 % des cas. Les taux de RO dans le bras panitumumab étaient de 17 % et 0 % respectivement en l’absence ou en présence de mutation. Après crossover, 168 260 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 6 - juin 2008 des 231 patients du bras traitement symptomatique ont reçu du panitumumab, et, là encore, les taux de RO étaient de 22 % et 0 % en l’absence ou en présence de mutation de KRAS. Cela explique que la très récente AMM du panitumumab (Vectibix®) soit conditionnée par le statut mutationnel KRAS. Il est urgent que cela soit validé pour le cétuximab. À l’heure des thérapies ciblées et des facteurs prédictifs biologiques, des essais de stratégie ont fait l’objet de larges débats. Ces essais comparaient une stratégie débutant par une fluoropyrimidine à une stratégie démarrant par une bichimiothérapie d’emblée. L’essai CAIRO, portant sur 820 patients, a comparé une stratégie capécitabine puis irinotécan puis XELOX à une stratégie XELIRI puis XELOX (6). Il n’a pas retrouvé de différence significative en termes de survie globale (16 mois versus 17 mois). Ces résultats peuvent plaider pour une monothérapie en première ligne, mais le choix de certains schémas (irinotécan 350 mg/m2/3 sem., XELIRI) est sans doute discutable, ces schémas étant loin d’être les plus performants et les mieux tolérés. Les médianes de survie observées sont d’ailleurs largement en deçà de celles dont témoignent les essais récents. Le deuxième essai de stratégie est celui de la Fédération francophone de la cancérologie digestive (FFCD) [7]. Il a porté sur 410 patients et a comparé LV5FU2 puis FOLFOX puis FOLFIRI à FOLFOX d’emblée puis FOLFIRI. Là encore, aucune réelle différence de survie globale n’a été constatée (17 et 16 mois). Cet essai est sans doute plus informatif, car il évalue des schémas couramment utilisés. Une proportion non négligeable de patients avait un statut OMS de 1 ou 2 (environ ½), ce qui explique en partie les médianes de survie. Néanmoins, cet essai indique clairement que, en cas de métastases non résécables, Mots-clés débuter par un schéma LV5-FU2 ne pénalise pas les patients. Les futurs essais de stratégie devront certainement intégrer cette donnée. Enfin, l’interprétation de l’étude MRC-FOCUS est délicate (8). Cette étude a comparé trois stratégies : ± bras A : LV5-FU2 jusqu’à progression puis irinotécan seul ; ± bras B : LV5-FU2 jusqu’à progression puis bithérapie (FOLFIRI ou FOLFOX) ; ± bras C : FOLFIRI ou FOLFOX d’emblée. La médiane de survie du bras C-FOLFIRI était significativement plus longue que celle du bras A contrôle (16,7 mois versus 13,9 mois, p = 0,01). Cependant, la différence entre les bras B et C étant dans la zone de non-infériorité, il a été conclu que les deux stratégies étaient comparables. Cela est, à notre sens, sujet à critique. Tout d’abord, le bras contrôle est sous-optimal en termes tant de tolérance que d’efficacité (irinotécan seul 350 mg/m2/3 sem.). Ensuite, comment le bras C-FOLFIRI peut-il être le seul à se révéler supérieur au bras contrôle et être néanmoins considéré comme comparable au bras B (LV5-FU2 en première ligne) ? Métastases résécables Les premiers résultats de l’essai randomisé de l’EORTC 40983 ont été présentés par B. Nordlinger au congrès de l’ASCO puis publiés récemment (9). L’étude a comparé la chirurgie seule des métastases hépatiques à la chirurgie encadrée par une chimiothérapie de type FOLFOX-4 (6 cycles avant la chirurgie et 6 cycles après). Ont été inclus 364 patients présentant des métastases hépatiques jugées résécables, avec un maximum de 4 métas- tases. Le taux de RO sous chimiothérapie en préopératoire était de 40,1 %. La survie sans progression était meilleure dans le bras chimiothérapie (36,2 % versus 28,1 % à 3 ans). Le seuil de significativité était franchi lorsque l’on ne retenait que les 342 patients éligibles (p = 0,041), et presque atteint en intention de traiter (p = 0,058). Quoi qu’il en soit, il s’agit de la première étude positive concernant la chimiothérapie systémique seule dans ce type de situation. Des questions restent néanmoins à résoudre. Quelle est la chronologie optimale (dans cet essai, elle était imposée) ? Quelle est la morbidité chirurgicale liée à la chimiothérapie préopératoire ? Cancer du côlon Panitumumab Cétuximab Keywords Colon cancer Panitumumab Cetuximab Traitement adjuvant Une actualisation des résultats de MOSAIC (FOLFOX-4 versus LV5-FU2) a été présentée par A. de Gramont et al. (10). Les résultats de survie sans récidive restent positifs, voire s’améliorent (73 % versus 67 % à 5 ans, p = 0,003), et les données de survie globale sont maintenant disponibles : 78,5 % versus 75,8 % à 6 ans pour l’ensemble de la population (p = 0,057). En ne retenant que les patients opérés d’un carcinome de stade III, la différence est clairement significative (73 % versus 66,6 %, p = 0,02). Une tendance vers la significativité est même constatée pour les stades II à haut risque. Ces résultats valident donc nos pratiques, et le schéma FOLFOX-4 reste le standard en l’absence de contre-indication. Signalons toutefois que le taux de neuropathies résiduelles n’est pas négligeable : 11,4 % à 4 ans, tous grades confondus. Une gestion rigoureuse de l’administration d’oxaliplatine est donc essentielle. O Références bibliographiques 1. Van Cutsem E, Nowacki M, Lang I et al. Randomized phase III study of irinotecan and 5-FU/FA with or without cetuximab in the first-line treatment of patients with metastatic colorectal cancer (mCRC): the CRYSTAL trial. J Clin Oncol 2007;25(Suppl. 18): abstract 4000. 2. Lièvre A, Bachet JB, Le Corre D et al. KRAS mutation status is predictive of response to cetuximab therapy in colorectal cancer. Cancer Res 2006;66:3992-5. 3. Di Fioré F, Blanchard F, Charbonnier F et al. Clinical relevance of KRAS mutation detection in metastatic colorectal cancer treated by cetuximab plus chemotherapy. Br J Cancer 2007;96:1166-9. 4. Lièvre A, Bachet JB, Boige V et al. KRAS mutations as an independent prognostic factor in patients with advanced colorectal cancer treated with cetuximab. J Clin Oncol 2008;26:374-9. 5. Amado RG, Wolf M, Freeman D et al. Wild-type KRAS is required for panitumumab efficacy in patients with metastatic colorectal cancer: results from a randomized controlled trial. Congrès de l’ECCO 2007. 6. Koopman M, Antonini NF, Douma J et al. Sequential versus combination chemotherapy with capecitabine, irinotecan, and oxaliplatin in advanced colorectal cancer (CAIRO): a phase III randomized controlled trial. Lancet 2007;370:135-42. 7. Bouché O, Castaing M, Etienne PL et al. Randomized strategical trial of chemotherapy in metastatic colorectal cancer (FFCD 2000-05): preliminary results. J Clin Oncol 2007;25(Suppl. 18): abstract 4069. 8. Seymour MT, Maughan TS, Ledermann JA et al. Different strategies of sequential and combination chemotherapy for patients with poor prognosis advanced colorectal cancer (MRC FOCUS): a randomized controlled trial. Lancet 2007; 370:143-52. 9. Nordlinger B, Sorbye H, Glimelius B et al. Perioperative chemotherapy with FOLFOX4 and surgery versus surgery alone for resectable liver metastases from colorectal cancer (EORTC Intergroup trial 40983): a randomized controlled trial. Lancet 2008;371:1007-16. 10. De Gramont A, Boni C, Navarro M et al. Oxaliplatin/5FU/LV in adjuvant colon cancer: updated efficacy results of the MOSAIC trial, including survival, with a median follow-up of six years. J Clin Oncol 2007;25(Suppl. 18): abstract 4007. La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 6 - juin 2008 | 261