Cancers digestifs, rétrospective 2007 C Gastrointestinal cancers, retrospective review

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Cancer digestif
C ancer digestif
Cancers digestifs, rétrospective 2007
Gastrointestinal cancers, retrospective review
●
●
P. Afchain*, C. Tournigand*
▶ Résumé
L’année 2007 a été marquée d’abord par les résultats de l’étude
SHARP permettant de proposer enfin le sorafénib aux patients
atteints de CHC. Les thérapies ciblées restent à l’honneur avec
le bévacizumab, dans le traitement du cancer du pancréas
irrésécable, en association à la gemcitabine, même si le gain en
termes de survie reste insuffisant ; avec l’oxaliplatine, dans les
cancers colorectaux métastatiques, qui permet une augmentation significative de la survie sans progression. L’étude CRYSTAL
confirme le bénéfice sur la survie sans progression des associations irinotécan-cétuximab, et l’étude EPIC donne des résultats
similaires, même si la survie globale n’est pas significativement
différente ; en revanche, le concept des pauses doit s’affiner,
enrichi de l’apport des thérapies ciblées. L’intérêt de la chimiothérapie néo-adjuvante se confirme pour les cancers gastriques
opérables. Le pronostic des GIST s’améliore, mais les études
mettent l’accent sur les nouvelles technologies à développer
pour mieux évaluer les thérapies ciblées.
Mots-clés : Cancer de l’estomac – Cancer de l’œsophage –
Cancer colorectal – Cancer du foie – Cancer du pancréas –
Chimiothérapie.
carcinome hépatocellulaire :
du nouveau… enfin !
Après des années moroses, le carcinome hépatocellulaire (CHC)
s’est vu mis à l’honneur avec les résultats de l’étude SHARP
(Sorafenib HCC Assessment Randomized Protocol) [ASCO 2007,
Llovet J et al., abstract LBA1]. Cette étude multicentrique internationale de phase III a évalué un traitement par sorafénib, une
petite molécule inhibitrice de tyrosine kinase qui cible, entre
autres, les récepteurs VEGFR-1 et -3, à la dose de 400 mg/­m² x 2/­j,
versus placebo dans le traitement des CHC avancés chez des
patients en bon état général (ECOG 0-2) présentant une cirrhose
non décompensée (Child-Pugh A). Plus de 600 patients ont été
inclus. Le traitement était donné jusqu’à progression clinique
ou radiologique. L’essai a été interrompu prématurément en
raison de l’efficacité démontrée du sorafénib, jugée sur la survie
globale (SG). Une augmentation significative de cette dernière
(46,3 semaines versus 34,4 semaines, hazard-ratio [HR] = 0,69 ;
* Service d’oncologie médicale, hôpital Saint-Antoine, Paris.
La Lettre du Cancérologue - Vol. XVII - n° 1-2 - janvier-février 2008
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▶ summary
The year 2007 was remembered initially by the results of
the SHARP study: it is possible to propose sorafenib in CHC.
The targeted therapies remain with the honor finally with
the bevacizumab: in the treatment of advanced pancreas
cancer, with gemcitabine, even if the impact on survival
is insufficient; with oxaliplatin, in metastatic colorectal
cancer which then allows a significant increase in PFS. The
CRYSTAL study shows the benefit on the PFS with irinotecan and cetuximab; the EPIC study gives similar results
even if overall survival is not significantly different; on the
other hand, the concept of the pause must be refined,
enriched by the contribution of the targeted therapies.
Neoadjuvant chemotherapy is for operable gastric cancer.
The prognosis of the GIST improves but it is important
to develop new technologies for a better evaluation of
targeted therapies.
Keywords: Gastric cancer – Œsophageal cancer – Colorectal cancer – Liver cancer – Pancreatic cancer – Chemotherapy.
p = 0,00058) a été observée dans le groupe recevant le sorafénib (figure 1). Cette amélioration de survie n’était pas liée à
l’amélioration du taux de réponse (2,3 % versus 0,4 %), mais à
un meilleur contrôle évolutif, avec un délai jusqu’à progression
passant de 12,3 semaines dans le bras placebo à 24 semaines dans
le bras sorafénib (p = 0,000007). La tolérance du traitement était
satisfaisante et la fréquence des effets indésirables graves était
identique dans les 2 groupes : la diarrhée de grade 3 dans 11 %
des cas (versus 2 % dans le bras placebo), et les réactions cutanées palmoplantaires (8 % versus < 1 %). Il s’agit de la première
étude ayant démontré un effet significatif sur la survie dans
les hépatocarcinomes. C’est incontestablement une avancée
majeure dans le domaine.
Les résultats de l’étude de phase II de S. Louafi (1) portant sur
le GEMOX dans le cadre d’un CHC non résécable (gemcitabine
1 000 mg/­m² à J1 et oxaliplatine 100 mg/m² à J2 [GEMOX], administré tous les 14 jours jusqu’à progression ou toxicité limitante)
avec cirrhose compensée de score Child-Pugh < 9 ont été publiés.
Vingt-neuf patients sur 33 sont évaluables pour l’efficacité et la
tolérance. Aucun décès toxique n’a été observé. Quarante-huit
33
28/02/08 14:24:42
Survie globale
Survie sans progression
Sorafénib
Médiane : 46,3 semaines
(IC95 : 40,9-57,9)
1,00
Sorafénib
Médiane : 24,0 semaines
(IC95 : 18,0-30,0)
1,00
Placebo
Médiane : 34,4 semaines
(IC95 : 29,4-39,4)
Placebo
Médiane : 12,3 semaines
(IC95 : 11,7-17,1)
0,75
Probabilité
0,75
Probabilité
Cancer digestif
C ancer digestif
0,50
0,25
0,50
0,25
Hazard-ratio (HR) [sor/pla] : 0,69
(IC95 : 0,55-0,87)
p = 0,00058
0
0
8
16
24
32
40
HR (sor/pla) : 0,58
(IC95 : 0,45-0,74)
p = 0,000007
0
48
56
64
72
Semaines
80
0
6
12
18
24
30
36
42
48
54
Semaines
Figure 1. Étude SHARP : sorafénib et hépatocarcinome.
patients ont eu une toxicité de grades 3 et 4, et 82 % ont bénéficié d’un contrôle de la maladie. Les toxicités hématologiques
de grades 3 et 4 étaient les suivantes : thrombopénie (14 %),
anémie (17 %) et neutropénie (27 %), sans neutropénie fébrile ou
accident hémorragique. Cinq réponses objectives (RO) étaient
observées, un patient a pu bénéficier d’une résection secondaire
R0 de sa tumeur.
L’association de capécitabine et d’oxaliplatine a également été
testée en première ligne des CHC avancés, mesurables, irrésécables (2). Le schéma retenu comportait de la capécitabine
1 000 mg/m²/j de J1 à J14 avec de l’oxaliplatine en i.v. à la dose de
130 mg/m². Cinquante-cinq patients ont été traités. Le taux de
contrôle de la maladie (réponses et stabilisations) a été de 72 %,
avec une SG de 9,3 mois et une survie sans progression (SSP)
de 4,1 mois (médianes). Les toxicités de grades 3 et 4 ont été la
­diarrhée (16 %), une élévation des transaminases et/ou de la bilirubine (16 %), la thrombopénie (12 %) et la neurotoxicité (6 %).
Cancers colorectaux
Les résultats de l’étude de l’EORTC sur la chimiothérapie
néo-adjuvante et adjuvante en situation métastatique ont été
présentés en séance plénière à l’ASCO (Nordlinger B et al.,
abstract LBA5). Il s’agit d’une étude montrant une augmentation
de la SSP chez les patients recevant de la chimiothérapie préet postopératoire encadrant un geste d’exérèse de métastases
hépatiques de cancer colorectal.
Les patients inclus pouvaient avoir des métastases synchrones ou
métachrones. L’objectif principal de l’étude était la SSP. Au total,
364 patients ont été randomisés entre six cycles de FOLFOX 4,
34
LK 1-2008-int.indd 34
une chirurgie des métastases, puis six cycles de FOLFOX 4 en
postopératoire, et la chirurgie d’emblée, sans chimiothérapie
postopératoire. Les six cycles préopératoires ont été reçus par
78,2 % des patients. La tolérance a été satisfaisante (8,2 % de
diarrhée de grade 3, 2,3 % de neuropathie de grade 3, 18,1 % de
neutropénie de grades 3 et 4). Le taux de réponse observé a été
de 43,9 % (6,6 % des patients étaient progressifs).
Concernant la chirurgie, 151 sur 159 patients ont eu une résection hépatique dans le bras chimiothérapie préopératoire, et
152 sur 182 patients, dans le bras chirurgie seule. Il y a eu
significativement plus de complications postopératoires chez
les patients ayant reçu le FOLFOX 4 en néo-adjuvant (25,2 %
versus 15,9 %). En postopératoire, 115 patients (63,2 %) ont reçu
de la chimiothérapie (43,9 % ont bénéficié des six cycles prévus).
Avec un suivi médian de 48 mois, la SSP à trois ans chez les
patients éligibles est significativement supérieure dans le bras
chimiothérapie (36,2 % versus 28,1 % ; HR : 0,77 ; IC95 : 0,6-1 ;
p = 0,041). La différence est également significative si l’on ne
considère que les patients ayant eu effectivement une résection
(42,4 % versus 33,2 % ; HR : 0,73 ; p = 0,025).
Ces résultats valident l’intérêt de la chimiothérapie pré- et postopératoire chez les patients dont les métastases hépatiques sont
résécables.
Cancer du côlon : chimiothérapie adjuvante
En situation adjuvante, il faut souligner la confirmation de la
place de l’oxaliplatine et du protocole FOLFOX en adjuvant, avec
les résultats définitifs de MOSAIC (actualisés à 6 ans, comportant les données de SG) qui ont été présentés à l’ASCO 2007. La
publication princeps de l’essai MOSAIC dans le New England
Journal of Medicine (3) avait montré une amélioration de la survie
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Cancers colorectaux métastatiques
sans maladie à 3 ans chez les patients ayant reçu du FOLFOX 4
(78,2 % versus 72,9 % à 3 ans chez les patients de stades II et III).
Cette différence significative est confirmée avec un recul de
5 ans (ASCO 2007, de Gramont A et al., abstract 4007). Chez les
patients de stade II à haut risque, la différence est à la limite de la
significativité (82,1 % versus 74,9 % ; HR : 0,74 ; IC95 : 0,52-1,06).
L’analyse de la SG bénéficie d’un recul de 6 ans. La SG médiane
chez la totalité des malades (stades II et III) est de 78,5 % dans
le bras FOLFOX 4 versus 76 % dans le bras LV5FU2 (HR : 0,85 ;
IC95 : 0,72-1,01, p = 0,057). Pour les stades II, la différence n’est
pas significative (86,8 % versus 86,8 %). En revanche, la différence est significative chez les patients de stade III, en faveur
du FOLFOX 4 : 73 % versus 68,3 % (HR : 0,80 ; IC95 : 0,66-0,98,
p = 0,029). Concernant la toxicité neurologique, l’incidence des
grades 2 et 3 continue à diminuer avec plus de recul : 0,7 % de
grade 3 et 2,8 % de grade 2 avec 6 ans de recul (figure 2).
De même, l’étude du NSABP C-07 parue dans le Journal of
Clinical Oncology (4) a confirmé la place de l’oxaliplatine en
association avec du 5-FU en bolus (FLOX). Cette étude de
phase III avait pour objectif l’impact sur la SSP de l’oxaliplatine chez les patients traités pour un adénocarcinome colique
de stade II ou III. En tout, 2 407 patients ont été randomisés.
La médiane de suivi a été de 42,5 mois. Le hazard-ratio (FLOX
versus FULV) est de 0,8 (IC95 : 0,69-0,93) soit une réduction du
risque de rechute de 20 % en faveur du bras avec oxaliplatine.
Les survies à 3 et 4 ans étaient respectivement de 71,8 % et 67 %
pour le bras FULV, et de 76,1 % et 73,2 % pour le bras FLOX.
Une étude du CALGB 89803 (5) a montré l’absence de supériorité de l’irinotécan en association avec le 5-FU, comparé au
LV5FU en situation adjuvante des adénocarcinomes coliques
de stade III. Cette étude a concerné 1 264 patients randomisés
entre un traitement hebdomadaire par bolus du 5-FU et un
traitement d’association de 5-FU en bolus et irinotécan. Ses
objectifs étaient la SG et la SSP. Il n’y avait aucune différence
pour ces 2 objectifs entre les 2 bras et la toxicité était significativement plus élevée dans le bras avec irinotécan.
Probabilité
0,6
FOLFOX 4
LV5FU2
Événements
FOLFOX 4 243/1 123 (21,6 %)
LV5FU2
279/1 123 (24,8 %)
HR (IC95) : 0,85 (0,72-1,01)
0,2
0
12
24
36
48
p = 0,996
0,1 %
0,8
2,6 %
0,4
Survie globale (stades II et III)
1,00
p = 0,057
0,8
Probabilité
• Bévacizumab
Les résultats actualisés de l’étude de phase III en première ligne
(NO16966) [ASCO 2007, Saltz L et al., abstract 4028] ont été
présentés. L’objectif était d’évaluer le bénéfice en termes de SSP
de l’adjonction de bévacizumab à une bithérapie par XELOX
ou FOLFOX, et la non-infériorité du XELOX par rapport au
FOLFOX 4. L’objectif principal de l’étude a été atteint avec une
non-infériorité du XELOX et une augmentation significative
de la SSP avec XELOX/FOLFOX-bévacizumab par rapport à
XELOX/FOLFOX-placebo. Les données de SG montrent une
tendance non significative en faveur de l’association chimiothérapie-bévacizumab (survie médiane de 21,3 mois) par rapport
au bras chimiothérapie seule (survie médiane de 19,9 mois,
p = 0,07), soit un bénéfice en survie faible de 1,4 mois. On aurait
pu s’attendre à une différence de survie plus importante, compte
tenu des résultats de l’étude de H. Hurwitz et al. (IFL avec ou sans
bévacizumab en première ligne) [6] et de l’étude de B.J. Giantonio et al. (E3200) [7] (FOLFOX 4 avec ou sans bévacizumab
en deuxième ligne). Un arrêt prématuré de la chimiothérapie +
bévacizumab en cas de toxicité (notamment neurologique)
a sans doute contribué à diminuer l’écart de survie entre les
deux groupes.
En avril 2007 a eu lieu la publication finale de l’essai E3200 de
B.J. Giantonio et al. (7). Il s’agit de la comparaison, les uns aux
autres, de FOLFOX 4 seul, FOLFOX 4-bévacizumab et bévacizumab seul, en deuxième ligne. Les résultats avaient déjà été
présentés à l’ASCO. Ils montrent un bénéfice significatif en
Survie globale
1,00
0
Comme l’an dernier, les grandes nouveautés dans la prise en
charge des cancers colorectaux ont été révélées à l’ASCO, sans
avoir encore fait l’objet de publications. Après la validation de
l’utilisation du bévacizumab en situation métastatique, des
précisions ont été apportées quant aux meilleurs modalités de
son utilisation. Par ailleurs, l’autre molécule phare de la classe
des thérapies ciblées était, cette année, le cétuximab.
0,6
p = 0,029
0,4
72
84
96
Mois
0
Stade II 1,00 (0,71-1,42)
Stade III 0,80 (0,66-0,98)
0
12
24
36
4,4 %
FOLFOX 4 stade II
LV5FU2 stade II
FOLFOX 4 stade III
LV5FU2 stade III
HR (IC95)
0,2
60
Cancer digestif
C ancer digestif
48
60
72
84
96
Mois
Figure 2. Essai MOSAIC : actualisation à 6 ans.
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35
28/02/08 14:24:49
FOLFOX 4 + bévacizumab
FOLFOX 4
Bévacizumab
0,8
0,6
0,4
0,2
0
1,00
FOLFOX 4 + bévacizumab
FOLFOX 4
Bévacizumab
0,8
Probabilité
1,00
Probabilité
Cancer digestif
C ancer digestif
0,6
0,4
0,2
0
2
4
6
8
10 12 14 16 18 20 22 24
Survie sans progression (mois)
26
0
0
3
6
9
12
15 18 21 24
Survie globale (mois)
27
30
33
36
Figure 3. Étude E3200 : FOLFOX-bévacizumab en deuxième ligne.
termes de SSP et de SG en faveur du bras FOLFOX 4-bévacizumab (respectivement SSP de 7,3 mois versus 4,7 mois et SG
de 12,9 mois versus 10,8 mois) [figure 3].
Par ailleurs, des données actualisées de l’étude BRITE (cohorte
de 1 953 patients traités par chimiothérapie-bévacizumab en
première ligne) suggèrent l’intérêt de la poursuite du bévacizumab en cas de progression tumorale. Sur les 1 445 patients
ayant progressé, 17 % n’ont pas eu de traitement de deuxième
ligne, 37 % ont reçu une chimiothérapie par bévacizumab et
44 % ont poursuivi le bévacizumab en deuxième ligne. La SG
de chaque groupe a été de 12,6 mois, 19,9 mois et 31,8 mois.
La SG à partir de la progression a été de 3,6 mois, 9,5 mois
et 19,2 mois. Malgré les biais potentiels de telles analyses sur
des données de cohorte, ce sont les premières données qui
suggèrent une augmentation de la SG en poursuivant le bévacizumab au-delà de la première progression. Cela demandera
à être validé en étude prospective (ASCO 2007, Grothey A et
al., abstract 4036).
Plusieurs données sur l’association FOLFIRI et bévacizumab
ont été présentées. Ces données sont importantes, car,
jusqu’à présent, on disposait essentiellement des données de
l’étude de H. Hurwitz et al., qui montraient un avantage en
efficacité en faveur de l’IFL-bévacizumab par rapport à l’IFL
seul (6). Or l’IFL n’est plus considéré comme un traitement
standard compte tenu de sa toxicité. L’étude BICC-C initiale
comparait FOLFIRI à IFL modifié et CAPIRI, sans ou avec
célécoxib (ASCO 2007, Barrueco J et al., abstract 4076). Le
bras CAPIRI a été interrompu en raison d’une toxicité trop
importante. Les résultats montrent un avantage en faveur du
FOLFIRI en termes de SSP (7,8 mois versus 5,9 mois) et de SG
(23,1 mois versus 17,6 mois). La deuxième partie de l’étude a
ajouté du bévacizumab dans chaque bras. Les résultats pour
le bras FOLFIRI-bévacizumab attestent d’une SSP très élevée :
11,2 mois en médiane. L’étude AVIRI est une étude de cohorte
sur 209 patients traités par FOLFIRI et bévacizumab en première
ligne (ASCO 2007, ­Sobrero AF et al., abstract 4068). Là encore,
les données vont dans le même sens : SSP de 11,1 mois, avec
une SG non atteinte.
36
LK 1-2008-int.indd 36
• Cétuximab
L’étude CRYSTAL (ASCO 2007, Van Cutsem E et al.,
abstract 4000) est un essai de phase III du cétuximab dans le traitement des cancers colorectaux métastatiques en première ligne
thérapeutique. Cette étude internationale comparait FOLFIRI
seul à FOLFIRI-cétuximab (400 mg/m2 dose de charge lors de
la première cure puis 250 mg/m2 lors des suivantes, de façon
hebdomadaire et en une heure dans un cas comme dans l’autre).
Les patients traités avaient un cancer colorectal métastatique
avec métastases irrésécables et une tumeur exprimant l’EGFR.
L’objectif principal était la SSP. Mille deux cent dix-sept patients
ont été randomisés, 1 198 patients analysables en intention de
traiter (599 patients dans chaque bras). L’objectif principal a été
atteint avec une médiane de SSP de 8,9 mois dans le bras avec
cétuximab, et de 8 mois dans le bras contrôle FOLFIRI seul
(p = 0,0479 ; HR : 0,851 ; IC95 : 0,726-0,998), soit une réduction
du risque relatif de progression de 15 %. À un an, le taux de SSP
était de 34 % dans le bras avec cétuximab versus 23 % dans le
bras contrôle. Le taux de réponse était aussi significativement
augmenté par le cétuximab, passant de 38,7 % à 46,7 % (p = 0,0038),
et les taux de contrôle de la maladie étaient de 85 %. Il y a eu par
ailleurs significativement plus de patients accédant à une exérèse
complète des métastases dans le bras cétuximab (4,3 % versus
1,5 %, p = 0,0034). Une analyse de la SSP chez les patients ayant
des métastases uniquement hépatiques montre un bénéfice
en faveur de l’association FOLFIRI et cétuximab : 11,4 mois
dans le bras combiné versus 9,2 mois dans le bras FOLFIRI seul
(p = 0,023). En ce qui concerne la toxicité, elle n’était pas majorée
dans le bras cétuximab, en dehors de la toxicité cutanée (18,7 %
de grade 3), et des réactions allergiques (2,3 % de réaction de
grades 3 et 4). La diarrhée de grades 3 et 4 a concerné 26,7 % des
patients dans le bras cétuximab et 10,5 % dans le bras FOLFIRI
seul. Il n’y a pas eu de majoration de la mortalité précoce ou des
décès toxiques (< 1 %) dans le bras cétuximab. Il est intéressant de
noter que la relation entre l’existence d’une réaction cutanée et la
survie est également retrouvée dans cette étude : les médianes de
SSP sont de 5,4 mois, 9,4 mois et 11,3 mois selon que la réaction
cutanée est de grade 0/1, 2 ou 3 (figure 4).
▶▶▶
La Lettre du Cancérologue - Vol. XVII - n° 1-2 - janvier-février 2008
28/02/08 14:24:53
▶▶▶
1,00
Patients concernés (%)
Cancer digestif
C ancer digestif
bras entretien par LV5FU2 (stratégie OPTIMOX 1) et le bras
pause complète (stratégie OPTIMOX 2) en taux de réponse
(61 % et 63 %), ni en termes de SG, mais celle-ci est inférieure
dans le bras pause complète (26 mois dans le bras entretien, et
19 mois dans le bras pause).
L’intérêt de la réintroduction de l’oxaliplatine reste en revanche
d’actualité, avec des taux de réponse de 21 % à 25 % lors de cette
réintroduction du FOLFOX.
Même si les pauses offrent un meilleur confort pour les patients,
le concept reste donc à affiner, et le rôle des thérapies ciblées
doit s’intégrer dans la réflexion (étude DREAM).
Cétuximab + FOLFIRI (n = 599)
FOLFIRI (n = 599)
0,8
p = 0,0479
0,6
8,9 mois
SSP 1 an
23 % versus 34 %
8,0 mois
0,4
Cancers du pancréas
0,2
0
0
2
4
6
8
10
Mois
12
14
16
18
20
Figure 4. Essai CRYSTAL (FOLFIRI-cétuximab).
L’étude EPIC a comparé en deuxième ligne le CPT11 seul ou
associé au cétuximab (ASCO 2007, Eng C et al., abstract 4003).
Les résultats ne relèvent pas de différence en termes de SG,
objectif principal de l’étude. La SSP et le taux de réponse sont en
revanche plus élevés dans le bras combiné (16,4 % versus 4,2 %,
p < 0,0001). Les médianes de SG ne sont pas statistiquement
différentes : 10,71 mois dans le bras combiné versus 9,99 mois
dans le bras CPT11 seul. La diarrhée a été plus fréquente avec
l’association (28,8 % versus 16,2 %). L’analyse de la qualité de vie
montre que l’association cétuximab-CPT11 améliore les scores
sur les symptômes et sur les échelles fonctionnelles (physique,
émotionnel).
Enfin, les données sur la mutation de K-ras et la sensibilité
au cétuximab se précisent, depuis les travaux de A. Lièvre et
al. (8). Trois équipes distinctes ont confirmé que l’existence d’une
mutation de K-ras était associée à un faible taux de réponse au
cétuximab (ASCO 2007, de Rook W et al., abstract 4132 ; Finocchiaro G et al., abstract 4021, Di Fiore F et al., abstract 10502).
C’est une donnée majeure qui aura sans aucun doute un impact
direct sur nos pratiques.
Intérêt des pauses thérapeutiques : essai OPTIMOX 2
Les résultats préliminaires de l’étude OPTIMOX 2 avaient été
présentés l’année dernière. Cette année, les données sont plus
étayées et l’intérêt des pauses thérapeutiques plus mitigé (ASCO
2007, Maindrault-Goebel F et al., abstract 4013). L’essai a randomisé 202 patients entre 6 cycles de FOLFOX 7 modifié suivi d’un
entretien par LV5FU2 simplifié, puis d’une réintroduction du
FOLFOX 7 modifié (bras dit “OPTIMOX 1”), versus la même
stratégie mais sans entretien par LV5FU2 simplifié (stratégie dite
“OPTIMOX 2”). Il n’y a pas de différence significative entre le
38
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Cancers du pancréas non résécables :
quelle chimiothérapie ?
Les espoirs d’amélioration du traitement des cancers du
pancréas localement avancés ou métastatiques avec l’oxaliplatine ou la cisplatine avaient été sérieusement entravés
l’an dernier. Cependant, une méta-analyse portant sur près
de 4 500 patients inclus dans 15 études randomisées comparant gemcitabine + autres molécules versus gemcitabine a été
présentée par V. Heinemann à l’ASCO (ASCO 2007, Heinemann V et al., abstract 4515). Ces résultats indiquent que
l’adjonction d’un sel de platine (HR = 0,85 ; IC95 : 0,76-0,96 ;
p = 0,01) ou d’une fluoropyrimidine orale (HR = 0,9 ; IC95 : 0,810,99 ; p = 0,03) améliore les résultats de la gemcitabine. Mais ce
bénéfice n’est pas maintenu chez les patients dont l’état général
est altéré, ni avec les autres associations à base de gemcitabine
(irinotécan, pémétrexed, etc.).
En dehors des platines, d’autres associations avec la gemcitabine ont été étudiées. Ainsi, l’étude de M.J. Moore (9) a permis
d’élargir l’AMM de l’erlotinib (inhibiteur de tyrosine-kinase
du récepteur à l’EGF) dans la prise en charge du cancer du
pancréas avancé. Cette étude internationale de phase III en
double aveugle avait comme objectif principal la SG. Elle
a réuni 569 patients porteurs d’un adénocarcinome pancréatique localement avancé (23,5 %) ou métastatique (76,5 %).
La randomisation 1/1 associait un traitement par gemcitabine standard soit à un placebo, soit à l’erlotinib à la dose de
100 mg/j (150 mg pour 23 patients canadiens). Les résultats
sont rapportés dans le tableau et dans la figure 5. Le hazardratio permet de définir les sous-groupes de patients ayant le
plus bénéficié de l’erlotinib. Il s’agit en fait des patients métastatiques ou dont l’état général était altéré (au moins OMS 2).
On retrouve toujours la même corrélation entre rash cutané
et survie (survie médiane de 5,3 mois pour un grade 1, et de
10,5 mois pour un grade d’au moins 2). La dose de 150 mg/j
semble en tout cas trop élevée, car elle nécessite dans la moitié
des cas une réduction de dose. Les autres toxicités sont la
diarrhée et les épisodes infectieux ou la mucite, dans le groupe
erlotinib, le plus souvent de grade 1 ou 2 sans altération significative de la qualité de vie sauf pour la diarrhée (p < 0,001). Six
décès en relation avec le traitement par erlotinib versus 0 dans
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28/02/08 14:25:02
le bras placebo ont été rapportés. Enfin, 7 cas de pneumopathie
interstitielle (ILD-like syndrome) furent enregistrés, versus 1
dans le bras placebo.
Tableau. Résultats de l’étude de Moore.
Erlotinib Placebo
Survie globale (mois)
HR
IC95
p
6,24
5,91
0,82
0,69-0,99
0,038
23 %
(18-28)
17 %
(12-21)
-
-
0,023
Survie sans progression
(mois)
3,75
3,55
0,77
0,64-0,92
0,004
Réponses (%)
8,6
8,0
-
-
-
Stabilisation (%)
48,9
41,2
-
-
-
Survie à 1 an (IC95)
100
HR = 0,82
(IC95 : 0,69-0,99)
p = 0,038
Probabilité (%)
80
60
Erlotinib (n = 285)
Médiane : 6,24 mois
Survie à un an : 23 %
40
Placebo (n = 284)
Médiane : 5,91 mois
Survie à un an : 17 %
20
0
0
6
12
18
24
Mois
Figure 5. Cancer du pancréas : gemcitabine + erlotinib, survie
globale.
Même si l’intérêt d’ajouter de l’erlotinib à la gemcitabine peut se
justifier en première ligne en raison de la différence statistique,
le bénéfice en termes de survie reste cependant modeste, et la
bithérapie accroît la toxicité (rash, diarrhée, pneumopathie
interstitielle).
Une autre étude de phase III, publiée dans le Journal of Clinical
Oncology en juin 2007 (10), a révélé la supériorité de l’association gemcitabine-capécitabine sur la gemcitabine seule
chez les patients ayant un adénocarcinome pancréatique
avancé ou métastatique, mais uniquement chez des patients
sélectionnés (ceux dont l’indice de Karnofsky se situait entre
60 et 100 %).
Le schéma d’administration selon les bras était :
 capécitabine 650 mg/m² x 2/j de J1 à J14 et gemcitabine
1 000 mg/m² à J1 et J8 toutes les 3 semaines pour le bras
gemcap ;
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LK 1-2008-int.indd 39
 gemcitabine
1 000 mg/­m² par semaine en 30 mn pendant
7 semaines, puis 1 semaine de repos suivie du même schéma,
mais 3 semaines/4 pour le bras gemcitabine.
Les patients étaient randomisés selon les centres, l’indice de
Karnofsky, l’existence de douleurs, et l’extension de la maladie.
En tout 319 patients ont été randomisés, entre juin 2001 et
juin 2004. L’objectif primaire était la SG. Elle était de 8,4 et
7,2 mois respectivement (p = 0,234). L’analyse de sous-groupes
en fonction de l’indice de performance montrait par contre une
différence significative en termes de SG chez les patients en
bon état général, en faveur du bras gemcap (10,1 mois versus
7,4 mois, p = 0,014). Les toxicités de grades 3 et 4 étaient similaires dans les deux groupes, avec comme principale toxicité
sévère la neutropénie dans l’un et l’autre.
L’essai français ACCORD13 est une étude de phase II randomisée, visant à tester le schéma FOLFIRINOX (5-FU, irinotécan
et oxaliplatine) chez des patients ayant un cancer du pancréas
métastatique (ASCO 2007, Ychou M et al., abstract 4516). Les
résultats sont intéressants, puisque le taux de réponse dans le
bras FOLFIRINOX est de 31,8 % versus 11,4 % pour la gemcitabine seule. Le schéma FOLFIRINOX est en revanche plus
difficile à tolérer : 88 % de neutropénie de grades 3 et 4 (dont
2 % de neutropénies fébriles) versus 37 % avec la gemcitabine,
davantage de vomissements de grades 3 et 4. Au vu de ces résultats, l’étude se poursuit en phase III.
Dans le domaine des thérapies ciblées, deux grands essais ont
tenté d’améliorer les résultats de la gemcitabine dans les cancers
du pancréas en situation avancée (métastatique ou localement
avancé), en première ligne. Un essai comparait gemcitabine
et bévacizumab à gemcitabine seule, et l’autre, gemcitabine et
cétuximab versus gemcitabine seule (ASCO 2007, Kindler HL et
al., abstract 4508 ; Philip PA et al., abstract LBA4509). Malheureusement, ces deux études sont négatives (pas de bénéfice en
termes de survie par rapport à la gemcitabine en monothérapie).
Lors de la discussion, il a été souligné l’intérêt de tester rapidement les molécules en phase II, dans cette pathologie difficile,
afin d’avoir un signal d’activité avant de commencer de larges
essais de phase III trop précocement.
Cancer digestif
C ancer digestif
Cancer du pancréas réséqué :
quel traitement adjuvant ?
La rechute locorégionale ou métastatique survient dans plus
de 75 % des cas après résection, à visée curative, avec une survie
sans récidive (SSR) à 5 ans de 23,4 % selon les données de la
National Cancer Database (11). L’intérêt d’un traitement adjuvant dans ce contexte avait été soulevé par l’essai du European
Study group for PAncreatic Cancer (ESPAC) démontrant qu’une
chimio­thérapie à base de 5-FU pendant 6 mois apportait un
avantage en termes de survie, alors qu’une radiochimiothérapie adjuvante semblait, au contraire, délétère. Cependant,
la place du 5-FU n’ayant jamais été démontrée en situation
métastatique, à la différence de celle de la gemcitabine, aucun
consensus n’avait été retenu. L’étude allemande CONKO OO1,
publiée dans Journal of the American Medical Association (12),
vient apporter, pour la première fois, une solution rationnelle
39
28/02/08 14:25:05
Cancer digestif
C ancer digestif
et manifestement utile en situation adjuvante après résection
à visée curative. Cet essai de phase III, randomisé, a inclus
368 patients opérés à visée curative. Les patients ne devaient
avoir reçu aucun traitement préopératoire. Ils étaient stratifiés
selon 3 critères : T1 versus T2-3, N0 versus N+, R0 versus R1 et
randomisés entre surveillance simple et chimiothérapie adjuvante par gemcitabine 1 000 mg/­m² en 30 mn J1, J8, J15 toutes
les 4 semaines pendant 6 mois. L’objectif principal était une
amélioration de 6 mois de la SSP dans le groupe traité, alors
que les objectifs secondaires étaient la SG, la tolérance et la
qualité de vie. Les toxicités de grades 3 et 4 étaient rares, sans
différence entre les deux groupes. Un bénéfice significatif en
termes de SSP a été retrouvé dans tous les sous-groupes : R0,
R1, T1, T2-3, N0 et N+. La SG médiane est supérieure avec
la gemcitabine, sans que cela soit statistiquement significatif
(22,1 mois versus 20,2 mois, p = 0,06). En revanche, la SSR est
significativement allongée dans le bras gemcitabine (13,4 mois
versus 6,9 mois, p < 0,001).
opérés à visée curative (R0 : 87 % versus 74 %). Les résultats
anatomopathologiques montrent qu’il s’agissait majoritairement de tumeurs classées pT3-T4 (68 % dans le bras chirurgie
et 58 % dans le bras chimiothérapie, la différence n’étant pas
significative). Il n’y a pas de différence non plus dans le statut
ganglionnaire (80 % de N+ dans le bras chirurgie et 67 % dans
le bras chimiothérapie-chirurgie-chimiothérapie). Une analyse
multivariée a été réalisée et retrouve deux facteurs pronostiques indépendants qui sont la présence d’une chimiothérapie
préopératoire et le siège gastrique de la tumeur. Avec cette
seconde étude, le concept de chimiothérapie néo-adjuvante
s’affirme comme nouveau standard (figure 6).
Survie sans progression
1,00
Chirurgie
0,75
Chimiothérapie + chirurgie
0,50
Cancers œsogastriques
Cancers gastriques résécables
1,00
0,75
0,50
0,25 p = 0,0033
HR = 0,65
(IC95 : 0,48-0,89)
0,25
En 2006, la publication de l’étude MAGIC soulignait l’intérêt
0,00
0,00
0-0,5
2
4
6
0-0,5
d’une association ECF (épirubicine, 5-FU et cisplatine) pré- puis
Ans
postopératoire chez les patients atteints d’un adénocarcinome
gastrique, du cardia ou du bas œsophage, par rapport à une
1,00
Survie sans progression
chirurgie seule (13). 1,00
Survie globale
Selon le même concept, l’étude randomisée de phase III,
Chirurgie
Chirurgie
ACCORD 07/FFCD 970,
0,75 présentée à l’ASCO 2007 par V. Boige,
0,75
Chimiothérapie
Chimiothérapie + chirurgie
valide l’intérêt de cette stratégie (ASCO 2007, Boige V
et al., + chirurgie
abstract 4510). Elle confirme aussi la place de l’association du
0,50 sans anthracycline. Deux cent vingt0,50
schéma classique français
quatre patients avec adénocarcinomes du bas œsophage, du
p = 0,0033 ont été randomisés entre un
0,25résécables
0,25 p = 0,021
cardia ou de l’estomac,
HR
=
0,65
HR = 0,69
traitement de chirurgie d’emblée
et une association de chimio(IC95 : 0,48-0,89)
(IC95 : 0,50-0,95)
thérapie première avec
une
bithérapie
5-FU
et
CCDP
(5-FU
0,00
0,00
2
2
0-0,5 100 mg/m
2 J1 ou J2, J1 = J28)
4
0-0,5
2
4
6
800 mg/m J1-J5 et CDDP
pour 6
Ans
Ans
deux à trois cycles suivis d’une chirurgie planifiée 4 à 6 semaines
après puis une reprise de la même association pour 3 à 4 cycles
Figure 6. Cancers de l’estomac : chimiothérapie néo-adjuvante/
postopératoires. L’objectif principal était une augmentation
adjuvante.
de la SG. Dans le bras chimiothérapie, 87 % des patients ont
reçu la chimiothérapie néo-adjuvante, 96 % ont été opérés et
51 % ont eu la chimiothérapie postopératoire (entre 1 et 4 cycles
postopératoires). Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des patients
Cancers de l’œsophage résécables
du bras chirurgie seule ont bien été opérés. Les morbidités et la
Chez les patients atteints d’un cancer de l’œsophage résécable,
mortalité sont similaires dans les 2 bras. L’objectif principal de
une méta-analyse sur l’intérêt de la chimiothérapie néo-adjuvante
l’étude est atteint, puisqu’il existe une amélioration significative
a été réalisée sur la base de données individuelles (ASCO 2007,
de la SG à cinq ans (38 % versus 24 %, HR = 69 ; p = 0,021) en
Thirion PG et al., abstract 4512). Après l’analyse de 1 993 patients,
faveur du bras chimiothérapie. La différence de survie sans
les résultats plaident en faveur de la chimiothérapie préopéramaladie est également statistiquement significative (21 % dans
toire, avec des taux de décès postopératoires semblables sans
le bras chirurgie seule versus 34 % dans le bras chimiothérapieou avec chimiothérapie préopératoire.
chirurgie-chimiothérapie). La chimiothérapie périopératoire
Les résultats de l’essai de la Fédération francophone de chirurgie
permettait également d’améliorer la SSR (SSR à 5 ans : 34 %
digestive (FFCD) comparant une radiochimiothérapie (RTCT)
versus 21 %, HR = 0,65 ; p = 0,003) et la proportion de patients
exclusive à une chirurgie complémentaire dans le traitement
40
LK 1-2008-int.indd 40
p = 0,021
HR = 0,69
(IC95 : 0,50-0,95)
La Lettre du Cancérologue - Vol. XVII - n° 1-2 - janvier-février 2008
28/02/08 14:25:09
2
des cancers de l’œsophage localement avancés (classés en scannographie T3N0 ou N1M0) ont été publiés dans le Journal of
Clinical Oncology (14) [figure 7].
A
CT
RT
B
CT
RT
R
J1
J22
Surveillance avant bilan
J38-J41
J1
J22
Surveillance avant bilan
J38-J41
A : chirurgie J50-J60
B : RTCT
R
J43
J64
J92
A : chirurgie J50-J60
B : RTCT
J43
Cancers gastriques et S1 :
des résultats en adjuvant et en métastatique
J64
J92
Figure 7. Essai FFCD 9102 : radiochimiothérapie exclusive versus
radiochimiothérapie puis chirurgie.
Les protocoles de traitement comportaient pour la radiothérapie
une dose de 46 Gy en fractions conventionnelles, ou 30 Gy en
split course, prérandomisation. La chimiothérapie comportait
deux cycles de 5 jours débutant à J1 et J22 à la dose de 5-FU
de 800 mg/m2 et du cisplatine à la dose de 15 mg/m2. En fin
de traitement, un bilan d’évaluation permettait de classer les
patients en répondeurs et en non répondeurs. Les patients considérés comme répondeurs étaient ensuite randomisés entre le
bras chirurgical (bras A), exérèse programmée entre le 50 et
le 60e jour et le bras poursuite de la RTCT (bras B), qui comportait alors 3 autres cycles à J43, J64 et J92 ; la radiothérapie débutait
à J43 par 20 Gy supplémentaires en fractionnement classique ou
par 15 Gy en split course. Les patients non répondeurs étaient
tous proposés pour une exérèse sans randomisation. L’objectif
principal était la SG avec une hypothèse d’équivalence entre les
deux bras de traitement. Entre 1993 et 2000, 444 patients ont été
inclus, 259 ont été jugés répondeurs (57 %) et donc randomisés
entre chirurgie (n = 129) et poursuite de la RTCT (n = 130). Dans
le bras chirurgie, une exérèse R0 a été réalisée chez 97 % avec
une réponse complète histologique dans 23 % des cas, alors
que 16 patients n’ont finalement pas été opérés et ont reçu une
RTCT complémentaire similaire à celle du bras B (10 refus de
chirurgie). Sur les 259 patients randomisés, avec une médiane
de suivi de 47,4 mois, la médiane de SG a été de 17,7 mois dans
le bras A et de 19,3 mois dans le bras B. À deux ans, les taux
de SG étaient de 34 % et 40 %, respectivement, pour les bras A
et B. Après randomisation, le taux de mortalité à 3 mois était de
9,3 % pour le bras A versus 0,8 % pour le bras B (p = 0,02). Enfin,
la durée du séjour hospitalier était plus longue dans le bras A
La Lettre du Cancérologue - Vol. XVII - n° 1-2 - janvier-février 2008
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(68 jours versus 42, p = 0,02), mais le contrôle local tumoral était
meilleur à 2 ans dans le bras A (66 % versus 57 %). Il y avait par
ailleurs moins souvent besoin de prothèse œsophagienne dans
le bras A (5 % versus 32 %, p < 0,001).
La scintigraphie au FDG a montré son intérêt dans cet objectif
de sélection. L’étude présentée par B.E. Chaterton (ASCO
2007, Chaterton BE et al., abstract 4534) analyse 129 patients
porteurs de néoplasie œsophagienne, avec un bilan standard et
une scintigraphie au FDG. Chez 41 % des patients, des lésions
extra-œsophagiennes supplémentaires ont été détectées, non
repérées sur le bilan standard. Il s’agissait soit d’adénopathies,
soit de métastases à distance, soit même d’une seconde localisation œsophagienne. Vingt et un pour cent des patients ont
ainsi été “restadés” de M0 en M1, et la stratégie a été modifiée
chez 38 %, une attitude palliative étant alors proposée dans 31 %
des cas versus 10 % avant le PET scan.
Cancer digestif
C ancer digestif
Des études de phase III japonaises rapportent les premiers résultats positifs avec le dérivé oral S1. Le S1 est composé de tégafur
(prodrogue convertie en fluoro-uracile), giméracil (inhibiteur
de dihydropyrimidine déshydrogénase, enzyme dégradant le
fluoro-uracile) et d’otéracil (qui inhibe la phosphorylation du
5-fluoro-uracile dans le tractus digestif, réduisant ainsi sa toxicité
gastro-intestinale). La principale étude a été publiée dans le New
England Journal of Medicine (15). Il s’agit d’une comparaison
entre un traitement adjuvant par S1 pendant 12 mois ou pas de
traitement adjuvant, à la suite d’un gastrectomie avec curage
D2 pour une tumeur de stade II ou III. Cinq cent vingt-neuf
patients ont été randomisés. Les résultats de SG sont en faveur
du bras S1 : à 3 ans, 80,1 % des patients sont en vie dans le bras S1
versus 70,1 % dans le bras chirurgie seule, avec un hazard-ratio à
0,68 (0,52-0,87, p = 0,003). Les principaux effets indésirables de
grades 3 et 4 rapportés avec le S1 sont peu spécifiques : anorexie
(6 %), nausées (3,7 %) et diarrhées (3,1 %). Il faut souligner que
cette étude a été réalisée uniquement chez des patients asiatiques, ayant donc subi un geste chirurgical extensif.
Le développement du S1 se poursuit en Asie avec deux études
randomisées à signaler, en première ligne métastatique.
L’essai JCOG 9912 évaluait trois types d’association chez plus
de 700 patients âgés de moins de 75 ans : un bras de 5-FU
continu, un bras associant cisplatine et irinotécan, et un bras
avec S1 (ASCO 2007, Boku N et al., abstract LBA4513). Les
résultats suggèrent, d’une part, une non-infériorité du S1 sur
le 5-FU continu avec une bonne tolérance et, d’autre part, une
efficacité du S1 proche de celle de l’association cisplatine-irinotécan avec une meilleure tolérance. L’autre étude a comparé
une chimiothérapie par S1 seul à une association S1-CDDP
(étude SPIRITS). Les résultats sont en faveur de l’asso­ciation avec
une amélioration de la médiane de survie (13 versus 11 mois,
HR = 0,077 ; p = 0,036), de la médiane de SSP (6 versus 4 mois,
HR = 0,56 ; p < 0,0001) et de la réponse tumorale (54 versus 31 % ;
p = 0,0018) associée à une tolérance acceptable (ASCO 2007,
Narahara H et al., abstract 4514).
41
28/02/08 14:25:13
Cancer digestif
C ancer digestif
Tumeurs Stromales Digestives (GIST)
Après les publications donnant l’AMM au Glivec® puis au
Sutent® dans le traitement des tumeurs stromales digestives
respectivement en première et en seconde intention, deux études
sont parues cette année concernant la stratégie thérapeutique.
L’étude de A. Gronchi et al. (16) et celle de R.P. de Matteo et al.
(17) ont évalué l’intérêt de la chirurgie seconde après traitement
initial par imatinib pour une GIST évoluée ou métastatique. La
première étude monocentrique a consisté à évaluer l’apport
d’un traitement néo-adjuvant par imatinib chez 38 patients. La
durée et la réponse au traitement par imatinib étaient variables
(21 réponses, 8 progressions et 3 maladies localisées). La SSP
était de 96 % à 12 mois, et de 69 % à 24 mois. La survie était
toujours meilleure chez les patients répondeurs. Les patients
résistant à l’imitanib ne tirent pas de bénéfice de la chirurgie.
La seconde étude a concerné 40 patients avec GIST métastatique
d’abord traités médicalement par inhibiteur de tyrosine kinase
et secondairement opérés. Les patients ont été suivis 15 mois
(6-46 mois) en médiane après la chirurgie. Ils ont été évalués
selon leur réponse à l’imatinib : réponse tumorale, résistance
focale (1 seul nodule en progression), résistance multifocale
(plus d’un nodule en progression). Un seul patient a progressé.
Après l’intervention, parmi les 20 patients répondeurs, la SSP à
2 ans était de 61 %, et la SG de 100 %. En revanche, les 13 patients
avec maladie résistante unifocale ont progressé en moyenne à
12 mois après la chirurgie, et leur SG à 2 ans était de 36 %. Les
7 patients en progression multifocale ont récidivé à 3 mois, et
leur SG était de 36 % à 1 an.
Ces deux études renforcent l’attitude de plus en plus communément admise dans d’autres types tumoraux : le traitement
médical peut permettre de sélectionner une population pour
une attitude thérapeutique plus ou moins agressive. La résistance
à l’imatinib doit contre-indiquer le geste chirurgical, et mener
à proposer une inclusion dans d’autres essais thérapeutiques.
En revanche, une bonne réponse à ce traitement doit pouvoir
conduire à un geste chirurgical.
Deux autres études publiées dans le Journal of Clinical Oncology
ont essayé de répondre au problème des critères d’évaluation
spécifique aux GIST. Celle de H. Choi et al. (18) a évalué l’apport du PET scan avec le scanner standard en précisant la taille
(critères RECIST) et la densité des lésions à partir de 172 lésions
chez 40 patients avec GIST métastatique, traités par imatinib
et suivis pendant 2 ans. Une réponse au PET scan correspond
en fait à une réduction de taille de plus de 10 % ou de densité
de plus de 15 % au scanner, et ce avec une sensibilité de 97 % et
une spécificité de 100 %. Les critères RECIST correspondent à
une réponse en PET scan avec une spécificité de 100 %, mais
une sensibilité beaucoup plus basse de 52 %. R.S. Benjamin et
al. (19) ont évalué les critères de H. Choi et al. (définis dans
l’article précédent) par rapport aux critères RECIST classiques
en rapportant la survie de 58 patients avec GIST traités par
imatinib. Les patients répondeurs selon les critères de H. Choi
et al. ont une SSP significativement meilleure comparativement
à celle des patients non répondeurs (p = 0,0002).
■
42
LK 1-2008-int.indd 42
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La Lettre du Cancérologue - Vol. XVII - n° 1-2 - janvier-février 2008
28/02/08 14:25:16
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