L’ ASCO 2010 : actualités en oncologie digestive DOSSIER THÉMATIQUE

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DOSSIER THÉMATIQUE
46e congrès américain
en oncologie clinique
ASCO 2010 : actualités
en oncologie digestive
ASCO 2010 annual meeting: digestive oncology news
A. Zaanan*, J. Taïeb**
L’
ASCO 2010, qui a accueilli plus de
40 000 congressistes venus du monde
entier, a évoqué, organe par organe, les
grands moments de l’oncologie digestive qui sans
doute amélioreront nos pratiques quotidiennes,
notamment dans la prise en charge des cancers de
l’œsophage, du pancréas ou des tumeurs endocrines.
Cancer du côlon adjuvant
100
100
80
80
Survie globale (%)
Survie sans récidive (%)
* Service d’oncologie médicale,
hôpital Saint-Antoine, Paris.
** Service d’hépato-gastroentérologie et d’oncologie digestive, hôpital
européen Georges-Pompidou, Paris.
Après les résultats négatifs du bévacizumab en
association avec le FOLFOX dans le traitement
des cancers coliques de stade II et III présentés
par N. Wolmark à l’ASCO 2009 (1), le NCCTG
(North Central Cancer Treatment Group) a
rapporté les résultats de l’analyse intermédiaire
de l’essai intergroupe nord-américain NO147
évaluant l’efficacité de l’adjonction du cétuximab
60
40
FOLFOX
FOLFOX + cétuximab
20
0
0
6
12
18
Mois
SSR à 3 ans
(IC95) [%]
FOLFOX
(n = 902)
75,8
(72,1-79,6)
FOLFOX + cétuximab
(n = 945)
72,3
(68,5-76,4)
24
HR
(IC95)
1,2
(0,9-1,5)
30
36
60
40
FOLFOX
FOLFOX + cétuximab
20
0
0
6
p
0,22
12
18
Mois
SG à 3 ans
(IC95) [%]
FOLFOX
(n = 902)
87,8
(84,7-90,9)
FOLFOX + cétuximab
(n = 945)
83,9
(80,3-87,6)
24
HR
(IC95)
1,3
(0,9-1,8)
30
36
p
0,13
Figure 1. Survie des patients traités par FOLFOX avec ou sans cétuximab pour un cancer
colique de stade III KRAS sauvage (d’après Alberts SR et al., abstr. 3507).
58 | La Lettre du Cancérologue • Suppl. 4 au vol. XIX - n° 6 - juillet 2010
(400 mg/m² initiaux puis 250 mg/m²/sem.)
à un schéma FOLFOX6 modifié chez plus de
1 800 patients avec un cancer du côlon de stade III
KRAS sauvage (Alberts SR et al., abstr. 3507). Les
résultats de l’analyse intermédiaire programmée
lorsque 50 % des événements attendus seraient
survenus, après un suivi médian de 23 mois,
montrent l’absence d’amélioration de la survie sans
récidive (SSR) à 3 ans (objectif principal non atteint).
Celle-ci est de 75,8 % dans le bras FOLFOX seul et
de 72,3 % dans le bras FOLFOX-cétuximab (NS).
En outre, aucun bénéfice de survie globale (SG) ne
semble se dégager, les taux de SG étant à 3 ans de
87,8 % dans le bras FOLFOX et de 83,9 % dans le
bras FOLFOX-cétuximab (NS) [fi◆gure◆1]. Moins de
patients ont pu recevoir les 12 cycles prévus initialement dans le bras cétuximab (65 % versus 77 % ;
p < 0,001), en raison d’une augmentation significative des toxicités de grades 3-4 (71 % versus 51 % ;
p < 0,001). Les patients de plus de 70 ans semblaient
moins bien tolérer cette association thérapeutique,
mais, même chez ceux de moins de 70 ans, les
analyses ne permettaient pas de dégager un bénéfice
du cétuximab. L’analyse parallèle des patients KRAS
mutés initialement inclus dans l’étude (avant 2008)
montre une tendance non significative à un effet
délétère de l’association FOLFOX-cétuximab dans
cette population (Goldberg RM et al., abstr. 3508).
Ainsi, le cétuximab ne semble pas trouver sa place
aujourd’hui en situation adjuvante, peut-être en
raison des toxicités empêchant la poursuite du
traitement jusqu’à son terme. Les résultats de
l’étude européenne PETACC 8 (Pan-European trials in
Adjuvant Colon Cancer), qui compte 2 564 patients,
sont attendus pour 2012 et porteront sur les patients
sans mutation du gène KRAS de moins de 70 ans ;
l’analyse conjointe des mutations BRAF nous aidera
probablement à mieux comprendre les résultats
présentés cette année.
Résumé
En oncologie digestive, le congrès de l’ASCO 2010 a été marqué par l’essai positif PRODIGE 4/ACCORD 11,
qui a démontré la supériorité du FOLFIRINOX sur la gemcitabine dans le traitement des adénocarcinomes
métastatiques du pancréas. Toutefois, ce nouveau standard thérapeutique, responsable d’une plus grande
toxicité hématologique et digestive, devra être proposé à une population de patients jeunes et en bon état
général. Dans la prise en charge des tumeurs endocrines pancréatiques bien différenciées, un nouveau standard thérapeutique a également vu le jour avec les résultats définitifs d’une étude randomisée montrant un
allongement significatif des survies sans progression et globale avec le sunitinib comparativement au placebo.
En revanche, les études évaluant les thérapies ciblées anti-EGFR par cétuximab en adjuvant dans le cancer
du colon, ou antiangiogénique par bévacizumab dans le cancer métastatique de l’estomac, étaient négatives.
Dans le traitement de première ligne des cancers colorectaux métastatiques KRAS sauvage, l’étude COIN n’a
pas montré d’amélioration significative des survies sans progression ou globale par l’ajout du cétuximab à
une chimiothérapie à base d’oxaliplatine.
Cancer du rectum localisé :
radiothérapie longue ou courte ?
Cancer colorectal métastatique
Traitement d’entretien par bévacizumab
seul ou poursuite de la chimiothérapie
d’induction ?
L’étude randomisée de phase III MACRO a évalué
l’intérêt d’un traitement d’entretien par bévacizumab après traitement d’induction (Tabernero J
et al., abstr. 3501). Au total, 480 patients ont été
randomisés entre 6 cycles de XELOX + bévacizumab
(7,5 mg/kg) toutes les 3 semaines puis poursuite du
même traitement jusqu’à progression ou 6 cycles de
XELOX + bévacizumab puis traitement d’entretien
par bévacizumab seul jusqu’à progression. L’objectif
principal était la non-infériorité en survie sans
progression (SSP). Les résultats de l’étude n’ont pas
montré de différence significative en termes de SSP
(10,4 mois versus 9,7 mois), de SG (23,4 mois versus
21,7 mois) ni de réponse objective (RO) [46 % versus
49 %] (figure◆2). Néanmoins, la non-infériorité
en SSP n’était, stricto sensu, pas formellement
démontrée (HR : 1,11 [IC95 : 0,89-1,37] avec un intervalle de confiance dépassant la limite fixée à 1,32).
Adénocarcinome
métastatique
du pancréas
FOLFIRINOX
Tumeurs endocrines
Sunitinib
Cancer colorectal
Cancer gastrique
KRAS
Cétuximab
Bévacizumab
Highlights
In digestive oncology, the 2010
ASCO Annual Meeting was
marked by the positive study
PRODIGE4/ACCORD11 which
demonstrated the superiority
of FOLFIRINOX compared
to gemcitabin in pancreatic
metastasis adenocarcinoma
treatment. However, this
new standard chemotherapy,
causing a greater hematologic
and digestive toxicity, will be
offered to a population of
young patients in good general
condition. In support of welldifferentiated pancreatic endocrine tumours, a new standard
of care has also emerged with
the final results of a randomized study showing a significant
increase in progression-free
survival and overall survival
with sunitinib compared
with placebo. In contrast,
studies evaluating anti-EGFR
targeted therapy by cetuximab in adjuvant colon cancer
or anti-angiogenic treatment
by bevacizumab in metastatic
gastric adenocarcinoma were
negative. In first-line treatment
of KRAS wild-type metastatic
colorectal cancer, the COIN
study showed no significant
improvement in progressionfree survival or overall survival
by the addition of cetuximab
to oxaliplatin-based chemotherapy.
100
100
75
75
Keywords
50
Pancreatic metastatic
adenocarcinoma
FOLFIRINOX
Endocrine tumours
Sunitinib
Colorectal cancer
Gastric cancer
KRAS
Cetuximab
Survie globale (%)
Survie sans progression (%)
Une étude randomisée de phase III a comparé
radiothérapie (RT) hypofractionnée (5 × 5 Gy)
versus radio-chimiothérapie (RCT) conventionnelle
(50,4 Gy en 28 fractions + 5-FU continu) dans une
population de 326 patients traités pour un adénocarcinome du moyen ou du bas rectum de stade
usT3Nx (Ngan S et al., abstr. 3509). La chirurgie
était réalisée 1 semaine après la RT hypofractionnée ou 4 à 6 semaines après la fin de la RCT
conventionnelle. La grande majorité des malades
(92 %) était évaluée par écho-endoscopie et/ou
IRM préalablement à tout traitement. Après un
suivi médian de 5,9 ans, le taux de rechute locale
à 3 ans (objectif principal de l’étude) était de 7,5 %
dans le bras RT hypofractionnée versus 4,4 % dans
le bras RCT conventionnelle (p = 0,24). Il n’y avait
pas de différence significative entre les deux bras
pour le taux de survie sans rechute métastatique à
5 ans (72 % versus 69 % ; p = 0,85) ou la SG à 5 ans
(74 % versus 70 % ; p = 0,56).
Comme dans l’essai polonais qui a comparé une
RT sur 5 jours à une RCT classique (2), les deux
modalités de traitement semblent à peu près
équivalentes. On pourra juste regretter que les
chiffres communiqués ne rapportent que les
toxicités radio-induites de grades 3-4 et qu’aucune
information n’ait été délivrée concernant le
contrôle sphinctérien. Quoi qu’il en soit, il semble
aujourd’hui tout à fait défendable d’effectuer une
RT 5 × 5 Gy chez les patients fragiles ou nécessitant
une chirurgie rapide.
Mots-clés
50
25
XELOX-bév.
Bév. entretien
0
0
6
12
18
Mois
25
XELOX-bév.
Bév. entretien
0
24
30
36
0
6
12
18 24
Mois
30
36
42
Bév. : bévacizumab.
Médiane (IC95)
XELOX-bév.
10,4 (9,3-11,9)
Bév. entretien
9,7 (8,5-10,6)
HR
1,11 (0,89-1,37)
Médiane (IC95)
XELOX-bév.
23,4 (20,0-26,0)
Bév. entretien
21,7 (18,3-25,1)
HR
1,04 (0,81-1,32)
Figure 2. Survie des
patients traités par
chimiothérapie d’induction suivie soit par
le même traitement
soit par bévacizumab
seul pour un cancer
colorectal métastatique
(d’après Tabernero J
et al., abstr. 3501).
Bevacizumab
La Lettre du Cancérologue • Suppl. 4 au vol. XIX - n° 6 - juillet 2010 |
59
DOSSIER THÉMATIQUE
46e congrès américain
en oncologie clinique
ASCO 2010 : actualités en oncologie digestive
Il nous faudra donc attendre que plus d’événements
aient été observés dans cet essai (environ 70 %
des patients étaient en progression au moment
de l’analyse rapportée à l’ASCO 2010), et que les
résultats des autres études en cours évaluant le
bévacizumab en entretien après chimiothérapie
d’induction (notamment OPTIMOX-3/DREAM,
CAIRO-3, AIO-ML21768) soient disponibles, avant
de pouvoir réellement conclure quant à l’efficacité
du bévacizumab en monothérapie dans le cancer
colorectal métastatique (CCRm).
Résultats de l’étude COIN
L’étude COIN est un essai randomisé à 3 bras
évaluant l’intérêt de l’ajout du cétuximab à une
chimiothérapie (CT) à base d’oxaliplatine (associée
au 5-FU ou à la capécitabine selon le choix de l’investigateur) en première ligne de traitement chez les
patients ayant un CCRm KRAS sauvage. Le statut
KRAS, NRAS et BRAF a été déterminé chez 1 316 des
1 630 patients inclus (81 %) ; 581 (44 %) n’avaient
aucune mutation des trois gènes.
Le second objectif de l’étude était de démontrer
la non-infériorité d’un traitement à base d’oxaliplatine administré en continu ou de manière intermittente dans une stratégie de pause programmée.
Les résultats de cette étude ne montrent aucun
bénéfice en SSP et SG chez les patients KRAS sauvage
ou KRAS/BRAF/NRAS non mutés (triple-négatifs)
traités par cétuximab. Seul le taux de RO était significativement augmenté par l’ajout du cétuximab
chez les patients KRAS sauvage (57 % versus 64 % ;
p = 0,049) [tableau◆I]. Il y avait significativement
plus de toxicités non hématologiques dans le bras
Tableau I. Survie et taux de réponse des patients traités par une
chimiothérapie à base d’oxaliplatine avec ou sans cétuximab
pour un cancer colorectal métastatique KRAS sauvage : résultats de l’étude COIN.
CT
CT + cétuximab
p
SG (mois)
KRAS sauvage
Triple sauvage
17,9
20,1
17,0
19,9
NS
NS
SSP (mois)
KRAS sauvage
Triple sauvage
8,6
8,8
8,6
9,2
NS
NS
RO (%)
KRAS sauvage
57
64
0,04
CT : chimiothérapie à base d’oxaliplatine ; NS : non significatif ; RO :
réponse objective ; SG : survie globale ; SSP : survie sans progression.
60 | La Lettre du Cancérologue • Suppl. 4 au vol. XIX - n° 6 - juillet 2010
traité par cétuximab. Parmi les patients triplenégatifs, une analyse de sous-groupes a montré que
le cétuximab améliorait la SSP chez ceux n’ayant
pas plus d’un site métastatique ou traités par 5-FU
infusionnel (et non par capécitabine).
Les patients ayant reçu une CT de deuxième ligne
étaient significativement moins nombreux dans le
groupe traité par cétuximab (56 % versus 62 % ;
p = 0,015). La dose de capécitabine a dû être réduite
à 850 mg/m² en raison d’une surtoxicité gastrointestinale, celles d’oxaliplatine l’a été de 44 % dans
le bras cétuximab versus de 22 % dans le bras sans
cétuximab. Cette étude suggère que les biothérapies
ne sont pas optimales lorsqu’elles sont associées
à un schéma à base d’oxaliplatine et que la triple
association capécitabine-oxaliplatine-cétuximab
entraîne d’importantes toxicités.
Par ailleurs, il n’existe pas de différence significative en termes de SG entre les schémas thérapeutiques continu versus intermittent (15,6 versus
14,3 mois ; p = NS). Le traitement intermittent
permet une meilleure qualité de vie sans effet
délétère évident sur la survie. L’identification
ultérieure de facteurs pronostiques permettrait
de sélectionner les patients pouvant profiter de
cette stratégie. Néanmoins, on peut regretter, dans
cette large étude anglaise pragmatique, les chiffres
observés de SG, qui sont particulièrement courts et
qui nous laissent perplexes, la SG des CCRm étant
habituellement supérieure à 20 mois dans les études
récentes.
Place du sunitinib
Une étude de phase II randomisée (Hecht JR et
al., abstr. 3532) a évalué, en première ligne de
traitement, une CT par FOLFOX6m + sunitinib
(bras S) versus FOLFOX6m + bévacizumab (bras B)
chez 191 patients présentant un CCRm. L’efficacité
était relativement similaire, les taux de contrôle de
la maladie étant de 84 % dans le bras S et de 89 %
dans le bras B ; les médianes de SSP étaient respectivement de 9,1 mois et de 11,2 mois. En revanche, les
toxicités hématologiques observées dans le bras S
ont nécessité une réduction de dose chez 36 % des
patients, versus 10 % seulement dans le bras B. Le
sunitinib était pourtant déjà prescrit à une dose non
maximale de 37,5 mg/j. Cette étude ne laissant pas
présager d’apport significatif du sunitinib en termes
d’efficacité ou de tolérance dans le traitement en
première ligne du CCRm, son développement dans
cette indication a été arrêté.
DOSSIER THÉMATIQUE
46e congrès américain
en oncologie clinique
ASCO 2010 : actualités en oncologie digestive
Double biothérapie
Deux études de phase II ont évalué une association
de deux thérapies ciblées sans CT associée chez des
patients atteints de CCRm réfractaires au 5-FU, à
l’irinotécan et à l’oxaliplatine.
La première proposait un double ciblage anti-EGFR
par une combinaison erlotinib 100 mg/j + cétuximab
hebdomadaire chez 50 patients non exposés
antérieurement aux anti-EGFR (Weickhardt AJ et
al., abstr. 3533). Parmi les 31 patients KRAS et BRAF
sauvages, le taux de RO observé était de 52 %, ce
qui est particulièrement élevé dans cette population
lourdement prétraitée. Les médianes de SG et de SSP
étaient respectivement de 5,6 mois et de 14 mois.
Les toxicités étaient plus fréquentes et sévères que
celles observées lors d’un traitement par un seul de
ces anti-EGFR : la toxicité cutanée de grade 3-4 était
de 44 %, l’asthénie de grade 3-4 de 11 % et l’hypomagnésémie sévère de 16 %. Ces résultats suggèrent
que le double ciblage de la voie EGFR pourrait être
synergique, mais ils doivent être confirmés par des
études comparatives.
La seconde étude évaluait une association
béva­c izumab (10 mg/kg/2 sem.) et évérolimus
(10 mg/j) chez 50 patients, dont 47 avaient déjà
été exposés au bévacizumab (Altomare I et al.,
abstr. 3535). Aucune RO n’a été rapportée par les
auteurs, mais un contrôle de la maladie de plus de
2 mois (6 mois en moyenne) a été observé chez 46 %
des patients. Les médianes de SSP et de SG étaient
respectivement de 2,3 mois et de 7,9 mois. Le spectre
des toxicités sévères rapportées était dominé par
l’hypertension artérielle, l’hypokaliémie, l’hyperlipidémie ainsi que par des toxicités digestives (buccales
et rectales). Des études de plus grande envergure
actuellement en cours dans d’autres localisations
tumorales (rein) devraient nous renseigner davantage
sur la tolérance du traitement et la gestion de ces
toxicités. En association avec le bévacizumab, l’évérolimus semble lever la résistance acquise antérieurement chez les patients exposés au bévacizumab.
Place de la radio-chimiothérapie
préopératoire dans le cancer
de l’œsophage opérable :
deux études de phase III
aux résultats divergents
Un essai randomisé néerlandais a comparé un
traitement préopératoire par RCT (paclitaxel-
62 | La Lettre du Cancérologue • Suppl. 4 au vol. XIX - n° 6 - juillet 2010
carboplatine + RT 41,4 Gy) à la chirurgie seule
chez 363 patients présentant un cancer de l’œsophage ou de la jonction œsogastrique T2-3/N0-1/
M0 (Van Der Gaast A et al., abstr. 4004). Le taux
de résection R0 était de 92,3 % dans le bras RCT
préopératoire versus 64,9 % dans le bras chirurgie
seule. La médiane de SG des patients traités par
une RCT préopératoire était significativement
augmentée par rapport à celle des patients opérés
directement (49 mois versus 26 mois ; HR : 0,67 ;
p = 0,011). Le taux de mortalité hospitalière n’était
pas différent dans les 2 bras (3,8 % versus 3,7 %).
Un essai randomisé français a également comparé
un traitement préopératoire par RCT, mais avec une
CT différente (5-FU/cisplatine + radiothérapie 45 Gy)
à la chirurgie seule chez 195 patients présentant un
cancer de l’œsophage de stade I ou II (Mariette C
et al., abstr. 4005). Cette étude a mis en évidence
une augmentation de la mortalité postopératoire à
30 jours (7,1 % versus 1,1 % ; p = 0,054) dans le bras
RCT préopératoire sans bénéfice de survie (31,8 mois
versus 44,5 mois ; HR : 0,92 ; p = 0,68).
Ces résultats en apparence discordants doivent être
interprétés avec précaution en raison de la différence
du stade tumoral des patients inclus dans ces deux
études, les tumeurs étant dans l’ensemble moins
évoluées dans l’étude française. On peut retenir
que la chirurgie pour les malades opérables de
stades I et II peut demeurer un standard de première
intention alors que pour les patients opérables de
stade III un traitement par RCT néo-adjuvante peut
s’imposer.
Place du bévacizumab dans
le cancer avancé de l’estomac :
résultats de l’étude AVAGAST
L’essai ToGA, présenté à l’ASCO 2009, avait montré
l’intérêt d’ajouter, en première ligne de traitement
des cancers avancés de l’estomac et du cardia, du
trastuzumab à une CT combinant fluoropyrimidine
(orale ou i.v.) et cisplatine (3). Le bénéfice du
trastuzumab n’apparaissait que pour le sous-groupe
de patients (20 % des cas) présentant une surexpression de HER2 (immunohistochimie 3+ ou 2+
avec hybridation in situ positive). L’essai AVAGAST
(Kang YK et al., abstr. 4007) est une étude de phase III
en double aveugle comparant, chez 774 patients
présentant un adénocarcinome de l’estomac ou du
cardia localement avancé (non résécable) ou métastatique, la même CT que dans l’essai ToGA (fluoropy-
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46e congrès américain
en oncologie clinique
Les résultats définitifs de l’étude de phase III en
double aveugle évaluant un traitement par sunitinib
(37,5 mg/j en continu) versus placebo dans le
traitement des tumeurs endocrines pancréatiques
bien différenciées progressives dans les 12 mois
et inaccessibles à un traitement curatif ont été
présentés. L’objectif principal était la SSP. Les
inclusions se sont arrêtées à la suite d’une analyse
intermédiaire programmée qui montrait l’efficacité
du sunitinib dans cette situation (171 patients inclus
sur 340 initialement prévus).
Fluoropyrimidine-cisplatine + placebo
Fluoropyrimidine-cisplatine + bévacizumab
100
HR : 0,80
IC95 : 0,68-0,93
p = 0,0037
80
60
6,7
5,3
40
20
0
0
6
3
12
Mois
9
15
18
HR : 0,87
IC95 : 0,73-1,03
p = 0,1002
80
Survie globale (%)
Survie sans progression (%)
100
60
12,1
10,1
40
20
0
24 0
21
3
6
12
Mois
9
15
18
21
24
Figure 3. Survie des patients traités par fluoropyrimidine-cisplatine avec ou sans bévacizumab : résultats de l’étude AVAGAST (d’après Kang YK et al., abstr. LBA4007).
100
80
60
40
20
0
Sunitinib
Placebo
0
Survie globale (%)
Un nouveau standard
pour les tumeurs endocrines
pancréatiques
bien différenciées : le sunitinib
Le traitement par sunitinib améliorait significativement le taux de RO (0,0 % versus 9,3 % ;
p = 0,006) ainsi que la SSP (5,5 mois versus
11,4 mois ; p = 0,0001). Lors de la présentation des
résultats au congrès, le nombre d’événements pour
l’analyse de la médiane de survie n’avait pas été
atteint (HR : 0,40 ; p = 0,02) [fi◆gure◆4]. L’analyse
complémentaire par sous-groupes confirme que le
traitement est bénéfique dans tous les sous-groupes
de patients (> 65 ans, avec multiples sites métastatiques, prétraités par CT). L’analyse de la qualité de
vie confirme que le bénéfice du sunitinib ne se fait
pas au prix d’une détérioration notable de celle-ci.
L’AMM de ce produit dans cette situation ne devrait
plus tarder.
Survie sans progression (%)
rimidine + cisplatine), associée soit au bévacizumab
(7,5 mg/kg), soit au placebo une cure toutes les
3 semaines. La randomisation était stratifiée selon
le type de fluoropyrimidine (capécitabine dans 94 %
des cas), la région géographique et le stade tumoral.
Le critère de jugement principal était la SG. Les
résultats de cette étude ont montré que l’adjonction
de bévacizumab permet une amélioration significative du taux de RO observé (37 % versus 46 % ;
p = 0,0315) et de la SSP (5,3 mois versus 6,7 mois ;
HR : 0,80 ; p = 0,0037). En revanche, l’amélioration de la SG n’est pas significative (10,1 mois
versus 12,1 mois ; HR : 0,87 ; p = 0,10) [fi◆gure◆3].
Les résultats de SG diffèrent selon l’origine géographique des patients : 6,8 mois versus 11,5 mois pour
les Amériques (HR : 0,63), 8,6 mois versus 11,1 mois
en Europe (HR : 0,85) et 12,1 mois versus 13,9 mois
en Asie/Pacifique (HR : 0,97). Le profil de toxicité
de grades 3-5, imputable au bévacizumab, était
habituel, avec hypertension artérielle (6,2 %) et
perforations digestives (2,3 %), mais notons qu’il y a
eu moins d’événements thromboemboliques artériels
ou veineux et moins de décès à 60 jours comparativement au bras témoin. Il s’agit donc d’une étude
négative en ce qui concerne son critère de jugement
principal mais positive pour ses critères de jugement
secondaires, montrant un profil de tolérance acceptable de l’association fluoropyrimidine-cisplatine
avec le bévacizumab. Les différences marquées de
SG selon la région géographique, notamment dans le
bras CT seule, soulignent une fois encore la difficulté
à interpréter les résultats des études sur le cancer
de l’estomac selon le lieu où elles ont été conduites
et les standards de prise en charge de chaque pays.
20
15
25
Mois
Médiane sunitinib : 11,4 mois (IC95 : 7,4-19,8)
Médiane placebo : 5,5 mois (IC95 : 3,6-7,4)
HR : 0,418 (IC95 : 0,26-0,66)
p = 0,0001
5
10
Sunitinib
100
80
60
40
20
0
Sunitinib
Placebo
0
10
5
15
Mois
Médiane non atteinte
HR : 0,409 (IC95 : 0,18-0,89)
p = 0,02
20
Placebo
p
0,0066
Taux de réponse (%)
9,3
0
Taux de contrôle de la maladie (%)
72,1
60
25
Figure 4. Survie et taux de réponse des patients traités par sunitinib ou placebo pour
une tumeur endocrine bien différenciée du pancréas (d’après Niccoli P et al., abstr. 4000).
La Lettre du Cancérologue • Suppl. 4 au vol. XIX - n° 6 - juillet 2010 |
63
DOSSIER THÉMATIQUE
46e congrès américain
en oncologie clinique
75
HR : 0,47 (IC95 : 0,37-0,76)
p < 0,0001
50
FOLFIRINOX
Médiane : 6,4 mois
25
100
Gemcitabine
Médiane : 3,3 mois
Survie globale (%)
Survie sans progression (%)
100
6
12
Gemcitabine
18
Mois
24
30
HR : 0,57 (IC95 : 0,45-0,73)
p < 0,0001
75
FOLFIRINOX
Médiane : 11,1 mois
50
25
Gemcitabine
Médiane : 6,8 mois
0
0
0
ASCO 2010 : actualités en oncologie digestive
36
FOLFIRINOX
0
6
24 30 36 42
Mois
Gemcitabine
FOLFIRINOX
12
18
48
Figure 5. Survie des patients traités par FOLFIRINOX ou gemcitabine pour un cancer du
pancréas métastatique (d’après Conroy T et al., abstr. 4010).
Cancer métastatique
du pancréas : la gemcitabine
enfin détrônée !
Le scoop de cette édition de l’ASCO était sans
conteste la présentation par T. Conroy des résultats
finaux positifs de l’essai PRODIGE 4/ACCORD 11,
comparant en première ligne de traitement chez des
patients porteurs d’un adénocarcinome pancréatique
métastatique la trithérapie FOLFIRINOX à la gemcitabine, standard incontesté depuis de nombreuses
années (Conroy T et al., abstr. 4010) [4]. L’objectif
principal était l’amélioration de la SG. L’inclusion a
été interrompue à 342 patients au vu des résultats de
l’analyse intermédiaire (âge moyen : 61 ans ; performance status [PS] OMS 0 : 40 %, PS OMS 1 : 60 % ;
bilirubine < 1,5 N). Les résultats montrent une
efficacité indiscutable du traitement expérimental
sur la SSP (6,4 mois versus 3,3 mois ; HR : 0,46 ;
p < 0,0001) et la SG (11,1 mois versus 6,8 mois ;
HR : 0,57 ; p < 0, 0001) et un temps jusqu’à dégradation de la qualité de vie. Les taux de réponse
(31,6 % versus 9,4 % ; p = 0,0001) et de contrôle
de la maladie (70,2 % versus 50,9 % ; p = 0,0001)
étaient eux aussi significativement améliorés dans
le bras FOLFIRINOX◆(fi◆gure◆5).
Ces résultats convaincants se font au prix d’une
augmentation de toxicité attendue, en particulier
hématologique (neutropénie de grades 3-4 : 46 %
versus 19 %) et digestive, nécessitant un suivi
rapproché des patients et des mesures correctives
si nécessaire. L’utilisation de G-CSF(Granulocyte
Colony-Stimulating Factor, facteur de croissance
granulocytaire) a été nécessaire chez 42,5 % des
patients du bras FOLFIRINOX versus 5,3 % des
patients du bras gemcitabine.
Ce nouveau schéma thérapeutique devient ainsi,
13 ans après l’avènement de la gemcitabine, un
nouveau standard thérapeutique en première ligne
de traitement des adénocarcinomes métastatiques
du pancréas. Cependant, ce traitement sera indiqué
pour une population de patients sélectionnés
relativement jeunes, en bon état général, avec une
bilirubinémie inférieure à 1,5 N et sous réserve d’une
bonne gestion, éventuellement prophylactique, de
la toxicité hématologique.
■
Références bibliographiques
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comparing mFOLFOX6 to mFOLFOX6 plus bevacizumab
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2.◆Bujko K, Nowacki MP, Nasierowska-Guttmeyer A,
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to standard chemotherapy in first-line human epidermal
64 | La Lettre du Cancérologue • Suppl. 4 au vol. XIX - n° 6 - juillet 2010
growth factor receptor 2 (HER2) - positive advanced gastric
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in survival and clinical benefit with gemcitabine in firstline therapy fot patients with advanced pancreas cancer: a
randomized trial. J Clin Oncol 1997;15:2403-13.
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