Quoi de neuf à propos du cancer de l`estomac en 2011 ?

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dossier thématique
XXIIIe Journée scientifique
FFCD-PRODIGE
Quoi de neuf à propos
du cancer de l’estomac
en 2011 ?
What’s new for gastric cancer in 2011?
E. Samalin*
S
i l’incidence des cancers de l’estomac est en
diminution, le taux de mortalité par cancer
gastrique reste élevé (1). Les localisations
proximales et celles de la jonction œsogastrique
voient leur fréquence augmenter par rapport aux
localisations distales (2). Le traitement chirurgical
de la tumeur primaire est le seul traitement curatif
de ces cancers. Le taux de survie à 5 ans dépend
du stade pTNM et le principal facteur pronostique
est l’envahissement ganglionnaire (3-5). Dans nos
pays, où le dépistage des stades précoces fait défaut,
seuls 25 à 30 % des patients présentent des maladies
résécables. Malgré l’amélioration des techniques
chirurgicales et les curages ganglionnaires extensifs, le taux de survie à 5 ans, dans cette situation,
ne dépasse pas 48 % (6-8). En situation métastatique ou localement avancée, 6 à 30 % des
patients surexprimant HER2 peuvent bénéficier de
l’association chimiothérapie et trastuzumab (9) ;
pour les autres, plusieurs schémas thérapeutiques
possibles sont validés dans le Thésaurus national
de cancérologie digestive (www.snfge.fr).
Cancers
de l’estomac résécables
* Service d’oncologie digestive, CRLC
Val d’Aurelle, Montpellier.
Le traitement curatif des cancers de l’estomac est
la résection chirurgicale, possible chez environ
30 % des patients. Le traitement de référence des
adénocarcinomes (ADK) de l’estomac opérables est
la chimiothérapie périopératoire, dont l’efficacité,
par rapport à la chirurgie seule, a été démontrée dans
2 études randomisées de phase III, soit avec une
chimiothérapie par épirubicine + 5FU + cisplatine
(ECF) [étude anglaise MAGIC] soit par 5FU + cisplatine (étude française ACCORD02). Le taux de résection de type R0 était significativement supérieur
dans le bras chimiothérapie 79 % versus 70 %
(p = 0,03) pour MAGIC, et 84 % versus 73 % (p = 0,04)
pour ACCORD02. Les taux de survie à 5 ans étaient
respectivement de 36 % versus 23 % (bras chirurgie
seule) [HR = 0,75 ; IC 95 : 0,60-0,93 ; p = 0,009]
et de 38 % versus 24 % (HR = 0,69 ; IC95 : 0,50-0,95 ;
p = 0,0021) dans l’étude ACCORD02 (10, 11).
La chimiothérapie adjuvante par fluoropyrimidine
S1 est un standard au Japon, avec une survie à 5 ans
de 71,7 % dans le bras S1 versus 61,1 % dans le bras
contrôle, soit une réduction relative du risque de
décès de 32 % (HR = 0,669 ; IC95 : 0,54-0,82) [12, 13].
L’étude CLASSIC, présentée en communication
orale à l’ASCO® en 2011, conforte ce standard.
Mille trente-cinq patients opérés d’un cancer
gastrique de stade II ou III avec un curage D2 et
n’ayant pas bénéficié de traitement préopératoire ont été randomisés entre chimiothérapie
postopératoire par XELOX (8 cures) et absence
de traitement. La survie sans récidive à 3 ans
était supérieure chez les patients traités par
XELOX, 74 % versus 60 % (HR = 0,56 ; IC95 : 0,440,72 ; p < 0,0001) [14]. Cette étude renforce
une option thérapeutique du GASTRIC Group
(Global advanced/Adjuvant Stomach Tumor
Research International Collaboration) publiée
récemment sous forme d’une méta-analyse,
à partir des données individuelles de 3 838 patients
de 17 essais, et montrant un bénéfice sur la survie
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Résumé
Alors que l’incidence de l’adénocarcinome (ADK) gastrique diminue, celle de l’ADK de la jonction œsogastrique augmente dans les pays occidentaux. Le traitement chirurgical étant le seul traitement curatif et
le taux de survie à 5 ans dépendant du stade pTNM, la prise en charge thérapeutique est un véritable
challenge pour les oncologues. Plusieurs modalités de traitement, dont la chimiothérapie systémique reste
la principale, ont été évaluées afin de diminuer les récidives et d’augmenter la survie globale. Cet article
fait le point des nouveautés en 2011 dans la prise en charge des ADK œsogastriques.
globale de la chimiothérapie adjuvante à base de
5FU par rapport à la chirurgie seule (taux de survie
globale à 5 ans de 55,3 % versus 49,6 % (HR = 0,82 ;
IC 95 : 0,76-0,90 ; p < 0,001), bénéfice maintenu
à 10 ans avec un taux de 48 % versus 40 % (15).
La chimiothérapie adjuvante à base de 5FU est
considérée comme une option thérapeutique en
France chez les patients avec un ADK de l’estomac
ou de la jonction œsogastrique réséqué n’ayant
pas bénéficié de traitement préopératoire.
La radiochimiothérapie postopératoire par 5FU,
schéma de référence outre-Atlantique, a été récemment évaluée avec le schéma ECF (en perfusion
continue) dans l’étude CALGB80101 présentée en 2011
à l’ASCO®. Cinq cent quarante-six patients ont été
randomisés entre le bras “standard”, de J.S. MacDonald
et al., comportant un schéma de 5FU en continu à
200 mg/m2/j au lieu d’un FUFOL pendant la radiothérapie et un schéma ECF, 1 cure avant et 2 cures
après la radiochimiothérapie concomitante. Si la tolérance du bras ECF était améliorée, moins de toxicité
muqueuse et de décès toxiques étant constatés, la
survie globale n’était pas significativement supérieure,
37,7 mois versus 36,6 mois respectivement (HR = 1,03 ;
p = 0,8). Quarante à 50 % des patients avaient moins
de 15 ganglions à l’analyse anatomopathologique de
la pièce opératoire (16-18).
La radiochimiothérapie postopératoire est considérée
en France comme une alternative thérapeutique pour
les patients opérés d’un ADK œsogastrique à haut
risque de récidive (pT3/T4 et/ou N+) et/ou en cas
de curage ganglionnaire insuffisant avec un schéma
adapté par LV-5FU2.
La chimiothérapie préopératoire par 5FU-cisplatine n’a pas montré de bénéfice dans le sous-groupe
de patients ayant un cancer gastrique à cellules
indépendantes lors de l’analyse rétrospective de
171 patients traités par chimiothérapie comparés
à 753 opérés d’emblée et dont la plupart recevaient
une chimiothérapie postopératoire ; la médiane
de survie globale de ce second groupe de patients
était inférieure : 8,6 mois versus 12,7 mois (19).
Enfin, l’ajout du bévacizumab au schéma ECF dans
le traitement peropératoire des ADK gastriques et de
la jonction œsogastrique ne majore pas la toxicité
par rapport au schéma ECF, et la partie phase III
du groupe MAGIC est en cours (20).
Cancers
de l’estomac métastatiques
Environ 6 à 30 % des ADK de l’estomac surexpriment HER2 (famille des récepteurs de l’EGF et
l’étude de phase III ToGA a montré que l’association
5FU + cisplatine + trastuzumab ou capécitabine +
­cisplatine + trastuzumab augmentait significativement la survie par rapport au schéma de référence
par chimiothérapie seule. Cet effet était démontré
chez les patients dont la tumeur exprimait fortement HER2 en immunohistochimie (IHC 3+)
ou en hybridation in situ (FISH+ et IHC 2+) [9].
Cette efficacité justifie la recherche systématique
d’une surexpression d’HER2 en immunohistochimie
avant de décider d’un traitement de chimiothérapie.
Les modalités de standardisation de l’IHC ont été
clairement publiées (21).
Pour les autres patients, de nouveaux agents cytotoxiques comme l’oxaliplatine, la capécitabine, l’irinotécan et le docétaxel ont fait la preuve de leur
efficacité dans les formes métastatiques, plusieurs
schémas thérapeutiques pouvant être proposés aux
patients. Les données de tolérance et d’efficacité
de l’étude REAL montrent une non-infériorité du
cisplatine par rapport à l’oxaliplatine et du 5FU par
rapport à la capécitabine par rapport au schéma
ECF (22). L’association docétaxel, cisplatine et 5FU
(DCF) a reçu l’autorisation de mise sur le marché
en Europe en première ligne. Cette association
a été comparée en phase III au 5FU + cisplatine
et les résultats en termes de taux de réponse, survie
sans progression et survie globale sont en faveur
du DCF (23). Le FOLFOX a montré dans une étude
de phase III une efficacité équivalente à celle d’un
schéma FU + acide folinique (AF) + cisplatine,
avec un bénéfice significatif dû à de meilleurs taux
de réponse, une meilleure survie sans progression
et un temps jusqu’à échec du traitement accru
chez les sujets de plus de 65 ans (24, 25). L’étude
FFCD 0307 comparant les séquences de première
et deuxième lignes FOLFIRI + ECX et ECX + FOLFIRI
Mots-clés
Cancer de l’estomac
Radiochimiothérapie
Hepatocyte growth
factor
Summary
Despite a decline in the incidence of gastric adenocarcinomas, the incidence of
oesophagogastric junction
adenocarcinoma is rising
rapidly in western countries.
Surgical resection being
the only curative treatment
and the 5-year survival rate
depending on pTNM stage,
treatment approach remains
challenging for oncologists.
Several treatment modalities
including systemic chemotherapy have been evaluated
to prevent recurrences and
improve overall survival. This
article provides an update for
2011 on modalities of treatment for GEA.
Keywords
Gastric cancer
Radiochemotherapy
Hepatocyte growth factor
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DOssIeR ThÉmATIque
XXIIIe Journée scientifique
FFCD-PRODIGe
Quoi de neuf à propos du cancer de l’estomac en 2011 ?
montre que le temps jusqu’à échec du traitement
était supérieur avec le FOLFIRI (26).
L’étude GATE présentée à l’ASCO® 2011 a évalué
l’association de docétaxel (T), oxaliplatine (E)
et 5FU i.v. (F) ou oral (X) dans une étude de phase II
randomisée à 3 bras, TE, TEF et TEX chez 254 patients
en première ligne métastatique ; le temps jusqu’à
progression est en faveur du bras TEF : 7,7 mois versus
5,6 et 4,5 mois pour les bras TEX et TE respectivement.
La survie globale (14,6 mois versus 11,3 et 9 mois)
et le taux de réponse (46 % versus 25 et 23 %)
étaient également favorables, sans majoration de
la toxicité (27).
Concernant les thérapies ciblées, l’étude AVAGAST
évaluant l’intérêt du bévacizumab en association
avec la capécitabine et le cisplatine en première
ligne thérapeutique n’a pas mis en évidence de bénéfice de cette thérapie ciblée sur la survie globale
(12,1 mois versus 10,1 mois ; HR = 0,87 ; IC95 : 0,731,03 ; p = 0,1002), mais un bénéfice significatif en
termes de survie sans progression et de taux de
réponse (6,7 mois versus 5,3 mois ; HR = 0,80,
IC95 : 0,68-0,93, p = 0,0037 ; 46 % versus 37,4 %,
p = 0,0315) respectivement (28). Une étude de
phase II randomisée a évalué l’intérêt d’un anticorps
monoclonal totalement humain, le rilotumumab,
ciblant le HGF (Hepatocyte Growth Factor), ligand
du récepteur c-Met chez 121 patients ayant un ADK
œsogastrique métastatique, naïfs de traitement
selon 2 dosages (7,5 ou 15 mg/kg) versus placebo
J1 = J21 en association avec un schéma ECX. La survie
sans progression (objectif principal) est supérieure
dans le bras rilotumumab (HR = 0,58) avec un effet
plus marqué à 7,5 mg/kg (HR = 0,49). La toxicité est
en revanche majorée avec des thromboses veineuses
et une hématotoxicité. Le sous-groupe de patients
surexprimant c-Met en immunohistochimie avait
des survies médianes supérieures (6,9 mois versus
4,6 mois en survie sans progression [HR = 0,53 ; IC95 :
0,25-1,13] et 11,1 mois versus 5,7 mois [HR = 0,29 ;
IC95 : 0,11-0,76]) [29].
Enfin, le passage en phase III de l’étude REAL3
évaluant l’intérêt du panitumumab en association
avec l’EOX a mis en évidence un taux de réponse
de 52 % en faveur de l’association (30).
Une étude coréenne de phase III, présentée à la
session orale de l’ASCO®, a confirmé l’intérêt de
réaliser une deuxième, voire une troisième ligne
à nos patients atteints de cancer gastrique métastatique après échec d’un traitement de première
ou de deuxième ligne à base de 5FU + cisplatine
avec 193 patients randomisés entre chimiothérapie
et soins de support. La chimiothérapie était soit
irinotécan 150 mg/m2 J1-J15, soit docétaxel 60 mg/m2
J1-J21 au choix de l’investigateur. La survie globale
était améliorée chez les patients ayant reçu de
la chimiothérapie (5,1 mois versus 3,8 mois ;
HR = 0,63 ; IC95 : 0,47-0,86 ; p = 0,004) [31].
Au final, la chimiothérapie périopératoire par 5FU
sels de platine est le traitement de référence en
France des ADK œsogastriques résécables. Un essai
de phase II évaluant l’intérêt du cétuximab en association avec le LV-5FU2 + cisplatine est en cours
(coordonnateur : Ch. Mariette).
En situation métastatique, plusieurs schémas thérapeutiques peuvent être proposés aux patients avec
l’association TFOX (taxotère, FOLFOX) prometteuse
et avec une toxicité acceptable qui devrait être le
prochain bras expérimental de la prochaine étude
intergroupe française. Les anti-EGFR sont en cours
d’évaluation avec l’essai de phase II randomisé MEGA
(PRODIGE 20) qui évalue une chimiothérapie seule
par FOLFOX ou combinée à l’AMG102 ou au panitumumab en première ligne métastatique.
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